Essai d’une Ecole Chrétienne, ou Maniere d'instruire & d’élever chrétiennement les Enfans dans les Ecoles

ESSAI

D’UNE

ECOLE

CHRÉTIENNE,

OU

MANIERE D’INSTRUIRE

& d’elever chrétiennement les

Enfans dans les Ecoles.

Ceux qui en auront instruit & élevé plusieurs dans la voie de la justice, brilleront comme des Etoiles dans toute l’éternité.

Daniel 12. 3.


A PARIS,

Chez Philippe-Nicolas Lottin,

rue Saint Jacques, proche de S. Yves, à la Vérité.


M. DCC. XXIV.

AVEC PRIVILEGE DU ROI.


AUX MAITRES
ET
AUX MAITRESSES
D’ÉCOLE.



Un Illustre & zêlé Prélat m’aiant fait l’honneur de me charger du soin des Ecoles de son Diocêse, j’ai cru que je devois auparavant travailler à me rendre capable de m’acquiter dignement de cette grande & importante commission. C’est à quoi je me suis appliqué pendant quelques années, par l’étude que j’ai faite de ce qui regarde les Ecoles, & par la visite de celles dont j’avois la direction. J’ai fait un recueil de ce que j’ai pu apprendre touchant la conduite des Ecoles Chrétiennes, & je l’appelle Essai d’une Ecole Chrétienne, ou maniere d’instruire & d’élever chrétiennement les Enfans dans les Ecoles. A qui puis-je avec plus de raison adresser cet ouvrage qu’à vous, mes très-chers Freres & mes très-cheres Sœurs en notre Seigneur, qui êtes chargez par votre emploi d’instruire & d’élever chrétiennement les Enfans dans les Ecoles dont vous avez la conduite ? Vous ne pouvez douter de cette obligation ; tout semble conspirer à vous en convaincre & à vous persuader qu’il est de la derniere conséquence de la remplir avec toute la perfection, dont vous êtes capables. Vous ne devez donc rien épargner pour vous instruire de cet art des arts, pour vous y former, & pour vous y perfectionner. Mon dessein en vous presentant cet Essai, est de vous aider à vous y rendre sçavans & dans la theorie & dans la pratique. Je vous l’avoue, ce n’est qu’un Essai ; car cette matiere est si vaste & si étendue que ce que j’en rapporte est peu de chose en comparaison de ce qu’on peut en dire.

Je le divise en six parties. Dans la I. je parle des Ecoles Chrétiennes en general, de leur excellence, de leur utilité, de leur nécessité, & de leur établissement fait par l’Eglise & autorisé par les Rois.

Dans la II. je fais connoître les précautions qu’il faut prendre afin de pouvoir prudemment s’en charger, ou de rendre de plus en plus son élection certaine dans la conduite qu’on en a déja.

Dans la III. je fais remarquer les sentimens d’estime, d’amour, & de zêle que les Maîtres & les Maitresses d’Ecole doivent avoir pour leur emploi.

Dans la IV. je represente leurs principaux devoirs.

Dans la V. j’expose la discipline qui doit être observée dans les Ecoles.

Enfin, dans la VI. je montre la maniere de conduire une Ecole Chrétienne.

Pour peu d’attention que vous fassiez sur ce précis que je fais d’ une Ecole Chrétienne, vous y trouverez des raisons propres à vous convaincre de la grandeur & de l’excellence de votre vocation, des motifs capables de vous faire voir l’obligation que vous avez, de vivre d’une maniere qui y soit conforme, & enfin les moiens dont vous devez vous servir, pour vous conduire d’une maniere digne de l’état auquel vous avez été appellez.

On ne peut nier que le sujet que je traite dans cet Essai ne soit grand & important ; mais aussi on ne peut douter que l’élévation du stile, quand j’en aurois été capable, ne convenoit pas à cet ouvrage. C’est pourquoi j’ai cru que je devois le faire d’une maniere simple & naturelle, afin de pouvoir le rendre utile pour la conduite des Ecoles Chrétiennes.

Si Dieu donne sa benediction à cet Essai, il pourra contribuer à sa gloire, & à vous procurer quelque secours dans l’exercice de votre ministere. C’est ce que j’espere de sa bonté, si vous le lisez, & si vous l’étudiez dans le même esprit dans lequel il a été composé, c’est-à-dire, dans un esprit de simplicité & de charité, & avec un zêle ardent, & un grand desir d’apprendre la maniere d’instruire & d’élever chrétiennement les enfans, qui vous sont confiez. Enfin, si vous faites de cet Essai d’une Ecole Chrétienne, le modéle, la regle, & le plan de celles dont vous avez la conduite ; & si en les faisant, vous êtes exacts à copier ce modéle, à observer cette régle, & à suivre ce plan que je vous presente.

Souffrez que pour vous porter & vous animer à le faire avec toute la fidélité possible, je vous dise avec Saint Paul. Considérez attentivement, & faites une serieuse reflexion fur le ministere que vous avez reçû au nom du Seigneur, afin de vous en acquiter parfaitement[1] ; honorer-le[2] par l’estime, l’amour & le zéle que vous devez témoigner, & par votre fidélité à en remplir les devoirs. Il le mérite & il demande cela de vous. Soiez persuadez que Dieu vous en fera rendre un compte terrible à l’heure de votre mort, & que c’est particulierement sur la manière dont vous vous en serez acquitez, qu’il décidera de votre bonheur ou de votre malheur éternel ; & par conséquent je vous conjure d’avoir dans l’éxercice de votre emploi une conduite digne de Dieu, qui vous a appellez à son roiaume & à sa gloire[3], & digne de l’Evangile de Jesus-Christ.[4] En agissant de la sorte vous vous sauverez vous-mêmes, & vous sauverez les enfans qui vous écoutent[5] dans vos Ecoles.

Permettez-moi aussi de vous conjurer par Jesus-Christ notre Seigneur, & par la charité du Saint-Esprit, de me secourir & de m’aider par vos priere[6] & par celles que vous ferez faire à Dieu pour moi par vos disciples, afin qu’il me fasse la grace de le servir tous les jours de ma vie, dans une sainteté & dans une justice qui soit telle devant lui[7], & qui soit digne de mon état, & enfin, que je meure de la mort des justes, & que la fin de ma vie ressemble à la leur[8].

Pour moi je puis vous assurer que je ne cesserai de prier Dieu pour vous, & de lui demander qu’il vous donne une pleine connoissance de sa volonté, avec toute la sagesse & toute l’intelligence des choses spirituelles[9], afin que vous connoissiez ce qui est bon, ce qui est agréable aux yeux de Dieu & ce qui est parfait[10] pour le gouvernement de vos Ecoles, & que vous vous conduisiez dans votre emploi d’une maniere digne de Dieu, cherchant tous les moiens de lui plaire & d’être utiles à vos enfans, & de vous santifier vous-mêmes portant des fruits de toutes fortes de bonnes œuvres, & vous avançant dans la connoissance de Dieu ; enfin, que vous soiez en tout remplis de farce par let participation de son pouvoir glorieux, pour avoir en toutes rencontres une patience & une douceur constante & persévérante accompagnée de joie[11] qui sont des dispositions nécessaires dans l’exercice actuel de votre ministere, pour en bien remplir tous les devoirs.

