Extrait d’un rapport sur la circonscription de Puget-Théniers

Rapport de
Extrait d’un rapport sur la circonscription de Puget-Théniers
Revue pédagogique, premier semestre 189220 (p. 326-332).

SOUVENIRS D’INSPECTION

D’un rapport qui nous fut remis, au mois de mai dernier, par l’inspecteur de Puget-Théniers, M. Bochot, sur la situation de l’instruction primaire dans sa circonscription, nous extrayons quelques passages qui ne seront peut-être pas sans intérêt pour bien des lecteurs de la Revue. On ne sait pas assez quelles difficultés rencontrent certains inspecteurs dans l’exercice de leurs fonctions, quelles fatigues ils supportent, ni quel bien ils font, modestement et sans bruit, dans ces régions ardues et un peu oubliées.

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Situation particulière de la circonscription. Esprit, caractère des habitants, etc. — La circonscription de Puget-Théniers est très étendue et d’un parcours fort difficile. Elle se compose tout entière d’une région montagneuse dont les pics les plus élevés atteignent 3,000 mètres. Ce massif est coupé par des lignes d’eau auxquelles on ne peut pas donner le nom de vallées. Ce sont, à proprement parler, des gorges très pro fondes, étroites et sans berges : le Var et ses affluents principaux, la Tinée, la Vésubie, l’Estéron.

Des 129 écoles qu’elle comprend, 29 seulement sont situées sur les bords de l’eau ; les 100 autres sont échelonnées sur les premiers, deuxième et troisième plateaux, à des altitudes comprises entre 400 et 1,600 mètres. Le Prat de Saint-Dalmas est même à 1,700 mètres, et Bonsieyas, de la même commune, à 1,890 mètres. Les distances à par courir sont considérables : Bonsieyas est à 119 kilomètres de la résidence de l’inspecteur, et Saint-Martin-Vésubie, point extrême, à 126 kilomètres.

Pour assurer le service dans de pareilles conditions, il faut être habitué à la marche en montagne et pouvoir supporter journellement une grande dépense de forces. L’inspecteur est souvent obligé de prendre une monture et de se faire accompagner, et ses dépenses s’en augmentent d’une manière assez notable.

La population de l’arrondissement vit exclusivement des produits du sol. Elle est pauvre, sobre, peu bruyante, très respectueuse de l’autorité et facilement gouvernable. Autrefois l’olivier apportait l’aisance dans les familles, la vigne donnait d’abondantes récoltes et l’élevage du bétail était une industrie productive. L’avilissement du prix de l’huile et les mauvaises récoltes qui se sont succédé depuis plusieurs années ont déterminé une crise dont on souffre partout dans la montagne. Les cultivateurs sont dans la gêne ; cependant leurs sentiments pour la France n’ont pas changé et ils apprécient tous les avantages qui résultent pour eux de l’annexion.

Nombre des écoles, leur installation matérielle. Fréquentation, etc. — Depuis 1860, il n’a pas été créé moins de 28 écoles et de 17 emplois d’adjoints dans la circonscription : l’État avait ainsi pourvu à tous les besoins du moment. L’effectif d’un certain nombre d’écoles de hameau ayant diminué, on a même pu en supprimer quelques-unes ou les rendre temporaires ; par contre, l’école des garçons de Saint-Martin Vésubie devient chaque année plus nombreuse. Elle ne compte pas moins de 171 inscriptions, et elle n’a que deux classes. Un deuxième adjoint, demandé par le conseil municipal, y serait bien nécessaire…

Il serait absolument nécessaire de pourvoir les écoles les moins accessibles d’un petit mobilier personnel, destiné aux jeunes maîtres qui exercent presque toujours au début de leur carrière. On ne comprendrait dans la liste des objets à acquérir que les meubles les plus indispensables, ceux qu’il est difficile à transporter à dos de mulet[1]. Les mobiliers de quelques-uns de nos jeunes maîtres sont vraiment misérables. Le 12 novembre 1886, je visitais l’école de Doans, hameau de Saint-Étienne, situé dans une région froide, à 1,200 mètres d’altitude. L’instituteur, arrivé depuis quelques jours, n’avait trouvé aucun meuble dans les deux pièces nues mises à sa disposition : ni chaises ni tables, point de cheminée, aucun appareil de chauffage. Il n’avait, pour se couvrir, que quelques peaux de moutons qu’il avait apportées.

