Mercure de France (p. 267).

CLXIV

Il n’y a pas de sot métier.


Pardon, il y en a un. C’est d’être tailleur et de prétendre habiller un moine. Tout le monde sait que l’habit ne fait pas le moine et que, par conséquent, il n’est pas possible d’imaginer quelque chose de plus sot que le métier qui consiste à faire un habit pour un client qui a lui-même besoin d’être fait, n’existant pas. La chose, je l’avoue, ne paraît pas très intelligible.

Cependant qu’est-ce qu’un moine ? sinon un homme ou soi-disant homme qui pratique cet autre métier d’être obéissant, chaste et pauvre, juste le contraire de ce que le Bourgeois nomme la vie.

Ne serait-ce pas là un métier encore plus sot que celui qui vient d’être dit, puisque celui qui l’exerce n’a aucune part à l’existence bourgeoise et ne peut, en aucune façon, profiter d’un habit impuissant à lui en conférer le moindre semblant ? La rencontre d’un moine et d’un tailleur est probablement ce qu’on peut imaginer de plus extraordinaire, de plus fou, de plus cocasse, de plus fantastique.