Expédition de Morée (1828-1829)- Lettres d’Eugène Cavaignac

Expédition de Morée (1828-1829)- Lettres d’Eugène Cavaignac
EXPÉDITION DE MORÉE
(1828-1829)

LETTRES D’EUGÈNE CAVAIGNAC[1]


{{c|Eugène Cavaignac à sa mère.


30 août 1828, à bord de la Cybèle.


Ma très chère mère,

Après la plus heureuse et la plus agréable traversée, nous sommes arrivés le 28 à midi, en vue de Navarin. — Après pourparlers avec l’amiral de Rigny[2], on est venu débarquer dans le golfe de Coron où nous avons mouillé hier soir. Quelques compagnies sont déjà à terre, face à face avec quelques bivouacs turcs, à six lieues au-dessus de Coron; le drapeau français flotte à terre. Le pavillon turc flotte à Navarin, à Modon et Coron. Cette plage est parfaitement saine et la peste n’y a pas paru cette année. Les Anglais, pour ôter prétexte à l’expédition, ont négocié le départ d’Ibrahim[3]. Un convoi égyptien, escorté par deux frégates anglaises, est peut-être, dans ce moment, à Navarin. Ibrahim, de mauvaise humeur, a abandonné son armée ; il est à Patras, absolument seul, et partira de même. Il a consenti à faire évacuer par les Egyptiens ; mais les Turcs qui occupent également Navarin, Modon et Coron, restent; il y a 800 à 1 000 hommes dans cette dernière. Aussitôt après l’évacuation des Egyptiens, on commencera à chasser les Turcs. Nous sommes plus heureux que nous ne pouvions l’espérer, d’après toutes les nouvelles qui nous portaient à croire que tout se passerait amicalement. Nous nous attendions ce matin à entendre quelques coups de fusil.

Rien n’est aussi affreux que l’aspect des environs des trois villes : le fond du golfe est assez riant; la côte à l’est, où sont les Maïnotes[4], est intacte. Les amiraux anglais[5] et russe[6] nous observent ; mais le renard a perdu sa queue, et, quoi que l’Anglais fasse, nous sommes arrivés avant lui.

Le cœur me saignait en route, de vous savoir dans les transes et d’être aussi bien portant et aussi joyeux.

Je t’écris à bâtons rompus, tant nous sommes pressés. Si jamais tu restais longtemps sans nouvelles de moi, ne t’inquiète pas : les lettres doivent passer par tant de mains, avant d’être à Toulon, qu’il est presque miraculeux qu’elles arrivent à bon port

Nous débarquerons ce soir. Nos figures, un peu allongées par les premières nouvelles, sont réépanouies : il paraît certain que l’on assiégera Coron, et que les Turcs sont, faute d’ordres, obstinés à conserver leurs places ; nous prions le ciel qu’ils persistent !

Fabvier[7] retourne en France; nous avons rencontré la gabare qui le portait : on ne conçoit rien à son départ.

Adieu, ma bonne et excellente mère... je t’embrasse tendrement ainsi que Godefroy et Caroline. Je vois par ta dernière lettre que certains raisonnemens avaient changé ta manière de voir sur cette expédition... Je ne connais aucune raison pour qu’un officier ne saisisse pas avec empressement toute occasion de faire la guerre. Écris-moi, je t’en prie, et surtout ne le fais pas avec la disposition de découragement où tu étais en m’écrivant ta dernière lettre.

Je vous embrasse encore, et suis bien joyeusement ton fils soumis et affectionné.


Eugène Cavaignac à sa mère.


24 septembre 1828, au camp sous Navarin.


Ma très chère mère,

Avant de te conduire à Navarin, il faut te faire débarquer dans le golfe de Coron où t’a laissée la lettre que je t’ai écrite à bord de la Cybèle. — La division a pris position sur la plage de Petalidi, ancien village dont nous n’avons pu découvrir aucune trace, et à l’emplacement duquel on ne trouve plus que de misérables cahutes en branches, habitées par des fabricans de tuiles, qui servent je ne sais trop à quoi ; car on est là à quatre lieues de toute habitation. Nous avons passé fort paisiblement une quinzaine de jours, et l’uniformité de notre nouvelle vie n’a été rompue que par quelques parades, destinées à amuser M. de Ribeaupierre[8] et le général grec Nikétas. Du reste, — et à cela près que nous étions à la belle étoile et couchés sur la dure, — nous paraissions tous nous regarder comme en France, et à mille lieues de tout ennemi ; et, en effet, je t’assure que tes inquiétudes maternelles ne reposent sur aucune probabilité sérieuse, et que c’est presque en riant que nous prononçons le mot de campagne. Le départ d’une portion de la brigade Sébastiani[9], chargée d’investir Coron et de sommer la place, avait un moment ranimé nos espérances et rendu un peu de moral à la division. Malheureusement pour nous, messieurs les diplomates sont venus se mêler de la chose, s’opposant à toute démonstration hostile, et notre général[10] — qui nous rappelle un peu cet honnête homme du mélodrame, qui vient et puis qui s’en va — a envoyé de suite contre-ordre. Quelques postes enlevés ont été religieusement rendus à nos amis les Turcs. Dès lors, comme bien tu penses, rechute de notre moral qui ne s’est pas relevé. — Les compagnies de sapeurs et nous, sommes partis, le 12, du camp de Petalidi, et sommes venus prendre position en vue de Navarin, ayant le camp d’Ibrahim et la ville devant nous et deux redoutes turques en arrière. Nous n’étions que 300 hommes. Tu vois que nous faisons une guerre bien pacifique avec les Égyptiens, qui, pour du pain, venaient nous vendre du tabac et même de la viande fraîche quand ils en tuaient. La division n’est venue nous rejoindre qu’après que nous avons eu préparé ses établissemens, en sorte que, depuis le 17, nous sommes campés ici à une lieue et demie de Navarin environ, et vers le nord de la rade. Les deux tiers de la brigade Sébastiani sont encore sous Coron ; la brigade Schneider n’est pas encore débarquée ; elle a été fort tourmentée en mer ; deux bâtimens chargés de chevaux ont péri dans le golfe de Coron, où tous ne sont pas encore rassemblés. — Voilà notre position. — Quant aux nouvelles, nous en savons peut-être moins que vous. Avant notre arrivée, l’amiral de Rigny avait déjà décidé Ibrahim à signer un traité, par lequel il consentait à évacuer la Morée, laissant 1 200 Albanais dans les places fortes. La vue des troupes françaises l’a décidé à ne plus ajourner, — en apparence au moins, — l’exécution de ce traité ; et le 19, 3 000 à 4 000 Égyptiens sont partis ; mais ce convoi n’est composé, dit-on, que de ses malades, de quelques irréguliers, et du régiment de Sève[11]. Ibrahim est un temporiseur, homme de joyeux caractère et aimant la table ; beaucoup moins noir qu’on ne nous le dépeignait en France. Soit finesse, soit réalité, il affiche pour tout ce qui est français une admiration qui lui a gagné tous ceux qui ont été en contact avec lui. Les officiers de marine sont ses zélés défenseurs, et, de tout ce que nous avons pu recueillir de partial ou d’impartial, il nous paraît résulter évidemment que cet homme est loin d’avoir commis toutes les cruautés qu’on lui attribue et dont l’énumération le fait, dit-on, sourire. Les soldats Ont exercé des vengeances sur les Grecs ; mais Ibrahim n’a ordonné rien de ce qu’on lui reproche, et une grande partie des incendies, dévastations et massacres, sont du fait de nos protégés, dont tout nous porte à avoir une médiocre opinion. Il est plaisant, — mais il est vrai, — que nous nous gardons contre les Grecs beaucoup plus que contre les Turcs; car, si nous n’avons pas à craindre pour nos jours, nous en sommes bien dédommagés par une inquiétude continuelle pour notre bourse. Plusieurs vols ont déjà été commis, quelquefois avec adresse, plus souvent avec une candeur bizarre : ainsi, par exemple, un marchand de fruits vous donne sa marchandise, reçoit votre argent, et sans vous rendre le surplus, se sauve à grand tour de jambes; si on le rattrape dans un bois, il donne à entendre qu’il allait changer. On les rosse, mais on ne les pend pas; ils reçoivent les coups et continuent leur métier.

