Essai de psychologie/Chapitre 56

(p. 192-195).

Chapitre 56

Du systême général.


La cause premiere est une ; son effet est un, & ne peut être qu’un : l’univers est cet effet.

Dieu a agi ; il a agi en Dieu. Sa volonté efficace a réalisé tout ce qui pouvoit l’être. Un seul acte de cette volonté a produit l’univers : le même acte le conserve. La volonté divine est permanente, invariable : Dieu est constant à soi ; il est ce qu’il est.

L’entendement divin n’a point vu plusieurs univers prétendre à l’existence : la sagesse n’a point choisi. Le choix est le partage d’une nature bornée ; l’intelligence sans bornes a vu le bien absolu & l’a fait. Il étoit sa pensée, & cette pensée étoit cette intelligence.

L’univers a donc toute la perfection qu’il pouvoit recevoir d’une cause infiniment parfaite : ne dites pas il est le meilleur ; il ne pouvoit y en avoir d’autre.

Chaque chose est donc comme elle devoit être & où elle devoit être. Tout est bien, & ne pouvoit être autrement.

Il est une liaison universelle. L’univers est l’assemblage des êtres créés. Si dans cet assemblage il y avoit quelque chose qui ne tînt absolument à rien, quelle seroit la raison de l’existence de cette chose ?

Nous suivons à l’œil la liaison qui est entre toutes les parties de la nature. Cette liaison s’étend à mesure que les observations se multiplient. Chaque être est un systême particulier qui tient à un autre systême particulier, une roue qui s’engraîne dans une autre roue. L’assemblage de tous les systêmes particuliers, de toutes les roues compose le systême général, la grande machine de l’univers.

La raison de chaque individu est donc dans le systême général, la raison du systême général dans la raison éternelle.

N’allez pas au-delà ; vous tomberiez dans l’absurde progression des causes à l’infini. Ne vous arrêtez pas à l’univers ; il n’a que les caracteres d’effet.

Le caractere ou l’essence propre de chaque ame étoit donc déterminée par la place que cette ame devoit occuper dans le systême. Placée par la main même de Dieu sur l’échelon qu’elle occupe, il ne dépendoit pas d’elle d’ajouter ou de retrancher à sa perfection originelle.

Cherchez-vous la raison du cruel Néron, de l’aimable Tite, du sage Antonin ? Demandez-vous pourquoi le françois est policé, l’hottentot barbare ? Regardez vers le plan général.