Essai sur la propriété foncière indigène au Sénégal/Traités de 1679, 1764 et 1765

Traités de 1679, 1764 et 1765.

Ces traités furent les premiers actes en vertu desquels la France acquit un droit de propriété sur les côtes du Sénégal. Voici dans quelles circonstances ils intervinrent :

La Compagnie française du Sénégal possédait sur les côtes du Baol, du Cayor et du Sine quelques comptoirs, entr’autres Portudal, Joal et Rufisque. En 1679, les chefs de ces pays envahirent ces comptoirs où ils commirent toutes sortes d’excès. L’amiral Du Casse infligea un châtiment aux auteurs de ces pillages : il prit et détruisit plusieurs villages et força le teigne du Baol, le Bour-Sine et le damel du Cayor à signer des traités aux termes desquels ils cédaient à la Compagnie toutes les côtes de leur royaume sur six lieues de profondeur.

Voici, du reste, comment s’exprimait l’article 1er de ces trois traités dont la rédaction est identique et qui sont rapportés dans l’ouvrage du R. P. Labat intitulé : « Nouvelle relation de l’Afrique occidentale ».

Article premier. — Toutes les côtes de la mer du royaume avec six lieues dans les terres appartiendront pour toujours et en toute propriété à la Compagnie française du Sénégal.

Ces trois traités furent enregistrés au greffe de l’Amirauté du Havre, le 18 octobre 1679 et leur validité fut reconnue par Louis XIV. Des lettres patentes de 1681 portent que la Compagnie du Sénégal jouira des terres appartenant à celle qui l’avait précédée tant par les concessions de Sa Majesté que pour les traités faits avec les Rois du pays ou à titre de conquête, sur la côte du Sénégal et sur celle de la terre ferme d’Afrique avec six lieues de profondeur dans les terres. Dans les chartes de concession qui suivirent, les territoires en bordure de la mer acquis en 1679, furent aussi expressément compris dans le domaine concédé aux Compagnies.

Cependant, il convient de le reconnaître, ce droit de souveraineté et de propriété était plutôt nominal que réel et les diverses compagnies qui se succédèrent au Sénégal ne pensèrent pas un seul moment à tirer parti de ce vaste territoire et à y fonder de nouveaux établissements. Les efforts et les regards étaient tournés ailleurs ; ils étaient tout entiers concentrés sur le fleuve du Sénégal, qui était, à cette époque, jalonné de comptoirs florissants où le génie aventureux et pratique de Brue projetait de faire affluer le commerce du Soudan et des centres situés sur la rive gauche du Niger.

L’indifférence que la compagnie témoignait à l’égard de son domaine maritime suscitait les regrets du R. P. Labat qui semble avoir été le premier à deviner l’avenir de Dakar. Dans l’ouvrage que nous venons de citer, il signale l’importance du Cap Vert, et il insiste sur la nécessite qu’il y aurait à marquer d’une façon tangible la souveraineté de la France sur cette partie de la côte.

Ces conseils ne furent pas entendus et les droits de la France sur les côtes du Sénégal étaient à ce point ignorés et méconnus qu’en 1764 et 1765, on éprouva le besoin de signer des conventions avec le damel du Cayor pour obtenir la propriété de la presqu’île du Cap-Vert.

Un traité analogue fut conclu à nouveau en 1787 sous le gouvernement du chevalier de Boufflers (Walckenaër, Histoire des Voyages, tome VI, page 6.)[1].

Voici ce qu’écrivait à ce sujet, en 1785, le contemporain Labarthe : « Il paraît qu’on avait oublié de faire valoir nos prétentions (celles résultant des traités de 1679) puisque en 1763 et 1765, nous avons traité avec le roi Damel. À cette époque, il nous a cédé le cap Vert et les terres voisines, depuis la pointe des Mamelles jusqu’au cap Bernard, espace où se trouvent les villages de Daccard et de Bin, dont on peut tirer des ressources. »

Les guerres qui marquèrent la fin du xviiie siècle et le commencement du xixe ne permirent pas d’utiliser les territoires que nous nous étions fait céder. Les Anglais, qui prirent à plusieurs reprises Gorée, ne parurent pas davantage se préoccuper des dépendances de la terre ferme.

  1. Voyage de M. Geoffroy de Villeneuve, dans la Sénégambie en 1785, 1786, 1787 et 1788.