Au reste, ce serait bien se presser que juger le caractère de la masse par ce que nous avons vu de mendians dispersés, et nous attendons, pour croire à tout le mal qu’on nous a dit d’eux, que l’expérience nous donne le droit d’être juges.

Le général en chef a eu avant-hier, à bord du Conquérant, une entrevue de six à sept heures avec Ibrahim. Cet homme singulier n’a pas manqué de séduire notre chef comme les autres. La conversation a été amicale au dernier point. Ibrahim a fait tout ce qu’on a voulu, et a même accepté les transports étrangers qu’il avait obstinément refusés jusqu’à présent. L’embarquement, interrompu faute de transports, a recommencé immédiatement; et sous peu de temps, — quinze jours par exemple, — il est probable qu’il ne restera plus d’Égyptiens en Morée. Les Turcs, qu’Ibrahim ne pouvait emmener sans se déclarer contre la Porte, veulent, dit-on, le suivre. Nous aurions donc, alors, sans coup férir, des places pour hiverner. Il est urgent qu’on prenne un parti; car les fièvres et quelques dyssenteries annoncent de grandes pertes, si on doit passer l’hiver sous les mauvaises tentes qui nous recouvrent depuis quelques jours. Sur 400 hommes et 24 officiers, nous avons une trentaine de soldats et 6 officiers atteints des fièvres. Nos anciens, de qui nous nous promettions de prendre exemple pour supporter le temps du ciel, et les autres désagrémens de la vie nomade, disent du matin au soir : « Nous sommes mal, très mal! » L’armée, composée de jeunes soldats, est fort indisciplinée. Tu me trouveras peut-être présomptueux; mais il est vrai qu’il n’y a guère que les jeunes officiers qui vaillent quelque chose; on n’en entend pas un se plaindre. Nous sommes tous contens et joyeux et regrettons seulement que quelques coups de canon ne viennent pas baptiser du nom de campagne une promenade qui aura ses fatigues et ses privations. Toutes nos espérances se reportent vers le nord de la Morée et vers l’Attique, qui devra, dit-on, être comprise dans les limites de la Grèce, et que les Turcs, réchauffés par leur succès de Choumla, voudront, dit-on, conserver. On prétend ici...


sous Coron, 29 septembre 1828.

... il y a quatre ou cinq jours que j’ai commencé ma lettre, et me voilà devant Coron. Je ne me rappelle plus ce que l’on prétendait alors; je prétends, pour moi, aujourd’hui, avoir de ce pays une tout autre idée qu’il y a quelques jours. Le 25, j’ai reçu l’ordre de venir, avec une compagnie de sapeurs, me réunir à la brigade Sébastiani, pour opérer sur Coron. Nous sommes passés au-dessus de Navarin et, devant Modon, nous avons traversé trois camps égyptiens, et ensuite le plus affreux pays qu’on puisse voir : plus de dix villages bouleversés, et partout des restes de massacres. La plage de Navarin, couverte d’ossemens et de débris, sans compter les cadavres à moitié découverts qui y fourmillent, n’est rien auprès de ce que nous avons vu. — Une ruine dans un pays sauvage ne tranche pas sur le fond ; mais, dans un pays qui conserve encore toute l’apparence de la culture, — où l’on ne peut faire cent pas sans trouver des jardins presque encore conservés, des fontaines faites avec luxe, d’assez belles avenues, — au bout de tout cela, une maison démolie ou incendiée, des ossemens humains et tout ce qui s’ensuit, produisent un tout autre effet. Nous sommes arrivés tristes et étonnés d’avoir trouvé plus que nous n’avions pu croire. Ajoute à cela que les fièvres qui ont attaqué nos hommes et la fatigue d’une longue route nous en ont fait perdre une quinzaine en tout, dont deux n’ont pas encore rejoint, et sont sans doute perdus. Tu croiras sans peine que nous avons éprouvé une vive satisfaction en arrivant au camp de la première brigade, sur une position saine, charmante, — aux ruines près, qui la déparent. Nous comptons nous refaire ici. Hier, avec un de mes camarades, nous avons été reconnaître Coron. Les Turcs nous ont laissés approcher autant que nous avons voulu. Cependant, lorsque nous avons été sur le bord du fossé, ils nous ont trouvés un peu trop familiers, et un officier est sorti et nous a priés de nous retirer. Notre besogne était faite; et, demain matin, le général Sébastiani, qui n’a pas oublié qu’on lui avait parlé de moi, et qui m’a comblé de politesses, doit me faire partir pour le camp de Navarin, où j’irai rendre compte de l’état des choses, et demander ce qu’il faut en cas d’attaque. Après le départ d’Ibrahim, on doit sommer la place. Le général affirme qu’ils refuseront et se défendront; nous croyons, nous, qu’ils refuseront, mais qu’ils ouvriront leur porte à la première démonstration. Au reste, deux promeneurs, qui y furent hier après nous, ont essuyé le feu de quelques factionnaires et de deux pièces, à poudre, disent-ils. Ils se sont retirés avant que la troisième ne fût plus expressive. Notre indiscrétion du matin les a rendus plus circonspects, et, depuis ce matin, ils ne font que tirer; nous ignorons sur qui et sur quoi.

Adieu, ma chère mère, je ne ferme pas ma lettre et t’écrirai encore du camp de Navarin. Si Godefroy voit le général Sébastiani, il peut le remercier, car son frère est on ne peut mieux pour moi...

Je vous embrasse tous bien tendrement et suis toujours bien portant, fort joyeux, et défiant toutes les fièvres grecques ou turques...


Camp de Navarin, 1er octobre 1828.

...Je suis arrivé en bonne santé. Ibrahim, qui a ce matin assisté à une revue, s’embarque demain et part. La brigade Schneider va opérer sur Patras, la brigade Higonet opérera sur Navarin et Modon; nous à Coron; je repars demain et me trouve toujours bien et content. Adieu.


Eugène Cavaignac à sa mère.


Au camp sous Navarin, 12 octobre 1828.

