Extrême-Orient, 1931 — 1938/1931-5

L. Fournier et Cie (p. 23-25).

LES JAPONAIS EN MONGOLIE INTÉRIEURE


4 Août 1931.


Le 1er janvier 1912, la Mongolie, possession extérieure de la Chine, profitant de la révolution chinoise, se déclara indépendante. En novembre de la même année, elle signait à Ourga, ville principale, avec la Russie, une convention reconnaissant l’autonomie de son territoire septentrional qui, sous le nom de Mongolie extérieure, comprenait plus des deux tiers du pays et s’étendait, en bordure de la Sibérie, au-dessus de la Mongolie dite extérieure. Cette convention était conclue en dehors de la Chine et en violation de ses droits. Celle-ci pourtant s’était résignée à constituer le 23 octobre 1913, d’accord avec le gouvernement russe, une commission mixte chargée de délimiter les frontières de la Mongolie extérieure. Mais la guerre européenne, en détournant l’attention de la Russie, incita Pékin à replacer toute la Mongolie sous la suzeraineté de la Chine par un accord signé à Kiachta, le 7 juin 1915, par les délégués des gouvernements russe, chinois et mongol (un des deux délégués chinois était M. Tcheng-Loh, qui devint par la suite ministre de Chine à Paris). Peu de temps après la signature de cet accord, qui reconnaissait l’autonomie de la Mongolie, la débâcle russe engagea le gouvernement chinois à éliminer même cette indépendance théorique.

Cependant après de nombreuses péripéties, la Mongolie extérieure put proclamer de nouveau en avril 1922, son indépendance ; mais les troupes de Moscou, qui à la faveur des circonstances, étaient entrées à Ourga, s’y maintinrent, et ce n’est qu’en 1924, dans le traité sino-soviétique du 31 mai, que fut de nouveau rétablie la souveraineté absolue de la Chine sur la Mongolie extérieure. L’article V de ce traité stipulait « Le gouvernement de l’Union des républiques socialistes soviétiques reconnaît que la Mongolie extérieure fait partie intégrante du territoire de la République chinoise et déclare qu’il y respectera la souveraineté de la Chine ».

Les droits de la Chine sur la Mongolie intérieure, aussi bien dans ce traité que dans les différentes conventions qui, pendant les douze années écoulées, intervinrent entre les pays intéressés, n’ont jamais été mis en question, pas même mentionnés. Pourtant, malgré la reconnaissance hautement proclamée de la souveraineté de la Chine, la propagande russe n’a cessé de s’exercer pour que la Mongolie intérieure et la Mongolie extérieure soient réunies en une « Grande Mongolie » constituée en république de fait sous l’égide de Moscou.

Mais un obstacle s’oppose de plus en plus aux visées russes sur la Mongolie intérieure.

Dans la fameuse liste des « vingt et une demandes » présentées par le Japon à la Chine le 18 janvier 1915, il était dit : « En Mongolie tous les droits miniers seront réservés au Japon ; aucun chemin de fer ne sera construit sans son consentement. Les Japonais pourront commercer, s’établir et acheter des terrains ». À vrai dire les Japonais n’ont pas tenté, jusqu’à présent, de grandes exploitations en Mongolie. Ce n’est que tout récemment que des capitalistes nippons se sont assuré la possession de vastes domaines, afin d’y faire de l’élevage.

Un commencement de contrariété s’est marqué à ce sujet autant chez les Chinois que chez les Russes, non pas que ces derniers n’aient pas assez de terres chez, eux à peupler et à cultiver, mais le voisinage des Japonais, pour la Mongolie extérieure où leur influence est prépondérante les inquiète. L’inquiétude des Chinois n’est pas moindre. Les uns et les autres connaissent les procédés d’infiltration des Japonais dans un pays. Ce n’est toutefois, quant à présent, de la part de ceux-ci qu’un timide essai, qu’ils justifient par le principe de la « porte ouverte » et des « chances égales pour tous » reconnu par les puissances en Chine et dans les possessions extérieures de la Chine. Mais les relations officielles sino-japonaises sont en général difficiles et coupées d’incidents fâcheux qui auraient tendance à être grossis par une opinion publique de part et d’autre de plus en plus susceptible.

L’attitude de la Chine a du reste passablement changé devant son vainqueur de 1894. Au boycottage dont elle s’est longtemps servie contre lui faute de mieux, quand il le fallait, elle a substitué des mesures plus positives encore. De cet ordre sont : l’abrogation unilatérale du traité de commerce sino-japonais visant l’exterritorialité et le refus d’accepter M. Obata comme ministre du Japon en Chine ; les entreprises de construction de chemins de fer et l’encouragement de l’émigration chinoise en Mandchourie ; construction d’un port également en Mandchourie, à Hou-Lou-Tao, dans le golfe du Tchéli, destiné à concurrencer Dairen, et dont les travaux sont en cours depuis un an ; les difficultés créées par la Chine aux colons coréens en Mandchourie et sa campagne tant officielle qu’officieuse, contre les empiètements ou soi-disant empiètements du Japon.

Tout cela crée une atmosphère évidemment défavorable à des essais de pénétration japonaise en Mongolie intérieure.