Essai sur l’histoire de la formation et des progrès du Tiers-État/02

Essai sur l’histoire de la formation et des progrès du Tiers-État
Revue des Deux Mondes, période initialetome 14 (p. 722-741).
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ESSAI SUR L'HISTOIRE


DE LA


FORMATION ET DES PROGRES


DU TIERS-ETAT.




II.[1]

Les états-généraux que j’ai mentionnés jusqu’ici n’étaient pas toute la représentation du royaume ; il y en avait une pour la France du nord et du centre, pour le pays de langue d’oïl et de droit coutumier, et une pour la France méridionale, pour le pays de langue d’oc et de droit écrit[2]. Quoique réunies simultanément par la même autorité, et quoique générales d’une part comme de l’autre, ces assemblées ne jouèrent point le même rôle politique, et l’histoire ne peut leur accorder une égale importance. Le nord et le midi de la France n’étaient point, au moyen-âge, dans la même situation sociale ; le midi était plus civilisé, plus prospère, et gouverné moins directement ; là subsistait, mieux conservée, l’empreinte romaine dans les mœurs comme dans la langue ; l’esprit municipal soutenu par le nombre et la richesse des villes y gardait mieux sa force et sa nature. Les révolutions administratives, les créations de la royauté, se faisaient au nord et n’arrivaient que par contre-coup dans le midi. Il en était de même pour les courans de l’opinion publique, nés dans la France coutumière du conflit des classes rivales ou ennemies et des grands corps de l’état. Toujours, d’un côté et de l’autre, il y avait une sorte de dissonnance dans les sentimens et dans les actes, et la trace s’en est conservée jusqu’au sein de l’unité moderne. De là résulte la nécessité de borner le théâtre de cette histoire, qui doit être une et simple pour être claire, d’omettre des faits considérables, mais sans portée ultérieure, et de négliger le pays où règne plus de liberté, un droit plus équitable, une moins grande inégalité des conditions et des personnes, pour celui où le désordre social est excessif, mais où se jettent les fondemens de l’ordre à venir, et où se passent les faits qui marquent la série de nos progrès civils et politiques.

Le tiers-état puisait sa force et son esprit à deux sources diverses, l’une multiple et municipale, c’étaient les classes commerçantes, l’autre unique et centrale, c’était la classe des officiers royaux de justice et de finance, dont le nombre et le pouvoir augmentaient rapidement, et qui, sauf de rares exceptions, sortaient tous de la roture. À cette double origine répondaient deux catégories d’idées et de sentimens politiques. L’esprit de la bourgeoisie proprement dite, des corporations urbaines, était libéral, mais étroit et immobile, attaché aux franchises locales, aux droits héréditaires, à l’existence indépendante et privilégiée des municipes et des communes ; l’esprit des corps judiciaires et administratifs n’admettait qu’un droit, celui de l’état, qu’une liberté, celle du prince, qu’un intérêt, celui de l’ordre sous une tutelle absolue, et leur logique ne faisait pas aux privilèges de la roture plus de grace qu’à ceux de la noblesse. De là vinrent, dans le tiers-état français, deux tendances divergentes, toujours en lutte, mais toujours employées à un même objet final, et qui, se tempérant l’une par l’autre, se combinant sous l’influence d’idées nouvelles plus hautes et plus généreuses, ont donné à nos révolutions, depuis le XIIIe siècle, leur caractère de marche lente, mais toujours sûre, vers l’égalité civique, l’unité nationale et l’unité d’administration. Un autre fait non moins caractéristique et aussi ancien dans notre histoire, c’est le rôle particulier de la bourgeoisie parisienne. Paris était la ville du grand commerce et des grandes institutions scientifiques ; l’activité intellectuelle s’y déployait plus largement que dans aucune autre ville du royaume ; l’esprit public s’y montrait à la fois municipal et général. On a vu le peuple de Paris figurer comme chef de l’opinion militante dans les tentatives démocratiques de 1357 ; on le retrouvera au même poste à toutes les époques de crise sociale, jusqu’à la révolution suprême, 1789, et à son appendice, 1830.

Je reprends le fil du récit au règne de Charles V. Ce prince recouvra une à une les portions démembrées du royaume ; il rendit la France plus forte au dehors, et au dedans plus civilisée ; il fit de grandes choses en dépensant beaucoup, et trouva le moyen de lever plus d’argent que ses prédécesseurs, sans recourir aux états-généraux et sans soulever de résistances ; tout resta calme tant que sa main fut là pour tout concilier et tout régler. Il établit, sous le nom d’aides ordinaires, la permanence de l’impôt, violant du même coup les franchises féodales et les franchises municipales ; il le fit avec décision, mais, à ce qu’il semble, avec scrupule, et il en eut du regret à son lit de mort[3]. C’était, en effet, quelque chose de grave et de triste : la royauté se trouvait pour la première fois en opposition avec la bourgeoisie ; le nouvel ordre monarchique était divisé contre lui-même par la question de l’impôt régulier, question vitale qu’il fallait résoudre, et qui, à l’avènement de Charles VI mineur, ne pouvait l’être ni dans un sens ni dans l’autre.

L’impression qu’avaient produite les paroles de repentir attribuées au roi défunt ne permettait pas de continuer d’autorité la levée des subsides généraux, ni d’en espérer la concession par les trois états réunis. Les tuteurs du jeune roi essayèrent, comme moyen terme, des convocations de notables et des pourparlers avec l’échevinage de Paris ; mais il n’en résulta rien qu’un surcroît d’effervescence populaire et les menaces d’émeute, en présence desquelles l’échevinage prit de grandes mesures d’armement pour le maintien de l’ordre public et la défense des libertés de la ville[4]. Cette attitude de la bourgeoisie parisienne parut quelque chose de si redoutable aux princes gouvernans, que ceux-ci rendirent une ordonnance abolissant à perpétuité les impôts établis sous quelque nom que ce fût, depuis le temps de Philippe-le-Bel[5]. Il leur fallut dès-lors administrer avec les seuls produits du domaine royal, et bientôt, à bout de ressources, ils se décidèrent timidement à frapper d’une taxe les marchandises de toute sorte. Ce fut le signal d’une rébellion armée. Le bas peuple et les jeunes gens de Paris, forçant l’arsenal de la ville, s’emparèrent des maillets de combat qui s’y trouvaient en grand nombre, et coururent sus aux fermiers de la taxe, aux collecteurs et aux officiers royaux, massacrant les uns et forçant les autres à s’enfuir. L’exemple de Paris fut imité, avec plus ou moins de violence, dans les principales villes des provinces du centre et du nord.

