Fables d’Ésope (trad. Chambry, 1927)/La Biche borgne

Pour les autres éditions de ce texte, voir La Biche borgne.

Traduction par Émile Chambry.
FablesSociété d’édition « Les Belles Lettres » (p. 48r-49r).

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LA BICHE BORGNE


Une biche qui avait un œil crevé se rendit sur le rivage de la mer et se mit à y paître, tournant son œil intact vers la terre pour surveiller l’arrivée des chasseurs, et l’œil mutilé vers la mer, d’où elle ne soupçonnait aucun danger. Mais voilà que des gens qui naviguaient le long de cet endroit l’aperçurent, l’ajustèrent et l’abattirent. Tout en rendant l’âme, elle se dit à elle-même : « Vraiment je suis bien malheureuse ; je surveillais la terre que je croyais pleine d’embûches, et la mer, où je comptais trouver un refuge, m’a été beaucoup plus funeste. »

C’est ainsi que souvent notre attente est trompée : les choses qui nous semblaient fâcheuses tournent à notre avantage, et celles que nous tenions pour salutaires se montrent préjudiciables,