Exposition de la doctrine de l’Église catholique orthodoxe/1884/Première Partie/V


Fischbacher / Félix Callewaert père (p. 88-100).


V

LE SAINT-ESPRIT


« Et au Saint-Esprit, Seigneur et Vivifiant, qui procède du Père ; qui, avec le Père et le Fils, est simultanément adoré et conglorifié, qui a parlé par les Prophètes. »


En attendant le règne définitif de Jésus-Christ, l’humanité lutte et balance entre le bien et le mal. Mais, comme par suite de la concupiscence, l’amour du mal prédomine en elle sur l’amour du bien, l’Esprit de Dieu qui est un en essence avec le Père et le Fils, lui a été envoyé par l’un et l’autre, pour lui porter secours par son influence salutaire. Cette influence est appelée grâce, parce qu’elle est un secours accordé gratuitement à l’humanité, c’est-à-dire, sans qu’il ait été mérité par elle, et uniquement en vue des mérites de Jésus-Christ, dont la nature humaine a mérité par suite de son union hypostatique avec le Verbe. Il suit de là que le Saint-Esprit est le principe vivifiant de l’humanité, puisque c’est lui qui est, par son influence, la source de sa vie régénérée.

Le Saint-Esprit vient, comme le Fils, du Principe unique ou du Père, par un acte éternel que l’on appelle procession. Il ne faut pas confondre avec cet acte ab intra qui a produit le Saint-Esprit et qui est propre au Père, un autre acte ad extra qui est commun au Père et au Fils et qui consiste dans l’envoi du Saint-Esprit pour une opération extérieure.

Ces deux actes sont clairement indiqués dans la sainte Écriture, par ces paroles : « Lorsque viendra le Paracle que je vous enverrai de mon Père, l’esprit de vérité qui procède du Père. » (Saint Jean, xv, 26.)

Le Concile de Nicée a copié l’Écriture, dans le symbole, et n’a rien ajouté à ces paroles : qui procède du Père, persuadé qu’il était que l’esprit humain ne doit rien ajouter aux révélations de Dieu.

Comme le Fils a la même substance que le Père dont il est engendré, de même le Saint-Esprit a la même substance que le Père duquel il procède ; c’est pourquoi il est un seul et même Dieu avec le Père et le Fils, distinct seulement de l’un et de l’autre, par ses attributs personnels. Outre la qualité de procéder du Père, le symbole, d’après la sainte Écriture, attribue au Saint-Esprit celle des communications divines à l’humanité ; c’est pour cela qu’il est dit : qui a parlé par les prophètes. L’Église orientale croit que le Saint-Esprit continue à parler au monde par l’Église qu’il revêt d’infaillibilité. Mais cette direction de l’Église par le Saint-Esprit n’est pas une inspiration proprement dite, car l’Église n’est pas assistée par le Saint-Esprit pour faire au monde de nouvelles révélations, mais uniquement pour conserver la doctrine de Jésus-Christ dans sa pureté primitive. L’insufflation divine dans l’Église n’est donc qu’une direction, une assistance continues. Cette mission du Saint-Esprit est commune au Père et au Fils.

Le Saint-Esprit étant un seul et même Dieu avec le Père et le Fils, doit être simultanément adoré et glorifié avec eux.




DIFFÉRENCES ENTRE LES ÉGLISES CHRÉTIENNES TOUCHANT LE SAINT-ESPRIT.


Nous avons dit que les Églises occidentales n’ont pas conservé le symbole tel qu’il fut rédigé par les conciles œcuméniques de Nicée et de Constantinople. Après les mots : qui procède du Père, elles ont ajouté et du Fils, en latin, filioque. Cette addition a été insérée aussi dans le symbole dit de saint Athanase, et qui ne date que du neuvième siècle de l’ère chrétienne.

Comme nous l’avons déjà dit plus haut, l’addition faite au symbole de Nicée remonte au septième siècle et fut faite en Espagne. Elle se répandit en Occident aux huitième et neuvième siècles par l’influence de l’empereur Charlemagne. Rome ne l’admit qu’au commencement du onzième siècle à la prière de l’empereur Henri.