La fréquentation des écoles n’est pas moins régulière ici que dans les autres provinces agricoles de la France. Surtout elle n’est pas en décroissance. Les présences effectives ont été, relativement aux présences possibles, de 85 % en 1887-1888, de 86 % en 1888-1889 ; elles sont de 89 % pour l’année 1889-1890. Les absences, même pendant les mois d’hiver, sont dues à la cueillette des olives, qui ne commence qu’en novembre dans certains quartiers. Quant aux enfants que le travail des champs et la garde des troupeaux nous enlève dès le printemps, les familles en ont un tel besoin qu’elles seraient au désespoir si l’on appliquait la loi d’une façon trop rigoureuse. C’est là une des principales raisons de l’inertie des commissions scolaires, qui ne fonctionnent guère que pour dresser la liste d’inscription des enfants d’âge scolaire.

J’ai obtenu cette année que la correspondance interscolaire fût continuée par les élèves qui ont quitté momentanément l’école. Le genre d’exercice dont il s’agit plaît aux enfants ; les parents s’y intéressent. Pendant la belle saison, le lien n’est pas complètement rompu entre le maître et ses élèves, qui ont si rarement l’occasion de manier la langue française pendant leur séjour aux champs. Le palliatif est faible sans doute, pour un mal qui paraît sans remède ; mais je suis persuadé que nos efforts dans ce sens ne seront pas inutiles. Déjà on remarque dans les lettres des enfants un peu moins d’embarras. Je joins à mon rapport la lettre — arrivée aujourd’hui — d’un enfant de la petite école de Sauze (canton de Guillaumes) à son correspondant du Cros (canton d’Utelle). Louis Nicolas, qui a quitté l’école pour la garde des troupeaux, écrit un peu plus correctement que ses condisciples ; cependant il n’a pas encore son certificat d’études[2]. Sa lettre donne une idée de ce que peut être cette correspondance de quinzaine entre enfants de dix à treize ans, qui ne se connaissent pas, vivent dans un milieu étroit et n’ont qu’un petit nombre d’impressions à se communiquer. Des détails sur la famille, la description du village, les travaux des champs, l’état des récoltes, les incidents de la vie à l’école et au dehors, un voyage, une visite, les fêtes locales, les foires, la misère qui règne et dont on souffre, font tous les frais de cette correspondance enfantine, qui est si bien accueillie à son arrivée, et dont on ne voudrait plus être privé. « J’ai pleuré, dit une petite fille de Roquesteron, lorsque j’ai appris que votre lettre n’était pas dans le paquet. » Telle école, qui au début n’envoyait que deux ou trois lettres, en fournit dix, douze et même seize aujourd’hui.

Quelle que soit la région d’ailleurs, la fréquentation de l’école est proportionnelle au zèle du maître et à l’aisance des habitants. L’instruction des enfants préoccupe à bon droit les familles, qu’on ne saurait taxer d’indifférence, et qu’on trouve disposées aux plus lourds sacrifices dès qu’elles sont assurées des résultats, jusqu’à entretenir des maîtres particuliers, lorsque l’école se trouve hors de leur portée.

Organisation pédagogique. — Les procédés d’enseignement s’améliorent lentement dans nos écoles. Les postes de début sont nombreux dans l’arrondissement, et les jeunes instituteurs, même ceux qui sortent de l’école normale, nous arrivent presque toujours mal préparés et peu au courant des bonnes méthodes. Ils se dirigent d’après leurs lointains souvenirs d’école, et les pratiques les moins rationnelles se perpétueraient ainsi de génération en génération, si les discussions et les exercices des conférences ne venaient modifier les opinions les plus fortement accréditées.

