Essais de morale et de politique (trad. Lasalle)/19

Essais de morale et de politique
Chapitre XIX
Traduction par Antoine de La Salle.
Œuvres12 (p. 189-208).

XIX. De la souveraineté, et de l’art de commander.

Est-il un état plus malheureux que celui du mortel qui n’a presque rien à désirer, et presque tout à craindre ! Tel est pourtant le sort le plus ordinaire des souverains. Ils sont si élevés au dessus des autres hommes, qu’il ne reste presque plus rien au dessus d’eux et à quoi ils puissent aspirer : aussi leur âme est-elle perpétuellement livrée à la langueur, à l’ennui, et au dégoût[1]. Ils sont assiégés de périls, de craintes, d’ombrages et de soupçons, qui rendent leur cœur très difficile à connoître ; et c’est ce que dit formellement l’Écriture sainte : le cœur des rois est impénétrable. En effet, lorsqu’un homme, qui est rongé de soucis et rempli de soupçons, n’a aucun désir prédominant, qui puisse régler tous les autres et faire concourir toutes ses volontés à un but fixe, son cœur est très difficile à pénétrer. Aussi voit-on souvent les princes se créant à eux-mêmes des désirs, se passionner pour des objets frivoles, ou pour des occupations indignes d’eux, tels que la chasse, les bâtimens, l’élévation d’un favori, la création d’un ordre militaire ou religieux. Ce sera souvent tel des arts libéraux, quelquefois même un art mécanique, qui fera leur unique occupation. Néron, par exemple, étoit musicien ; Domitien, tireur d’arc ; Commode, armurier ; et Caracalla étoit cocher. De tels goûts dans des personnages d’un rang si élevé, semblent étranges à ceux qui ne connoisssent pas ce principe : l’âme humaine se plaît beaucoup plus à avancer dans les petites choses, qu’à demeurer stationnaire dans les grandes. Nous voyons aussi que les rois qui ont fait de rapides conquêtes durant leur jeunesse, mais qui ensuite ont été forcés de s’arrêter, parce qu’il leur étoit impossible d’aller en avant, sans essuyer quelque échec, ou rencontrer quelque obstacle, ont fini par devenir mélancoliques et superstitieux ; comne l’éprouvèrent Alexandre-le-Grand, Dioclétien, et de notre temps, Charles-Quint, Car, lorsque l’homme qui étoit accoutumé à avancer rapidement, trouve un obstacle qui l’arrête, il est mécontent de lui-même, et il devient tout différent de ce qu’il étoit[2].

Il est bien difficile de connoître à fond la constitution, et, s’il est permis de s’exprimer ainsi, le tempérament d’un empire, et de savoir au juste quel régime lui convient. Car tout tempérament, bon ou mauvais, est composé de contraires. Mais savoir faire une judicieuse combinaison de ces contraires, ou les employer alternativement, en les mêlant et les confondant l’un avec l’autre, sont deux choses très différentes. Ainsi, la réponse d’Apollonius à Vespasien, sur ce sujet, est pleinė de sens, et offre aux princes une grande leçon. Cet empereur lui demandant quelles avoient été les véritables causes de la perte de Néron : Néron, répondit-il, savoit bien accorder sa harpe (sa guitare) et en jouer ; mais dans le gouvernement il montoit ses cordes tantôt trop haut ; tantôt trop bas ; rien n’affoiblit ou ne ruine plus promptement l’autorité, que les variations d’un gouvernement qui passe souvent, et sans jugement, d’un extrême à l’autre, en tendant et relâchant alternativement les ressorts de cette autorité[3].

Il est vrai qu’aujourd’hui toute l’habileté des ministres et des hommes d’état semble se réduire à savoir trouver de prompts remèdes aux dangers les plus prochains, et esquiver les difficultés à mesure qu’elles naissent ; au lieu de prévoir de loin la tempête, et de s’en garantir par des moyens et des positions solides, dont l’effet se prolonge dans l’avenir. Mais attendre les dangers comme ils le font, n’est-ce pas, en quelque manière, braver la fortune, et prendre plaisir à lutter contre elle ? Le véritable homme d’état ne s’endort point ainsi ; il ne voit point, d’un œil tranquille, la matière première des séditions s’amasser près de lui, et il se hâte de la dissiper ; car une fois que la matière combustible est préparée, qui peut empêcher qu’une étincelle y mette le feu ? et qui peut dire d’où partira cette étincelle ?

