Fables d’Ésope (trad. Chambry, 1927)/Le Cheval, le Bœuf, le Chien et l’Homme

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Cheval, le Bœuf, le Chien et l’Homme.

Traduction par Émile Chambry.
FablesSociété d’édition « Les Belles Lettres » (p. 62r-63r).
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LE CHEVAL, LE BŒUF, LE CHIEN ET L’HOMME.


Quand Zeus créa l’homme, il ne lui accorda qu’une courte existence. Mais l’homme, tirant parti de son intelligence, quand vint l’hiver, se bâtit une maison et y vécut. Or un jour le froid étant devenu violent et la pluie s’étant mise à tomber, le cheval, ne pouvant y durer, vint en courant chez l’homme et lui demanda de l’abriter. Mais l’homme déclara qu’il ne le ferait qu’à une condition, c’est que le cheval lui donnerait une partie des années qui lui étaient départies. Le cheval en fit l’abandon volontiers. Peu après le bœuf aussi se présenta : lui non plus ne pouvait soutenir le mauvais temps. L’homme répondit de même qu’il ne le recevrait pas, s’il ne lui donnait un certain nombre de ses propres années ; le bœuf en donna une partie et fut admis. Enfin le chien mourant de froid vint aussi, et, en cédant une partie du temps qu’il avait à vivre, il obtint un abri. Voici ce qui en est résulté : quand les hommes accomplissent le temps que leur a donné Zeus, ils sont purs et bons ; quand ils arrivent aux années qu’ils tiennent du cheval, ils sont glorieux et hautains ; quand ils en sont aux années du bœuf, ils s’entendent à commander ; mais quand ils achèvent leur existence, le temps du chien, ils deviennent irascibles et grondeurs.

On pourrait appliquer cette fable à un vieillard colère et morose.