Exposition de la doctrine de l’Église catholique orthodoxe/1884/Quatrième Partie/III


Fischbacher / Félix Callewaert père (p. 458-470).


III

LITURGIE DES CATÉCHUMÈNES


VIE TERRESTRE DE JÉSUS-CHRIST


La vie terrestre de Jésus-Christ est divisée en deux périodes : l’une de trente ans, pendant laquelle Jésus-Christ vécut obscur ; l’autre, de trois ans, pendant laquelle il enseigna sa doctrine.

La première période est comme partagée en trois parties, composées de dix ans chacune.

On connaît, de la première, les faits relatifs à la naissance du Sauveur ; de la seconde, son voyage à Jérusalem, pendant lequel il étonna les docteurs ; de la troisième, le baptême qu’il reçut de Jean le Précurseur.

L’Église orthodoxe fait mémoire de ces trois parties de la vie de Jésus-Christ par les trois antiennes de l’Introït ou de la venue du Sauveur dans le monde.

Le diacre récite d’abord une litanie touchante pour implorer la miséricorde de Dieu pour tous les fidèles, afin qu’ils obtiennent les biens spirituels et temporels par l’intercession de la sainte Vierge et des saints ; puis, on chante la première antienne. Le diacre répète les dernières invocations de la litanie, et l’on chante la deuxième antienne ; il répète une seconde fois les dernières invocations de la litanie, et l’on chante la troisième antienne.

Après ces antiennes, le prêtre sort du sanctuaire[1] par la porte du nord et rentre par la porte sainte ; il est précédé du diacre portant le livre de l’Évangile et d’un clerc portant un flambeau. Ce rite figure Jésus-Christ sortant de la vie obscure qu’il avait menée jusqu’alors pour apporter au monde la lumière de l’Évangile.

En entrant dans le sanctuaire, le prêtre convoque les anges et les saints autour du trône, et les clercs invitent les fidèles à s’unir à l’Église du ciel pour chanter l’Alleluia et célébrer la gloire du Tout-Puissant.

Alors tous chantent le Trisagion, pendant lequel le prêtre se place à la partie supérieure du Trône, figure de celui sur lequel Dieu est assis au milieu des chérubins, après avoir récité devant l’autel une prière sublime pour exalter la Sainteté de Dieu et implorer ses bénédictions.

On écoute ensuite Jésus-Christ enseignant dans la lecture de l’Épître faite par un clerc, et dans celle de l’Évangile faite par le diacre.

Pour chacune des lectures, le diacre recommande aux fidèles d’écouter avec attention et recueillement la parole de vérité. Avant et après l’Évangile les fidèles chantent : « Gloire à toi, Seigneur ! gloire à toi ! »

Puis le diacre récite une litanie pour implorer la miséricorde de Dieu sur tous les membres de l’Église. À chaque supplication, les clercs et les fidèles répondent trois fois : « Seigneur, aie pitié ! » Pendant ce temps le prêtre récite la supplication ardente. On dit ensuite la litanie pour les morts, si l’on doit en faire une mention spéciale à la liturgie. Enfin on récite une litanie pour les catéchumènes, et le diacre les avertit ensuite, par trois fois, de sortir de l’église.

Fidèle à ne rien changer, non seulement à la foi, mais aux usages des siècles primitifs, l’Église orthodoxe a conservé les prières pour les catéchumènes et la formule usitée pour les faire sortir de l’Église, quoiqu’il n’y ait plus de catéchumènes dans son sein. C’est un pieux souvenir et une preuve, entre mille, de la salutaire immobilité de la sainte Église en tout ce qui touche aux traditions apostoliques. Si elle n’a plus de catéchumènes, c’est que les fidèles, transmettant à leurs enfants le précieux héritage de la foi, les font baptiser aussitôt après leur naissance. Si elle tolère que d’autres que les fidèles assistent à la liturgie, c’est une preuve de son esprit de douceur qui l’empêche de rechercher ceux qui ne lui appartiennent pas, pour les expulser de l’Église ; mais son intention formelle est toujours la même : c’est-à-dire que ceux-là seulement prennent part à la liturgie qui lui sont unis par le baptême et par une même foi. C’est cette intention qu’elle proclame hautement en enjoignant par trois fois aux catéchumènes de sortir, avant le commencement de la liturgie des fidèles.