AVERTISSEMENT.


Quoique j’adresse cet Essai d’une Ecole Crétienne aux Maîtres & aux Maitresses des Ecoles publiques, c’est-à-dire, des Ecoles qui sont ouvertes, & où l’on reçoit indifferemment tous les enfans, il est aisé de voir qu’il peut servir également & être utile, 1. aux Maîtres & aux Maitresses des Ecoles particulieres & domestiques, c’est-à-dire, des Pensions & des Familles, pour en faire des Ecoles Chrétiennes comme elles doivent l’être en effet.

2. A ceux qui instruisent les jeunes gens dans les Colleges & dans les petits Seminaires, & generalement à toutes les personnes qui font chargées de la conduite des enfans, pour les instruire & les élever chrétiennement.

3. Aux enfans qui y trouveront leurs devoirs & leurs obligations. Il pourra même dans le besoin leur servir de Maître & de Maitresse, s’ils n’en ont point ; pourvû qu’ils l’étudient bien, qu’ils pratiquent exactement & qu’ils suivent les regles & la méthode qu’il prescrit, pour les rendre de bons Ecoliers & de parfaits Chrétiens.

J’ose le dire & je l’espere, qu’il sera de quelque utilité aux Superieurs & aux Superieures des Ecoles, pour travailler de concert avec les Maîtres & les Maitresses à régler, à conduire, & à gouverner chrétiennement celles dont ils ont la juridiction, la direction & l’intendance.


APPROBATION


JAI lû par ordre de Monseigneur le Garde des Sceaux un Manuscrit, qui a pour titre : Essai d’une Ecole Chrétienne, &c. où je n’ai rien trouvé de contraire aux Dogmes & à la doctrine de l’Eglise Catholique, Apostolique & Romaine, ni aux bonnes mœurs. Il seroit à souhaiter pour le bien de l’Eglise & des Etats chrétiens, qu’il fût suivi par ceux qui sont emploiés à l’instruction des enfans : rien n’est plus propre pour leur éducation chrétienne. à Paris ce 15. Decembre 1723. C. Leullier.

ESSAI

D’UNE

ECOLE

CHRÉTIENNE

ou

MANIERE D’INSTRUIRE

& d’élever chrétiennement les Enfans dans les Ecoles.


PREMIERE PARTIE.

Des Ecoles en général.


Chapitre premier

De l’excellence, de l’utilité, & de la nécessité des Ecoles Chrétiennes.

On entend communément par les Ecoles, des lieux où l’on enseigne aux Enfans à lire & à écrire, &c. & par les Ecoles Chrétiennes on entend ces mêmes lieux, où en leur enseignant ces choses, on les instruit de la Religion Chrétienne, & on leur apprend à vivre chretiennement. Il n’y a rien que de grand dans tout ce qui regarde les Ecoles Chrétiennes : ce qu’elles sont en elles-mêmes, les avantages qui s’y rencontrent, le besoin que l’Eglise & l’Etat en ont, sont des choses si visibles & si connues de tout le monde, qu’il seroit inutile de s’arrêter à exposer leur excellence, leur utilité, & leur nécessité. Ces vérités si palpables ont si fort frappé plusieurs grands hommes, qu’ils se sont efforcés de nous donner les idées qu’ils en avoient conçûes ; & ils se sont surpassés eux-mêmes dans cette entreprise par la maniere dont ils en ont parlé & écrit. Voici les expressions dont ils se sont servis pour nous faire connoître ce qu’ils pensoient des Ecoles Chrétiennes, & qui suffisent pour nous faire sentir ces vérités ; je les trouve trop belles pour ne les pas raporter, & trop énergiques pour y rien changer.

Les Ecoles Chrétiennes disent quelques-uns, sont comme les Seminaires ou les Pepinieres de l’Eglise & de l’Etat où les enfans, comme de jeunes plantes, sont élevés pour être comme transplantés dans la suite en differentes conditions de l’un & de l’autre sexe, & y porter du fruit dans leurs tems ; en effet c’est dans ces lieux où la vertu est cultivée & les habitudes vitieuses de la nature corrompue sont rectifiées par l’éducation Chrétienne qu’on y donne.

Les autres ont dit qu’elles sont le noviciat du Christianisme dans lequel on forme les enfans à la Religion Chrétienne, où ils sont entrés par le Batême, comme on forme les Religieux dans leur noviciat à la Religion dans laquelle ils doivent faire profession : & que comme ordinairement il n’y a de bons profès dans les differentes Religions qui sont dans l’Eglise, que ceux qui ont été de bons novices, aussi il n’y a de bons Chrétiens que ceux qui ont été bons Ecoliers Chrétiens.

D’autres disent qu’elles sont. 1. Les aziles des enfans contre la corruption du siécle. 2. Des lieux de sureté pour mettre leur innocence à couvert, & pour conserver le tresor inestimable de la grace baptismale.

3. Des refuges pour ceux qui ont déja commencé à se perdre au milieu du monde. 4. Des exercices publics établis pour apprendre la science du salut & la Pratique des vertus Chrétiennes.

Les Ecoles sont selon quelques-uns, des Académies Saintes où l’on prépare les enfans à la guerre spirituelle, qu’ils auront à faire ou à soutenir pendant toute leur vie contre les ennemis de leur salut, & où on leur enseigne les moiens & on leur donne les armes nécessaires pour sortir toujours victorieux de ces sortes de combats.

C’est encore dans ces Académies que commencent à se former les bons Ouvriers, les saints Magistrats, les bons Peres de Famille, les saints Ecclesiastiques, les bons Religieux, &c.

Selon quelques autres, c’est dans ces lieux que la verge de la discipline chasse la folie du cœur des enfans & délivre leur ame de la mort, & que la correction leur donne la sagesse.

Si nous en croions plusieurs, les Ecoles sont comme les Eglises des enfans, parce qu’ils y adorent Dieu, qu’ils lui adressent là leurs prieres, qu’ils y chantent ses louanges, & qu’ils y apprennent à l’aimer & à le servir : on les y instruit à pratiquer la vertu, à fuir le vice, à suivre les maximes Chrétiennes ; on leur y enseigne à prier Dieu, à se bien confesser, à communier dignement, &c.

Otez les Ecoles Chrétiennes, disent-ils presque tous, vous sappez dans les Chrétiens la Religion par le fondement ; le champ de l’Eglise ne peut manquer de devenir en friche, & de porter des ronces & des épines ; l’ignorance comme un nuage épais ne tardera pas à se répandre sur la surface de la terre, & la corruption comme un torrent impétueux se débordera bien-tôt, & inondera toute la terre qui sera privée de ce secours.

En effet, concluent d’autres, que ne peut-on pas craindre & appréhender quand l’instruction des enfans cesse, que leur éducation est négligée, que la correction n’a plus de lieu pour eux, & enfin qu’ils sont abandonnés à eux-mêmes ? Quand ils seront grands, ils peupleront l’Eglise d’enfans qui la couvriront de confusion, leurs familles de sujets qui en seront le fleau, & enfin l’enfer de réprouvés.