Tu vas me trouver bien remuant, ma chère mère, mais garde-toi de t’en inquiéter; car c’est, je crois, un excellent préservatif contre la maladie ; aussi me porté-je toujours fort bien, grâce, d’une part, au bon coffre que tu m’as donné, et, de l’autre, à la grande confiance que j’ai dans ma bonne étoile. Les journaux t’apprendront, quelques jours avant moi sans doute, l’occupation des trois places par la division française. Effectivement, aussitôt après le départ d’Ibrahim, la 2e brigade[12] se rapproche de Navarin. Sur sommation, refus de rendre la place, et marche d’une colonne qui y est entrée par une ancienne brèche, sans éprouver aucune résistance. Pareille guerre à Modon, où l’on a enfoncé les portes et escaladé les murs. Il est certain, à présent, qu’Ibrahim avait fait jurer à ses troupes, avant de partir, de ne se servir de leurs armes contre nous, sous aucun prétexte. La garnison de Coron n’a pas été, comme tu vas le voir, tout à fait aussi bénévole ; mais la différence est si peu de chose qu’à peine faut-il en parler.

Je repartis pour Coron, après t’avoir écrit ma dernière lettre, et y trouvai Ibrahim qui venait visiter la place. A mon arrivée, le général Sébastiani me chargea, conjointement avec un officier de marine, de l’embarquement des bourgeois turcs de Coron, et de leurs esclaves grecs ou grecques. Nous nous attendions, dans nos idées européennes, à ne voir que des gens trop heureux d’être arrachés à l’esclavage, et enchantés d’être rendus à leurs foyers. Nous avons été fort étonnés de voir, au contraire, des femmes demandant à grands cris à n’être pas retenues, et se disant même de la religion mahométane, pour ôter toute apparence de violence de la part de leurs maîtres. A peine quelques vieilles femmes, bêtes de somme réformées et abandonnées par les Turcs eux-mêmes, sont-elles restées ici, et certes, si on les eût consultées, elles eussent suivi les autres, tant nos bons amis les Turcs ont de talent pour s’attacher ces pauvres femmes. — Après le départ de toute cette canaille, et celui d’Ibrahim, que, pour cette fois, j’ai vu de près pendant assez longtemps, on somme la place qui refuse de se rendre, disant que, la France n’étant pas en guerre avec la Porte, on ne voyait pas trop pourquoi elle voulait occuper ses places; qu’au reste la religion turque défendait à un gouverneur de rendre une place sans combattre, et qu’on n’ouvrirait pas. Le lendemain, on commença à faire deux batteries et quelques bouts de tranchées, espérant leur faire peur et les décidera ouvrir leurs portes ; ce fut sans succès. — Sur ces entrefaites, arriva la nouvelle de la reddition de Navarin et de Modon. Comme il était naturel de penser que les ordres d’Ibrahim étaient communs aux trois places, le général Sébastiani nous donna l’ordre d’enfoncer les portes avec peu de monde, et surtout sans emporter d’armes. Vois-tu d’ici trois officiers, un sergent et huit sapeurs, sans fusils, allant prendre une place? — C’était, au fait, un spectacle assez curieux. — Nous avons enfoncé les deux premières portes, sans autre démonstration de la part des Turcs que des hourras épouvantables, qui étaient sans doute des menaces. La troisième porte était tellement maintenue en arrière par un amas de terre et de bois, qu’il fallut escalader le mur, pour aller la déblayer derrière. Nous apportâmes nos échelles. Jusqu’alors la chose s’était passée fort paisiblement. Mais, au moment où nos échelles commençaient à s’élever, nous fûmes accueillis par une grêle de pierres, petites d’abord et que nous reçûmes en riant, mais qui grossissaient à vue d’œil et rendirent bientôt le poste presque périlleux. Notre capitaine en premier fut blessé de deux pierres à la tête ; le sergent et deux sapeurs le furent également d’une manière marquée, et tout le reste que nous étions en reçut, de raccroc, de moins sérieuses. Le général nous fit rappeler, et ainsi finit cette bataille tragico-comique. Au milieu de tout cela, tu penses que nous étions fort en colère; nos sapeurs, que nous avions ramenés à force de bras, avaient couru à leurs armes et les chargeaient déjà malgré nous; les Turcs riaient comme des fous. Au lieu de lancer deux ou trois compagnies sur plusieurs points, et d’enlever de suite cette bicoque, on nous avait rappelés, et cela parce que notre mauvais génie, ce vilain fantôme qu’on appelle diplomatie, était là, au milieu de nous, et qu’à quelque prix que ce fût, il ne fallait pas se brouiller avec les Turcs.

Je t’ai vu quelquefois raisonner politique, toi, Godefroy, et d’autres; je vous trouvais tous très forts et très savans. Je t’avoue que j’en rabats de moitié aujourd’hui, bien convaincu qu’entre vous tous vous ne sauriez trouver une bonne raison pour démontrer qu’après avoir été lapidés et contusionnés, nous avions encore dans messieurs les Turcs d’excellens amis, qui devaient aussi trouver fort amicale notre fantaisie de les déloger. Or, nous sommes plus avancés ici, et tu sauras donc que, bien loin d’être en guerre avec la Sublime Porte, nous sommes au contraire de ses meilleurs alliés; qu’il est bien vrai que nous voulons avoir les places de Morée, mais que cette fantaisie est tout à fait innocente; qu’entre bons alliés on doit tout partager, et que, les Français ayant déjà passé six semaines au bivouac, il est bien juste qu’ils aient leur tour, que les toits des maisons les abritent. Tu ne croiras sans doute pas que voilà les réponses qu’on a faites à ces pauvres diables, qui, au fait, ne sont pas si niais que l’on le croit en France, et qui, dans tout ceci, profitent tous, depuis le plus grand jusqu’au plus petit, — et cela avec beaucoup de sens, — de l’avantage de gens qui se voient attaqués par une puissance qui leur corne aux oreilles que, tirer le canon, couper les vivres, chasser des places, détruire les vaisseaux, ce n’est pas faire la guerre, c’est intervenir! grand mot qui intervient toujours lui-même fort à propos, pour tirer nos diplomates d’affaire. — Les Turcs, dis-je, ne sont pas niais, et si peu, que lorsque le général Sébastiani leur fit demander explication de leur conduite, ils répondirent que l’armée française n’était pour rien dans tout ceci ; qu’ils étaient bien loin de vouloir faire acte d’hostilité contre la France, mais qu’un propriétaire qui voit un voleur escalader sa maison est bien indulgent encore lorsqu’il ne lui jette que des pierres, et qu’ils n’avaient pas pris pour autre chose une douzaine d’hommes sans armes, qui avaient insulté leurs remparts. Sur l’avis qu’on leur donna de la reddition de Modon et de Navarin, ils demandèrent à envoyer un officier s’assurer des faits, et qu’après ils se rendraient ; — ce qui fut fait le lendemain, où il nous fallut encore escalader les murs, car, pour les décider à nous ouvrir la porte, il n’y fallut pas penser.

Voilà, ma chère mère, l’histoire de cette fameuse expédition de Morée, déjà terminée sans doute, puisque Patras, — où d’abord la garnison révoltée avait étranglé son chef, — a fini par se rendre, et que des ordres donnés pour se préparer à partir pour Athènes ont été contremandés ce matin, attendu que MM. les ambassadeurs ont décidé que le traité du 6 juillet ne parlait que de la Morée. Qu’allons-nous faire ici? Voilà ce que tout le monde se demande. Quelques voix s’élèvent déjà pour parler de retour, mais espérons qu’il n’en est pas encore sérieusement question; il serait par trop cruel d’être venu ici pour ne pas voir tout le pays. Pour moi qui me porte bien, qui ne m’ennuie pas, et qui suis encore assez jeune pour perdre du temps, je désire rester ici et voir venir. Les Russes avancent vers Constantinople; les Anglais ont force troupes dans leurs îles ; on ne sait ce qui peut arriver.

