Fables de La Fontaine (éd. Barbin)/1/Philomèle et Progné
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XV.
Philomele & Progné.
Utrefois Progné l’hirondelle
De ſa demeure s’écarta ;
Et loin des Villes s’emporta
Dans un Bois où chantoit la pauvre Philomele.
Ma ſœur, luy dit Progné, comment vous portez-vous ?
Voicy tantoſt mille ans que l’on ne vous a vuë :
Je ne me ſouviens point que vous ſoyez venuë
Depuis le temps de Thrace habiter parmi nous.
Dites-moy, que penſez-vous faire ?
Ne quitterez-vous point ce ſejour ſolitaire ?
Ah ! reprit Philomele, en eſt-il de plus doux ?
Progné luy repartit : Et quoy, cette muſique
Pour ne chanter qu’aux animaux,
Tout au plus à quelque ruſtique ?
Le deſert eſt-il fait pour des talens ſi beaux ?
Venez faire aux citez éclater leurs merveilles.
Auſſi-bien en voyant les bois,
Sans ceſſe il vous ſouvient que Terée autrefois
Parmi des demeures pareilles,
Exerça ſa fureur ſur vos divins appas.
Et c’eſt le ſouvenir d’un ſi cruel outrage
Qui fait, reprit ſa ſœur, que je ne vous ſuis pas.
En voyant les hommes, helas !
Il m’en ſouvient bien davantage.