Cet esprit de résistance de la bourgeoisie française était encouragé par des événemens extérieurs, par l’exemple de la ville de Gand, qui, à la tête d’un parti formé dans les communes de Flandre, soutenait la guerre contre le souverain du pays au nom des libertés municipales. Entre les bourgeois de France et les Flamands insurgés, il y avait non-seulement sympathie, mais correspondance par lettres, avec promesse d’efforts mutuels pour le succès d’une même cause, et dans cette cause étaient comprises la défense des privilèges locaux contre le pouvoir central et l’hostilité des classes roturières contre la noblesse[6] La question ainsi posée réunit dans un intérêt commun la royauté et le baronnage, mal disposés à s’entendre sur le fait des impôts levés sans demande préalable et sans octroi. Un grand coup fut frappé en Flandre par l’intervention d’une armée française et de Charles VI en personne ; cette campagne victorieuse, qui eut l’aspect et le sens d’un triomphe de la noblesse sur la roture, amena au retour, contre les villes coupables de mutinerie, une suite de mesures violentes, où la vengeance du pouvoir fut mêlée de réaction aristocratique. L’armée royale fit son entrée à Paris comme dans une ville conquise, brisant les barrières, et passant sur les portes abattues de leurs gonds. Le jour même, trois cents personnes, l’élite de la bourgeoisie, furent arrêtées et jetées en prison, et, le lendemain, les libertés immémoriales de la ville, son échevinage, sa juridiction, sa milice, l’existence indépendante de ses corps d’arts et métiers furent abolis par une ordonnance du roi[7]. Il y eut de nombreuses exécutions à mort, et entre autres celle d’un riche marchand, qui, jeune, avait figuré dans les émeutes de 1358 ; puis un acte de clémence, commuant pour le reste des détenus la peine criminelle en peine civile, frappa la haute bourgeoisie parisienne d’amendes équivalant presque à la confiscation des biens. Rouen, Amiens, Troyes, Orléans, Reims, Châlons et Sens furent punis de même par la suppression de leurs droits municipaux, par des supplices, des proscriptions et des exactions ruineuses. L’argent levé ainsi montait à des sommes immenses, mais les princes et les gens de cour pillèrent de telle sorte qu’il n’en vint pas le tiers au trésor royal[8].

Vingt-neuf ans se passèrent, durant lesquels, aux désordres d’une administration sans règles, aux dilapidations de tout genre, on vit se joindre la folie du roi, les querelles des princes, la guerre civile et bientôt l’invasion étrangère. La réaction de 1383 avait fait à la haute bourgeoisie des plaies beaucoup plus profondes que celle de 1359. Celle-ci l’avait frappée simplement dans ses ambitions politiques, l’autre l’avait appauvrie, dispersée, privée de son lustre et de son influence héréditaire. La ville de Paris, entre autres, se trouvait déchue de deux manières, par la perte de ses franchises municipales et par la ruine des familles qui l’avaient gouvernée et conseillée dans le temps de sa liberté. Cet abaissement de la classe supérieure, composée du haut négoce et du barreau des cours souveraines, avait fait monter d’un degré la classe intermédiaire, celle des plus riches parmi les hommes exerçant les professions manuelles, classe moins éclairée, plus grossière de mœurs, et à qui la force des choses donnait maintenant l’influence sur les affaires et l’esprit de la cité. De là vint le caractère de démagogie effrénée que montra tout d’un coup la population parisienne, lorsqu’en l’année 1412, ayant recouvré ses franchises et ses privilèges, elle fut appelée de nouveau par les événemens à jouer un rôle politique[9].

L’un des princes qui se disputaient à main armée la garde et le pouvoir du roi privé de sens, le duc de Bourgogne, pour accroître ses forces, s’était fait l’allié de la bourgeoisie et le défenseur des intérêts populaires. Cette politique lui réussit ; il devint maître des affaires, et le rétablissement de la vieille constitution libre de Paris fut son ouvrage. Reprises après une suspension de plus d’un quart de siècle, les élections municipales donnèrent un échevinage et un conseil de ville presque entièrement formés de gens de métier, et où dominaient, par la popularité jointe à la richesse, les maîtres bouchers de la grande boucherie et de la boucherie Sainte-Geneviève. Ces hommes, dont la profession allait de père en fils depuis un temps immémorial, et pour qui leurs étaux étaient une sorte de fiefs, avaient autour d’eux une clientelle héréditaire de valets qu’on nommait écorcheurs, classe abjecte et violente, toute dévouée à ses patrons, et redoutable à quiconque ne serait pas de leur parti dans le gouvernement nouveau. Ce gouvernement eut l’affection du menu peuple et devint un objet d’effroi pour la bourgeoisie commerçante et pour ce qui restait de familles décorées d’une ancienne notabilité. Aux passions du parti qu’on appelait bourguignon il associa les violences démagogiques, et l’autorité, se faisant soutenir par des émeutes, passa bientôt du conseil de ville à la multitude, des maîtres bouchers aux écorcheurs. L’un d’entre eux, Simon Caboche, fut l’homme d’action de cette seconde époque révolutionnaire, à laquelle son nom demeure attaché, et où l’esprit de réforme de 1357 reparut un moment, pour être aussitôt compromis par les actes sauvages et ignobles de la faction sur laquelle il s’appuyait[10].

Ici se rencontre un fait qui n’est pas sans exemple dans nos révolutions modernes, celui d’une alliance politique entre la classe lettrée, les esprits spéculatifs, et la portion ignorante et brutalement passionnée du tiers-état. Dans la municipalité de Paris, en 1413, Jean de Troyes, médecin renommé, homme d’éloquence autant que de savoir, siégeait à côté des bouchers Saint-Yon et Legoix en parfaite communion de sentimens avec eux[11]. Bientôt le corps savant par excellence, l’université, s’autorisa d’une assemblée de notables, inutilement convoquée, pour élever la voix, faire des remontrances et demander, en son propre nom et au nom du corps de ville, le redressement des abus et la réformation du royaume. Dans l’idée, à ce qu’il semble, d’associer pour cette grande tentative toutes les forces du tiers-état, elle invita le parlement à se joindre à elle et aux citoyens de Paris afin d’obtenir justice et réforme ; le parlement refusa, l’heure de l’ambition n’était pas venue pour lui, et du reste il ne voulait pas se commettre avec des théoriciens sans pratique des affaires et des démocrates de carrefour. « Il ne convient pas, répondit-il, à une cour établie pour rendre la justice au nom du roi, de se constituer partie plaignante pour la demander… L’université et le corps de ville sauront bien ne faire nulle chose qui ne soit à faire[12]. » Mais l’échevinage et l’université ne reculèrent pas ; celle-ci demanda qu’un jour fût assigné pour que les princes et le roi lui-même entendissent ses remontrances, et, au milieu d’un nombreux concours de bourgeois de Paris et des provinces, elle parla au nom du peuple par la bouche de ses professeurs, dénonça les griefs et proposa les remèdes comme l’eût fait un pouvoir politique, le grand conseil de la nation[13].

La cour était divisée et le roi incapable de rien comprendre et de rien vouloir ; le prince qui régnait alors sous son nom croyait mener le peuple à ses fins et se trouvait mené par lui. On céda, et les deux corps qui se portaient comme représentans de l’opinion publique, l’université et la ville, furent autorisés à présenter un plan de réforme administrative et judiciaire. Des commissaires dont le nom est resté inconnu se mirent à l’œuvre et obtinrent que toutes les anciennes ordonnances conservées dans les archives leur fussent livrées en examen[14]. Ils en firent la base de leur travail d’épuration et de réorganisation ; mais, pendant que ce travail se poursuivait, de vives résistances s’annoncèrent de la part de ceux qui entouraient la reine et l’héritier du trône. Un complot fut ourdi contre la sûreté de la ville, et l’indignation populaire s’anima au plus haut degré ; il y eut une prise d’armes tumultueuse, et la bastille Saint-Antoine, cette citadelle de la royauté dans Paris commencée sous Charles V et rasée sous Louis XVI, fut investie par le peuple comme au 14 juillet 1789[15]. Une capitulation suspendit l’émeute ; mais bientôt de nouveaux signes de mauvais vouloir à la cour amenèrent de nouvelles prises d’armes du parti cabochien. Des attroupemens redoutables, dont les chefs et les orateurs étaient le médecin Jean de Troyes et Eustache de Pavilly, docteur en théologie, envahirent tantôt le palais du roi, tantôt l’hôtel du dauphin, faisant suivre les harangues politiques de violences contre les personnes, d’arrestations de seigneurs et même de dames que le peuple haïssait. Enfin, le 25 mai 1413, les résolutions des nouveaux réformateurs, rédigées, comme celles des états de 1356, sous la forme d’une ordonnance royale, furent lues devant le roi en son lit de justice et déclarées obligatoires et inviolables[16].