L’Église romaine a conservé la liturgie des catéchumènes, mais avec des modifications ; elle la commence par l’Introït ou Entrée ; mais elle n’y récite qu’une antienne[2]. Elle a remplacé les litanies par l’invocation : « Seigneur ; aie pitié ! » répétée six fois ; et celle : « Christ, aie pitié ! » répétée trois fois. Elle a conservé les mots grecs : « Kyrie eleison, Christe eleison » pour ces invocations. Le Trisagion est remplacé par le chant : « Gloria in excelsis Deo », qui en est comme le commentaire. Elle lit ensuite l’Épître et l’Évangile et elle a supprimé tout ce qui se rapporte aux catéchumènes. Elle termine cette partie de la liturgie par le chant du symbole de Nicée qui est le même que dans l’Église orthodoxe, à part l’addition des mots : « Et du Fils (Filioque) », dont nous avons parlé précédemment.



L’ancienne liturgie gallicane[3] était plus conforme à celle de l’Orient ; on peut même dire qu’elle était primitivement la même, car les premiers apôtres de la France vinrent d’Orient et apportèrent avec eux la liturgie de leur pays. Les monuments trop rares qui nous sont restés de cette antique liturgie démontrent son origine orientale. On y disait en particulier le Trisagion au lieu du Gloria in excelsis romain. À dater du neuvième siècle, la liturgie gallicane se romanisa peu à peu. La liturgie ambroisienne de Milan, et celle d’Espagne ou Mozarabique, avaient aussi plus de rapports avec la liturgie orientale qu’avec celle de Rome. Les plus savants liturgiques d’Occident conviennent de ces faits. Du reste, la liturgie romaine elle-même, dans sa première partie dite messe des catéchumènes, est, au fond, la même que celle d’Orient. Seulement, dans l’ensemble des rites et des prières qui accompagnent chacune des parties qui la composent, elle n’a pas conservé le profond et pieux symbolisme de la liturgie de l’Église orthodoxe.



L’Église anglicane, en abrégeant et réformant la liturgie romaine, au seizième siècle, a détruit entièrement ce symbolisme.

Voici l’ordre qu’elle a mis dans la première partie de sa liturgie : l’Oraison dominicale suivie d’une invocation au Saint-Esprit ; la récitation des dix commandements de Dieu, suivie, après chaque commandement, de la supplication : « Seigneur, aie pitié ». Puis, une prière pour le chef de l’État ; les lectures de l’Épître et de l’Évangile, et la récitation du symbole de Nicée avec l’addition romaine.



  1. On appelle sanctuaire ou sacrarium, une partie réservée de l’église où est placé le trône ou autel. Elle est séparée du reste de l’église par une cloison appelée Iconostase à cause des saintes images qui y sont peintes. Cette cloison a trois portes : celle du milieu ou porte sainte ; celle du nord et celle du midi. Sur ces deux portes latérales sont peints des anges pour rappeler qu’elles servent particulièrement au diacre et aux clercs pour accomplir leur ministère, et que ceux-ci représentent auprès de l’autel les anges qui sont auprès du trône de Dieu, prêts à exécuter ses ordres. La porte sainte est principalement destinée au prêtre, et le diacre lui-même n’y peut passer qu’en accomplissant certains rites solennels.
  2. La procession qu’elle a établie avant la messe est probablement un souvenir du rite de l’entrée tel qu’il existe dans l’Église orthodoxe.
  3. Nous l’avons rétablie d’après les plus anciens monuments et nous l’avons fait imprimer avec un catéchisme contenant l’exposé de l’ancienne doctrine gallicane.