Examen des prédictions de M. Mathieu de la Drôme

EXAMEN DES PRÉDICTIONS
DE
M. MATHIEU DE LA DRÔME


Par M. J.-B. SIMONIN, père.




La connaissance anticipée des phénomènes qui doivent se produire dans l’atmosphère a été, dans tous les siècles, un sujet d’études pour les savants. Malheureusement, leurs efforts ont été vains, et jusqu’à présent ils n’ont pu donner que des probabilités que les faits n’ont pas toujours confirmées. M. Mathieu de la Drôme croit avoir trouvé la solution d’un problème si compliqué ; il ne pronostique pas comme ses devanciers, il prédit. Avant de croire avec lui, il fallait comparer des prédictions avec les faits accomplis, ce que j’ai fait en mettant en regard les prédictions de l’ardent météorologue et les phénomènes observés dans le département de la Meurthe, depuis le mois de janvier 1863, jusqu’au 1er février 1864.

PRÉDICTIONS DE M. MATHIEU DE LA DRÔME.
PHÉNOMÈNES MÉTÉOROLOGIQUES OBSERVÉS.






Janvier et Février 1863.

Nos côtes sont encore menacées de quelques sinistres, notamment vers le 28 ou le 29 janvier, dans les premiers et vers les derniers jours de février.

Janvier et Février 1863.

Janvier. — 21. — Tempête, pluie abondante, grêle.

Février. — Depuis le 1er jusqu’au 9, il a plu presque chaque jour.

23 février. — Pluie.

Pendant ce mois, les brouillards ont été nombreux. Les vents du N. et du N.-E. ont régné ; le baromètre s’est maintenu à une grande hauteur ; il y a eu de petites gelées.

Mars, Avril et Mai.

Des derniers jours de mars aux premiers jours de juin, le temps très-orageux et très-pluvieux. Dans certaines régions du centre et du nord de la France, les jours de pluie seront les plus nombreux.

Il n’est pas rare de voir un mois d’avril ou un mois de mai pluvieux, mais il est rare que ces deux mois se trouvent l’un et l’autre dans le même cas. Cette année, nous serons témoins de cette fâcheuse exception qui ne peut manquer d’amener quelques débordements de rivières.

Les phénomènes les plus graves, orages et pluies, arriveront aux époques ci-après :

1o Vers les dernier jours de mars ou les premiers d’avril, suivant les régions, ouragans sur terre et sur mer, particulièrement vers le 30 ou le 31 mars ; phénomènes pluvieux se rapprochant de ceux qui arrivèrent vers le milieu de juin 1815 et nous firent perdre la bataille de Waterloo.

2o Vers les derniers jours d’avril ou de mai, fortes bourrasques ; des gelées tardives sont à craindre.

3o Vers le 15 mai, dans certaines régions, dans d’autres, vers les derniers jours de Mai et les premiers jours de Juin : orages.

Mars, Avril et Mai.

Mars. — Du 6 au 22, pluie quotidienne ; 28 et 29, pluie et neige.

Le 6, vent violent, pluie abondante, tonnerre, éclairs.

28. — Vent S.-O. violent.

La température a varié depuis la gelée blanche jusqu’à 12°50 au-dessus de zéro.

Avril. — Orages les 11, 15 et 17.

Pluie les 12, 13, 14 et 16.

Brouillards nombreux.

Les pluies mentionnées ont été abondantes.

Grand vent les 25, 28.

29. — Grêle, puis refroidissement du temps.

Mai. — Les 18 et 19, orages suivis d’un grand refroidissement de la température.

Vent violent le 1er.

Pluie les 1er, 8, 13, 14, 20 et 31.

Plusieurs brouillards et de la bruine.

Juin.

Les documents nécessaires me manquent pour préjuger les vingt derniers jours de Juin. Cependant je pense que, sans donner de très-grandes quantités d’eau, la plupart de ces vingt jours seront nuageux ou pluvieux au nord de la France.

Tous les doutes seraient levés en moins de quarante-huit heures, si j’avais à ma disposition une copie des registres de l’Observatoire de Paris.

Juin.

Sans compter les jours d’orages, tous marqués par un vent impétueux et une grande pluie, il a plu les 4, 6, 8, 12, 13, 14, 15, 19, 21 et 28.

Orages les 7, 10, 17, 18, 20, 25, 26 et 29. Grand vent le 12.

Grêle le 25.

En ce mois, il y a eu deux jours très-froids, mais le 25, le thermomètre a marqué + 30°.

Juillet.

Temps variable au centre et au nord. La théorie indique des orages et de la grêle du 5 au 13 Juillet, particulièrement vers le 9 ou le 10.

Juillet.

Pluie les 12, 20, 21, 23, 24, 26 et 29.

Un seul orage le 22.

Une seule tempête le 18.

Chaleur vive (27°), sécheresse.

Sources peu abondantes.

Août.

Pluies et orages vers le 16 ou le 17 août.

Août.

Pluie les 17, 18, 19, 20, 21, 27, 29 et 31.

Orages les 11, 25 et 28.

Le 9 et le 10, le thermomètre a marqué 32 et 32°50 ; à dater du 18, la température s’est refroidie.

Septembre.

Les documents nécessaires me manquent pour préjuger les vingt ou vingt-cinq premiers jours de Septembre.