Cette ordonnance, qui n’a pas moins de deux cent cinquante-huit articles, est un code complet d’administration, établissant une hiérarchie de fonctionnaires électifs, imposant des règles de gestion et de comptabilité, limitant les offices, soit en nombre, soit quant au pouvoir, et assurant aux sujets de toutes les classes des garanties contre l’injustice, l’oppression, l’abus de la force ou de la loi. Il y a là un immense détail de prescriptions de tout genre, sur lequel semblent dominer deux idées, la centralisation de l’ordre judiciaire et celle de l’ordre financier ; tout aboutit d’un côté à la chambre des comptes, et de l’autre au parlement. L’élection est le principe des offices de judicature, il n’y a plus de charge vénale ; les lieutenans des prévôts, des baillis et des sénéchaux sont élus par les gens de loi et les avocats du district. Pour la nomination d’un prévôt, les gens de pratique et autres notables désignent trois candidats, entre lesquels choisit le chancelier assisté de commissaires du parlement. Pour la prévôté de Paris et les autres offices supérieurs, c’est le parlement qui nomme au scrutin, sans formalité de candidature ; il choisit de même ses propres membres et ne peut en prendre plusieurs dans la même famille. Les prévôts, baillis et sénéchaux doivent être nés hors de la province où ils exercent leur magistrature ; ils ne peuvent rien y acquérir, ni s’y marier, ni y marier leurs filles. La juridiction des eaux et forêts, souvent tyrannique pour les campagnes, est restreinte dans son étendue, et soumise en appel au parlement. Il est statué que les usages ruraux seront partout respectés, que les paysans pourront s’armer pour courir sus aux pillards, qu’ils auront le droit de poursuivre les loups, de détruire les nouvelles garennes faites par les seigneurs, et de refuser à ceux-ci tout péage établi sans titre[17].

Ce qui fait le caractère de cette grande ordonnance et la distingue de celle du 3 mars 1357, c’est que, sauf l’élection pour les emplois judiciaires, elle n’institue rien de nouveau, laisse intact le pouvoir royal et se borne à lui tracer des règles administratives. L’expérience du siècle précédent a porté ses fruits ; en dépit de son nouvel accès de fougue révolutionnaire, l’esprit de la bourgeoisie parisienne est au fond plus rassis et plus modéré. Sous cette domination anarchique de la municipalité dominée elle-même par une faction d’hommes grossiers et violens, des idées calmes de bien public, jusque-là contenues, se sont fait jour au travers et peut-être à la faveur du désordre. Suivant une remarque applicable à d’autres temps de révolution, « les violens ont exigé ou dicté, les modérés ont écrit[18]. » Ceux même qui présidaient aux violences ou les couvraient de leur aveu ne furent point sans vertus civiques ; ils eurent dans le cœur des sentimens de patriotisme que leur expression ferait croire modernes. Le corps municipal de Paris, écrivant aux autres villes et leur rendant compte de ses actes, disait : « Cette présente poursuite est pour garder que l’estat de la chose publique de ce royaume ne verse en désolation, ainsy qu’elle estoit en voie… à quoy, en temps de nécessité comme le temps présent, ung chascun se doit emploier, et préférer la pitié du païs à toutes les aultres, soit de parens, frères ou aultres quelconques, car elle comprent toutes[19]. » C’étaient là de nobles paroles, dignes d’annoncer la grande charte de réforme, œuvre commune du corps de ville et de l’université ; mais cette loi administrative de la vieille France, il se trouva des hommes pour la concevoir, il ne s’en trouva point pour l’exécuter et la maintenir. Les gens sages et rompus aux affaires n’avaient alors ni volonté ni énergie politique. Ils se tinrent à l’écart, et l’action resta aux exaltés et aux turbulens, aux bouchers et à leurs alliés. Ceux-ci précipitèrent par des excès intolérables une réaction qui amena leur chute, leur bannissement et l’abandon des réformes obtenues à si grande peine. Trois mois après sa promulgation, l’ordonnance du 25 mai fut annulée[20].

Ainsi des hommes du tiers-état, portés par une crise révolutionnaire à s’investir eux-mêmes du pouvoir constituant, eurent au commencement du XVe siècle la pensée de refondre d’un seul jet l’administration du royaume, de lui donner des principes fixes, une base rationnelle et des procédés uniformes. Si le plan qu’ils rédigèrent ne fut pas même essayé, il resta comme un monument de sagesse politique, où se montre d’une manière éclatante l’espèce de solidarité qui liait dans une même cause toutes les classes de la roture. Les commissaires délégués par la ville et l’université de Paris ont fait ce qu’aux états-généraux firent les députés du corps entier de la bourgeoisie ; ils se sont occupés de la population des campagnes, ils ont pris à son égard des mesures qui témoignent à la fois de leur sympathie pour elle et des progrès survenus dans son état depuis la fin du XIIe siècle. Depuis lors, en effet, l’affranchissement collectif des paysans par villages et par seigneuries avait toujours gagné en fréquence et en étendue. Une sorte d’émulation se déclarait sur ce point entre les propriétaires de serfs, et le mobile en était double ; d’une part, le sentiment chrétien plus fort et mieux obéi, de l’autre, l’intérêt personnel plus éclairé, conseillaient la même chose, et parfois le style des chartes présentait l’alliance bizarre de ces deux motifs d’action[21]. Parmi les villages affranchis en foule dans le XIIIe et le XIVe siècle, beaucoup prirent de nouveaux noms exprimant leur nouvel état, et tous ou presque tous obtinrent une forme plus ou moins complète de régime municipal. Ce régime, en s’appliquant aux campagnes, y propagea le nom de commune, qui servait à le désigner dans les villes du centre et du nord, et de là vint le mouvement de déviation qui a fait perdre à ce mot son premier sens, si restreint et si énergique. Quelque grande qu’ait été, dans le cours des XIIIe et XIVe siècles, la multiplication des communes rurales, elle n’amena point pour les classes agricoles cette unité d’état civil qui existait pour la bourgeoisie d’un bout à l’autre du royaume ; la condition des paysans, résultat de transactions de tout genre sur des droits réels ou personnels, resta inégale suivant les lieux et diversifiée à l’infini.