Un trop grand nombre de maîtres restent encore attachés à d’anciens errements auxquels il faudrait renoncer : à la copie inintelligente, aux longues récitations de textes appris par cœur (grammaire, histoire, géographie, etc.). D’autres ont trop de confiance dans un enseignement exclusivement oral devant des élèves immobilisés, dont l’esprit n’est pas encore capable d’une attention soutenue. L’usage du tableau noir, tant recommandé, est loin de corriger ce qu’il y a d’anti-pédagogique dans cette manière de faire. Les enfants regardent et ne suivent pas. Je suis d’avis qu’il faut user du tableau, mais qu’il faut y joindre l’emploi de l’ardoise entre les mains de tous les enfants, qui prennent ainsi une part plus directe à la leçon et qui peuvent être mis en demeure à tout instant de prouver qu’ils ont compris. Ce procédé, que je m’efforce d’introduire dans toutes les écoles, plaît aux enfants dont il satisfait le besoin d’agir, et l’on obtient ainsi d’eux une somme d’efforts et de progrès qu’on n’obtiendrait pas autrement. D’autre part, il permet au maître d’intéresser tous les élèves à la fois et de tenir leur attention constamment en éveil ; il lui fournit aussi un moyen rapide de vérification. Partout où il est appliqué avec persévérance, il donne de bons résultats. On remarque bientôt un développement particulier des facultés d’attention et de discernement chez les enfants, et les maîtres, dont le travail est rendu plus efficace, ne l’abandonnent plus. Mais il faut beaucoup de patience et de temps pour gagner tout le personnel à une réforme, même lorsqu’elle est aussi simple et aussi avantageuse. Les meilleures raisons n’y réussiraient jamais, si les faits ne nous venaient en aide.

On constate, en visitant les écoles, de nombreuses lacunes dans l’instruction des enfants des cours moyen et supérieur, et ce sont les notions les plus élémentaires, les plus usuelles, qui sont les plus ignorées. Ce qu’il faut attribuer, disent les maîtres, aux absences trop multipliées. Tel n’est pas mon avis. J’ai essayé de remédier à cet état de choses en organisant partout des leçons communes à plusieurs cours et même à toute la classe, s’il y a lieu, dans lesquelles le maître passerait en revue fréquemment pour chaque matière les notions usuelles qui sont à la portée de toutes les intelligences, et qui ne devraient jamais sortir de la mémoire des enfants. Tantôt, par des récits ou des lectures, le maître éveillerait dans l’âme de ses élèves les sentiments de justice, de commisération, d’amour du prochain, etc. ; tantôt il leur expliquerait le sens des principaux actes de la vie civile. En histoire, il montrerait à toute la classe vingt ou trente des principales figures de chaque époque : chefs ou conducteurs des peuples, bienfaiteurs de l’humanité, initiateurs, inventeurs, écrivains de génie, homme de guerre, etc. En géographie, il n’est pas un petit enfant, même illettré, qui ne soit capable de se familiariser avec les cartes, d’y reconnaître les mers et les continents, de retenir le nom des pays et des peuples, de quelques-unes des productions particulières à chaque région, etc. Très rapidement et sans efforts, le maître enseigne ainsi à ses élèves devant la carte, sans le secours d’aucun livre, tout ce qu’ils peuvent comprendre et retenir, tout ce qu’il leur importe de connaître. Dans une petite école de la montagne, à Pierlas, un enfant de neuf ans, lisant à peine, a su me montrer sur la mappemonde à peu près tous les pays d’où l’on tire le café. A Thiéry, autre localité tout aussi reculée, deux enfants de sept à huit ans connaissaient les principaux bassins houillers de France et savaient qu’on tire de la houille le gaz d’éclairage, etc.

