Exposition de la doctrine de l’Église catholique orthodoxe/1884/Première Partie/VIII


Fischbacher / Félix Callewaert père (p. 238-250).


VIII

DE LA RÉSURRECTION DES MORTS ET DE LA VIE IMMORTELLE DU MONDE FUTUR


« Et j’attends la résurrection des morts et la vie du monde futur. »


L’homme est composé d’une âme et d’un corps, et c’est l’union de ces deux éléments qui forme la personne humaine. Lorsque l’âme se sépare du corps, ce dernier reste privé, non seulement de l’intelligence, mais de la vie ; car dans l’individu humain, c’est l’âme qui est en même temps le principe de l’une et de l’autre, et les fonctions organiques n’ont lieu que sous l’influence de l’élément spirituel, qui est en même temps le principe de l’intelligence et celui de la vie. De la séparation des deux éléments qui constituent l’homme, résulte la mort. L’âme étant spirituelle, son être n’est pas soumis à la décomposition comme la matière, et elle reste dans sa propre nature après la séparation.

Le corps, au contraire, privé du principe de vie, se corrompt, et les éléments qui le composaient rentrent, selon les lois générales établies par Dieu, dans la grande masse matérielle qui compose le monde visible.

Une de ces lois, connue par la révélation de Dieu, c’est que chaque corps humain, conservera, dans cette masse, des éléments propres à sa reconstitution, et que tous les corps humains, reconstitués, seront de nouveau unis à leurs âmes par un acte de la toute-puissance de Dieu, pour vivre ensemble d’une vie qui n’aura plus de fin.

Cette résurrection des morts arrivera à la fin du monde, c’est-à-dire à une époque dont Dieu seul connaît la date. Alors, tout ce qui compose le monde visible sera détruit, et un nouveau monde sera organisé pour durer sans fin. (2. Épît. de saint Pierre, iii, 7, 13.) Les corps humains, comme le reste du monde, acquerront une nouvelle nature, ils seront comme spiritualisés (1 aux Corinth., xv, 42 et suiv.), ils deviendront incorruptibles et seront exempts, par conséquent, de toutes ces infirmités qui sont, dans la vie actuelle, les suites de la désorganisation successive dont la mort est le résultat final.

Tandis que les corps humains se décomposent, les âmes qui leur ont été unies se trouvent dans un état de vie dont les conditions sont différentes, selon le bien et le mal qu’elles ont fait, pendant leur union avec le corps. Les âmes justes jouissent d’un bonheur qui, sans être parfait, est cependant comme un avant-goût de la félicité dont elles jouiront, avec les corps après la résurrection (Luc., xvi, 22 ; Épît. aux Philipp., i, 23.) Les âmes des pécheurs souffrent des peines plus ou moins graves selon leur degré de culpabilité (ibid.) La miséricorde de Dieu peut adoucir ces peines en faveur de certaines âmes, en vue des mérites de Jésus-Christ ; et les vivants peuvent obtenir, par leurs prières et leurs bonnes œuvres, cet adoucissement aux peines des âmes souffrantes, comme nous l’avons établi ailleurs.

Il en est parmi elles qui sont tellement coupables qu’elles sont irrévocablement condamnées. Elles souffrent maintenant, et elles souffriront éternellement avec leur corps, après la résurrection.

Le malheur de ces âmes et le bonheur des âmes justes ne seront complets qu’après la résurrection des corps et le jugement définitif qui sera prononcé par Jésus-Christ, à la fin du monde (2 à Timoth., iv, 8 ; 2 aux Corinth., v, 10.) C’est alors que le juste Juge distribuera les couronnes de justice et que chacun recevra ce qui sera dû à ses bonnes ou à ses mauvaises actions.

Une vie nouvelle, celle du monde futur, commencera alors pour les justes et pour les pécheurs. Elle sera heureuse pour les premiers, malheureuse pour les autres.