Adieu...

P.-S. J’oubliais de te dire que le général Sébastiani a été plein de bonté pour moi ; qu’il a demandé, au moment de mon départ, que je fusse renvoyé et attaché à sa brigade.

Eugène Cavaignac à sa mère.


Château de Morée, 31 octobre 1828.


Ma très chère mère,

Au lieu d’aller à Coron, ainsi que je te l’annonçais dans ma dernière lettre, datée du milieu d’octobre, nous sommes venus à Patras aider la troisième brigade à faire le siège du château de Morée. La tranchée a été ouverte le 19. La place, occupée par 500 Turcs, a capitulé hier matin, après que nos batteries de brèche ont eu tiré pendant quatre heures. J’ai monté trois tranchées et m’en suis tiré avec mes deux oreilles. La première nuit, j’étais si content que je ne faisais pas attention aux balles; excepté cependant (pour être sincère) la première, que j’ai saluée, comme cela se pratique à une première entrevue entre gens bien élevés, c’est-à-dire assez profondément.

Les deux nuits et le dernier jour où j’ai été de tranchée, nous étions plus près et le feu plus vif ; le brave Lancelot avait peur! Ainsi tu ne seras pas étonnée de savoir que j’éprouvais une légère émotion. Je n’ai pas besoin d’ajouter que j’ai néanmoins fait bravement et consciencieusement ma besogne, qui consistait à faire des sapes volantes et pleines. Nous avons perdu une douzaine de tués ou blessés, dont deux officiers.

Nous travaillions dans un sable mêlé de grosses pierres que les boulets faisaient voler comme autant de coups de mitraille. J’ai eu un de mes travailleurs tué à quelques pas de moi par un boulet; enfin j’ai été bien et dûment au feu; c’est toujours autant par le temps qui court. Du reste je me porte comme un ange et suis fort content. — Demain nous nous embarquons avec le quartier général pour retourner à Navarin ou Modon. Je pense aller de là à Coron où je devais d’abord aller.

Adieu...


Eugène Cavaignac à sa mère.


Modon, 11 novembre 1828.


Ma très chère mère.

Je t’ai écrit du château de Morée après la prise de cette place. Depuis, ainsi que je te l’annonçais, nous sommes revenus à Navarin, à bord du Conquérant, d’où nous sommes venus à Modon prendre les quartiers d’hiver. Nous sommes établis ici tant bien que mal, mais au moins sommes-nous à l’abri. Deux mois et demi de bivouac sont une chose inconnue à nos anciens militaires, qui grognaient à en être ennuyeux. Nous autres, jeunes gens, qui n’avons pas fait les campagnes d’Allemagne et d’Espagne, où, chaque soir, on trouvait une bonne maison et un bon souper et le reste, avons très gaiement bivouaqué, tout en trouvant que la poudre ne se brûlait pas assez.

Tout le monde parle de retour maintenant : je ne comprends pas comment des gens de bon sens peuvent y croire ; car, partons aujourd’hui, les Turcs reviendront demain. Il faut, avant tout, fortifier l’isthme de Corinthe. Notre colonel et quelques officiers du génie ont été le reconnaître. Sans doute, on commencera des travaux au renouvellement de la saison. Je crois fermement que l’occupation de la Morée sera longue. L’avenir décidera si cela nous vaudra mieux qu’un retour en France...

Au reste, nous avons un général en chef, qui, je ne sais pourquoi, ne peut sentir notre corps. Il nous emploie depuis deux mois et demi aux travaux les plus fatigans. Ce n’est pas mentir que de dire que la division nous doit beaucoup, puisque c’est nous qui avons réparé tout le mal qu’aurait dû occasionner l’imprévoyance des administrateurs. Beaucoup de nos soldats, — une soixantaine sur 400, — sont morts de ces fatigues, et il ne nous en tient pas le moindre compte.

Au reste, c’est une chose admirable que la nullité physique et morale de tous nos anciens hommes de guerre. Le général Maison viendra ici, sans doute, gagner son bâton de maréchal; mais il y perdra sa réputation, dans l’esprit, au moins, de toute l’armée. Cet homme, entouré d’un état-major composé comme le serait un salon de cour, ne pense à rien qu’au garde-manger, à la mollesse de son lit, et à l’étiquette. Notre armée, — déjà trop peu disciplinée, — semble désorganisée. Chaque colonel est un petit pacha qui ne reconnaît pas de maître. On se demande ce que tout cela serait devenu avec un ennemi en présence; peut-être eût-ce été un bien, car rien de plus obéissant que le soldat qui entend siffler une balle. Reste, ma chère maman, que — non pas à mon avis seulement, mais à l’avis de bien du monde — nous n’avons pas d’armée, et qu’il faudrait du temps pour en refaire une.

…………………………….. Je reprends ma lettre, ma chère maman, et, pour la première fois depuis la France, j’écris à la lumière. C’est une chose merveilleuse que de se retrouver un peu casé après deux mois et demi de vie champêtre ; chaque jour, on retrouve et on savoure, tout à son aise, des jouissances réelles dans la moindre commodité retrouvée. Je te rendrais mal, par exemple, le plaisir que j’éprouve à entendre la pluie battre sur notre maison et à n’en pas sentir les gouttes roulant le long de mes jambes. C’est presque une nouveauté pour moi que le vent soufflant sans m’enlever mon chapeau ou mon manteau. Ecrire sur une table, être assis sur une chaise, être étendu sur une bonne paillasse, tout cela est bien peu de chose pour toi : pour nous c’est une fête; et, au bout du compte, dans quelques jours, tout cela me paraîtra le plus simple du monde et j’en viendrai peut-être à trouver qu’il me manque bien des choses. Ce qui fera durer, je l’espère, le plaisir un peu longtemps, c’est la comparaison de notre position avec celle de cette misérable population qui nous entoure. Les Grecs semblent s’être donné le mot pour ne nous montrer que ce qu’ils ont de plus hideux et de plus dégoûtant. Les officiers qui ont été à Patras par terre prétendent avoir vu à Arcadia et à Pyrgos une population belle et offrant le spectacle d’une civilisation quelconque ; effectivement, lorsque nous avons quitté Patras, nous y avons laissé un commencement de nouvelle ville en planches, au bord de la mer... Mais, au demeurant, nous n’avons encore rien vu de propre.

