Essai de psychologie/Chapitre 4

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Chapitre 4

Continuation du même sujet. De la liaison des idées & de leur rappel.


le retour fréquent des mêmes situations, les rapports que différentes perceptions ou différentes sensations ont entr’elles, soit dans la maniere dont elles sont excitées, soit dans les circonstances qui les accompagnent, soit dans les effets qu’elles produisent sur l’ame établissent entre les idées une liaison en vertu de laquelle elles se rappellent réciproquement. L’auteur de notre être ayant voulu que toutes nos idées dépendissent originairement des mouvemens ou des vibrations qui sont excités dans certaines parties de notre cerveau, le rappel de ces mêmes idées dépend vraisemblablement d’une pareille cause. Il est une modification de la force motrice de l’ame, qui en agissant sur les fibres ou sur les esprits y occasione des mouvemens semblables à ceux que les objets y ont fait naître.

L’imagination, qui d’un pinceau fidele & délicat retrace à l’ame l’image des choses, n’est de même qu’une modification de la force motrice qui monte les fibres ou les esprits sur un certain ton approprié aux objets qui doivent être représentés et semblable à celui que ces objets y imprimeroient par leur présence.

Le siege de l’ame est une petite machine prodigieusement composée & pourtant fort simple dans sa composition. C’est un abrégé très-complet de tout le genre nerveux, une neurologie en miniature. On peut se représenter cet admirable instrument des opérations de notre ame sous l’image d’un clavessin, d’une orgue, d’une horloge ou sous celle de quelque autre machine beaucoup plus composée encore. Ici sont les ressorts destinés à mouvoir la tête : là sont ceux qui font mouvoir les extrémités : plus haut sont les mouvemens des sens : au-dessous sont ceux de la respiration & de la voix, &c. Et quel nombre, quelle harmonie, quelle variété dans les pieces qui composent ces ressorts & ces mouvemens ! L’ame est le musicien qui exécute sur cette machine différens airs ou qui juge de ceux qui y sont exécutés & qui les répete. Chaque fibre est une espece de touche ou de marteau destiné à rendre un certain ton. Soit que les touches soient mues par les objets, soit que le mouvement leur soit imprimé par la force motrice de l’ame le jeu est le même ; il ne peut différer qu’en durée et en intensité. Ordinairement l’impression des objets est plus durable & plus vive que celle de la force motrice. Mais dans les songes & dans certaines maladies l’imagination acquiert assez de force pour élever ses peintures au niveau de la réalité.