Imprimerie de John Lovell (p. 116-117).

LXIII.

LA FORTUNE ET SYLVAIN.


Louison ma toute belle,
Donne, donne moi ta foi ;
Promets de m’être fidèle
Oncque n’aimerai que toi.
Ainsi parlait à sa blonde,
Tout en lui serrant la main,
Le jeune et bouillant Sylvain,
Dont le cœur était plus plein
Que la bourse n’était ronde.
La Fortune l’entendit
La FortEt rit.
Petit sot, va ! se dit-elle,
Tu trahiras tes serments !
Rien qu’à voir ton escarcelle
Je m’aperçois que tu mens.
La déesse tracassière
Prend aussitôt le maintien
D’une vieille douairière
Riche en laideur comme en bien :
Beau Sylvain ! dit-elle ensuite
À l’amant de Louison,
La beauté s’efface vite
Elle n’a qu’une saison ;
Mais la richesse console
De la perte des appas,

Et si la fraîcheur s’envole
Les écus ne volent pas.
Je t’aime. Es-tu libre encore
De disposer de ton cœur ?
Eh quoi ? ton front se colore
D’une pudique rougeur ;
Crois-tu qu’une châtelaine
Ne peut aimer un vilain ?
Bref, au bout de la semaine
Sylvain était châtelain.

Ce dénouement semble étrange,
Il ne l’est guère pourtant :
En ce monde rien ne change
Plus tôt le cœur que l’argent.