Je crois t’avoir déjà dit que je m’abstenais de porter sur les Moréotes aucun jugement. Tout le monde n’agit pas aussi consciencieusement. Il semblerait déjà que nous regrettons d’être venus aider ces malheureux à devenir libres; mieux vaudrait presque avoir pris rang sous les bannières d’Ibrahim ! Tout cela est bien près de l’exagération. Ce que l’on peut croire, c’est que les Grecs, poussés à la révolte par je ne sais qui, sont fort au-dessous de la position intéressante d’un peuple esclave qui combat pour sa liberté. Cet esclavage même est la cause de leur abrutissement; il faudra bien des années pour les organiser. Tout ce que nous avons trouvé chez eux de bien visible et de bien positif, c’est leur haine de l’étranger et leur passion pour le pillage. Nous leur sommes aussi odieux qu’Ibrahim; ils paraissent attendre impatiemment le départ de gens qui ne sont pas venus pour leur livrer la tête et les biens de tous leurs ennemis; ils se méfient de nous comme des autres et nous volent comme ils les auraient volés. Mais, encore une fois, ce n’est pas la nation grecque, si elle existe quelque part ; c’est quelques centaines de mendians que nous retrouvons partout où il y a à piller, ou plutôt, de quoi vivre.

Nous avons trouvé, dans les magasins des places, une grande quantité de biscuit qui nourrissait cette armée d’Ibrahim, que l’on disait affamée et que les Grecs nourrissaient eux-mêmes. Chaque jour on fait des distributions aux Grecs que l’on emploie à nettoyer les villes que nous occupons, et dont la malpropreté est difficile à imaginer. C’est curieux que de voir tous ces affamés se précipiter sur cette nourriture ; il faut voir les chenils qu’ils habitent dans les faubourgs! En vérité, il est impossible de se croire ici dans un pays peuplé de ces hommes auxquels on a prêté tant d’exploits depuis trente ans. On nous raconte bien des choses sur tous ces chefs auxquels on a fait tant de réputation. Le seul que personne n’attaque, c’est Nikétas; c’est aussi le seul qui ait communiqué avec nous. Il passe pour brave et désintéressé; aussi est-il mal avec tous ses compatriotes. C’est un homme âgé ; d’une physionomie ouverte et prononcée. Il était venu s’établir sous des tentes, avec ses soldats, au milieu de notre camp de Navarin. Il était dans la foule, avec tous ses Grecs, le jour de la revue à laquelle vint Ibrahim, seul et à pied. Ceux qui le connaissent regardent comme étonnant qu’il ait laissé le pacha traverser paisiblement ses rangs. Quelques instans après, Ibrahim, que nous chassions, passait à cheval, et entouré par notre brillant état-major, à côté de Nikétas que nous venions soutenir. Ibrahim entrait dans la tente du général, y recevait les félicitations et les complimens de nous autres, ses ennemis; Nikétas, notre ami, et qui, je crois, vaut mieux que l’Egyptien, était à la porte, et personne ne faisait attention à lui. C’est une chose assez bizarre, mais cela est ainsi. Il faut avouer, toutefois, qu’il y avait là peu de convenance; au reste, Nikétas ne paraît pas en avoir gardé le souvenir ; c’est le seul Grec qui ait offert son bras et celui de ses soldats; les autres pillent et se gobergent ailleurs...

Les journaux de Paris nous font rire de pitié. Il est impossible qu’il y ait des individus assez impudens pour écrire les lettres que nous voyons imprimées dans les feuilles de France. Ces Grecs qui viennent se prosterner devant le drapeau blanc; ce cortège qui nous entoure et nous accompagne de ses bénédictions; ces marchands qui nous abandonnent leurs fruits en don ; ces allées de citronniers et ces superbes baraques qui nous recouvrent !... en vérité il faut avoir bien envie de mentir. Quand viendra la fin et qu’on comptera les hommes, on verra que l’armée a déjà souffert, et beaucoup souffert, non de la faim, car dans aucune campagne, peut-être, les distributions ne furent plus régulières ; mais du manque d’abris, du manque d’hôpitaux, et — ce qui paraît incroyable — du manque de médicamens. Pendant les six premières semaines, il n’y avait pas un grain de quinine dans un pays où l’on avait envoyé des hommes de l’art, chargés de reconnaître le climat. C’était pitié de voir nos hommes mourir faute de secours, tandis que quelques onces de quinine auraient sauvé bien du monde. Maintenant on en a, mais les morts ne reviennent pas. J’ai vu mon pauvre domestique en mourir presque à côté de moi. Depuis quinze jours, il avait la fièvre; un médecin venait tous les jours pour me dire : « Il n’y a pas de place à l’hôpital, il n’y a pas de quinine. » Et le pauvre diable a passé. A part le chagrin que j’en ai éprouvé, je suis dans un grand embarras, avec deux chevaux, sans domestique; car je n’appelle pas domestique un déserteur arabe que j’ai ramassé et qui me suit. Je ne t’avais pas parlé de la fièvre tant qu’elle a duré; aujourd’hui que le mal a cessé et que les malades se rétablissent tous, je puis t’en parler sans t’inquiéter... J’ai été de Petalidi à Navarin, de Navarin à Coron trois fois, de là à Fatras, de Fatras ici. Tout cela remue et chasse le mauvais air; aussi n’ai-je jamais été mieux portant... Adieu... je te quitte pour m’occuper de deux hôpitaux qu’il me faut organiser ici.


Eugène Cavaignac à sa mère.


Modon, 12 décembre 1828.

