Mercure de France (p. 170).

XCV

Être de bonne foi.


— Je suis de bonne foi. J’ai tué mon père de bonne foi. J’ai cru lui rendre service. Je le crois encore. Il s’ennuyait de vivre, depuis longtemps, et tous les voisins pourront vous dire que c’était un vieillard très difficile.

Mettez-vous à ma place, messieurs les jurés, que pouvais-je faire ? Avais-je un autre moyen de lui prouver mon affection ? Appartenant à un autre siècle, il me blâmait de faire la noce, ne comprenant pas qu’on ne saurait être de bois et qu’il faut que jeunesse se passe. Impossible de s’entendre.

Avec ça, j’avais besoin d’argent. De toutes manières, pour lui et pour moi, il était préférable d’en finir. Oh ! il n’a pas souffert, allez ! Je l’ai abattu d’un seul coup, avec la plus grande humanité, n’étant pas de ceux qui se plaisent à faire souffrir. Si tout le monde faisait comme moi, on s’embêterait moins et les vaches seraient mieux gardées.