Et pourtant cette masse d’affranchis encore attachés au domaine par quelque lien et tout au moins soumis à la juridiction seigneuriale, cette population, qui ne relevait point immédiatement de la puissance publique, pouvait déjà compter parmi les forces vives de la nation ; elle était comme un corps de réserve imbu de l’esprit patriotique, et capable d’un élan spontané de vigueur et de dévouement. C’est ce qu’on vit, lorsque la défaite d’Azincourt, plus funeste que celle de Poitiers, eut amené pour la France une série de revers où la noblesse, la bourgeoisie, la royauté elle-même, ne surent que reculer pas à pas jusqu’à la honte d’un traité qui léguait la couronne et livrait le pays à un prince étranger. Paris, dans un accès de faiblesse et d’égarement, avait ouvert ses portes et fêté le triomphe des Anglais ; le royaume était conquis jusqu’à la Loire, où Orléans, dernier boulevard des provinces encore libres, soutenait contre l’armée d’invasion une lutte désespérée, qui semblait être le dernier souffle de l’énergie nationale. On sait quel secours presque miraculeux vint alors à cette ville et au royaume, ce que fut Jeanne d’Arc, ce qu’elle fit, et comment, par elle et à son exemple, une émotion de pitié et de colère, l’amour de la commune patrie, la volonté de s’unir tous et de tout souffrir pour la sauver, remonta des derniers rangs populaires dans les hautes classes de la nation.

Du long et pénible travail de la délivrance nationale sortit un règne dont les principaux conseillers furent des bourgeois, et le petit-fils de Charles V reprit et développa les traditions d’ordre, de régularité, d’unité, qu’avait créées le sage gouvernement de son aïeul. Charles VII, roi faible et indolent par nature, occupe une grande place dans notre histoire, moins par ce qu’il fit de lui-même que par ce qui se fit sous son nom ; son mérite fut d’accepter l’influence et de suivre la direction des esprits les mieux inspirés en courage et en raison. Des ames et des intelligences d’élite vinrent à lui, et travaillèrent pour lui, dans la guerre, avec toutes les forces de l’instinct patriotique, dans la paix, avec toutes les lumières de l’opinion nationale. Un fait déjà remarqué et très digne de l’être, c’est que cette opinion eut pour représentans, et le roi pour ministres, des hommes sortis des classes moyennes de la société d’alors, la petite noblesse et la haute bourgeoisie. Au-dessus de tous leurs noms dominent les noms roturiers de Jacques Cœur et de Jean Bureau, l’un formé à la science de l’homme d’état par la pratique du commerce, l’autre qui cessa d’être homme de robe pour devenir, sans préparation, grand-maître de l’artillerie, et faire le premier, de cette arme encore nouvelle, un emploi habile et méthodique[22]. L’esprit de réforme et de progrès qui, en 1413, avait brillé un instant et n’avait pu rien fonder, parce qu’un parti extrême en était l’organe, reparut, et modela sur un plan nouveau toute l’administration du royaume, les finances, l’armée, la justice et la police générale[23]. Les ordonnances rendues sur ces différens points eurent leur plein effet, et elles se distinguent, non comme les précédentes par une ampleur un peu confuse, mais par quelque chose de précis, de net, d’impérieux, signe d’un talent pratique et d’une volonté sûre d’elle-même, parce qu’elle a le pouvoir. La question de l’impôt permanent et des taxes mises sans l’octroi des états fit alors un pas décisif ; après quelques alternatives, elle fut tranchée par la nécessité, et, à ce prix, le royaume eut pour la première fois des forces régulières. Les milices des villes, organisées jadis hors de la dépendance et de l’action de la royauté, vinrent se fondre dans une armée royale et en même temps nationale. Il y eut, pour la partie privilégiée du tiers-état, diminution de droits politiques ; mais la forme de la monarchie moderne, de ce gouvernement destiné à être à la fois un et libre, était trouvée, ses institutions fondamentales existaient ; il ne s’agissait plus que de le maintenir, de l’étendre et de l’enraciner dans les mœurs.

Le règne de Charles VII fut une époque d’élan national ; ce qu’il produisit de grand et de nouveau ne venait pas de l’action personnelle du prince, mais d’une sorte d’inspiration publique d’où sortirent alors en toutes choses le mouvement, les idées, le conseil. De semblables momens sont toujours beaux, mais leur propre est de durer peu ; l’effort commun ne se soutient pas, la fatigue et le désaccord surviennent, et bientôt la réaction commence. Les mêmes forces qui avaient fondé le nouvel ordre administratif n’auraient pas su le maintenir intact ; elles étaient collectives, et, comme telles, trop sujettes à varier ; l’œuvre de plusieurs avait besoin, pour ne pas déchoir, d’être remise aux mains d’un seul. Ce seul homme, cette personnalité jalouse, active, opiniâtre, se rencontra dans Louis XI. S’il y a dans l’histoire des personnages qui paraissent marqués du sceau d’une mission providentielle, le fils de Charles VII fut un de ceux-là ; il semble qu’il ait eu comme roi la conviction d’un devoir supérieur pour lui à tous les devoirs humains, d’un but où il devait marcher sans relâche, sans qu’il eût le temps de choisir la voie. Lui qui avait levé contre son père le drapeau des résistances aristocratiques, il se fit le gardien et le fauteur de tout ce que l’aristocratie haïssait ; il y appliqua toutes les forces de son être, tout ce qu’il y avait en lui d’intelligence et de passion, de vertus et de vices. Son règne fut un combat de chaque jour pour la cause de l’unité de pouvoir et la cause du nivellement social, combat soutenu, à la manière des sauvages, par l’astuce et par la cruauté, sans courtoisie et sans merci. De là vient le mélange d’intérêt et de répugnance qu’excite en nous ce caractère si étrangement original. Le despote Louis XI n’est pas de la race des tyrans égoïstes, mais de celle des novateurs impitoyables ; avant nos révolutions, il était impossible de le bien comprendre. La condamnation qu’il mérite et dont il restera chargé, c’est le blâme que la conscience humaine inflige à la mémoire de ceux qui ont cru que tous les moyens sont bons pour imposer aux faits le joug des idées.

Ce roi, qui affectait d’être roturier par le ton, l’habit, les manières, qui s’entretenait familièrement avec toute sorte de personnes et voulait tout connaître, tout voir, tout faire par lui-même, a des traits de physionomie qu’on ne rencontre au même degré que dans les dictatures démocratiques[24]. En lui apparut à sa plus haute puissance l’esprit des classes roturières : il eut comme un pressentiment de notre civilisation moderne, il en devina toutes les tendances, et aspira vers elle sans s’inquiéter du possible, sans se demander si le temps était venu. Aussi, dans le jugement qu’on porte sur lui, doit-on regarder à la fois ce qu’il fit et ce qu’il voulut faire, ses œuvres et ses projets. Il songeait à établir dans tout le royaume l’unité de coutume, de poids et de mesures ; sur ce point et sur d’autres, il se proposait d’imiter l’admirable régime civil des républiques italiennes. L’industrie, enfermée dans les corporations qui l’avaient fait renaître après la renaissance des villes, était toute municipale ; il entreprit de la faire nationale ; il convoqua des négocians à son grand conseil pour aviser avec eux aux moyens d’étendre et de faire prospérer le commerce ; il ouvrit de nouveaux marchés et provoqua la fondation de nouvelles manufactures ; il s’occupa des routes, des canaux de la marine marchande, de l’exploitation des mines ; il attira par des privilèges les entrepreneurs de travaux et les artisans étrangers, et en même temps, il tint sur pied des armées quatre fois plus nombreuses que par le passé, fit des armemens maritimes, recula et fortifia les frontières, porta la puissance du royaume à un degré inoui jusqu’alors[25]. Mais ces germes de prospérité ne devaient fructifier que dans l’avenir ; le présent était lourd et sombre, les impôts croissaient sans mesure ; le prince qui semait pour le peuple et se faisait peuple fut impopulaire. Il fit beaucoup souffrir et souffrit beaucoup lui-même dans sa vie de travaux, de ruses, de craintes, d’expédiens, de soucis continuels[26]. La bourgeoisie, dont les privilèges municipaux étaient la seule chose ancienne qu’il ménageât, lui fut fidèle sans l’aimer. Ses grandes vues, ses pensées de bien public, les nouveautés qu’il méditait, ne touchèrent que le petit nombre de ceux qui les apprirent de sa bouche, et qui étaient capables de les juger. L’opinion du temps n’a rien aperçu de ces choses, mais en revanche elle a saisi au vif dans Louis XI le portrait de l’homme extérieur, cette figure railleuse et sinistre que la tradition conserve, et impose encore à l’histoire.