Tout le monde ici parle d’un prochain retour. Je ne me rends pas, — encore moins que par le passé, — et persiste à croire que le roi de France n’en sait pas plus long que moi, lui-même. Tant que je ne saurai pas positivement que la Turquie aura accepté le traité de Londres, je regarderai tous les dit-on comme de pures conjectures ; et, si tu te contentes de ce genre de nouvelles, je te dirai que, les compagnies supplémentaires de sapeurs ayant reçu contre-ordre à Toulon, que, l’intendant général ayant reçu l’ordre de ne pas faire d’approvisionnemens pour plus de quatre mois, enfin que, le bruit courant ici que le Reschid pacha de Roumélie a fait savoir officiellement au général Schneider que la Porte était entrée en négociations avec la Russie, — d’après tout cela, dis-je, — il est permis de penser que le gouvernement français regarde comme possible, peut-être même comme probable, la rentrée, au printemps prochain, de notre division. Mais vouloir aller plus loin, c’est folie. Je crois, et il est très possible, qu’en définitive l’occupation se prolonge longtemps, si l’on considère surtout que la Grèce est entièrement dépourvue, — quoi qu’on se plaise à dire, — de force militaire (à moins qu’on ne veuille donner ce nom aux débris du corps de Fabvier) ; qu’il lui faut du temps pour en avoir une capable de la défendre, et qu’en supposant que la marine française continue à protéger les côtes contre les débarquemens turcs, il ne faut pas moins de 7 à 8 000 hommes de troupes régulières pour défendre l’isthme de Corinthe. Plusieurs de nos camarades reviennent de cette partie de la Morée ; ils ont vu les Tacticos. Tout cela est bien un commencement; mais, avant que le Grec ait compris qu’il vaut mieux tuer un homme par commandement que de se planter derrière un buisson et de l’égorger en guet-apens quand il passe, il s’écoulera du temps ; et, pendant tout ce temps-là, il sera à la merci du premier venu. Il est bien vrai que tout ce qui a voulu pénétrer en Morée par terre a été détruit ou a péri de sa belle mort. Mais, quoi qu’en aient dit les journaux philhellènes. Ibrahim, maître des places, était bien près de l’être du pays. Il y a de quoi rire de penser qu’on nous contait là-bas que les Grecs bloquaient Ibrahim dans les villes. Nous avons vu ce blocus de nos yeux : un père avec ses deux fils, ou bien trois ou quatre malheureux paysans, s’établissant à deux lieues de Navarin, à portée d’une source et d’un bois; ils vivaient là comme ils pouvaient. Plusieurs postes, répartis ainsi sur les côtes élevées observaient le pays et allumaient des signaux, pour avertir de la sortie du lion, et puis se sauvaient. C’est là ce que l’on appelait le blocus de Navarin ou de Coron : insuffisant, non seulement pour contenir l’armée égyptienne, mais, bien mieux encore, pour empêcher les Grecs eux-mêmes d’apporter leurs provisions au pacha et de nourrir leur ennemi. Je me demande encore quelquefois s’il est bien vrai que les Grecs aient voulu secouer le joug. Nous pouvions nous attendre à trouver ici une population en mouvement, à voir quelque part l’amour de la liberté, à lire sur quelques figures la joie de l’avoir retrouvée. Rien de tout cela ici; nous sommes entourés d’une population mendiante et immobile, aussi dépourvue de prévoyance qu’elle parait l’être de mémoire. Elle me rappelle l’âne de la fable qui continue à manger tranquillement l’herbe qui va changer de maître. Ces gens-là paraissent ignorer qu’il y a du mouvement autour d’eux et qu’ils ne sont plus aujourd’hui ce qu’ils étaient encore hier. On se perd, ici, à comprendre tout cela, et on deviendrait Turc si, au bout du compte, ne revenait pas toujours le refrain : « Mais heureusement que ce n’est pas là le peuple grec !» — Le contraire arrive ici de ce qui semblait devoir arriver. Modon est entouré d’une belle et vaste plaine, dont pas un pouce de terrain n’a de propriétaire légitime. Qui n’aurait cru que tout cela allait être partagé et travaillé? Ce ne sont pas les bras qui manquent, les montagnes sont pleines d’hommes. Est-ce paresse, ou bien avons-nous inspiré un véritable éloignement à ces hommes dont nous occupons, de force, les villes et les maisons? Reste que tout ici est dans une triste immobilité, et que la civilisation semble reculer devant cette armée qui devait en être le centre. En accuser les Grecs seuls serait injuste : les hommes ne savent que ce qu’on leur apprend. S’ils ne veulent pas apprendre, on peut encore les amener par la persuasion et en se donnant de la peine; mais encore faut-il le vouloir et l’essayer.

………………………


Godefroy Cavaignac à son frère.


Paris, décembre 1828.


Mon cher Eugène,

Nous venons d’avoir de tes nouvelles... Je vous trouve tous fort heureux... Tu sais que tu as été cité dans le rapport particulier du ministre... Je t’approuve fort de n’avoir pas aussi mauvaise idée des Grecs que c’est la mode chez beaucoup de gens. Le fait constant, c’est que voilà huit ans qu’ils tiennent ; — mal ou bien, n’importe, — ils ont tenu. Il ne faut pas voir de près les plus grands événemens ; moins encore les résurrections de peuples ; il leur reste toujours trop de leur pourriture et de leur décomposition. Quant à la haine de tout étranger, c’est bon signe. Au fait, qu’est-ce qu’ils nous doivent?...

Quant à toi, je te trouve, encore une fois, bien heureux, et voudrais que tu ne revinsses pas si vite. On parle toujours ici de votre prochain retour ou de votre envoi à Alger ; ce qui ne me plairait pas trop, — du moins à cause des inquiétudes de ma mère.

... Adieu, mon cher frère, je t’embrasse de tout mon cœur...

GODEFROY CAVAIGNAC.


Eugène Cavaignac à sa mère.


Modon, 21 janvier 1829.


Ma très chère maman,

Je reviens de Coron où j’ai été passer un mois, ainsi que je crois te l’avoir annoncé dans ma dernière lettre, pour de petits travaux, pour lever la place et ses environs. Coron a été remis aux Grecs dès le principe. Il y a garnison de Tacticos et une population assez rassurante pour ceux qui n’ont encore vu que les mendians de Navarin. Les terres se défrichent, l’ordre s’établit un peu dans tout cela, et, si Capo d’Istria[13] vaut autant qu’on le dit ici, il est permis de croire que quelques années de paix changeront bien le pays. Je ne veux pas oublier de te dire que j’ai dîné et déjeuné chez le général Nikétas et que j’ai vu et touché le fameux sabre. Ce serait faire injure à une philhellène de ta force que de lui faire l’histoire de Nikétas et de son sabre. Je me bornerai donc à te dire que c’est un bien brave et bien bon homme, et que sa figure, quoique intéressante par l’air de souffrance qu’on y remarque, n’est pas celle d’un héros grec. Il serait à désirer, cependant, que tous les chefs grecs fussent aussi étrangers aux choses de ce monde. Je crois t’avoir dit que Nikétas était le seul honnête homme de la Grèce ; on gagne à voir du pays, car j’en ai. découvert un autre : c’est Canaris[14] qui est à Monembasie. Qui sait? en faisant le tour, on en trouverait bien quelques-uns encore. Fabvier est arrivé ici. Il est en ce moment à Poros. On ne sait ce qu’il fera. C’est l’espoir et la planche de salut des officiers européens. Si le Président ne l’accepte pas, ou si lui, Fabvier, s’en va, l’organisation militaire et régulière de la Grèce est indéfiniment ajournée ; et tout ce qui résiste encore à l’entraînement de la désertion des uns et de l’espèce de mépris des autres, — je veux dire les soldats irréguliers, — se dispersera bientôt si le père (c’est le nom de Fabvier), si le père les abandonne.

J’ai vécu un mois à Coron avec des officiers qui ont été avec Fabvier depuis son arrivée en Morée, Je voudrais pouvoir te raconter toutes leurs histoires. Tout ce qui compose ce corps d’officiers n’est pas mauvais. Il y a eu des aventuriers, sans doute ; mais ils sont repartis lorsque la misère a été plus forte que leur ambition ou même que leur courage. Ce qui reste est en général bon. On ne se figure pas ce que ces malheureux ont eu à souffrir, et, — position bizarre, — à souffrir avec des soldats qui ne souffraient de rien et donnaient l’exemple. On parle de la sobriété des anciens ; on parle des Espagnols et de tant d’autres ; mais quelle est la nation qui trouverait chez elle cette armée de soldats sans habits, sans solde, vivant avec cinq ou six olives et se battant par-dessus le marché? Ces gens-là nous vaudront bien un jour...

...Adieu, je veux répondre à Caroline et t’embrasse de tout mon cœur.


Eugène Cavaignac à sa sœur[15].


Modon, 21 janvier 1829.