Les justes verront Dieu ; ils brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père, et la langue humaine ne saurait exprimer la félicité qui leur est destinée. (1 aux Corinth., xiii, 12 ; xv, 28 ; 2 aux Corinth., xii, 2, 4 ; S. Math., xiii, 43.) Le corps jouira de tout le bonheur dont sa nature spiritualisée sera susceptible. (1 aux Corinth., xv, 43.) Mais tous les justes ne jouiront pas du bonheur à un degré égal : les uns seront plus heureux, les autres moins. (1 aux Corinth., xv, 41, 42.)

Quant aux damnés, leur état sera déplorable ; le tourment qui leur sera infligé est désigné sous le nom d’enfer ; leurs peines seront plus ou moins sévères, selon le degré de culpabilité ; mais tous seront privés à jamais de la vue de Dieu.




DIFFÉRENCES ENTRE LES ÉGLISES SUR LA RÉSURRECTION DES MORTS ET LA VIE IMMORTELLE DU MONDE FUTUR.


Toutes les Églises chrétiennes sont d’accord, au fond, sur ces deux dogmes, si l’on se reporte à leurs monuments doctrinaux. Cependant, dans plusieurs Églises, on leur porte atteinte d’une manière plus ou moins autorisée et officielle.



Dans l’Église romaine, les uns exagèrent les peines qui seront infligées aux damnés ; les autres, par leur système dit de mitigation, tendent à les affaiblir outre mesure. Un point beaucoup plus grave, c’est que l’autorité ecclésiastique, représentée surtout par le pape, s’attribue le droit de damner, du moins indirectement, tous ceux qui ne se soumettent pas servilement, même contre leur conscience, à ses règlements ou innovations ; elle prétend les damner, soit en les retranchant de l’Église, soit en les frappant de censures graves, soit en les prétendant coupables de péchés mortels. Ces abus sont autant d’atteintes au dogme de la vie future, et tendent à en dénaturer la véritable notion.



L’Église anglicane semble tolérer l’opinion d’après laquelle le mot d’éternité, dont se sert l’Écriture, devrait être entendu d’une manière métaphorique et signifierait une durée indéterminée après laquelle les damnés verraient finir leur condamnation. Les décisions récentes, données en ce sens, contredisent cependant la doctrine professée de tout temps par l’Église anglicane.



Les Églises protestantes paraissent laisser aujourd’hui une grande latitude sur l’interprétation du mot éternité. Toutefois, la doctrine officielle de ces Églises condamne ce relâchement. Elles pèchent plus gravement contre la vérité par leur système de prédestination.

Il est certain que Dieu connaît d’avance ceux qui seront sauvés et ceux qui seront damnés.

Il est également certain que Dieu a pu prédestiner, par un décret formel, les uns à un état supérieur, les autres à un état inférieur, dans l’économie générale de la vie future, comme dans celle de la vie actuelle. Mais on ne peut, sans nier sa justice, professer qu’il en est qui seront récompensés ou punis sans l’avoir mérité.

La prescience de Dieu, par rapport aux élus et aux réprouvés, ne peut donc être considérée comme un décret formel, prédestinant d’avance les uns au bonheur, les autres à la peine, mais comme une vue, au sein de son éternité, de tout ce qui doit avoir lieu dans le temps, en raison des causes générales établies par sa providence, et de l’action libre de l’homme, qui jouit de la liberté dans l’accomplissement de ses actes individuels. Nous aurons occasion d’exposer la doctrine orthodoxe sur ce point dans la deuxième partie du présent ouvrage. Remarquons seulement ici que les protestants n’ont pas interprété exactement la sainte Écriture en appliquant aux récompenses et aux peines futures, d’une manière générale, le décret de prédestination qui n’avait qu’un sens restreint, expliqué par d’autres passages de la parole de Dieu. Ils ont été conduits ainsi à des théories destructives de la justice divine, de la liberté humaine et des vraies notions sur la vie future.