Fables de La Fontaine (éd. 1874)/Le Lion et l’Âne chassant

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XIX

LE LION ET L’ÂNE CHASSANT

Le roi des animaux se mit un jour en tête
De giboyer : il célébrait sa fête.
Le gibier du lion, ce ne sont pas moineaux,
Mais beaux et bons sangliers, daims et cerfs bons et beaux.
Pour réussir dans cette affaire

Il se servit du ministère
De l’âne à la voix de Stentor.
L’âne à messer lion fit office de cor.
Le lion le posta, le couvrit de ramée,
Lui commanda de braire, assuré qu’à ce son
Les moins intimidés fuiraient de leur maison.
Leur troupe n’était pas encore accoutumée
À la tempête de sa voix ;
L’air en retentissait d’un bruit épouvantable :
La frayeur saisissait les hôtes de ces bois ;
Tous fuyaient, tous tombaient au piège inévitable
Où les attendait le lion.
N’ai-je pas bien servi dans cette occasion ?
Dit l’âne en se donnant tout l’honneur de la chasse.
Oui, reprit le lion, c’est bravement crié :
Si je ne connaissais ta personne et ta race,
J’en serais moi-même effrayé.
L’âne, s’il eût osé, se fût mis en colère,
Encor qu’on le raillât avec juste raison ;
Car qui pourrait souffrir un âne fanfaron ?
Ce n’est pas là leur caractère.