... Quand nous étions au camp et que le temps n’était pas à nous, je me rappelle que je vous écrivais quelquefois, pendant quatre ou cinq jours, à bâtons rompus. Même, il y avait du mérite, car, assis par terre et n’ayant d’autre table que les genoux, les idées ne viennent pas. Qui diable croirait cependant que l’esprit dépend d’une jambe plus ou moins à son aise, d’un coccyx plus ou moins froissé? Tu crois peut-être que ceci est une plaisanterie? Adresse-toi aux Turcs, ou même simplement aux Grecs ; demande-leur s’ils s’engagent légèrement dans les affaires sérieuses. Ils sont là-dessus mieux avisés que nous. Ils commencent par prendre un bon bain bien chaud. Non contens de cela, et dans la crainte qu’un seul muscle, fût-ce celui de l’orteil, ne paralyse le travail de la tête, ils se font bien frotter, bien battre à petits coups, se font même claquer les doigts ; et c’est alors, et lorsque tout est bien en place et dans l’état où Dieu l’a fait, qu’ils se mettent à la besogne. Nous nous moquons bien d’eux et ils nous le rendent bien : le moyen de savoir qui a raison? Allez prendre un juge aux antipodes, il se moquera des plaideurs... et ainsi va le monde ! Reste que je commence à croire que nous sommes bien suffisans de nous croire si fort au-dessus des Turcs. Nous sommes plus civilisés, disons-nous : c’est-à-dire que nous savons bien vivre avec le voisin. Mais le Turc veut vivre tout seul, et sa civilisation individuelle est beaucoup plus avancée. Il n’y a qu’à voir leurs maisons pour se convaincre du point de perfection où ils ont poussé le savoir-vivre. Chez eux, il n’y a pas une pierre qui ne soit disposée pour une commodité de la vie ; aussi ils se moquent du voisin, parce qu’ils savent se passer de lui. Et, quand le voisin est mauvais coucheur, qui osera dire qu’ils n’ont pas raison? Ne va pas cependant me croire tout prêt à prendre le turban ou le fessi grec. Mon père a déjà pris les devans à ce sujet, et me fait déjà la leçon pour m’empêcher d’entrer au service de la Grèce. C’est une envie qui ne me viendra certes pas. A part les considérations d’utilité ou d’avantages, je serais par trop dépaysé. Mieux valent, pour moi, nos mœurs européennes. C’est précisément ce que répondrait un bon musulman. Et ne trouverions-nous pas bien drôle qu’il vînt nous chapitrer pour nous prouver qu’il faut porter turban, larges culottes et ne pas manger de porc? Pour ce dernier point, cependant, je pourrais bien être de son avis : depuis un mois j’en ai régulièrement mangé deux fois par jour; et quoique, dans ce pays, le porc soit aussi savoureux que nos meilleurs moutons, je suis admirablement bien disposé à lui donner gain de cause sur ce point...


Eugène Cavaignac à son père.


Modon, 6 mars 1829.


Mon très cher père,

Tu dois avoir reçu, à présent, la lettre que je t’ai écrite de Coron, vers le 25 du mois de décembre... J’écrivis, par la dernière occasion, à ma mère et à Caroline, pour les avertir que j’étais proposé pour la croix... Nous avons été, pendant six semaines, sans nouvelles de France. Quel supplice pour nos nouvellistes et pour nos philhellènes renforcés ! Celles que nous recevons ne nous apprennent rien relativement à nous-mêmes, et nous sommes, comme auparavant, fort incertains sur le plus ou moins de temps qu’il nous reste à passer ici. Ce qui paraît certain, c’est que le mouvement de retour est suspendu, s’il n’est ajourné indéfiniment. On conçoit en effet que la non-acceptation du traité et le désir exprimé par les Chambres de voir la Grèce réellement délivrée et rendue à ses limites naturelles ont pu faire suspendre notre départ pour prendre un parti définitif. Je désire de tout mon cœur que l’on se décide à faire évacuer l’Attique et la Livadie. Je désire surtout que nous y trouvions résistance... Mais tout cela est bien douteux. C’est comme l’expédition d’Alger; il faudra bien cependant que cette affaire se finisse d’une manière ou d’une autre. On a parlé ici, pendant quelque temps, d’y aller comme d’une chose non décidée, mais qui pourrait bien arriver. Le discours du Roi paraît avoir donné du poids à cette opinion. Que le Ciel nous préserve d’y aller, si nous devons encore produire tant d’effet, par notre seule présence. Je pense toujours à ce Gargantua qui fait tant peur aux petits enfans et qui jamais, cependant, n’a eu besoin d’en croquer un seul pour établir sa terrible réputation.

Fabvier est arrivé en Morée à la fin de décembre dernier. Je ne l’ai pas vu. On parle de son retour ici, le Président et lui n’ayant pu s’accorder. S’il revient à Modon, je le verrai sans doute.

Adieu, mon cher père, je t’embrasse de tout mon cœur.


Eugène Cavaignac à son frère.


Modon, 9 mars 1829.

Me voilà en belle humeur, mon cher Godefroy : je tiens... une lettre de chacun de vous... Tu as, sans doute, à l’heure actuelle vu le général Sébastiani (Tiburce). Tu peux sans crainte le remercier pour moi, car il n’est sorte de politesses que je n’en aie reçues pendant le peu de temps que j’ai été auprès de sa personne. Tu me dis que tu montres mes lettres à son frère et qu’il les trouve bien : voilà plus qu’il n’en faut pour satisfaire un apprenti de ma force. Je suis bien aise, au reste, de n’avoir écrit que pour vous autres, car, si j’avais voulu faire de l’esprit, bien certainement j’y aurais mal réussi.

Je vois que nous pensons exactement de même, et cela me fortifie dans ma manière de voir. Depuis ma dernière lettre, Miaulis est arrivé ici, envoyé du gouvernement grec, pour complimenter le général en chef. Les journaux te donneront les lettres, discours, réponses et cætera, mais ils ne te montreront pas le brave amiral grec, et c’est le plus beau de cette affaire. S’ils pouvaient te le représenter, arrivant sur la place d’armes de Modon, où les troupes étaient en bataille, escorté par l’état-major français qui avait été le cchrcher, et chevauchant sur une pauvre rosse qu’il excitait de sa grosse voix et de son gros talon, — car tout est gros chez lui, — tu dirais comme nous tous : « Où diable le courage et le patriotisme pur vont-ils se loger? » Cela n’est que pour le premier coup d’œil ; car, de près, cette grosse figure, ces gros bras, se balançant au milieu de nous tous, comme ils le feraient, je crois, devant le Père Eternel, cet air bonhomme, tout cela prend un caractère de franchise et d’honnêteté qui nous fait plaisir, à nous autres philhellènes. On lui a rendu ici de grands honneurs : le canon tirait, les drapeaux saluaient. Il voyait autour de lui des figures respectueuses ou, du moins, amies; et je suis bien certain qu’il n’a pas, dans son intérieur le plus isolé, une autre tenue, une autre expression de physionomie, que celle qu’il nous a montrée. Ce n’est pas fierté cependant; car la crainte de ne pas comprendre nos politesses et de n’y pas répondre le mettait d’abord en état d’anxiété visible ; si bien qu’il avait pris le parti de tenir en main sa petite calotte rouge, et de nous montrer sa tête chauve. Tu prendras cela pour du romantique si tu veux, mais je t’assure que nous étions tous émus en nous rappelant tout ce qu’on nous a conté de cet honnête homme, et en pensant qu’il avait traversé sans reproches les huit dernières années. Sa chemise et son pantalon bleu, simple costume du marin grec, nous faisaient bien plus plaisir à voir que le riche costume de Colocotroni[16], riche voleur et voilà tout. Il déjeuna chez le général en chef, auquel il rendit son repas à bord de l’Hellas, qui était en rade de Navarin. Je n’ai pas osé aller à son bord, à cause des importuns qui ne lui ont pas manqué; mais on dit que l’équipage, et la frégate elle-même, sont admirablement tenus. Au reste, tout le monde sait que les Grecs sont excellens marins : les Turcs n’en avaient pas d’autres.