Quelque salutaire que soit par intervalles, dans la vie des nations, le despotisme d’un homme supérieur, il est rare que son action prolongée n’amène pas, chez les contemporains, une fatigue extrême, qui les fait rentrer avec joie sous le gouvernement des esprits ordinaires ou dans les hasards de la liberté politique. La mort de Louis XI parut une délivrance universelle, et fut suivie de la convocation des états-généraux du royaume. Ce fut le 5 janvier 1484 que se réunit cette assemblée, à qui était remis d’un commun accord le pouvoir de juger souverainement l’œuvre du dernier règne, d’en condamner on d’en absoudre les actes, de faire et de défaire après lui[27]. Jamais, à aucune tenue des trois états, les conditions d’une véritable représentation nationale n’avaient été aussi complètement remplies ; toutes les provinces du royaume, langue d’oïl et langue d’oc, se trouvaient réunies dans une seule et même convocation ; l’élection, pour les trois ordres, s’était faite au chef-lieu de chaque bailliage, et, au sein des états, la délibération eut lieu, non par ordre, mais par tête, dans six bureaux correspondant à autant de régions territoriales. Jamais aussi, depuis l’assemblée de 1356, la question du pouvoir des états n’avait été si nettement posée et si hardiment débattue. Il y eut des éclairs de volonté et d’éloquence politiques, mais tout se passa en paroles qui ne purent rien, ou presque rien, contre les faits accomplis. On eut beau vouloir, en quelque sorte, effacer le règne de Louis XI, et reporter les choses au point où Charles VII les avait laissées en mourant, l’impulsion vers la centralité administrative une et absolue était trop forte, et de ces discussions, pleines de vie et d’intérêt dans le journal qui nous en reste, il ne résulta de fait que quelque tempérament, des promesses et des espérances bientôt démenties[28].

Parmi les discours prononcés dans cette assemblée, il en est un qu’on ne peut lire aujourd’hui sans étonnement, car il contient des propositions telles que celles-ci : « La royauté est un office, non un héritage. — C’est le peuple souverain qui, dans l’origine, créa les rois. -L’état est la chose du peuple ; la souveraineté n’appartient pas aux princes, qui n’existent que par le peuple. — Ceux qui tiennent le pouvoir par force ou de toute autre manière, sans le consentement du peuple, sont usurpateurs du bien d’autrui. — En cas de minorité ou d’incapacité du prince, la chose publique retourne au peuple, qui la reprend comme sienne. Le peuple, c’est l’universalité des habitans du royaume ; les états-généraux sont les dépositaires de la volonté commune. — Un fait ne prend force de loi que par la sanction des états ; rien n’est saint ni solide sans leur aveu[29]. » Ces maximes, d’où devaient sortir nos révolutions modernes, furent proclamées alors, non par un mandataire des classes plébéiennes, mais par un gentilhomme, le sire de La Roche, député de la noblesse de Bourgogne. Elles n’étaient autres pour lui que ses traditions de caste, rendues généreuses par une raison élevée et par quelque notion de l’histoire grecque et romaine ; mais les traditions du tiers-état ne lui disaient rien qui pût le conduire à un pareil symbole de foi politique : il était encore trop près de ses origines, trop attaché à ses erremens héréditaires. Il laissa passer les principes qui, trois siècles après, devinrent son arme dans la grande lutte révolutionnaire, et il ne se passionna que pour le redressement de griefs matériels et pour la question des taxes permanentes et arbitraires. C’est sur ce point seulement que fut soutenu, par les députés de la roture, le droit des états-généraux, que d’autres posaient comme libres et souverains en toute matière[30].

Le mouvement politique de 1337 n’était plus possible en 1484 ; il avait eu pour principe l’esprit de liberté municipale à son plus haut degré d’énergie. Le rêve d’Étienne Marcel et de ses amis était une confédération de villes souveraines ayant Paris à leur tête, et gouvernant le pays par une diète sous la suzeraineté du roi. Or, ce vieil esprit de la bourgeoisie française avait graduellement disparu pour faire place à un autre moins ardent, moins désireux de droits locaux et d’indépendance personnelle que d’ordre public et de vie nationale. Aux états de 1484, le bureau où votaient les députés de Paris fut le premier à faire des concessions qui obligèrent l’assemblée à élever le taux de la somme d’argent qu’elle avait résolu d’accorder. En tout, les représentans de la bourgeoisie, autant qu’on peut distinguer leur part dans des résolutions votées par tête et non par ordre, s’attachèrent aux choses purement pratiques et d’intérêt présent. On ne les vit point, comme l’échevinage et l’université de Paris en 1413, présenter un système nouveau d’administration ; le règne de Louis XI n’avait rien laissé à concevoir en ce genre d’important ni de possible. Il n’y avait plus qu’à glaner après lui, ou qu’à détendre les ressorts du gouvernement qu’il avait forcés sur tous les points, qu’à demander l’accomplissement de ses projets restés en arrière et la guérison des maux qu’il avait causés par la fougue et les inadvertances de sa volonté absolue. Les principaux articles du chapitre du tiers-état dans le cahier général des trois ordres furent : la diminution des impôts et la réduction des troupes soldées, la suppression de la taille comme taxe arbitraire, la reprise des portions aliénées du domaine royal, la mise en vigueur des actes garantissant les libertés de l’église gallicane, et la rédaction par écrit des coutumes, qui devait être un premier pas vers l’unité de loi[31].

L’assemblée de 1484 eut soin de ne voter aucun subside qu’à titre de don et d’octroi. Elle demanda la convocation des états-généraux sous deux ans, et elle ne se sépara qu’après en avoir reçu la promesse[32] ; mais les quatorze années du règne de Charles VIII s’écoulèrent sans que les états eussent été une seconde fois convoqués, et les taxes furent de nouveau levées par ordonnance et réparties sans contrôle. A en juger par le zèle des trois ordres à faire une loi de leur consentement, et par le tableau que leurs cahiers traçaient de la misère du peuple accablé sous le faix des impôts, ce fut une grande déception ; tout semblait dire que la monarchie absolue menait le pays à sa ruine, et pourtant il n’en fut rien. Le pays resta sous le régime arbitraire ; il eut à supporter encore les abus, souvent énormes, de ce régime ; il souffrit sans doute, mais, loin de décliner, ses forces vitales s’accrurent par un progrès sourd et insensible. Il y a pour les peuples des souffrances fécondes comme il y en a de stériles ; la distinction des unes et des autres échappe aux générations qui les subissent ; c’est le secret de la Providence, qui ne se révèle qu’au jour marqué pour l’accomplissement de ses desseins. Chose singulière, ce fut dans le temps même où la voix publique venait de proclamer avec amertume l’épuisement prochain du royaume, que fut résolue, par un coup de tête follement héroïque de Charles VIII, l’invasion du sud de l’Italie, la plus lointaine expédition que la France eût encore faite. Il fallut dépasser en armemens les dépenses du règne de Louis XI ; une longue paix semblait être le seul moyen de salut, et l’ère des grandes guerres s’ouvrit pour la nation, sans crise au dedans et avec honneur au dehors.