Il n’y a aucune de ces expressions qui ne fasse comme toucher au doigt l’excellence des Ecoles Chrétiennes, l’utilité qu’on en retire, & le besoin infini qu’en ont les enfans ; enfin que leur établissement est un moien des plus efficaces & des plus universels de la santification de la jeunesse, & pour le dire en un mot, que c’est l’œuvre des œuvres.

Il ne faut pas s'étonner après cela, si l’Eglise & l’Etat ont conspiré avec tant de zèle à leur établissement, comme on va le voir dans les deux chapitres suivans.


Chapitre II.

Etablissement des Ecoles Chrétiennes
fait par l’Eglise
.


LEs Peres & les Meres devroient être eux-mêmes les maîtres & les maitresses de leurs enfans, ainsi que nous l’apprend le Saint-Esprit dans l’Ecclesiastique, Vous avez des enfans, dit-il,[12] instruisez-les & formez-les dès leur plus tendre jeunesse. Mais la négligence des uns, les affaires des autres, & l’incapacité de la plûpart leur a fait abandonner un soin qu’il seroit à souhaiter qu’ils prissent tous. C’est pourquoi l’Eglise comme une bonne mere, a pourvû au besoin de ses enfans, par les Ecoles qu’elle a eu soin d’établir dans tous les tems. Comme les Peres & les Meres, dit un Concile de Cambrai, ne doivent pas avoir moins de soin d’instruire & d’élever leurs enfans que de les nourir & de les entretenir, il est juste aussi, que l’Eglise instruise avec tout le soin possible & par des préceptes salutaires, ses enfans qu’elle a enfantés à Jesus-Christ par le Batême ; & ce seroit en vain qu’ils auroient reçû la vie spirituelle dans ce Sacrement, si l’on ne travailloit à la faire croître en eux, en leur donnant des instructions qui soient capables de l’augmenter.

Il n’y a point de conseil plus divin, dit encore un Concile de Bourdeaux, que de procurer une sainte éducation à la jeunesse, qui fait toute l’espérance de l’Eglise & des Etats ; & comme on doit en espérer des fruits d’une admirable douceur si elle est cultivée avec soin, on doit n’en attendre que de très grandes amertumes, si elle est malheureusement négligée. C’est ce qui fait que les Conciles tant généraux que provinciaux regardant les Ecoles Chrétiennes bien conduites, comme le moien le plus sur & le plus propre pour rétablir l’esprit du Christianisme & de la piété dans l’Eglise, ils n’ont rien tant souhaité que leur établissement, ni rien recommandé si fortement, que les Reglemens qu’ils ont faits pour les conduire Chrétiennement.

Le cinquiéme Canon des neuf attribués au sixiéme Concile général, dit : que les Prêtres aient des Ecoles dans les Villes & dans les Villages, & qu’ils ne refusent point d’instruire les enfans des Fidéles.

Les Evêques dans cet esprit ont exécuté avec joie ce qui avoit été reglé, dans les Conciles sur ce sujet : Theodulphe Evêque d’Orleans ordonna que les Curés eussent dans les Bourgs & dans les Villages, des Ecoles où les enfans fussent enseignés avec toute la charité possible.

Herard Archevêque de Tours ordonna à ses Curés d’avoir avec eux un Clerc, auquel ils pussent confier le soin de leurs Ecoles, quand ils ne pouroient pas les faire eux-mêmes.

Gregoire de Tours dit, que l’Evêque de Lizieux Etherius donna tous les enfans de sa Ville à un Clerc qu’il avoit racheté de l’esclavage, pour les instruire.

Riculphe Evêque de Soissons avertit les Curés de prendre garde qu’en s’occupant peut-être trop des affaires du monde, ils ne négligent ce qu’ils doivent à Dieu, de retenir leurs écoliers dans une grande modestie, de les élever dans toute l’honnêteté possible, & d’avoir soin de les édifier par une conduite réglée. On ne finiroit pas si on vouloit raporter tout ce qu’ont fait les Evêques dans leurs Diocêses, & les Curés dans leurs Paroisses pour l’établissement & le gouvernement des Ecoles.

Enfin, l’Eglise a regardé l’instruction & l’éducation des enfans comme quelque chose de si grand & de si important qu’elle a érigé pour travailler à cet ouvrage, des Ordres de Religieux & de Religieuses qui le regardent comme la fin de leur institut, & qui en font avec raison leur gloire & leur honneur.

L’emploi des Maîtres & des Maitresses d’Ecole a paru si important à l’Eglise, qu’elle a ordonné dans plusieurs Conciles, qu’on useroit de précaution pour le choix des personnes à qui on confieroit la direction des petites Ecoles, & qu’on ne commettroit ce soin qu’à des personnes d’une capacité & d’une probité reconnues ; que l’éxamen & l’approbation en seroit réservée aux Archevêques & aux Evêques, qui sont autorisés & soutenus dans ce droit si légitime par les Edits & les Déclarations de nos Rois, qui ordonnent que les Maîtres & les Maitresses d’Ecole seront éxaminés & approuvés par les Archevêques & Evêques, & qui défendent à toutes les personnes de l’un & de l’autre sexe de tenir des Ecoles sans la permission de ces Prélats. Loüis XIV. par sa Déclaration du mois de Fevrier 1657, article xxi, & celle de 1666, article xxii. confirme ce droit des Ordinaires touchant l’éxamen & l’approbation des Maîtres & des Maitresses d’Ecole.

Les plus grands & les plus saints Prélats de l’Eglise ont toujours eu beaucoup de soin d’établir des Ecoles dans leurs Diocêses, & de bien régler celles qui y étaient établies. Mais pour retirer des Ecoles tout l’avantage qu’on peut en espérer, ils prenoient soin, 1. de former ou de choisir des Maîtres & des Maitresses capables de les gouverner. 2. de leur prescrire non seulement la maniere d’instruire, mais même les choses qu’ils vouloient qu’on fît lire & apprendre aux enfans, tant pour les sciences humaines que pour la Religion. 3. Quand ils n’en avoient point dans leurs Diocêses ou dans leurs Seminaires, ils en faisoient venir d’ailleurs, & choisissoient les plus honnêtes gens qu’ils pouvoient trouver pour leur confier leurs Ecoles, étant persuadés que quand les Ecoles sont bien réglées, & que des personnes sages & intelligentes en ont le soin, les enfans qui en sortent sont plus sages, plus habiles & mieux instruits des choses qui regardent la Religion & les sciences humaines : au lieu que quand les petites Ecoles sont entre les mains de Maîtres ignorans ou négligens, ou peu réglés, les enfans en sortent libertins, déréglés, dissipés, mal instruits ; & ce qu’il y a de plus facheux, c’est qu’on a toutes les peines du monde à les remettre dans le bon chemin & à leur faire quitter les mauvaises habitudes qu’ils ont prises ; tant il est vrai que des premieres années dépend toute la suite de la vie, & que c’est dès l’enfance qu’il faut, pour ainsi dire, semer dans leur ame ce qu’on veut recueillir dans un âge plus avancé. Ces Prélats convaincus de ces vérités ne recevoient pour Maîtres & pour Maitesses d’Ecole que ceux ou celles qui étoient sages, gens de bien, & capables d’instruire & d’édifier ; & avant que de les recevoir ils s’informoient exactement de leur vie, de leurs mœurs, & de leur conduite, & ils leur enseignoient la maniere d’élever & d’instruire les enfans. Ils étoient inexorables, quand il falloit contraindre les Maîtres vicieux & négligens, ou les Maitresses peu réglées, de changer de conduite ou de quiter leurs emplois.