Partirons-nous? Cela n’est pas douteux, si Dieu nous prête vie. Partirons-nous bientôt? Voilà qui n’est plus que probable. On a encore ici des vivres pour un mois, dit-on; mais il peut en arriver d’ici au mois d’avril. Beaucoup de travaux sont entrepris par nous : les laissera-t-on imparfaits? Je pense toujours de même là-dessus. Céder au désir de rentrer au pays natal, et d’aller vous voir à Paris serait faiblesse d’enfant. Je désire rester ; non pas pour être à Modon, mais pour aller à Athènes. Je crois, — sans connaître aussi bien que tu es à même de le faire la politique de la France, — qu’on ne nous y enverra pas, quoique peut-être on en eût envie. A part l’importance de la chose pour les Grecs, auxquels il faut une surface territoriale qui les rende respectables, je le désire pour notre division. Ce serait une chance, peut-être, pour tirer de la boue, où on la traîne notre piteuse expédition. Car il paraît que vous nous traitez assez mal là-bas, et que notre passage ne sera guère ombragé d’arcs de triomphe. Je suis de trop bonne foi pour vouloir donner à cette campagne un relief et un caractère qu’elle est loin d’avoir; mais je t’avoue qu’il me peine de savoir qu’on va trop loin ; et tu me pardonneras bien en te rappelant que j’ai vu mourir sous mes yeux, et dans un pitoyable état, plus de cent pauvres diables, et trois de mes camarades d’école. Je sais bien que l’on ne tient pas compte de cela à une armée, et que les pertes en malades veulent être doublées à coups de canon pour devenir présentables ; mais toujours sera-ce pour moi une bonne raison pour m’empêcher de trouver le mot pour rire dans tout cela...

Adieu, mon cher Godefroy, je t’embrasse bien tendrement.


Eugène Cavaignac à sa mère.


Modon, 22 mars 1829.


Ma très chère mère,

En dépit de tous mes beaux raisonnemens et de toutes mes prévisions, me voilà désigné pour rentrer en France... Je crois que nous nous embarquons vers les premiers jours d’avril... Il reste 5 000 hommes sous les ordres du général Schneider...

Adieu, je t’embrasse bien tendrement et me fais une. joie de vous revoir tous. Nous allons, ou mieux, je vais bien bavarder...


Eugène Cavaignac à sa mère.


Modon, 30 mars 1829.


Ma très chère mère,

Je t’ai écrit, il y a une quinzaine de jours, pour t’annoncer mon retour prochain en France ; je ne te fixais pas l’époque, parce que je croyais alors que notre départ était subordonné à celui du Maréchal, qui ne quittera pas la Morée avant un mois et demi. Nous savons maintenant, positivement, qu’il ne garde pour escorte que la compagnie de sapeurs, et que nous rentrerons par le prochain courrier, qui mettra à la voile dans une douzaine de jours ; ainsi donc, en mettant tout au pire, c’est dans les premiers jours de juin que nous nous reverrons. Maintenant que la chose est décidée, je ne vois guère plus que la France…

… Je m’étais habitué à l’idée d’attendre le départ du Maréchal ; nous y aurions gagné de voir Malte, où nous aurions fait quarantaine de quinze jours seulement, et d’aller relâcher à Naples, où le Maréchal doit débarquer pour revenir par l’Italie. — Je me faisais une joie de voir Naples et d’aller arpenter la Strada San Giacomo, d’antique mémoire, et le Capo di Monte[17]. Cette occasion manquée, il y a gros à parier que j’y puisse renoncer ; au reste aurais-je éprouvé du plaisir à revoir tout cela ? j’en doute.

Adieu, ma très chère mère, je vais me mettre à me recueillir, pour me séparer ensuite, avec le moins de regrets possible, de cette pauvre Grèce, où-notre présence devient véritablement sensible, et où heureusement on s’est décidé à laisser une occupation militaire. Je lisais hier, dans les Débats du 27 février, une lettre à M. Eyrard, qui est sans doute de Capo d’Istria, et qui est, dans tous les cas, écrite par un homme de bonne foi et de bon sens…


Eugène Cavaignac à sa mère.


À bord du Rhinocéros, 9 mai 1829.


Ma chère mère,

Me voilà en vue de Marseille où nous mouillerons dans une heure. — Encore vingt jours de quarantaine, et nous serons libres…


EUGENE CAVAIGNAC.

  1. Ces lettres, dont nous devons la communication à M. Godefroy Cavaignac, furent adressées par son père, Eugène Cavaignac, à sa famille, durant son séjour en Grèce, en 1828.
    Eugène Cavaignac avait été désigné, par une décision du 22 juillet 1828, pour faire partie du corps expéditionnaire envoyé en Morée. Il était alors capitaine du génie (ou plus exactement lieutenant faisant fonctions de capitaine), et âgé de vingt-cinq ans. Il était attaché à l’état-major particulier du génie. Il s’embarqua le 15 août.
    Lorsque l’expédition de Morée fut décidée, les Turcs et les Égyptiens, malgré la destruction de leur flotte à Navarin, tenaient encore la Morée. La France était chargée, par les puissances alliées, de les en déloger. Mais, en même temps, l’Angleterre agissait à Alexandrie pour déterminer le rappel des troupes égyptiennes.
    Au mois d’août, le général Maison débarqua en Morée.
    D’après une situation du mois de septembre, le corps expéditionnaire comprenait 480 officiers et 8 489 hommes.
    Le génie était représenté par 4 compagnies, 391 hommes et 17 officiers.
  2. L’amiral de Rigny avait commandé l’escadre française à Navarin et la commandait encore.
  3. Ibrahim-Pacha, fils de Méhémet-Ali, pacha d’Egypte, commandait les forces égyptiennes au service de la Turquie, sur mer et sur terre.
  4. La peuplade grecque des environs de Maïna avait été des premières à s’engager dans la lutte pour l’indépendance.
  5. L’amiral Codrington.
  6. L’amiral Heïden.
  7. Le colonel Fabvier commandait les Tacticos depuis 1825,
  8. L’ambassadeur russe.
  9. La première brigade était commandée par le général Tiburce Sébastiani, frère du général (plus tard maréchal) comte Sébastiani, ancien ambassadeur en Turquie.
  10. Le général Maison.
  11. Colonel français au service de l’Egypte.
  12. C’est la brigade Higonet.
  13. Capo d’Istria, ancien ministre du Tsar, né à Corfou, avait été élu Président de la Grèce pour sept ans, en 1827.
  14. Les brûlots de Canaris et de Miaulis avaient incendié plusieurs fois des navires ottomans.
  15. La sœur d’Eugène Cavaignac était âgée de dix-sept ans.
  16. Colocotroni commandait les Klephtes de la Morée depuis 1821. Ces Klephtes avaient la réputation de s’attaquer plus souvent à leurs compatriotes qu’aux Turcs. Voyez dans la Revue (années 1872-1873) : La Station du Levant par l’amiral Jurien de la Gravière.
  17. Où il avait passé quelques années de son enfance (de 1808 à 1812).