Au XIIe siècle, la renaissance des institutions municipales avait été le contre-coup d’une révolution opérée en Italie ; la renaissance du droit romain au XIIIe siècle nous était venue des écoles italiennes ; à la fin du XVe, une autre initiation de l’Italie, la renaissance des lettres, eut lieu pour nous, mais à la faveur d’événemens déplorables, de cinquante ans de guerre au-delà des Alpes. Une fois ouvert par nos armes et par ses discordes à l’occupation étrangère, le pays qui gardait et fécondait pour le monde les traditions du génie romain devint le champ de bataille et la proie des monarchies européennes. Il perdit l’indépendance orageuse qui avait fait sa vie, et dès-lors il déclina sans cesse au milieu des progrès de la civilisation moderne. La France eut le malheur de porter le premier coup pour cette grande ruine, et, mise en contact, quoique violemment, avec les états libres et les principautés d’Italie, elle puisa dans ces relations, soit hostiles, soit amicales, un esprit nouveau, le culte des chefs-d’œuvre antiques et la passion de renouveler, par leur étude, toutes les idées et tous les arts. Par cette révolution intellectuelle, en même temps qu’une voie plus large et plus sûre fut ouverte au génie national, il s’établit en quelque sorte une communion de la pensée pour les hommes d’élite que la séparation des rangs et des classes tenait à distance l’un de l’autre ; quelque chose d’uniforme infusé par l’éducation littéraire atténua de plus en plus les différences traditionnelles d’esprit et de mœurs. Ainsi se prépara par degrés l’avènement d’une opinion publique nourrie dans la nation tout entière de toutes les nouvelles acquisitions du savoir et de l’intelligence. Cette opinion, qui s’est emparée de tout et a tout transformé depuis un siècle, date, pour qui veut marquer ses origines, du temps où commence à se former, au-dessus de la tradition indigène, des préjugés de caste, d’état et de croyance, un fonds commun d’idées purement laïques, d’études sorties d’une source autre que celle des écoles du moyen-âge.

En dépit des maximes qui avaient retenti à la tribune de 1484 : souveraineté du peuple, volonté du peuple, droit de possession du peuple sur la chose publique, rien ne changea quant au caractère des états-généraux ; ils furent depuis lors ce qu’ils étaient auparavant, un recours suprême dans les temps de crise, non une institution régulière et permanente. On dirait que ce fut la destinée ou l’instinct de la nation française de ne point vouloir sérieusement la liberté politique, tant que l’égalité serait impossible. C’est du tiers-état brisant le régime des ordres et réunissant tout à lui que devait émaner chez nous le premier essai d’une constitution représentative. Les états-généraux, sous Charles VIII, avaient demandé que leur droit d’intervention fût déclaré permanent et leur tenue périodique[33] ; entre ce vœu et l’inauguration du gouvernement par assemblées, il s’écoula plus de trois siècles. Dans cet intervalle se place un grand fait particulier à notre histoire, le rôle politique du parlement de Paris. C’est du sein de la corporation de bourgeois légistes qui, investie de l’autorité judiciaire, avait fondé pour le roi le pouvoir absolu, et pour la nation le droit commun, que sortit au XVIe siècle un contrôle assidu, éclairé, courageux, des actes du gouvernement. De simples formalités sans conséquence apparente, l’usage de promulguer les édits royaux en cour de parlement, et de les faire inscrire sur des registres que la cour avait sous sa garde, ouvrirent à ce corps de judicature la route qui le conduisit à s’immiscer dans les affaires de l’état. Suivant les formes juridiques dont le parlement ne se départait en aucune circonstance, l’enregistrement de chaque loi nouvelle avait lieu par suite d’un arrêt ; or, nul arrêt n’étant rendu sans délibération préalable, de ce fait résulta peu à peu le droit d’examen, de critique, d’amendement, de protestation, et même de véto par le refus d’enregistrer. A l’époque où nous sommes parvenus, cette prétention à une part de la puissance législative ne s’était pas montrée au grand jour, mais elle couvait, pour ainsi dire, sous des apparences de soumission absolue à la volonté royale et de ferme propos de ne point s’aventurer hors du cercle des fonctions judiciaires[34]. Le règne de Louis XII vit commencer le double changement qui fit de la haute cour de justice une sorte de pouvoir médiateur entre le trône et la nation, et des vieux ennemis de toute résistance à l’autorité du prince les avocats de l’opinion publique, des magistrats citoyens usant de leur indépendance personnelle pour la cause de tous, et montrant parfois des vertus et des caractères dignes des beaux temps de l’antiquité.

Louis XII fut un prince d’une heureuse nature, venu dans un de ces momens heureux où le gouvernement est facile. Quinze ans passés depuis la fin du règne de Louis XI avaient suffi pour faire le triage du bien et du mal dans les conséquences de ce règne ; la souffrance nationale s’était guérie d’elle-même, et de toutes parts éclataient des signes de progrès et de prospérité. La culture des campagnes s’améliorait et se multipliait, de nouveaux quartiers se formaient dans les villes, et partout l’on bâtissait des maisons plus commodes ou plus somptueuses. L’aisance de la classe moyenne se montrait plus que jamais dans les habits, les meubles et les divertissemens coûteux. Le nombre des marchands s’était accru de manière à exciter l’étonnement des contemporains, et le commerce lointain avait grandi en étendue et en succès ; le prix de toutes choses était plus élevé, les terres rapportaient davantage, et la rentrée des impôts avait lieu sans contrainte et à peu de frais[35]. C’est peut-être là qu’il faut placer dans la série de nos progrès nationaux en richesse et en bien-être une secousse intermédiaire entre celle qu’avait provoquée, trois siècles auparavant, la révolution municipale, et l’impulsion souveraine qui fut donnée, trois siècles après, par la révolution constitutionnelle du royaume. À ce point répond d’ailleurs le premier degré de fusion des classes diverses dans un ordre public qui les embrasse et les protége toutes, sur un territoire désormais uni et compact, et sous une administration déjà régulière et qui tend à devenir uniforme.

Il semble que Louis XII ait eu à cœur d’éteindre tous les griefs dénoncés par les états de 1484 ; le plus grand acte législatif de son règne, l’ordonnance de mars 1499, en est la preuve. L’on y voit, à propos du règlement de tout ce qui regarde la justice, l’intention de satisfaire aux plaintes restées sans réponse, et de remplir les promesses imparfaitement exécutées. Le principe de l’élection pour les offices de judicature, principe cher à l’opinion bourgeoise et qu’avaient hautement soutenu les réformateurs de 1413, s’y montre accompagné de garanties formelles contre l’abus de la vénalité[36]. Le gouvernement de Louis XII était surtout économe et affectueux pour le pauvre peuple ; il se proposa généreusement, mais imprudemment peut-être, la tâche de continuer la guerre en diminuant les impôts. Ce roi d’un esprit chevaleresque fut l’idole de la bourgeoisie ; il avait pour elle de grands égards sans affecter en rien de lui ressembler. La seule assemblée politique tenue sous son règne fut un conseil de bourgeois où la noblesse et le clergé ne figurèrent que comme ornement du trône ; les députés des villes et du corps judiciaire, seuls convoqués expressément, votèrent seuls, et, c’est dans ce congrès du tiers-état que fut décerné à Louis XII par la bouche d’un représentant de Paris le titre de père du peuple, que l’histoire lui a conservé.