Chapitre III.
Etablissement des Ecoles Chrétiennes autorisé par les Rois.


LA puissance temporelle s’est réunie à la spirituelle pour établir solidement une œuvre qui contribue si avantageusement au bien des personnes qui leur font soumises, En effet l’établissement des Ecoles Chrétiennes n’est pas moins important à l’Etat et qu’à l’Eglise : car c’est dans ces lieux que se forment ses sujets. Aussi les Souverains ont-ils emploié dans tous les tems leur autorité à les établir ou à les perfectionner. Ils ont toujours regardé cet établissement comme le grand moien de rendre leur regne heureux.

Charle-Magne s’est distingué par son zêle en ce point. Il ordonne dans son Capitulaire d’Aix la Chapelle, qu’il y ait pour les enfans des Ecoles où ils soient instruits, &c. Ses successeurs ont hérité de son zêle & de son esprit sur ce sujet, aussi bien que de ses Etats.

Charles IX. dans l’Ordonnance d’Orleans article xii. ordonne, que dans chaque Ville principale des Diocêses il soit établi un Précepteur, qui soit tenu d’enseigner gratuitement les enfans de la Ville.

Louis XIII. persuadé qu’il étoit de la necessité & de l’utilité des Ecoles pour la Religion & pour l’Etat, n’a rien plus recommandé aux Evêques de son Roiaume, que le bon ordre de cet établissement, où « les ames, dit-il, du salut desquelles ils sont chargés, doivent recevoir les premières teintures du bien. »

Louis XIV. a poussé encore plus loin des sentimens si dignes du plus Chrétien & du plus religieux des Rois, par les Ordonnances qu’il a faites pour l’établissement des Ecoles, & par les lettres qu’il a écrites aux Evêques dans lesquelles il marque qu’on ne peut faire rien qui lui soit plus agréable, que de seconder les ordres qu’il a donnés pour établir par tout des Ecoles véritablement Chrétiennes, & de faire en-sorte qu’elles soient bien conduites. Voici comment il s’explique sur cette matiere en écrivant à un grand Prélat de notre France : c’est feu Monseigneur de Némond Evêque de Bayeux, que sa Majesté sçavoit avoir grand zêle pour les Ecoles Chrétiennes. « Monsieur, lui dit-il, étant bien informé des soins particuliers que vous prenez pour faire instruire les enfans dans les principes de la Religion, je vous fais cette lettre pour vous témoigner la satisfaction qui me reste d’une conduite si conforme à mes intentions, & vous dire que vous ne sçauriez rien faire qui me soit plus agréable, que de préposer un Ecclesiastique d’une vertu & d’une capacité distinguée, qui n’ait d’autre occupation que de parcourir tous les lieux de votre Diocêse, pour visiter les Ecoles & les Maîtres & les Maitresses qui les gouvernent, afin d’éxaminer s’ils s’acquitent de leur devoir, & de les aider de ses conseils pour le bien remplir, avec pouvoir de faire tout ce qu’il jugera à propos pour l’instruction & pour l’éducation des enfans ; en quoi je ne doute point que vous ne secondiez avec plaisir le desir que j’ai de procurer de plus en plus l’avantage de la Religion. Ecrit à Versailles ce sixiéme jour d’Août 1688. »

Rien n’est plus admirable que ce qu’a ordonné ce grand Monarque sur ce sujet. « Voulons, dit-il, qu’on établisse autant qu’il sera possible des Maîtres & des Maitresses d’Ecole dans toutes les Paroisses où il n’y en a point, pour instruire tous les enfans du Catéchisme & des Prieres qui sont nécessaires, pour les conduire à la Messe tous les jours ouvriers, leur donner l’instruction dont ils ont besoin sur ce sujet, & pour avoir soin pendant le tems qu’ils iront ausdites Ecoles qu’ils assistent à tous les services Divins les Dimanches & les Fêtes...... Voulons que dans les lieux où il n’y aura point d’autre fond, il puisse être imposé sur tous les Habitans la somme qui manquera pour leur subsistance jusqu’à celle de cent cinquante livres par an pour les Maîtres, & de cent pour les Maitresses. Enjoignons à tous les Peres & Meres, Tuteurs & autres personnes qui sont chargées de l’éducation des enfans, de les envoier aux Ecoles & aux Catéchismes. Declaration du Roi Loüis XIV. du 13. Decembre 1698. »



SECONDE PARTIE.

Précautions qu’il faut prendre avant que de s’engager dans l’emploi de Maître ou de Maitresse d’Ecole.


Chapitre premier.

De la vocation à la conduite des Ecoles.


Comme la conduite des Ecoles est un emploi noble, grand & excellent en lui-même, important & de conséquence dans ses suites, il n’y en a guere où il faille aporter plus de précaution, avant que s’en charger. Ceux donc ou celles qui y prétendent, doivent auparavant prendre les mesures qui sont nécessaires pour s’y engager prudemment & chrétiennement.

La premiere qui est la fondamentale de toutes les autres, est la vocation.

Je sçai qu’il n’y a point d’emploi dans la vie qu’on doive éxercer sans la vocation de Dieu : mais on peut dire avec vérité que cela est encore plus important & plus nécessaire dans celui de la conduite des Ecoles. Comme ceux ou celles qui y aspirent, doivent être par cet emploi les Anges visibles des enfans, ainsi qu’on le verra dans la suite ; ils doivent imiter la conduite de leurs Anges invisibles, qui ne sont pas la moindre demarche dans leur ministere auprès des enfans de Dieu, sans avoir reçu ses ordres. Mais aussi lorsqu’ils les connoissent, ils les exécutent avec une obéïssance & une promtitude admirable. Ainsi ils ne doivent point d’eux-mêmes s’ingérer de devenir les Maîtres des enfans, les conducteurs des aveugles, & les Docteurs des ignorans ; mais attendre avec patience les ordres du Pere de famille, qui doit appeller qui il lui plaît, & appliquer au travail ceux qu’il appelle, afin qu’ils fassent du fruit, & que leur fruit demeure.

Ce seroit une témérité d’entreprendre une œuvre si importante, sans une vocation de Dieu bien marquée. En effet l’emploi des Maîtres & des Maitresses d’Ecole étant si important, ils ont besoin sans doute des secours de la grâce, pour s’en aquiter dignement. Or Dieu ne donne pour l’ordinaire ces secours qu’à ceux qu’il y appelle, qu’il y engage, & qui suivent ses ordres. Pour ceux qui vont, qui courent, qui travaillent sans sa participation & sans lui, il ne les connoît point, & il leur refuse justement la grace de l’état dans lequel ils se sont ingérez d’eux-mêmes.