Encore une saison très-orageuse et très-pluvieuse.

Les intempéries seront la règle et le beau temps l’exception.

Les phénomènes plus graves arriveront : Vers les derniers jours de Septembre ou les premiers d’Octobre : orages.

Septembre.

Pluie, 1, 2, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 20, 21, 23, 25, 26.

Orages, 4, 23.

Tempête, 20.

Débordement des rivières, 23.

Pendant ce mois, le baromètre s’est abaissé à 719mm. L’humidité a été excessive, il a gelé le 12.

Octobre.

Vers la fin d’Octobre ou les premiers jours de Novembre : orages.

Octobre.

Pluie, 1, 2, 3, 9, 15, 29, 30 et 31.

Orages, 13, 14.

Tempêtes, 1, 30.

Brouillards fréquents.

Gelée le 24.

Novembre et Décembre.

Des quatre phases de la lune du mois de Novembre, deux au moins seront pluvieuses dans une grande partie de la France. La plus grande quantité d’eau tombera dans la dernière quinzaine. Le mois de Décembre est à redouter, ainsi que le commencement de Janvier 1864.

Du 1er au 20 Décembre, il tombera de grandes quantités d’eau sous forme de neige ou de pluie. On doit s’attendre à de violents ouragans, particulièrement du 1er au 9 ; plus particulièrement encore vers le 5 ou le 6.

De nouvelles bourrasques et de nouvelles chutes d’eau arriveront vers la fin de Décembre.

S’il tombait plus de pluie que de neige, les rivières éprouveraient une crue très-considérable, non-seulement dans le midi, mais encore au centre et au nord de la France.

Je tiens pour certain que les phénomènes lunaires de la fin de l’année amèneront ou d’énormes quantités de neige, ou des inondations.

La science que je crée n’est pas encore assez avancée pour me permettre de préjuger avec certitude si les chutes d’eau se produiront sous forme de pluie ou de neige. Si elles se produisaient sous forme de pluie, des sinistres seraient inévitables ; ils se succéderaient à peu près dans l’ordre que voici : du 1er au 10 Décembre, débordements de torrents ; du 10 au 20, débordements de rivières ; au plus tard du 28 Décembre au 5 Janvier, débordement de fleuves, notamment du Rhône et peut-être de la Seine ; crue nouvelle des rivières et des fleuves qui auraient déjà débordé. Espérons que les nuages nous enverront de la neige et que les sinistres se réduiront à quelques avalanches dans les montagnes.

Novembre et Décembre.

Novembre. — Pluie quotidienne du 1er au 13, puis le 17, 22 et 25.

Tempêtes les 2 et 3.

Gelée faible les 7 et 13.

Brouillards fréquents.

Fortes variations barométriques le 13 surtout.

Décembre. — Pluie et neige 1, 2, 3, 6, 10, 11, 12, 16, 17, 21, 22, 23, 24, 27, 29 et 30.

Tempêtes 1, 2, 3, 22, 29.

Dix jours d’épais brouillards.

Petites gelées.

Fréquentes variations barométriques.

Janvier 1864.

Vers le premier quartier du 15 Janvier, probablement quelques jours plus tôt, grands vents, pluie ou neige sur le littoral de la Méditerrannée. Je considère comme faisant partie du littoral les plaines situées à moins de deux cents kilomètres des côtes dans la direction du Nord et les pays de montagnes situés à moins de trois cents kilomètres. Au centre et au nord, le premier quartier donnera peu d’eau, se ce n’est dans quelques pays de montagnes.

Janvier 1864.

Pluie et neige les 1er et 3, pluie les 22, 23, 24, 27 et 28.

Tempêtes par le vent du N.-E. les 2, 3 et 4. Depuis le 1er jusqu’au 19, gelée continuelle dans laquelle le thermomètre est descendu plusieurs fois à 13°50 au-dessous de zéro. Le 20, commencement de dégel.

Le 21, froid rigoureux ; le dégel s’établit ensuite d’une manière douce et sans causer d’accident.

Pendant la durée du froid, les rivières ont été gelées et le baromètre s’est soutenu à une grande hauteur. Presque tous les matins, il y a eu du brouillard.

On le voit, M. Mathieu n’est pas infaillible comme l’annonce le mot prédiction dont il se sert et auquel il devrait substituer ceux de probabilités. Il ne pouvait en être autrement ; indépendamment des grandes perturbations atmosphériques qui se font sentir au loin, chaque contrée a une météorologie qui lui est propre, aussi l’auteur lui-même dit que ses prédictions ont eu surtout pour objet le littoral de la Méditerranée et qu’il existe en France un certain nombre de départements sur lesquels il ne possède aucun renseignement ; il est permis de croire que celui de la Meurthe est de ce nombre.

Depuis l’application de la télégraphie électrique à la météorologie, la prévision du temps a acquis plus de certitude ; M. l’amiral Fitzroy en Angleterre et M. Le Verrier en France, dirigent des observatoires météorologiques, où chaque jour on reçoit des dépêches de divers pays. Ces dépêches font connaître la direction des vents, les variations du thermomètre et du baromètre, et comparées entre elles, fournissent de précieuses indications. Comme les tempêtes, les orages sont annoncés deux ou trois jours avant leur manifestation ; on peut donner aux marins des avertissements salutaires.