Fables d’Ésope (trad. Chambry, 1927)/Diogène en voyage

Pour les autres éditions de ce texte, voir Diogène en voyage.

Traduction par Émile Chambry.
FablesSociété d’édition « Les Belles Lettres » (p. 45r-46r).
98


DIOGÈNE EN VOYAGE


Diogène le Cynique étant en voyage, arriva sur le bord d’une rivière qui coulait à pleins bords, et s’arrêta sur la berge, embarrassé. Un homme qui avait l’habitude de faire passer l’eau, le voyant perplexe, s’approcha, le prit sur ses épaules, et le transporta complaisamment de l’autre côté. Et&#32 ; Diogène était là, se reprochant sa pauvreté, qui l’empêchait de payer de retour son bienfaiteur. Il y songeait encore, lorsque l’homme, apercevant un autre voyageur qui ne pouvait traverser, courut à lui et le passa. Alors Diogène, s’approchant du passeur, lui dit : « Je ne te sais plus gré de ton service ; car je vois que ce n’est point le discernement, mais une manie qui te fait faire ce que tu fais. »

Cette fable montre qu’à obliger les gens de rien aussi bien que les gens de mérite, on s’expose à passer non pour un homme serviable, mais pour un homme sans discernement.