Enfin un engagement dont Dieu n’est ni le principe ni la fin, ne conduit pour l’ordinaire qu’au précipice ; & on ne peut en attendre que la perte des Maîtres ; des Maitresses & des Disciples. C’est pourquoi il est de la derniere conséquence pour ceux & celles qui veulent s’engager dans cet emploi, de connoître si Dieu les y appelle. C’est ce qu’ils ne peuvent faire que par certaines marques, & par quelques précautions qu’ils doivent apporter avant que de se charger de cet emploi.



Chapitre II.
Marques de vocation à la conduite
des Ecoles.


IL y a plusieurs marques par lesquelles on peut connoître si Dieu appelle à la conduite des Ecoles. Les principales sont,

1. Les talens nécessaires pour en remplir utilement les devoirs, comme sont la santé, un bon sens, du discernement, un esprit d’ordre, afin de bien régler une Ecole, de la tenir dans l’ordre, d’enseigner avec art & avec méthode, & de suivre une exacte discipline.

2. Une capacité raisonnable dans ce qui regarde cette profession, c’est-à-dire, posseder en Maître & en Maitresse ce qu’on est obligé d’enseigner, qu’on sache parfaitement lire, d’une manière distincte & judicieuse y bien accentuer, bien prononcer, qu’on sache bien écrire ; qu’on sache les regles de l’écriture & de l’ortographe, & qu’on soit en état de les enseigner.

3. Comme la Religion est la principale fin des éxercices des Ecoles ; pour la bien enseigner aux enfans, il faut en être instruit soi-même, & beaucoup plus à fond que le commun des fidèles. L’essentiel de ce ministere étant de leur donner les premieres teintures & la connoissance du Christianisme, on doit être sçavant dans la science du salut & des Saints, c’est-à-dire, capable de faire connoître Dieu aux enfans, de leur apprendre à l’aimer, à l’honorer & à le servir ; de former Jesus-Christ dans leurs cœurs, d’en faire de vrais Chrétiens & des enfans de Dieu & de l’Eglise. La lecture & l’écriture ne doivent être que le prétexte, le moien & l’accessoire.

4. Avoir quelque facilité de parler pour bien faire un Catechisme, & le talent d’insinuer & de faire aimer aux enfans ce qu’on leur apprend.

5. Une probité reconnuë, une pieté solide, qui consiste dans un grand éloignement de tout vice, dans l’assemblage des vertus convenables à cette profession, c’est-à-dire, dans une foi pure, un grand amour pour Dieu, un zêle ardent pour le salut des âmes des enfans, dans un grand fond de pureté, de prudence, de force, de courage, d’humilité, de mortification, &c. Il faut avoir au dedans de soi la source de ces vertus afin de répandre de sa plénitude sur ses Disciples.

6. Enfin la pureté d’intention qui consiste à ne point aspirer à cet emploi par un esprit mercenaire ; mais dans la seule vûe d’y procurer la gloire de Dieu, d’y faire son salut, & d’y travailler à l’instruction, à l’éducation, & à la santification des enfans.

Il n’y a donc aucun de ceux ou de celles qui aspirent à la conduite des Ecoles, qui en s’examinant sans se flater & ne trouvant en soi-même ni les talens ni les vertus nécessaires pour faire un bon Maître ou une bonne Maîtresse (ces marques sur tout ne paroissant point à ceux qui sont capables d’en juger) ne doive bien se donner de garde de s’ingérer dans cet emploi ; & si par malheur quelqu’un avoit fait cette démarche funeste, il a bien sujet de se reprocher la témérité de son engagement ; & s’il veut mettre son salut en assurance, on ne peut lui donner un meilleur conseil que de prendre quelqu’autre emploi plus proportionné à ses forces ; à moins que par un retour sincere à Dieu & par un travail assidu, il ne puisse avec le conseil de personnes sages & experimentées en ces matieres, acquerir ce qui lui manque, & rentrer dans l’état où il auroit dû être, avant que de se charger de l’instruction de la jeunesse.

Pour éviter ces inconvéniens, & pour ne point se tromper dans une affaire de cette conséquence, il ne faut pas manquer avant que de s’engager dans cet emploi, de s’appliquer à connoître si Dieu y appelle.



Chapitre III.

Comment on peut connoître si on est
appellé à la conduite des Ecoles.


COmme la vocation est le fondement de l’édifice qu’on prétend élever pendant toute sa vie, il n’y a rien qu’on ne doive faire pour s’en assurer autant qu’on le peut moralement parlant. Or pour y réussir il faut faire deux choses ; la premiere est de lever les obstacles à cette connoissance ; la seconde est d’apporter les dispositions nécessaires pour l’acquerir.

Les obstacles à la connoissance de sa vocation sont. 1. Les péchés dont on peut être coupable. 2. Les habitudes mauvaises qu’on peut avoir contractées. 3. Les passions déréglées dont on peut être esclave. Ceux ni celles qui aspirent à la conduite des Ecoles doivent lever ces obstacles pour pouvoir connoître si Dieu les appelle à cet emploi. 1. En retournant à Dieu par une conversion sincere, & par une vraie pénitence. 2. En travaillant à détruire les habitudes criminelles qu’ils ont pu contracter. 3. En se rendant les maîtres des passions déréglées dont ils pourroient être esclaves.

Les dispositions nécessaires pour connoître sa vocation sont. 1. De déliberer. 2. De consulter.

La déliberation consiste. 1. A comparer ensemble, plusieurs états dans lesquels on peut s’engager. 2. A comparer chacun de ces états avec les dispositions de son esprit, de son cœur & même de son corps pour reconnoître celui dans lequel on fera son salut avec plus d’assurance pour soi, plus de gloire pour Dieu, & plus d’édification pour le prochain. Ceux ou celles qui aspirent à être Maîtres ou Maitresses d’Ecole doivent se faire à eux-mêmes l’application de ces principes par raport à ce ministere.

Après une longue & une meure délibération on doit pour s’assurer de la vocation. 1. Consulter Dieu. 2. Se consulter soi-même. 3. Consulter son Directeur : c’est à quoi ne doivent point manquer ceux ou celles qui pensent à conduire des Ecoles. Ils doivent avant que de s’engager dans cet emploi. 1. Consulter Dieu par de ferventes & de fréquentes prieres, par la digne réception des Sacremens pour lui demander la grace de connoître sa volonté, lui disant souvent avec le Prophête Roi : Enseignez moi à faire votre volonté, car vous êtes mon Dieu. Pseaume 142, 10. 2. Ils doivent se consulter eux-mêmes par l’éxamen & par l’épreuve qu’ils doivent faire d’eux-mêmes par raport cette fonction. Cet examen consiste à voir s’ils reconnoissent en eux les marques dont on a parlé dans le Chapitre précédent. Cette épreuve consiste à pressentir par avance par l’expérience qu’ils en feront, s’ils pourront éxercer avec avantage cet emploi. 3° Ils doivent consulter leurs Directeurs ou autres personnes éclairées, avec qui ils doivent conférer de leur dessein, leur faisant connoître ce qu’il est nécessaire qu’ils sçachent pour pouvoir prudemment les déterminer.


