VI

LE CERF MALADE

En pays plein de cerfs, un cerf tomba malade.
Incontinent maint camarade
Accourt à son grabat le voir, le secourir,
Le consoler du moins : multitude importune.
Eh ! messieurs, laissez-moi mourir :
Permettez qu’en forme commune
La parque m’expédie ; et finissez vos pleurs.
Point du tout : les consolateurs
De ce triste devoir tout au long s’acquittèrent,
Quand il plut à Dieu s’en allèrent :
Ce ne fut pas sans boire un coup
C’est-à-dire sans prendre un droit de pâturage.
Tout se mit à brouter les bois du voisinage.
La pitance du cerf en déchut de beaucoup.
Il ne trouva plus rien à frire[1] :
D’un mal il tomba dans un pire,
Et se vit réduit à la fin
À jeûner et mourir de faim.

Il en coûte à qui vous réclame,
Médecins du corps et de l’âme !
Ô temps ! ô mœurs ! j’ai beau crier,
Tout le monde se fait payer.

  1. Plus rien à manger.