Cette question des leçons communes sur les connaissances usuelles a fait l’objet d’une conférence en 1890. Il sera nécessaire d’y revenir encore : les maîtres ne se laissent pas facilement convaincre, dès qu’il s’agit d’une pratique qui leur est étrangère…

Depuis bientôt cinq ans, grâce au crédit voté par le Conseil général pour achat de livres destinés aux bibliothèques scolaires, j’ai pu doter toutes les écoles de la circonscription de l’Histoire de France en cent tableaux par Lehugeur. L’ouvrage n’est pas irréprochable, mais il est unique en son genre. Il permet de faire participer à la leçon les plus jeunes enfants, qu’un récit ne suffirait pas à intéresser. L’image fait de chaque personnage un être réel, vivant, dont la physionomie, l’attitude, les vêtements, les armes renseignent mieux que la page la mieux écrite. Désormais on n’attendra plus, pour entretenir les élèves de l’histoire de leur pays, qu’ils aient douze ans et soient en état d’apprendre une page entière par cœur. Lors de mon dernier passage à l’école des filles de Roquesteron, dès que le livre des images a été ouvert, tout le monde s’est mis à parler, toutes les petites filles avaient quelque chose à dire. Auparavant nous ne pouvions obtenir d’elles aucune réponse satisfaisante, ni souvent même leur arracher un mot.

La leçon théorique d’écriture fait trop souvent défaut, quand les élèves ont entre les mains des cahiers préparés. Je tiens à ce qu’un exercice d’écriture à main posée figure au cahier tous les jours. Du reste, pour m’assurer que les conseils donnés le jour de l’inspection sont suivis, je me fais communiquer ensuite par la poste un certain nombre des cahiers de l’école.

Les exercices de composition française laissent bien à désirer comme choix et comme préparation. C’est en vue de fournir aux élèves de plus fréquentes occasions d’observer ce qui se passe autour d’eux et de parler de choses réelles, que j’ai mis en relation soixante écoles dont les élèves correspondent entre eux par mon intermédiaire, le 1er et le 3e lundi de chaque mois…

Bibliothèques scolaires. — Nous possédons 89 bibliothèques scolaires, renfermant 8864 volumes. Elles ont fait 6712 prêts en 1890, soit 923 de plus que l’année précédente. Je me suis arrangé de façon à être informé chaque mois du nombre de volumes qui ont été lus dans chaque école. Ce renseignement, que les maîtres sont tenus de me fournir, excite leur émulation et celle des élèves. C’est parmi ces derniers surtout que nous pouvons recruter des lecteurs. Les tentatives de propagande faites auprès des adultes ressemblent trop à une indiscrétion. C’est dans l’esprit de l’écolier qu’il faut éveiller le goût des bonnes lectures. J’engage les maîtres à faire en classe des lectures communes dans un livre spécialement choisi. Les enfants les goûtent beaucoup ; ils se plaisent à écouter des choses si différentes de celles qu’ils trouvent dans le petit livre qu’ils ont entre les mains, et dont l’intérêt est vite épuisé : ils attendent avec impatience la suite remise au lendemain. Quelques-uns d’entre eux veulent faire partager leur plaisir à la famille et nous procurent de nouveaux emprunteurs.

9 écoles avaient reçu en 1889 des ouvrages spécialement destinés à la lecture en commun, 36 autres ont été proposées pour un lot de même nature en 1890 et le recevront prochainement, grâce aux crédits votés par le Conseil général…

Conférences. — Nos conférences, en dehors des directions données aux maîtres assemblés, roulent exclusivement sur deux ordres de questions, l’une théorique et l’autre pratique : un travail écrit, qui est discuté en séance, et une leçon faite à des élèves, qui est ensuite appréciée par tous les membres présents. De 1886 à 1889, les réunions ont eu lieu deux fois l’an dans chaque canton, au printemps et à l’automne. Elles imposaient de réelles fatigues et des sacrifices onéreux, surtout aux institutrices, dont quelques-unes n’avaient pas moins de 25 kilomètres à parcourir en montagne, ce qui représente deux journées d’absence et de pénible marche. C’était trop : la conférence du printemps a seule été maintenue. Mais elle nous est absolument indispensable pour discuter en commun les points les plus intéressants de la pédagogie pratique sur le-quels nous devons nous mettre d’accord. Les résolutions y sont prises à la majorité des voix, et c’est à l’inspecteur ensuite à les faire appliquer. C’est une tâche que l’inertie et la routine lui rendent quelquefois difficile à remplir. Je dois dire cependant que si nous parvenons à réaliser quelques réformes dans nos procédés d’enseignement, c’est aux conférences que nous le devons…