Les princes sont assiégés de difficultés sans cesse renaissantes, et quelquefois insurmontables ; mais la plus grande de toutes, est dans leur propre caractère. Car le défaut le plus ordinaire des princes, comme l’observe Tacite (et Salluste), c’est d’avoir en même temps des volontés contradictoires ; c’est là le solécisme le plus fréquent du souverain : il ne peut souffrir l’exécution de l’ordre qu’il vient de donner lui-même ; il veut la fin et ne peut endurer le moyen.

Les rois ont des relations nécessaires avec leurs voisins, avec leurs épouses et leurs enfans ; avec le clergé, la haute noblesse et celle du second ordre, ou les simples gentilshommes ; avec les commerçans, avec le peuple des classes inférieures, avec les troupes, etc. sans un peu de vigilance et de circonspection, ce sont là autant d’ennemis.

À l’égard de leurs voisins, les circonstances et les situations sont tellement diversifiées, qu’il est impossible de donner des règles générales sur ce point, sinon une seule qui est utile dans tous les cas, et qu’il ne faut jamais perdre de vue, la voici : ayez sans cesse les yeux ouverts sur vos voisins, et n’épargnez aucun moyen pour les empêcher de s’agrandir, de devenir plus puissans, et de se mettre ainsi plus en état de vous nuire[4], soit en étendant leur territoire sur-tout de votre côté, soit en attirant à eux le commerce, etc. Or, généralement parlant, ce sont les conseils d’état, toujours subsistans, qui doivent prévoir et prévenir cette sorte d’inconvéniens. Durant le triumvirat de Henri VIII, roi d’Angleterre ; de François I, roi de France ; et de l’empereur Charles V, ces princes observèrent parfaitement cette règle : ils s’inspectoient réciproquement, avec tant de vigilance, que pas un des trois ne pouvoit gagner un pouce de terrain, sans que les deux autres se liguassent contre lui pour rétablir l’équilibre ; et leur marche constante étoit de ne jamais faire la paix qu’après en être venu à bout, Il en fut de même de la ligue formée entre Ferdinand, roi de Naples, Laurent de Médicis, duc de Toscane, et Louis Sforce, duc de Milan ; ligue qui, suivant Guichardin, fut la sauve-garde et le salut de l’Italie.

Quelques scholastiques prétendent qu’il n’est permis de faire la guerre qu’après une injure reçue et une provocation manifeste. Mais nous pouvons renvoyer cette prétendue règle aux moines casuistes ; car la crainte fondée d’un péril imminent est une cause légitime guerre. Il est permis de prévenir le coup dont on est menacé, et de l’éviter en frappant le premier[5].

Quant aux reines, l’histoire offre dans plusieurs, des exemples de perfidie et de cruauté, qui sont de terribles leçons pour les rois. Livie, en empoisonnant son époux, se couvrit d’une éternelle infamie ; Roxelane, ayant causé la perte du prince Mustapha, déjà si célèbre, excita ensuite de grands troubles dans la maison et la succession de son époux. L’épouse d’Edouard II contribua beaucoup à la dépossession et à la mort du sien[6]. Ces catastrophes sont à craindre, sur-tout quand les reines, ayant des enfans d’un premier lit, veulent les élever au trône, ou quand elles ont des amans favorisés.

L’histoire offre aussi de sanglans exemples de ce que les rois ont à craindre de la part de leurs enfans ; et quelquefois aussi les enfans sont les victimes des soupçons des pères. La mort violente de Mustapha fut si fatale à la race de Soliman, que la succession des Turcs, depuis la mort de ce prince, est fort suspecte ; car on a soupçonné Sélim II d’avoir été supposé. La mort de Crispe (Auguste), que son père Constantin-le-Grand fit mourir, fut également fatale à sa maison : deux autres de ses fils moururent aussi de mort violente ; et Constantin iiie. du nom, ne fut guère plus heureux ; à la vérité il mourut de maladie, mais peu de temps après que Julien eut pris les armes contre lui. La mort de Démétrius, fils de Philippe II, roi de Macédoine, retomba sur le père, qui en mourut de regret et de repentir[7].

