Explication du Sermon sur la Montagne/Chapitre VIII. Deux manières d’accomplir la loi. — Être très-petit dans le royaume des cieux.

Œuvres complètes de Saint Augustin
Texte établi par Raulx, L. Guérin & Cie (p. 263-264).
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CHAPITRE VIII. DEUX MANIÈRES D’ACCOMPLIR LA LOI. — ÊTRE TRÈS PETIT DANS LE ROYAUME DES CIEUX. modifier

19. Après avoir ainsi exhorté ses auditeurs à se préparer à tout souffrir pour la vérité et la justice et à ne point cacher les biens qu’ils devaient recevoir, mais à s’instruire dans l’intention bienveillante d’enseigner les autres, en rapportant toutes leurs bonnes œuvres, non à leur propre gloire, mais à celle de Dieu : après cela, dis-je, le Seigneur commence à les éclairer et à leur apprendre ce qu’ils doivent enseigner ; c’est comme s’ils lui eussent demandé : Nous sommes prêts à tout souffrir pour votre nom, à ne point cacher votre doctrine : mais quelle est donc cette doctrine que vous nous défendez de cacher, et pour laquelle vous nous ordonnez de tout souffrir ? Allez-vous donc contredire ce qui est écrit dans la loi ? Non, leur répond-il : « Ne pensez pas que je dois abolir la Loi et les prophètes ; je ne suis pas venu les abolir, mais les accomplir. »

20. Cette sentence renferme deux sens, qu’il faut expliquer chacun en particulier. Celui qui dit : « Je ne suis pas venu pour abolir la loi, mais l’accomplir » entend ou qu’il ajoutera à la Loi ce qui lui manque, ou qu’il accomplira ce qu’elle renferme. Parlons d’abord de la première supposition. Celui qui supplée au défaut de quelque chose, ne détruit point ce qu’il trouve, mais l’affermit en le perfectionnant. Voilà pourquoi le Sauveur ajoute : « En vérité je vous le dis, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, un seul iota ou un seul point de la loi ne passera pas que tout ne soit accompli. » En effet quand ce qui doit former le perfectionnement s’accomplit, à plus forte raison ce qui forme le commencement doit-il s’exécuter. Quant à ces paroles : « Un seul iota on un seul point de la Loi ne passera pas » elles ne peuvent être autre chose qu’une énergique expression de la perfection[1], puisqu’elle a été démontrée par chaque lettre en particulier ; car l’iota est la moindre des lettres, parce qu’il se fait d’un seul trait, et le point n’en est qu’une minime partie placée au-dessus de lui. Par ces mots le Seigneur fait voir que dans la loi, tout s’accomplira jusqu’aux moindres détails. — Puis il ajoute : « Car celui qui violera l’un de ces moindres commandements, et enseignera ainsi aux hommes, sera appelé très petit dans le royaume des cieux. » Un iota et un point désignent donc ici les commandements les moins importants. Par conséquent celui qui « violera et enseignera ainsi » c’est-à-dire autant qu’il viole, et non autant qu’il trouve et lit : « sera appelé très petit dans le royaume des cieux » ou peut-être même n’entrera pas dans le royaume des cieux, où tous les habitants doivent être grands. « Mais celui qui fera et enseignera ainsi » c’est-à-dire qui ne violera pas, et enseignera en tant qu’il ne viole pas, « sera appelé grand, dans le royaume des cieux. » Or celui qui sera appelé grand dans le royaume des cieux, sera nécessairement dans le royaume des cieux, où les grands sont admis, c’est à cela que se rattache ce qui suit.

  1. Rét. 1, ch. 19, n. 3