Fables (Stevens)/40
XL.
LES VOLEURS ET LE COQ.
Dans un certain logis, en l’absence du maître,
Des voleurs une nuit firent irruption.
Mercure les servait ; et nos coquins peut-être
Jamais n’avaient rêvé si belle occasion.
Cependant, ô déception !
Après mainte fouille inutile
Ils ne purent trouver qu’un pauvre coq débile
Qu’ils prirent à défaut de plus riche butin :
« Ça ! mes bons messieurs, je vous prie,
« Leur dit le captif en chemin,
« Vous n’allez pas, j’espère, attenter à la vie
« D’un animal utile à tout le genre humain.
« De mourir je n’ai nulle envie.
« Je suis, vous le savez, ce chantre qui la nuit
« D’une voix perçante et sonore
« Annonce avec éclat le lever de l’aurore.
« Grâce à moi, de Phébus aucun rayon ne luit
« Que déjà les mortels abandonnent leur somme… »
— « Ah ! tu te crois utile à l’homme
« Et tu prétends, chanteur naïf,
« Nous attendrir par ton mérite ?…
« C’est justement pour ce motif
« Qu’on te fera bientôt chanter dans la marmite.
« Tu mourras, maudit coq ! cause de nos malheurs,
« En lui tordant le col répondent les voleurs.
« Nous te donner la vie ?… à d’autres… pauvre hère !
« Va chez Pluton servir de chantre et de portier,
« Tu ne sers qu’à troubler notre noble métier !… »
Ce coq eut mieux fait de se taire.
Car a-t-on vu jamais le méchant généreux ?…
À quoi bon lui parler de vertu, d’innocence…
Il s’en moque. Le mal est sa seule science,
Le reste est un crime à ses yeux.