L’histoire n’offre que trop de ces odieux exemples ; et l’on n’en voit presque point où les pères aient acquis quelque avantage réel, en attentant à la vie de leurs propres fils : à moins ceux-ci n’eussent pris les armes contre eux, comme Sélim I, contre Bazajet (II), et les trois fils de Henri II, roi d’Angleterre, qui se révoltèrent aussi contre leur père.

Des prélats puissans et orgueilleux peuvent aussi se rendre redoutables aux rois, comme on en voit des exemples dans Thomas Becquet et Anselme, tous deux archevêques de Cantorbéry, qui eurent bien l’audace de mesurer leur crosse avec l’épée du souverain. Cependant ils avoient affaire à des princes qui ne manquoient pas de courage et de fierté ; je veux dire : Guillaume-le-Roux, Henri I et Henri II. Mais les ecclésiastiques ne sont réellement à craindre pour le gouvernement, que dans deux cas ; savoir : lorsqu’ils dépendent d’une autorité étrangère, et lorsque la collation des bénéfices dépend du peuple, ou de leurs seigneurs respectifs et immédiats[8].

Quant à la haute noblesse, il est bon que le prince tienne les grands à une certaine distance de sa personne, afin de leur imprimer du respect. Cependant, si le roi les abaisse et les avilit excessivement, il pourra devenir plus absolu ; mais il sera moins affermi sur son trône, et moins en état d’exécuter ses desseins. C’est une observation que j’ai faite dans mon histoire de Henri VII, roi d’Angleterre, qui opprimoit sa noblesse ; imprudence qui fut la vraie cause de ces troubles et de ces révoltes qu’il eut à essuyer. Car, quoique les nobles restassent soumis, cependant leur secret mécontentenent les empêchant de le seconder, il étoit obligé de tout faire lui-même.

La noblesse du second ordre, corps dont les membres sont plus dispersés, est, par cela même, peu dangereuse. Elle parlera quelquefois un peu haut, mais elle fera plus de bruit que de mal. De plus, c’est un contre-poids nécessaire pour balancer l’influence de la haute noblesse, et l’empêcher de devenir trop puissante, Enfin, l’autorité que la noblesse de l’ordre inférieur exerce sur le peuple, étant plus immédiate, elle n’en est que plus propre pour apaiser les émeutes populaires.

Les commerçans sont la veine porte du corps politique : lorsque le commerce n’est pas florissant, ce corps peut avoir des membres robustes, mais ses parties seront mal nourries et il aura peu d’embonpoint. Les taxes imposées sur cette classe de citoyens, sont rarement avantageuses aux revenus du souverain : car ce qu’il peut gagner, par ce moyen, sur une centaine d’individus, il le reperd sur une province entière qu’il appauvrit ; la masse de ces impositions ne pouvant croître qu’aux dépens de la masse totale des fonds employés dans le commerce.

Les classes inférieures du peuple ne sont à craindre que dans deux cas ; savoir : quand elles ont un chef puissant et renommé ; ou quand on touche trop à la religion, aux anciennes coutumes, ou aux moyens dont il tire sa subsistance.

Enfin, les gens de guerre sont dangereux dans un état, quand, restant toujours sur pied, ils ne forment qu’un seul corps, et sous un seul chef, ou lorsqu’ils sont trop accoutumés aux donatifs (aux gratifications), danger dont nous voyons assez d’exemples dans les fréquentes révoltes des janissaires de Constantinople, et dans celles des gardes prétoriennes des empereurs romains. Mais quand on a l’attention de lever des hommes et de les exercer en différens lieux, en mettant à leur tête plusieurs chefs, et en ne les accoutumant pas trop à ces gratifications, on procure ainsi à l’état une défense toujours subsistante et sans courir de risques.

Les princes peuvent être comparés aux corps célestes ; ils font les bons et les mauvais temps ; ils reçoivent beaucoup d’hommages ; mais ils ont plus d’éclat et de majesté que de repos. Tous les préceptes qu’on peut donner aux rois sont compris dans ces deux avertissemens de l’Écriture sainte : souviens-toi que tu es homme ; mais souviens-toi en même temps que tu es un Dieu sur la terre (ou le lieutenant de la divinité[9]) ; avertissemens dont l’un doit servir de frein à leur pouvoir, et l’autre à leur volonté.