Chapitre IV.
Quelques autres précautions particulieres à prendre avant que de s’engager dans l’emploi de Maître ou de Maîtresse d’Ecole.


Ceux ou celles qui se croiront destinés à l’emploi des Ecoles, outre la précaution fondamentale dont on vient de parler qui est la vocation, doivent encore y apporter quelques autres précautions particulières qui sont nécessaires pour pouvoir s’en acquiter discernent quand ils en seront chargés. Voici les principales.

1. Comme pour être un jour un bon Maître & une bonne Maitresse d’Ecole il faut avoir été auparavant bon disciple, ils doivent commencer par s’instruire à fond de ce qu’il faut enseigner dans les Ecoles, soit par raport à la lecture, à l’écriture, à l’arithmétique, &c. Travailler à en posséder les regles, l’art & la méthode ; soit par raport à la Religion Chrétienne dont ils doivent enseigner les premiers élémens aux enfans ; soit par raport aux regles de la civilité & de l’honnêteté, qu’ils ne doivent point ignorer pour apprendre à leurs écoliers ou à leurs écolieres celles qui conviennent à leur état, à leur âge, à leur sexe.

2. S’appliquer à faire un fond d’une piété, d’une vertu & d’une sainteté si solide qu’ils puissent en devenir des Maîtres & des Maitresses à l’égard de leurs enfans.

3. Penser à faire une bonne provision de patience, de force, de courage, de fermeté, dont ils auront un grand besoin dans l’éxercice de leur ministere.

4. Se nourir par avance du pain de la parole de Dieu par la lecture qu’ils auront soin d’en faire, afin de se remplir des maximes saintes de la Religion, & des regles de conduite qu’un Chrétien doit observer pour vivre d’une maniere digne de la vocation.

5. Tacher de se rendre Maîtres & Maitresses dans la pratique de tous les exercices de la Religion Chrétienne, de la priere, & de la méditation de la loi de Dieu, de la lecture des livres de piété, de la digne réception des Sacremens, de l’éxamen général & particulier de conscience, de la visite du Saint Sacrement, de la maniere d’entendre la sainte Messe, de l’assistance aux divins offices.

6. Prévoir les difficultés, les obstacles, les embarras qui se rencontrent dans le ministere auquel ils aspirent, les principaux points de prudence qu’il faut y observer pour ne point faire de fautes considérables.

7. Rien ne seroit plus utile pour eux ni plus avantageux pour les Ecoles qu’ils doivent conduire, que de passer quelque tems dans une bonne maison où l’on forme les sujets destinés à faire les Ecoles. C’est dans ces lieux que l’on apprend admirablement bien les secrets de cet art des arts, c’est-à-dire, la maniere de gouverner une Ecole Chrétienne : s’ils ne peuvent pas recevoir ce secours dans ces lieux, qu’ils le cherchent dans les livres qui traitent de cette matiere, dont ils doivent faire une étude particuliere, avant que de s’engager dans cet emploi.

8° Enfin la derniére précaution qu’ils doivent apporter avant que de se charger de la conduite des Ecoles, est de se presenter à l’Evêque du lieu où est l’Ecole ou à ses grands-Vicaires : si c’est à Paris, à Monsieur le Chantre de la Cathedrale, Superieur né des Ecoles de cette grande Ville. 1° Pour subir l’éxamen qu’ils doivent faire des Maîtres & des Maitresses d’Ecole par raport à leur Religion, à leurs mœurs & à leur capacité. 2. Pour en être approuvés & pour avoir par écrit leur institution. 3. Enfin pour recevoir d’eux les avis qu’ils jugeront à propos de leur donner, & les regles qu’ils leur prescriront pour leur conduite particuliere, ou pour celle de leur Ecole.


TROISIEME PARTIE.

Sentimens que les Maîtres & les Maitresses d’École doivent avoir de leur emploi.


Chapitre premier.

Estime que les Maîtres & les Maitresses
d’Ecole doivent concevoir
de leur emploi.

§.1

Premier motif d’estime.

Ils sont les Maîtres & les Maitresses
des enfans qui leur sont confiés
.


QU’y a-t-il de plus capable de faire estimer l’emploi des Maîtres & des Maitresses d’Ecole, que la conduite même des Ecoles dont ils sont chargés, laquelle leur donne des raports si admirables & en même tems si honorables, à l’égard des enfans de Dieu ? Car ils deviennent par ce moien, leurs maîtres & leurs maîtresses. Quel honneur pour eux, & quel motif d’estime pour cet emploi !

Ils sont appellés avec justice Maîtres & Maîtresses, & ils le sont en effet, parce qu’ils en font les fonctions à l’égard des enfans. Car quiconque est chargé de la conduite des Ecoles, est le precepteur que Dieu le Roi des Rois donne à ses enfans heritiers de son roiaume, & véritablement nés pour être autant de Rois dans l’éternité, afin qu’il les eleve pour le ciel, qu’il leur apprenne à vivre en vrais enfans de Dieu, qu’il retrace en eux son image défigurée par le péché, & qu’il les rende dignes de posseder Dieu dans l’éternité bienheureuse. Quelle estime ne doivent-ils point concevoir d’une vocation qui les engage non seulement à inspirer aux enfans tous les sentimens de la pieté chrétienne & de la perfection évangelique, mais encore à user de toutes sortes de précautions, & à rechercher tous les moiens possibles pour les conserver dans l’innocence, & pour éloigner d’eux toutes les choses qui pourroient y donner quelque atteinte, & alterer ou diminuer le moins du monde en eux la charité & la grace de Jesus-Christ ?

Il y a deux Maîtres dans une Ecole Chretienne. Le premier est Jesus-Christ qui la gouverne intérieurement & invisiblement, qui est le Maître de l’esprit & du cœur des enfans ; le second est un homme qui la conduit extérieurement & visiblement, qui parle aux oreilles du corps des enfans, & qui doit leur enseigner par le ministere de la parole, ce que Jesus-Christ a enseigné. Un Maître & une Maîtresse d’Ecole sont assis sur la chaire de Jesus-Christ ; ils tiennent sa place, ils ne doivent rien faire dans leur Ecole que ce que feroit Jesus-Christ. Ils ne doivent y dire que ce que Jesus-Christ diroit, s’il se rendoit visible. Leur emploi est de former Jesus-Christ dans le cœur des enfans, afin qu’ils se conduisent par son esprit. Ils doivent dépeindre sans cesse ce divin Sauveur à leurs yeux par la parole, & le leur rendre visible en leur personne, s’en rendant eux-mêmes une copie vivante par l’éxemple d’une piété vraiment chrétienne, leur proposant sans cesse l’Enfat-Jesus qui a bien voulu passer par cet âge pour le santifier, comme le modéle qu’ils doivent imiter ; leur representant souvent les circonstances que l’Evangile rapporte de sa vie dans son enfance, qui renferme un abregé de celle qu’un enfant doit mener à cet âge & que l’on doit leur apprendre à l’Ecole, puisque tous les exercices qui s’y pratiquent ne doivent tendre qu’à rendre Jesus-christ aimable aux enfans, à les porter à imiter ses vertus, à suivre ses maximes, & à garder ses commandements.


