Mercure de France (p. 285-286).

CLXXX

Ce que femme veut, Dieu le veut.


Si ta femme veut que tu sois cocu, ô employé ! Dieu le veut. Et elle le veut souvent, c’est fort probable. À toi de t’arranger en conséquence. Il me semble, cependant, que c’est mettre beaucoup sur la pauvre créature. Car enfin, si elle ne veut pas ceci ou cela, faudra-t-il que Dieu aussi ne le veuille pas et qu’ainsi elle devienne l’axe du monde ? Cette espèce de pacte entre la volonté de Dieu et la sienne, au cas de la négative, ne sera-t-il pas résilié ? Combien d’autres difficultés ! mais je ne suis pas chargé de les résoudre, n’est-ce pas ? La vie est assez énigmatique déjà, sans qu’on entreprenne le débrouillement du chaos métaphysique dans la cervelle des commis aux écritures.

Ce qui m’étonne, malgré mon expérience de la fluctuation des comptables, c’est cette espèce de respect de la Volonté divine, manifestée à leurs cœurs impurs par la volonté de la femme.

— Qu’il te soit fait selon ton désir, dit Jésus à la Chananéenne. Ma volonté est avec ta volonté.

S’il savait pourtant, le pauvre Bourgeois, que son Lieu Commun dit un mystère dont les cieux éclatent, qu’il exprime, en une façon qui n’est pas même enveloppée, la réalité la plus impatiente, la plus explosive, et qu’il est impossible de le proférer sans solliciter la foudre !