  1. De ce vuide qui est dans leur âme, et qu’il faut remplir par des amusemens dispendieux, vient le vuide qui se fait dans leur trésor, et d’où résulte un vuide sur les épaules du corps politique. Celui qui apprendroit aus rois l’art de s’amuser à peu de frais, épargneroit le sang de leurs sujets ; Car la guerre vient presque toujours de là : elle est fille de l’ennui des fainéans qui ont du cœur, et qui s’amusent à tuer des hommes, pour tuer le temps, on à se faire tuer, pour se désennuyer.
  2. L’homme ne peut être heureux que lorsqu’il avance ou s’imagine avancer vers son but, soit réel, soit chimérique ; but toujours déterminé par sa passion dominante. Or, il croit reculer, lorsqu’il recule réellement, ou lorsqu’après avoir longtemps avancé rapidement, il est stationnaire. De plus, il est assez d’hommes à qui l’habitude des grands mouvemens, même sans objet, en a fait un besoin, qui font la guerre simplement pour se désennuyer (comme nous le disions plus haut), qui tourmentent les autres hommes, non pas précisément pour les rendre malheureux, ce qui est au fond assez indifférent aux héros, mais pour se délasser de leur fainéantise, et pour faire de l’exercice, à peu près comme les enfans fouettent leur sabot, et tant pis pour ce sabot s’il est sensible ; car, selon eux, la chasse vaut mieux que le gibier, et la pêche vaut mieux que le poisson : il faut courir, même sans savoir où l’on va ; et peu importe où l’on va, pourvu qu’on aille, le mouvement même faisant la plus grande partie du but.
  3. Un gouvernement quelconque, quoi qu’en dise notre auteur, est obligé d’employer alternativement les deux moyens contraires, une fermeté opiniâtre et une douceur continue ayant également des inconvéniens ; mais, pour ne point paroître incertain et irrésolu, il faut mettre un suffisant intervalle de temps entre l’emploi de l’un des moyens contraires et l’emploi de l’autre. Il faut de plus les combiner toujours un peu ensemble ; par exemple, mêler à plusieurs actes de fermeté quelques actes de douceur, afin que cette fermeté ne paroisse pas une tyrannie, et joindre à plusieurs actes de douceur quelques actes de fermeté, de peur que cette douceur ne passe pour foiblesse. On doit, par la même raison, observer la même méthode, en faisant prédominer alternativement deux factions opposées ; ne faire succéder la prédominance de l’une à celle de l’autre, qu’après un intervalle de temps un peu long ; et, en donnant l’avantage à l’une, faire toujours un peu pour l’autre, afin de ne pas trop aigrir celle-ci, et d’éviter le reproche de partialité ; par exemple, en choisissant douze sujets de la faction A, pour lui donner la supériorité, y joindre trois ou quatre sujets de la faction B : et réciproquement. Le lecteur verra dans l’histoire de Henri VII, que, pour s’être trop livré à un seul parti, il essuya une infinité de révoltes.
  4. Car une expérience continuelle prouve que, s’ils en ont le pouvoir, ils en auront tôt ou tard la volonté.
  5. Il est évident pour tout moine valétudinaire, qu’un individu, après avoir reçu un soufflet, doit tendre l’autre joue pour en recevoir vingt autres, comme il est juste ; mais, non-seulement le corps politique n’est pas obligé de tendre l’autre joue, mais il a droit de donner un soufflet, de peur d’en recevoir un. Les hommes ont beau réclamer les loix de la justice et entasser de belles maximes, quand ils sont les plus foibles, la nature qui fait entrer dans son plan les puissances destructives, ainsi que les puissances productives, parce qu’elle ne peut former de nouveaux composés, qu’avec les débris de ceux qu’elle a détruits, se riant de toutes les règles humaines, donne éternellement raison au plus fort ; et l’homme, à cet égard, très docile à ses loix, a toujours un profond respect la force. Ainsi il faut d’abord tâcher d’être le plus fort, et tâcher ensuite d’augmenter sa force par la justice, qui est le plus sûr moyen pour multiplier ses alliances. Or, comme d’état à état, il n’est point de tiers permanent, de juge inamovible, qui puisse faire droit, il n’est d’autre moyen pour se défendre contre un ennemi qui abuse de ses avantages, que de profiter des occasions où il donne prise. D’ailleurs, si la défense est permise, et même d’obligation, comme il est une infinité de cas où l’attaque est