Chapitre II.

§. 2.

Second motif d’estime de l’emploi
des Maîtres & Maîtresses
d’Ecole.

Ils sont les Anges Gardiens des enfans
dont ils ont la conduite
.


LEs Maîtres & les Maîtresses d’Ecole, par leur vocation sont établis de Dieu pour être les Anges Gardiens visibles des enfans dont ils sont chargés. Car ce que les Anges Gardiens sont à l’égard des enfans d’une maniere invisible, les Maîtres & les Maîtresses doivent l’être d’une maniere visible. Comme ces esprits bien-heureux, ils doivent veiller sans cesse sur les enfans de leurs Ecoles, les conserver dans l’innocence, les instruire, les conduire dans tous leurs pas, éloigner d’eux tous les dangers & les piéges qui les environnent, leur donner toutes les impressions que la Religion demande, les mettre dans la voie du ciel, les y faire marcher, les y affermir, leur former l’esprit & le cœur sur les vérites & sur les principes de la Religion Chrétienne.

Il seroit à souhaiter qu’un Maître & une Maîtresse d’Ecole fussent purs comme des Anges pour inspirer l’amour de la pureré aux enfans, & spirituels comme les Anges pour les dégager des passions de cette vie charnelle, & toute plongée dans les plaisirs des sens, que menent la plûpart des jeunes gens.

Il seroit encore à souhaiter que semblables aux Anges des enfans qui croient en Jesus-christ, ils fussent sans cesse devant la face de Dieu par l’élévation de ses desirs, par leurs gémissemens & leurs prieres, afin d’attirer sur ces petites ames, les graces & les bénédictions du ciel & de leur servir de puissans protecteurs contre tant d’ennemis de leur salut, qui en font périr tous les jours un si grand nombre.

Mais aiant l’honneur d’être les cooperateurs des Anges dans les fonctions de leur ministere, que peuvent-ils faire de mieux que de s’unir de cœur avec ces esprits célestes, d’entrer dans leurs vûës, de les invoquer pour les enfans dont ils sont les gardiens, d’imiter leur activité, leur vigilance, leur assiduité, agissant toujours sous les yeux de Dieu & dans une grande dépendance de ses ordres ? Quoi ! doivent-ils se dire à eux-mêmes, les Anges ne dédaignent pas de se rabaisser jusqu’à ces enfans, même les plus pauvres, les plus ignorans, les plus grossiers, ils se tiennent assidus auprès d’eux, comme les officiers d’un grand Prince auprès de sa personne, parce qu’ils les regardent dans les vûës de Dieu dont ils sont les enfans, & de Jesus-Christ qui les a rachetés de son propre sang, & dont ils ont l’honneur d’être les membres ; & nous qui ne sommes que de miserables pécheurs nous en aurions du mépris & du dégoût ?

Chapitre III.

L’amour que les Maîtres & Maîtresses d’Ecole doivent avoir pour leur emploi

Ce n’est pas assez que les Maîtres & les Maîtresses d’Ecole estiment leur emploi, ils doivent encore l’aimer & s’y plaire pour pouvoir s’en acquiter dignement. Cet emploi de quelque côté qu’on le regarde, n’a rien qui ne soit propropre à le rendre aimable aux Maîtres & Maitresses d’Ecole. On peut le considérer, où dans son principe, ou dans sa nature, ou dans ses effets : rien n’est plus aimable que cet emploi considéré par tous ces endroits. Le principe de cet emploi est Dieu même qui y appelle les Maîtres & les Maitresses ; comment ne pas aimer un don qui part de cette main ? cet emploi consideré en lui-même consiste à faire la fonction de Maître & de Maitresse, & à éxercer le ministere d’Ange Gardien à l’égard des enfans, qu’y a-t-il de plus capable de le faire chérir des Maîtres & des Maitresses d’Ecole ? Enfin cet emploi regardé par raport aux fruits qu’il produit, doit le faire aimer de ceux ou de celles qui en font chargez. Ils sont ineffables ces fruits ; qui pourroit les rapporter & en faire le détail ? Quelle gloire ne procure-t-il point à Dieu & à Jesus-Christ son Fils ? Quels biens l’Eglise n’en reçoit-elle pas ? Quels avantages l'Etat n’en tire-t-il point ? Quel tresor de mérites n’amassent point ceux ou celles qui l’éxercent dignement ? Quel amour les Maîtres & les Maitresses d’Ecole ne doivent-ils donc pas avoir pour leur état ? Mais faudroit-il d’autres motifs pour les porter à l'amour de cet emploi que l’exemple de Jesus-Christ dans la conduite qu’il a gardée à l'égard des enfans ? Il est vrai que ce divin Sauveur est le Maître par excellence de tous les Chrétiens ; le Pere Eternel l’a chargé de cet emploi à leur égard. Ecoutez-le, dit-il, lorsqu’il vous enseigne, & par ses paroles & par ses actions. Il dit lui même à ses Disciples & en leur personne à tous les Chrétiens, Vous m’appellez votre Maître & vous avez raison ; car je le suis. En effet c’est de lui qu’ils doivent apprendre à remplir leurs devoirs & à s’acquiter de leurs obligations. Mais il apprend d’une manière particuliere aux Maîtres & aux Maitresses d’Ecole l’amour qu’ils doivent avoir pour leur emploi. Il est rapporté dans l’Evangile qu’on amenoit les enfans à ce Divin Maître, qu’il les recevoit avec une bonté admirable, qu’il les embrassoit avec tendresse ; ensuite il les benissoit, il prioit pour eux, il leur imposoit les mains & les défendoit contre ses Apôtres, qui reprenoient avec des paroles dures ceux qui les lui presentoient. Laissez venir à moi les petits enfans, leur disoit-il, & ne les empêchez pas : car le Roïaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent. S. Math. 19, 14.

Qu’y a-t-il de plus grand, de plus honorable, de plus utile, & de plus aimable que de mener ces enfans à ce divin Maître, & en même tems de tenir sa place pour les recevoir de sa part, les instruire, les élever, leur procurer sa bénédiction, sa grace, sa protection ? C’est-là l’essentiel du devoir des Maîtres & des Maitresses d’Ecole ; tout doit se rapporter à cela comme à la fin.