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Ces extraits suffisent pour donner une idée de l’état de l’instruction dans la circonscription de Puget-Théniers, et nous pouvons, sans trop de hardiesse, étendre l’impression qu’ils nous laissent à la plupart des circonscriptions similaires. Ils prouvent que les dépenses consenties par les pouvoirs publics pour la propagation et l’amélioration de l’enseignement primaire dans les régions les plus pauvres et les plus déshéritées ne sont pas sans résultats : ainsi en jugent, du reste, les populations intéressées elles-mêmes, quand elles se comparent sous ce rapport aux populations d’au-delà de la frontière, dont elles ont été détachées ; des constatations semblables pourraient être faites sur les frontières de l’Espagne, où nos écoles françaises ne sont pas moins appréciées. Ils prouvent aussi quelle conscience, quel zèle et quel continuel désir du mieux apportent en général nos inspecteurs primaires dans l’accomplissement de leurs pénibles fonctions, et c’est un témoignage que je suis heureux de leur rendre à la fin de ma carrière, après vingt-deux ans de vie commune avec eux.

I. Carré,
Inspecteur général honoraire de
l’enseignement primaire.

  1. L’administration départementale est saisie de la question et elle se préoccupe de donner satisfaction au désideratum signalé par M. l’inspecteur.
  2. Voici cette lettre, telle que l’enfant l’a écrite :
    « Sauze, le 29 avril 1891.
    » Cher ami,

    » Je m’empresse de répondre à ta [lettre] dans laquelle tu m’invites à venir au festin à la Villette. J’y serais venu avec un grand plaisir pour te voir et connaître un peu ton pays et tous tes camarades mais nous avons aussi dimanche le festin à Daluis, qui n’est pas loin de notre pays et nous irons à celui-là. Dimanche dernier presque tous les habitants de Sauze sont allés en pèlerinage aux Moulins qui est un hameau de la commune de Sauze, situé à une heure de notre village.

    » M. le Curé est allé dire la grand messe à dix heures à la chappelle de Saint-Jean-Baptiste. Il y avait beaucoup de monde, à ce qu’on m’a dit, mais moi je n’y suis pas allé, parce que je suis allé avec mon grand frère voir la procession de Saint-Joseph à Guillaumes. Vous me dites qu’on à commencé la route du Ciaudan à Saint-Jean-la-Rivière, nous autres aussi, on doit finir la route qui va de Sauze à Guillaumes, mais on n’a pas encore travaillé jusqu’à présent et je crois qu’on commencera le mois de Mai. A votre pays, vous dites qu’il y a eu deux décès, quatres naissances et deux mariages. Nous autres ici, cette année, il y a eu un décès, deux naissances deux petits garçons et on avait affiché et publié un mariage, mais il ne se fera pas parce que dimanche on ne l’a pas publié.

    » Moi, il y a déjà quelque temps que je ne vais plus à l’école, mais j’envoie ce que je fais par mon frère et par ce moyen, de temps en temps, je sais de vos nouvelles et je vous fais savoir des miennes.

    » Je vous embrasse du fond de mon cœur,

    » Votre ami,
    » Nicolas Louis. »

    Les idées sont courtes et le sentiment point à peine ; mais il faut songer combien la vie que mènent ces pauvres enfants est étroite et peu mouvementée. Avec le temps et les années, la pratique des hommes et des choses, l’horizon du jeune Nicolas s’élargira, et ce sera bien quelque chose qu’il puisse exprimer, la plume à la main, ce qu’il arrivera à penser, sentir et vouloir. Il y a peut-être de l’injustice à déprécier l’examen du certificat d’études qui constate ce résultat.