la seule bonne défense, il est donc une infinité de cas où la justice permet, et mème ordonne d’attaquer. Tel est sur-tout le cas d’un prince qui a un voisin puissant et ambitieux ; car une continuelle expérience prouvant que le plus fort abuse toujours de ses avantages, de grandes forces, avec un caractère ambitieux, sont une perpétuelle déclaration de guerre. Or, non-seulement l’attaque est quelquefois la meilleure défense, mais même, généralement parlant, la meilleure manière de se défendre c’est d’attaquer. Car, lorsque vous attaquez votre ennemi couvert ou déclaré, vous avez plus de courage et il en a moins, que si vous faisiez chacun la moitié du chemin, Au lieu que, s’il vous attaquoit, il auroit plus de courage et vous en auriez moins, que si vous vous portiez tous deux en même temps l’un contre l’autre ; ce qui fait la différence du quadruple au simple. Or, toutes les sociétés humaines sont dans un perpétuel état de guerre, soit au dehors, soit au dedans, et la vie entière est un combat. Cette règle forme donc la plus grande partie de l’art de vivre ; règle bien connue de Cyrus, d’Alexandre-le-Grand, de Jules-César, des Romains, pris en général, et des Français d’aujourd’hui, qui viennent de l’imprimer avec la pointe du sabre sur la moitié de l’Europe : c’est parce que notre généreuse et immense jeunesse, qui ne sait se défendre qu’en attaquant, brille comme l’éclair et frappe comme la foudre, qu’elle est invincible et compte autant de victoires que de batailles. Cependant, comme, en toute espèce de guerre, l’agresseur multiplie ses ennemis, couverts ou déclarés, la véritable règle sur ce point, règle qui concilie les loix de la justice avec les maximes de la prudence, c’est de se tenir toujours prêt à faire la guerre, d’attendre la première provocation de l’ennemi, et de fondre sur lui avec le manifeste au bout de la pique : ce qui diminue encore plus son courage, que s’il n’eût pas espéré de jouer le rôle d’assaillant ; une des meilleures ruses de guerre, ruse bien connue de Jules-César, étant de témoigner d’abord de la crainte, avant de déployer son courage ; ce qui cause une plus grande surprise à l’ennemi, sans compter que cette apparence de timidité le rend moins vigilant : au lieu que l’imprudent qui provoque son ennemi et l’irrite par des insultes (verbales ou actives), ne fait que bander l’arc qui va tirer sur lui. Ainsi, pour prațiquer la maxime de notre auteur, il ne seroit pas absolument nécessaire de violer les loix de la justice.
  6. Ajoutez Agrippine, femme de l’empereur Claude et mère de Néron ; Frédégonde, l’épouse d’Alboin, roi des Lombards ; Isabeau de Bavière, etc.
  7. Il oublie Mithridate.
  8. Les prêtres des fausses religions sont presque toujours oppresseurs, lorsqu’ils ne sont pas opprimés ; et quand ils ne peuvent opprimer le peuple à l’aide du prince, ils oppriment le prince à l’aide du peuple. Mais l’histoire de Louis-le-Débonnaire et de l’empereur Frédéric III prouve qu’on ne peut faire un tel reproche aux prêtres catholiques.
  9. Le pouvoir despotique du souverain maître de l’univers n’est point oppressif, parce que sa justice est infinie, comme sa puissance ; et les rois de la terre seroient les vrais représentans de la divinité, si la mesure de leur puissance n’excédoit jamais celle de leur justice ; mais, comme ces rois sont ordinairement plus puissans que justes, leur justice étant même presque toujours en raison inverse de leur puissance, il est clair que, pour empécher le pouvoir souverain de devenir oppressif, et assimiler parfaitement le dieu terrestre au roi céleste, il faudroit lui ôter en puissance tout ce qui lui manque en justice. Aussi les princes les plus sages, connoissant leurs vrais intérêts, et se défiant d’eux-mèmes, ont-ils soin de limiter leur propre pouvoir, afin de se mettre dans l’heureuse impuissance d’en abuser au point de lasser la patience des peuples, et de provoquer ces terribles réactions qui renversent les trônes. Tant que le trône est occupé par un prince qui a assez de vigueur pour soutenir la résistance que le peuple oppose naturullement à la partie usurpative du pouvoir, la monarchie subsiste ; mais tôt ou tard vient le règne d’un prince foible contre lequel le peuple réagit victorieusement, et qu’il punit de la faute de ses prédécesseurs.