Le profit de l’un est dommage de l’autre.
Chap. XII.
Emades Athenien condamna un homme de sa ville, qui faisoit mestier de vendre les choses necessaires aux enterremens, soubs tiltre de ce qu’il en demandoit trop de profit, et que ce profit ne luy pouvoit venir sans la mort de beaucoup de gens. Ce jugement semble estre mal pris, d’autant qu’il ne se fait aucun profit qu’au dommage d’autruy, et qu’à ce conte il faudroit condamner
toute sorte de guein. Le marchand ne fait bien ses affaires qu’à la débauche de la jeunesse ; le laboureur, à la cherté des bleds ;
l’architecte, à la ruine des maisons ; les officiers de la justice, aux
procez et querelles des hommes ; l’honneur mesme et pratique des
ministres de la religion se tire de nostre mort et de nos vices. Nul
medecin
ne prent plaisir à la santé de ses amis mesmes, dit l’ancien
Comique
Grec, ny soldat à la paix de sa ville : ainsi du reste. Et qui pis
est, que chacun se sonde au dedans, il trouvera que nos souhaits
interieurs pour la plus part naissent et se nourrissent aux despens
d’autruy. Ce que considerant, il m’est venu en fantasie, comme nature
ne
se dement point en cela de sa generale police, car les Physiciens
tiennent que la naissance, nourrissement et augmentation de chaque
chose, est l’alteration et corruption d’un’ autre :
Nam quodcunque suis mutatum finibus exit,
Continuo hoc mors est illius, quod fuit ante.