Mercure de France (p. 219-220).

CXXVII

La nuit du Moyen Âge.


Autrefois, il y a cinquante ans à peine, la nuit ou, si on veut, les ténèbres du Moyen âge étaient rigoureusement exigées dans les examens. Un jeune bourgeois qui aurait douté de l’opacité de ces ténèbres n’aurait pas trouvé à se marier.

Aujourd’hui, grâce à l’art industriel propagé par les cabarets chanteurs, la société bourgeoise, déjà si ragoûtante, est devenue moyenâgeuse. Elle a des vitraux en culs de bouteilles, des stalles, des huches, des tapisseries, des crédences, de la faïence et du fer forgé. Tout cela sans ruine ni douleur. Un patron de bazar qui n’est pas une brute doit pouvoir improviser une collection Du Sommerard en vingt-quatre heures. Désormais la Lampisterie et la Confection ont de quoi répondre aux artistes. On ne la leur fait plus. Elles la connaissent dans tous les coins.

Il est vrai que cet unique bec de gaz étant allumé, la fameuse nuit continue. Accordons l’art, cet art-là, bien entendu, puisqu’on y tient et que cela fait aller le commerce. Mais à cela près, comment refuser les ténèbres à une époque où tout le monde croyait en Dieu ?