Imprimerie de John Lovell (p. 103-104).

LV.

LE CHAT ET LA SOURIS.


Un jour, dans une souricière,
Fut prise une souris. La pauvrette pleurait,
Lorsqu’un matou s’en vint flairer au trébuchet.
Il aperçoit la prisonnière
Et la couvant des yeux lui dit d’un air doucet,
À travers le grillage : « Eh ! ma jeune commère,
« Que faisons-nous seulette en ces lieux ? pauvre enfant !
« Je ressens, à vous voir, un remords bien sincère
« D’être votre ennemi. Cessons, dès ce moment,
« Tout désaccord. Tenez, ma chère,
« Voulons-nous vivre désormais
« En paix ?…
« Je vous chérirai plus qu’un frère.
« Nous oublîrons tous deux notre haine première
« Pour nous aimer ? Eh bien ? » — De tout mon cœur, répond
« La souris se sentant renaître. »
— « Serait-il vrai ?… quoi ! tout de bon…
« Reprend en larmoyant le traître,
« Vous acceptez ?… Oh, l’heureux jour !…
« Chère amie, excusez mes pleurs, c’est la tendresse
« Qui me les fait verser… Ouvrez… que je vous presse
« Sur mon cœur,… je suis fou d’amour… »
— « Moi, je suis folle d’allégresse…
« Hâtez-vous, cher ami, venez de ce côté
« Lever un peu cette planchette

« Et me rendre à la liberté…. »
Rodilard qui brûlait de croquer la finette
Se hâte imprudemment d’obéir à ses vœux.
D’une patte empressée il soulève la trappe,
Mais la souris, piquant des deux,
Plus prompte qu’un éclair s’échappe,
Et le laisse ébahi, penaud et tout honteux.

De ces fourbes Mitis à double et triple mine,
Lecteur, sachons bien nous garder !
Car tout en ayant l’air de vouloir nous aider,
Ils préparent notre ruine.