Examen important de Milord Bolingbroke/Édition Garnier/Chapitre 5

Examen important de Milord BolingbrokeGarniertome 26 (p. 208-210).
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CHAPITRE V[1].
QUE LES JUIFS ONT TOUT PRIS DES AUTRES NATIONS.

On l’a déjà dit souvent, c’est le petit peuple asservi qui tâche d’imiter ses maîtres ; c’est la nation faible et grossière qui se conforme grossièrement aux usages de la grande nation[2]. C’est Cornouailles qui est le singe de Londres, et non pas Londres qui est le singe de Cornouailles. Est-il rien de plus naturel que les Juifs aient pris ce qu’ils ont pu du culte, des lois, des coutumes de leurs voisins ?

Nous sommes déjà certains que leur dieu prononcé par nous Jéhovah, et par eux Jaho, était le nom ineffable du dieu des Phéniciens et des Égyptiens ; c’était une chose connue dans l’antiquité. Clément d’Alexandrie, au premier livre de ses Stromates, rapporte que ceux qui entraient dans les temples d’Égypte étaient obligés de porter sur eux une espèce de talisman composé de ce mot Jaho ; et quand on savait prononcer ce mot d’une certaine façon, celui qui l’entendait tombait roide mort, ou du moins évanoui. C’était du moins ce que les charlatans des temples tâchaient de persuader aux superstitieux.

On sait assez que la figure du serpent, les chérubins, la cérémonie de la vache rousse, les ablutions nommées depuis baptême, les robes de lin réservées aux prêtres, les jeûnes, l’abstinence du porc et d’autres viandes, la circoncision, le bouc émissaire, tout enfin fut imité de l’Égypte.

Les Juifs avouent qu’ils n’ont eu un temple que fort tard, et plus de cinq cents ans après leur Moïse, selon leur chronologie toujours erronée. Ils envahirent enfin une petite ville dans laquelle ils bâtirent un temple à l’imitation des grands peuples. Qu’avaient-ils auparavant ? un coffre. C’était l’usage des nomades et des peuples chananéens de l’intérieur des terres, qui étaient pauvres. Il y avait une ancienne tradition chez la horde juive, que lorsqu’elle fut nomade, c’est-à-dire lorsqu’elle fut errante dans les déserts de l’Arabie Pétrée, elle portait un coffre où était le simulacre grossier d’un dieu nommé Remphan, où une espèce d’étoile taillée en bois[3]. Vous verrez des traces de ce culte dans quelques prophètes, et surtout dans les prétendus discours que les Actes des apôtres[4] mettent dans la bouche d’Étienne.

Selon les Juifs mêmes, les Phéniciens (qu’ils appellent Philistins) avaient le temple de Dagon avant que la troupe judaïque eût une maison. Si la chose est ainsi, si tout leur culte dans le désert consista dans un coffre à l’honneur du dieu Remphan, qui n’était qu’une étoile révérée par les Arabes, il est clair que les Juifs n’étaient autre chose, dans leur origine, qu’une bande d’Arabes vagabonds qui s’établirent par le brigandage dans la Palestine, et qui enfin se firent une religion à leur mode, et se composèrent une histoire toute pleine de fables. Ils prirent une partie de la fable de l’ancien Back ou Bacchus, dont ils firent leur Moïse. Mais, que ces fables soient révérées par nous ; que nous en ayons fait la base de notre religion, et que ces fables mêmes aient encore un certain crédit dans le siècle de la philosophie, c’est là surtout ce qui indigne les sages. L’Église chrétienne chante les prières juives, et fait brûler quiconque judaïse. Quelle pitié ! quelle contradiction ! et quelle horreur !

  1. Addition de 1767 ; voyez la note, page 195.
  2. Voyez t. XI, page 41 ; XX, 98, à la note.
  3. M’avez-vous offert sacrifice au désert durant quarante ans ? Avez-vous porté le tabernacle de Moloch et de votre dieu Remphan ? (Actes, vii, 43 ; Amos, v, 26 ; Jérémie, xxxii, 35.) Voilà de singulières contradictions. Joignez à cela l’histoire de l’idole de Michas, adorée par toute la tribu de Dan, et desservie par un petit-fils de Moïse même, ainsi que le lecteur peut le vérifier dans le livre des Juges, chap. xvii et xviii. C’est pourtant cet amas d’absurdités contradictoires qui vaut douze mille guinées de rente à milord de Kenterbury, et un royaume à un prêtre qui prétend être successeur de Céphas, et qui s’est mis sans façon dans Rome à la place de l’empereur. (Note de Voltaire, 1766.)
  4. Chapitre vii.