Il y a de la gloire dans un pareil nom, mais une autre gloire de ce règne fut d’établir la prédominance de la législation sur la coutume, et de marquer ainsi, dans la sphère du droit civil, la fin du moyen-âge et le commencement de l’ère moderne. Le projet de rédiger toutes les coutumes de France et de les publier révisées et sanctionnées par l’autorité royale avait été conçu et annoncé par Charles VII ; Louis XI en fit la base de ses plans d’unité de loi nationale, mais il n’en exécuta rien ; Charles VIII décréta de nouveau ce qu’avait voulu faire son aïeul, et ce fut à Louis XII qu’échut l’honneur d’avoir non-seulement commencé, mais encore poussé très loin l’exécution de cette grande entreprise[37]. De 1505 à 1515, année de la mort du roi, vingt coutumes de pays ou de villes importantes furent recueillies, examinées et publiées avec la sanction définitive[38]. Ce travail de rédaction et en même temps de réformation de l’ancien droit coutumier a pour caractère dominant la prépondérance du tiers-état, de son esprit et de ses mœurs dans la législation nouvelle. Un savant juriste en a fait la remarque, et il cite comme preuve les changemens qui eurent lieu, pour les mariages entre nobles, dans le régime des biens conjugaux[39]. À ce genre d’altération que les coutumes subirent presque toutes se joignit pour les transformer la pression que le droit romain exerçait de plus en plus sur elles, et qui, à chaque progrès de notre droit national, lui faisait perdre quelque chose de ce qu’il tenait de la tradition germanique.

Au roi qui avait reproduit l’une des faces du caractère de saint Louis par sa soumission à la règle et son attachement au devoir, succéda un prince qui ne connut d’autre loi que ses instincts, sa volonté et l’intérêt de sa puissance. Heureusement, parmi les hasards où François Ier abandonnait sa conduite, il lui arriva souvent de rencontrer juste pour sa gloire et pour le bien du royaume. Ses instincts, mal gouvernés, étaient généreux et ne manquaient pas de grandeur ; sa volonté, arbitraire et parfois violente, fut généralement éclairée, et ses vues égoïstes furent d’accord avec l’ambition nationale. Novateur en choses brillantes, il ne ralentit point le progrès des choses utiles. Louis XI s’était rendu odieux à la noblesse, et Louis XII lui avait déplu en continuant la même œuvre sous d’autres formes : de là le danger d’une réaction capable de jeter le pouvoir royal hors des voies qu’il s’était frayées de concert avec la bourgeoisie. On pouvait s’y attendre à l’avènement d’un roi gentilhomme avant tout, et affectant de l’être dans ses vertus et dans ses vices ; mais il n’en fut rien, grace à la cause même qui rendait probable un pareil retour. L’amour des nobles pour le nouveau roi, la séduction qu’il exerçait sur eux endormit leurs passions politiques ; ils virent sans résistance et sans murmures se continuer l’envahissement des offices royaux sur les seigneuries, et le mouvement qui entraînait tout vers l’égalité civile et l’unité d’administration. L’activité qu’ils avaient gaspillée en turbulence sous Charles VII et sous Louis XI, ils la dépensèrent en héroïsme dans les batailles que la France livrait pour se faire une place digne d’elle parmi les états européens. Ils se formèrent d’une façon plus sérieuse et plus assidue que jamais à cette grande école des armées régulières, où s’apprennent, avec le patriotisme, l’esprit d’ordre, la discipline et le respect pour d’autres mérites que ceux de la naissance et du rang.

La marche ascendante de la civilisation française, depuis les dernières années du XVe siècle, se poursuivit sous François Ier, en dépit des obstacles que lui opposaient, d’une part, le désordre où tomba l’administration, et, de l’autre, une lutte politique où la France eut plusieurs fois contre elle toutes les forces de l’Europe. Au milieu de dilapidations scandaleuses, de grandes fautes et de malheurs inouis, non-seulement aucune des sources de la prospérité publique ne se ferma, mais il s’en ouvrit de nouvelles. L’industrie, le commerce, l’agriculture, la police des eaux et forêts, l’exploitation des mines, la navigation lointaine, les entreprises de tout genre, et la sécurité de toutes les transactions civiles, furent l’objet de dispositions législatives dont quelques-unes sont encore en vigueur[40]. Il y eut continuation de progrès dans les arts qui, font l’aisance de la vie sociale et que le tiers-état pratiquait seul, et il y eut dans la sphère plus haute de la pensée et du savoir un élan spontané de toutes les facultés de l’intelligence nationale. Là se rencontre à son apogée cette révolution intellectuelle qu’on nomme d’un seul mot la renaissance, et qui renouvela tout, sciences, beaux-arts, philosophie, littérature, par l’alliance de l’esprit français avec le génie de l’antiquité. À ce prodigieux mouvement des idées, qui ouvrit pour nous les temps modernes, l’histoire attache le nom de François Ier, et c’est justice. L’ardeur curieuse du roi, son patronage sympathique et ses fondations libérales précipitèrent la nation sur la pente où elle cheminait d’elle-même. L’impulsion une fois donnée suffit, et, sous Henri II, l’éclat nouveau dont brillaient l’art, les sciences et les lettres, s’accrut encore sans que le roi y fût pour rien. Ces deux règnes forment une seule époque dans l’histoire de notre civilisation, période à jamais admirable, qui embrasse cinquante-neuf ans du XVIe siècle, et marque d’un signe glorieux le caractère de ce siècle, si grand dans la première moitié de son cours, si plein de misères et de convulsions dans la seconde.


AUGUSTIN THIERRY.

