Imprimerie de John Lovell (p. 54).

XXVIII.

LES DEUX LIVRES.



Avec un Elzévir qui traversant les âges
Avait du temps rongeur ressenti les outrages,
Vivait en très mauvais accord
Un livre neuf tout couvert d’or.
« Que cet affreux bouquin, amas de pourriture
« Exhale un parfum exécré !
« Disait d’un ton hautain le beau livre doré.
« Tu n’es bon qu’à servir aux vers de nourriture ?
« Va-t-en, tu m’empestes ces lieux !… »
— « Modérez, s’il vous plaît, cette grande colère,
« Pourquoi ce langage orgueilleux ?
« Qu’ai-je donc fait pour vous déplaire ?…
« Plus d’un siècle a pesé sur mon front, et vos yeux
« S’ouvrent à peine à la lumière ?…
« Prenez garde !… peut-être un jour vous verra-t-on
« Souillé, dépareillé, perdu sur l’étalage
« D’un brocanteur du voisinage,
« Qui, sans avoir égard à votre ambition,
« Vous fera bien souvent pleurer plus d’une page !…
« Croyez-moi, rabattez votre présomption… »
— « Silence, malheureux !… » — « Souffrez que je raconte… »
— « Te tairas-tu, coquin ! Vraiment tu me fais honte :
« Tu n’es qu’un vil impertinent.
« Va débiter ailleurs ce discours impudent,
« Tu m’infectes, te dis-je, encore un coup, va-t-en !… »