Mercure de France (p. 222-223).

CXXIX

La Saint-Barthélémy.


Ah ! par exemple, je renâcle à la série. J’ai pu consentir, héroïquement, à l’observation de quelques âneries jugées par moi-même singulières et prototypiques, mais je m’arrête là. Qui sait si on n’exigerait pas bientôt que je m’attardasse à la Révocation de l’Édit de Nantes, acte le plus honorable du règne de Louis XIV et qui fait braire la moitié de l’Europe depuis deux cents ans ? Ne faudrait-il pas, immédiatement après, dire quelque chose de la Bastille, de la Liberté de Conscience, des Droits de l’homme, du Suffrage universel, des arts d’agréments et, peut-être aussi, du sourire mystérieux de la Joconde ? Alors, zut et zut !

Pour nous en tenir à la Saint-Barthélémy, qui aurait pu être un des moments les plus agréables de l’histoire de France, j’avoue avoir éprouvé une bien pénible confusion toutes les fois qu’en Danemark, en Suède, ou dans tout autre pays protestant, on m’en a parlé. En effet, il se dit communément, dans ces banlieues, que cette fête fit couler le sang de plusieurs centaines de milliers de calvinistes au cœur pur, rien qu’à Paris.

— Plût à Dieu ! me suis-je écrié, chaque fois, douloureusement. Vous représentez-vous l’humiliation de rectifier, par les humbles chiffres trop certains, ces chiffres grandioses ! J’étais dans la situation d’un malheureux supposé riche et forcé d’avouer son dénuement. Cette humiliation dure toujours, atténuée un peu, il est vrai, par la certitude consolante que les calvinistes, aujourd’hui, s’entrecrèvent eux-mêmes volontiers, le plus gentiment du monde.

Tout de même c’est dur, pour un catholique, de ne jamais voir la fin de cette ironie, de toujours subir, ici ou là, en France aussi bien qu’à l’étranger, depuis environ 330 ans, la dérisoire vitupération des imbéciles pour l’atrocité, malheureusement imaginaire, d’un vieux Fait-Paris qui eût pu être un si grand acte, mais qui, par l’effet d’un concert inouï de maladresses, n’a été, hélas ! rien de plus qu’une espèce d’effusion sentimentale.