  1. Voyez la livraison du 15 mai.
  2. Ce partage du royaume en deux régions administratives dura jusqu’au XVIe siècle ; leur limite commune était marquée de l’ouest à l’est par la Gironde, la Dordogne et les frontières méridionales de l’Auvergne et du Lyonnais. Quoique cette division répondît en général à celle des dialectes romans du nord et du midi, et à celle de l’ancienne France en deux zones juridiques, il y avait sous chacun de ces rapports au moins une exception, car l’Auvergne était pays de langue méridionale, et le Lyonnais pays de droit écrit.
  3. Chronique de Froissart, liv. II, ch. LXX.
  4. Histoire de Charles VI, par Juvénal des Ursins, nouvelle collection de Mémoires pour servir à l’histoire de France, t. Il, p. 343. — Ibid., p. 348.
  5. Ordonnance du 16 novembre 1380, Recueil des Ordonnances des rois de France.
  6. Chronique du religieux de Saint-Denis, t. I, p. 132. -Hist. de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires, etc., t. II, p. 356. — Chron. de Froissart, liv. II, ch. CLXXXVIII.
  7. Chron. du religieux de Saint-Denis, t. I, p. 230 et suiv. — Ordonnance du 27 janvier 1383 (1382 vieux style), Recueil des Ordonnances des rois de France, t. VI, p. 685.
  8. Chron. du religieux de Saint-Denis, t. I, p. 240 et suiv. — Chron. de Froissart, liv. II, ch. CCV. — Hist. de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires, etc., t. II, p. 357 et suiv.
  9. Chron. Du religieux de Saint-Denis, t. IV, p. 606. – Ordonn. De Charles VI du 20 janvier 1412 (1411 vieux style), Recueil des Ordonnances, t. IX, p. 668.
  10. Chron. d’Enguerrand de Monstrelet, édit. de M. Buchon, Panthéon littéraire, p. 202. — Hist. de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires, etc., t. II, p. 481, 4.82, 483, 484.
  11. Chron. du religieux de Saint-Denis, t. V, p. 8.
  12. Registres du parlement, cités par M. de Barante, Hist. des ducs de Bourgogne, 5e édit., t. III, p. 299.
  13. Chron. du religieux de Saint-Denis, t. IV, p. 738, 750, 766 et 768.
  14. Chron. du religieux de Saint-Denis, t V, p. 4. — Histoire de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires, etc., t. 11, p. 483.
  15. Chron. du religieux de Saint-Denis, t. V, p. 8 et suiv.
  16. Recueil des Ordonnances des rois de France, t. X, p. 170 et suiv.- Chron. Du religieux de Saint-Denis, t. V, p. 50 et suiv.
  17. Ordonnance de Charles VI du 25 mai 1413, art. 174, 190, 166,154,179, 229 à 234, 236, 238, 241, 244, Recueil des Ordonnances, t. X, p. 70 et suiv. — L’ordonnance est divisée en dix chapitres généraux qui traitent successivement du domaine, des monnaies, des aides, des trésoriers des guerres, de la chambre des comptes, du parlement, de la justice, de la chancellerie, des eaux et forêts, et enfin des gens d’armes.
  18. Histoire de France, par M. Michelet., t. IV, p. 245.
  19. Lettre des prévost des marchands, eschevins, bourgeois, manans et habitans de la ville de Paris aux maire, eschevins, bourgeois, manans et habitans de la ville de Noyon (3 mai 1414), archives de l’hôtel-de-ville de Noyon. — Selon toute probabilité, cette lettre était une circulaire.
  20. Hist. de Charles VI, par Juvénal des Ursins, Mémoires, etc., t. II, p. 485 et suiv. -Extrait des registres du parlement, Recueil des Ordonnances des rois de France, t. X, p. 140, note. — Ordonnance du 5 septembre 1413 ; ibid., p. 170.
  21. Charte donnée aux habitans du village de Perrusses par Guy, sire de Clermont (1383), Recueil des Ordonnances des rois de France, t. VII, p. 32. — Charte donnée aux habitans de Coucy par Enguerrand, sire de Coucy (1368), ibid., t. V, p. 154. — Charte donnée aux habitans de Joigny par Jehans, comte de Joigny (1324), ibid., p. 379.
  22. Deux frères Bureau siégeaient dans le conseil de Charles VII ; ses autres conseillers bourgeois furent Jean Jouvenel ou Juvénal, Guillaume Cousinot, Jean Rabateau, Étienne Chevalier et Jean Leboursier.
  23. Voyez l’ordonnance du 2 novembre 1439 pour la réformation de l’état militaire, celle du 25 septembre 1443 sur le gouvernement des finances, celle du 10 février 1444 sur le même sujet, celle du 19 juin 1445 sur la juridiction des élus, celle du 26 novembre 1447 sur la comptabilité du trésor, celle du 28 avril 1448 sur les francs archers, celle du 17 avril 1453 pour la réformation de la justice, celles du 21 janvier et du 3 avril 1459 sur la reddition des comptes et l’assiette des tailles, celle da 18 septembre 1460 sur la procédure devant les conseillers des aides, et celle du mois de décembre 1460 sur la juridiction de la chambre des comptes. Recueil des Ordonnances des rois de France, t. XIII, p. 306, 372, 414, 428, 516 ; t. XIV, p. 1, 281, 482 et 485, 496, 510.
  24. Mémoires de Philippe de Commynes, édit. de Mlle Dupont, t. I, p. 83 et 84. — t. II, p. 273.
  25. Mém. de Philippe de Commynes, t. II, p. 209. — Lettre au sieur Dubouchage, Histoire de Louis XI, par Duclos, t. IV, p. 449. -Voyez l’ordonnance du mois de septembre 1471 sur les mines, et celle du mois d’avril 1483 sur le même objet, Recueil des Ordonnances des rois de France, t. XVII, p. 446, t. XIX, p. 105.
  26. Mémoires de Philippe de Commynes, t. II, p 224. — Ibid., p. 277.
  27. Discours du chancelier Guillaume de Rochefort, Journal des états-généraux tenus à Tours en 1481 sous le règne de Charles VIII, rédigé en latin par Jean Masselin, édit. de M. Bernier, p. 54.
  28. Voyez le Journal des états-généraux tenus à Tours en 1484, texte et appendice.
  29. Ibid., p. 146, 148 et 150.
  30. Ibid., discours du sire de la Roche, p. 150.
  31. Voyez le Journal des états-généraux tenus à Tours en 1484, appendice n° 1.
  32. Ibid., p. 449, 451 et 712.
  33. Journal des états-généraux tenus à Tours en 1484, p. 697.
  34. « Quant à la cour, elle est instituée par le roy pour administrer justice, et n’ont point ceux de la cour l’administration de guerre, de finances, ni du fait et gouvernement du roy ni des grands princes. Et sont messieurs de la cour du parlement gens clercs et lettrez pour vacquer et entendre au faict de la justice ; et quant il plairoit au roy leur commander plus avant, la cour luy obéiroit, car elle a seulement l’œil et regard au roy, qui en est le chef et sous lequel elle est. Et par ainsi, venir faire ses remonstrances à la cour et autres exploits sans le bon plaisir et exprès consentement du roy, ne se doit faire. » (Réponse du premier président La Vacquerie au duc d’Orléans, 17 janvier 1485 ; extrait des registres du parlement cité par Godefroy, Histoire du roi Charles VIII, p. 466.)
  35. Les Louenges du bon roy de France Louys XII, dict le père du peuple, et de la félicité de son règne, par Claude de Seyssel, édit. de Th. Godefroy, p. 111 et suiv.
  36. Voyez l’ordonnance de mars 1499 sur la réforme de la justice, art. 30, 31, 32, 40, 47 et 48. (Recueil des anciennes lois françaises, par M. Isambert, t. XI, p. 323.)
  37. Voyez l’ordonnance de Charles VII avant Pâques 1453, et celles de Charles VIII, 28 janvier 1493 et 15 mars 1497 ; Recueil des Ordonnances des rois de France, t. XIV, p. 234, et t. XX, p. 433, et Richebourg, Coutumier général, t. IV, p. 639.
  38. Celles de Touraine, Melun, Sens, Montreuil-sur-Mer, Amiens, Beauvoisis, Auxerre, Chartres, Poitou, Maine, Anjou, Meaux, Troyes, Chaumont, Vitry, Orléans, Auvergne, Paris, Angoumois et La Rochelle.
  39. M. Édouard Laboulaye, Recherches sur la condition civile et politique des Femmes depuis les Romains jusqu’à nos jours, p. 378.
  40. Voyez, dans le Recueil des anciennes lois françaises, par M. Isambert, t. XI et XII, les Ordonnances de François Ier, et, entre autres, l’édit de Villers-Cotterets en 192 articles ; août 1539.