Depuis cette époque, elle a été acceptée par toutes les Églises occidentales.



Au seizième siècle, l’Église anglicane et les Églises protestantes qui entreprirent de réformer les abus de Rome, ne réclamèrent pas contre l’addition. L’Église anglicane la conserva ; plusieurs de ses théologiens en ont même pris la défense, et ont essayé de prouver qu’elle est conforme à l’enseignement traditionnel. Mais, comme les Romains, ils n’ont pu alléguer que des textes tronqués, altérés, inventés ou pris à contre sens.



L’Église orientale a conservé le symbole tel qu’il fut promulgué, sans en rien retrancher, sans y rien ajouter. Elle soutient : 1° Que l’addition a été faite irrégulièrement ; ce qui ne peut être contesté ; 2° que l’addition renferme une grave erreur contre le mystère de la sainte Trinité.

En effet, la procession, considérée comme l’acte éternel qui produit le Saint-Esprit, est un attribut personnel du Père qui est le principe. Cette qualité de principe est l’attribut qui distingue la personnalité du Père de celle du Fils et de celle du Saint-Esprit. Donner au Fils un attribut personnel du Père, c’est lui donner sa personnalité ; c’est confondre, dans la Trinité, ce qui doit être distinct, c’est détruire le mystère lui-même.

Aussi les Pères de l’Église ont-ils été unanimes à enseigner que le Saint-Esprit ne procède que du Père. Les textes authentiques que l’on a cités en faveur de la croyance contraire ne se rapportent qu’à l’acte ad extra, en vertu duquel le Saint-Esprit est envoyé par le Père et le Fils, et non pas à l’acte éternel et ab intra qui produit le Saint-Esprit.

Saint Augustin qui, en apparence, semble le plus favoriser l’opinion formulée par l’addition occidentale, la condamne en réalité ; car, après avoir résumé, dans son traité de la Trinité, tout ce qu’il avait écrit sur ce sujet, il déclare, en termes formels, qu’il faudrait avoir perdu le sens pour dire que le Saint-Esprit tire son origine du Fils aussi bien que du Père. Il n’entendait donc, par les mots procession du Fils, que l’envoi par le Père et le Fils.

Cet envoi commun au Père et au Fils n’est pas contesté par l’Église orientale, qui maintient seulement que l’addition occidentale, faite irrégulièrement, est contraire à l’enseignement universel de l’Église jusqu’au huitième siècle, et renferme une erreur très dangereuse, malgré les efforts tentés par les occidentaux pour l’atténuer.

Le principal moyen que l’on a pris pour l’atténuer a été de dire que le Fils est seulement principe secondaire dans la Trinité. D’abord, cette expression ne peut être justifiée par l’enseignement traditionnel ; c’est une innovation ; de plus, elle fait supposer qu’il y a quelque chose de secondaire en Dieu, ce qui est contraire à la saine doctrine catholique, et à la simple raison laquelle nous démontre qu’en Dieu il ne peut rien y avoir que de nécessaire. Le Père est l’unique principe pour l’acte ab intra ; le Père et le Fils ne sont, comme dit saint Augustin, qu’un seul principe pour l’acte ad extra. Telle est la doctrine constante de l’Église orthodoxe.

Toutes les Églises occidentales ont donc dévié de la vérité touchant le Saint-Esprit par l’addition faite au symbole, tout en professant les points essentiels du mystère de la sainte Trinité.



L’Église romaine a péché contre le Saint-Esprit en dénaturant le dogme de l’infaillibilité de l’Église ; en attribuant au pape une prérogative que Jésus-Christ n’a promise qu’à la société chrétienne prise dans son universalité, en tant qu’elle est gouvernée par le Saint-Esprit.



L’Église anglicane et les Églises protestantes rejettent toute autorité infaillible dans l’Église. Elles nient ainsi l’influence permanente du Saint-Esprit, et elles contredisent la sainte Écriture d’après laquelle Jésus-Christ doit être avec son Église jusqu’à la fin des siècles, et le Saint-Esprit doit la diriger.