Excursion aux Antilles françaises/Les Saintes

H. Lecène et H. Oudin (p. 207-211).

LES SAINTES[1].



« Les Saintes, composées de cinq îlots principaux : Terre de Haut, Terre de Bas, Grand-Îlet, la Coche et Îlet à Cabrits, dont trois seulement sont occupés (Terre de Haut, Terre de Bas et Îlet à Cabrits), sont situées à 19 kilomètres sud-est de la Guadeloupe, entre la Guadeloupe et la Dominique, par 15° 54′ latitude nord et 64° 1′ longitude ouest. Leur superficie est de 1.422 hectares.

« Les Saintes furent découvertes par Christophe Colomb le 4 novembre 1493 et tirèrent leur nom de la Toussaint, célébrée quatre jours auparavant. Elles furent occupées pour la première fois par les Français le 18 octobre 1618, sous le gouvernement de Houel, abandonnées à cause de leur manque d’eau, et occupées de nouveau en 1652, sous le même gouvernement. Depuis lors, les Saintes ont subi toutes les vicissitudes de la Guadeloupe. C’est dans leurs eaux que le comte de Grasse fut battu par Rodney en 1782.

« Le sol des Saintes, formé de rochers, est aride et présente une succession de mornes dont le plus élevé (Terre de Haut) ne dépasse pas 316 mètres. »

La Terre de Haut, la plus à l’est, est de forme irrégulière et très découpée ; un canal navigable pour les plus grands vaisseaux la sépare de la Terre de Bas, de forme carrée. Entre la Terre de Haut et l’Îlet à Cabrits, sur lequel se trouvent un pénitencier et un lazaret pour les quarantaines, est une baie profonde, où depuis 1775, à la suite d’un raz de marée survenu à la Basse-Terre, les bâtiments de guerre en station à la Guadeloupe ont l’ordre de se réfugier, en cas de mauvais temps. La passe des vaisseaux venant du nord est marquée par un récif appelé la Baleine.

Le climat des Saintes est très salubre et l’on y envoie en convalescence les dyssentériques.

La population totale des Saintes est de 1.705 âmes, dont l’industrie principale est la pêche. On récolte aux Saintes (Terre de Bas) un café estimé et du coton. On y fait aussi des poteries et on s’y livre à l’élève des volailles.

Parmi les fruits que produisent les Saintes, il faut accorder une mention spéciale à un raisin muscat exquis, comme on n’en mange pas même à Paris ; il se paie, à la vérité, au prix de 2 fr. 50 la livre.

Enfin, les Saintes méritent surtout d’être signalées comme point stratégique. L’Îlet à Cabrits forme avec la Terre de Haut, qui lui fait face, une vaste rade qui pourrait offrir un asile sûr à une flotte considérable. Aussi les gouverneurs de la Guadeloupe se sont-ils préoccupés de tout temps de fortifier cette position, et les travaux qu’ils y firent exécuter valurent de bonne heure aux Saintes le nom de Gibraltar des Indes Occidentales.

Malheureusement ce Gibraltar-là, en admettant qu’il soit aujourd’hui imprenable, ne l’a pas toujours été. Les Anglais réussirent à s’en emparer en 1794, et quand ils nous le restituèrent en 1807, ils avaient eu soin d’en raser au préalable toutes les fortifications. Six cents soldats des compagnies de discipline de la marine ont travaillé pendant vingt ans à les réédifier et à les augmenter encore. Ce sont d’abord le fort Joséphine, sur l’Îlet à Cabrits — (il sert surtout de pénitencier) — et un blockaus en pierre juché sur le Chameau, morne de la Terre de Haut, dépassant de 316 mètres le niveau de la mer. Ce sont surtout le fort Napoléon, qui a probablement changé de nom, et la batterie du Morne-Rouge. Ces forteresses commandent par leurs feux convergents toutes les passes pouvant donner accès dans le port, et font de ce point stratégique une position à peu près inexpugnable.

Avant de quitter ce groupe d’îlots, nous indiquerons, sans nous y appesantir, que dans les Antilles on fait, à tort sans doute, à ses habitants, une réputation équivalente à celle dont jouissent en France les naturels de Falaise, Martigues, Landerneau, etc. Dans les histoires qui se racontent aux heures de loisir, c’est toujours à eux qu’arrivent les mésaventures les plus extraordinaires, et on leur prête des traits d’une naïveté véritablement surprenante.



  1. A. Bouinais, p. 53 et 54.