Imprimerie de John Lovell (p. 89-90).

XLIX.

LE MÂTIN ET L’ÉPAGNEUL.


« Viens, cher ami Médor, nous irons faire un tour,
« On n’en dîne que mieux lorsqu’on est de retour.
« Ainsi parlait Mouflard, mâtin d’humeur hargneuse,
« Au petit épagneul que j’ai nommé Médor.
« Tu parais hésiter ?… Voyons, viens-tu ?… » — « D’accord,
« Lui répond l’épagneul d’une voix doucereuse.
« Mais où veux-tu flâner, Mouflard, mon bon ami ?… »
— « Au village voisin, c’est à deux pas d’ici,
 « J’y connais plusieurs camarades. »
Voilà nos chiens partis. Ils font mille gambades,
On croirait, à les voir, qu’ils ont perdu l’esprit.
 Bientôt leur course les amène
 Près du village ; ils n’y sont pas encor
 Que déjà monsieur Mouflard mord
Un malheureux barbet, — « Tu me fais de la peine,
 « Lui dit Médor en le flattant.
 « Pourquoi frapper un innocent ?… »
— « Eh ! qu’importe, petit, ce n’est qu’un badinage,
« Répond le grand Mouflard devenu turbulent.
« Nous verrons plus beau jeu là-bas dans le village. »
Les y voilà ; soudain les chiens des villageois
En les apercevant font un affreux vacarme.
Mouflard, en un clin d’œil, vous en étrangle trois.
 Tout le village est aux abois
 Et bientôt on sonne l’alarme.

Mouflard, beau de fureur, le poil droit, l’œil sanglant,
À tous ces chiens unis tient tête bravement,
Mais, aux cris des blessés, chaque habitant arrive,
Qui le bâton ferré, qui la fourche à la main,
On vous assomme le mâtin ;
Médor ayant reçu quelques coups de rotin
Après de grands dangers s’esquive.



Écoutez ce conseil, je le crois excellent.
Si vous êtes d’humeur tranquille et pacifique,
Fuyez, comme un fléau, tout ami pétulant.
Que le sort de Mouflard périssant sous la trique
Et celui de Médor rossé cruellement,
Vous servent d’avertissement.