Mercure de France (p. 173-174).

XCVIII

Faire un bon mariage.


En principe et d’une manière générale, ce qu’on appelle faire un bon mariage consiste à épouser n’importe qui. Rien n’est plus facile à démontrer.

Épouser quelqu’un de connu, quelqu’un ou quelqu’une qui serait une personne plutôt qu’une autre, suppose nécessairement un choix fondé sur une estime particulière. Or, dans la jurisprudence du Bourgeois, cela, ai-je besoin de le dire ? est un désordre qui ne peut être supporté.

La première et indispensable condition pour la pratique d’un bon mariage, c’est de faire passer l’argent avant toute autre considération, en ayant bien soin de se dire que toute autre considération serait oiseuse et, par conséquent, pleine de danger.

L’arithmétique est le sûr préliminaire, le seul prélude, la guitare unique pour des gens sérieux qui ont décidé de coucher ensemble. La bénédiction du prêtre, si la clientèle exige cette formalité sans importance, et la mainlevée plus décisive de l’officier municipal, doivent aller à des unités humaines qui s’ignorent autant, et même beaucoup plus, que des animaux en chaleur. C’est ainsi et non autrement que se conditionnent les bons mariages et que naissent les enfants d’argent.