Enfin qui peut plus contribuer à rendre aimable l’emploi des Maîtres & des Maitresses d’Ecole, que les enfans mêmes dont ils ont la conduite ? Ils sont aimables dans cet âge & doivent faire aimer l’exercice de leur instruction & de leur éducation. En effet qu’y a-t-il de plus aimable que d’avoir continuellement devant les yeux tant de leçons, de simplicité, d’humilité, de détachement, de pureté, d’innocence &c, lorsqu’ils voient que ces enfans que Jesus-Christ propose comme des modéles de ce qu’il faut être pour avoir part à son Roïaumes ? Non, rien n’est plus capable de porter les Maîtres & les Maitresses d’Ecole à aimer leur vocation, à estimer leur emploi, à se faire un plaisir d’éxercer leur ministere, & à regarder comme un grand sujet de joie d’être assidus auprès des enfans, de se tenir dans leur Ecole, & de leur donner leur tems, leurs soins & tous les secours qui dépendent d’eux, afin de pouvoir procurer leur avancement, & le salut de leurs ames.


Chapitre IV.

§. 1.

Zêle que les Maîtres & les Maitresses
d’Ecole doivent avoir pour l’éxercice
de leur emploi.


LEs Maîtres & les Maitresses d’Ecole qui sont pénétrés d’estime & d’amour pour leur emploi, se portent comme naturellement avec zêle à l'exercice qu’ils en font. Car le zêle qu’on a pour une chose n’est proprement que l’effet & une suite de l’estime & de l’amour qu’on en a. Or je ne sçai point d’emploi où le zêle soit plus nécessaire que dans celui de la conduite des Ecoles pour s’en acquiter dignement, à cause des difficultés qui sont inséparables de l’éxercice de cet emploi, de la peine qu’il y a à en remplir les devoirs, & des obstacles qui s’y rencontrent & qu’il faut surmonter.

Il faut l’avouer ingénument, pourquoi le dissimuler ? Toutes ces choses se trouvent dans la conduite des Ecoles, cela est visible à quiconque fait attention à ce qui s’y passe, il n’y a aucun de ceux ou de celles qui y sont occupés qui ne le sente vivement. En effet cet emploi est pénible pour l’esprit, il faut sans cesse veiller pour connoître les inclinations des enfans & observer ce qu’ils ont de bon & de mauvais, & quelle maniere de reprendre leur convient mieux, afin de s’en servir pour leur conduite. Quelle peine n’y a-t-il point à se rendre capable d’instruire les enfans dans la foi & dans les mœurs ? Cet emploi est encore pénible pour le corps. Quelle peine de parler sans cesse à des enfans pour les tenir dans leur devoir, & bien souvent sans y réussir que très peu ! Cette peine est encore plus grande par raport aux enfans, qui n’aiant point encore la raison bien formée, sont très indociles & très peu capables d’entrer dans les raisons qu’on leur donne, qui sont comme de petits animaux qui ne voudroient suivre que l’instinct naturel qui les porte à tout ce qui contente les sens, qui ont des humeurs difficiles, bizarres, intraitables. Quelle peine de les réduire tous à la raison, à l’ordre & à la vertu ! Il ne faut point s’étonner de ces difficultés : les grandes choses sont toujours difficiles ; l’instruction & l’éducation des enfans sont quelque chose de si grand, & de si relevé devant Dieu, qu’il n’y a point de difficulté qu’il ne faille surmonter pour s’en bien acquiter.

A moins que les Maîtres & les Maitresses d’Ecole n’aient du zêle pour l’exercice de leur emploi, ils ne surmonteront point ces difficultés, ils se rebuteront de la peine qu’il y a, & ils n’auront point assez de force pour lever ces obstacles.

C’est pourquoi il est de la dernière conséquence qu’ils soient animez de ce zêle dans l’éxercice de leur ministere, s’ils veulent s’en acquiter d’une maniere qui puisse être agréable à Dieu, profitable à eux-mêmes, & utile à leurs Ecoliers. Pour les porter à ce zèle je ne voudrois que leur representer celui que de grands hommes ont eu pour cet emploi.


Chapitre V.

§. 2.

Zêle admirable que de grands hommes
ont eut pour la conduite des Ecoles.


DIeu dont les desseins de miséricorde sont ineffables à l’égard des enfans des hommes, a dans tous les tems suscité de grands personnages zêlés pour la conduite des Ecoles, qui ont fait leur principale & leur plus agréable occupation de cet emploi, & qui se sont estimés heureux de l’éxercer à l’égard des enfans, & de leur rendre ce charitable office. La foi dont ces grands hommes étoient remplis les leur faisoit regarder comme la plus innocente portion du troupeau de Jesus-Christ. Ils les consideroient avec le Prophête comme de jeunes Oliviers que les mauvaises herbes pouvoient empêcher de croître : & persuadez qu’ils étoient que leurs soins pouvoient leur faire porter des fruits dignes de l’éternité, ils croioient ne pouvoir rien faire de plus agréable à Dieu que de cultiver ces jeunes plantes, qui autrement auroient été étouffées dès leur naissance. Ils se pressoient de jetter des semences de la véritable pieté dans ces terres encore toutes pures, & qui ne venoient que d’être arosées du Sang de Jesus-Christ : & sçachant que les vertus qui sont enracinées de bonne heure, sont longtems agitées avant que de pouvoir être abatuës, ils n’oublioient rien de ce qui étoit en eux pour donner à leurs cœurs des inclinations pour le bien, assez fortes pour pouvoir durer pendant toute la vie, & pour leur assurer l’éternité.

Les Ecoles leur paroissoient le seul lieu où les enfans pouvoient conserver l’innocence qu’ils avoient reçue dans le Batême ; ils croioient pouvoir les délivrer par ce moien de la corruption & des desordres ausquels l’homme a une pente si prodigieuse dès sa plus tendre jeunesse ; la discipline qu’on y fait garder leur sembloit devoir empêcher qu’ils ne contractassent de mauvaises habitudes dans un âge capable de toutes sortes d’impressions, & où ils prennent bien plutôt celles du mal que celles du bien ; & ils aimoient mieux étouffer les vices de bonne heure en apprenant aux enfans à modérer leurs passions encore foibles, que de s’exposer peut-être à la nécessité facheuse de les corriger un jour par des remedes violens, où même d’en voir arrêter le cours par des supplices, quand l’âge & les occasions les auroient rendus incorrigibles. En assujettissant les enfans aux reglemens d’une Ecole, ils préparoient leurs cœurs à obéïr à la loi de Dieu & à ceux qui sont revêtus de son autorité. Des hommes qui avoient porté le joug dès leurs plus tendres années se soumettoient sans peine aux ordres des Puissances légitimes ; & l’Eglise & l’Etat trouvoient des Sujets qui se rendoient sans résistance à tout ce qu’on leur commandoit, parce qu’ils avoient appris de bonne heure le respect & la déférence qui est dûë aux Superieurs.

Du nombre de ces grands hommes zêlés pour l’instruction & pour l’éducation des enfans, ont été les Jerômes, les Gregoires, &c. & une infinité d’autres dont parle l’Histoire Ecclesiastique ; l’éxemple de Saint Protogene est admirable sur ce point : c’étoit un Evêque d’Edesse en Mesopotamie. Ce Saint étant Prêtre, fut éxilé pour la foi par l’Empereur Valens heretique Arien, dans la Ville d’Antinoüs en Égypte, où il y avoit encore alors beaucoup de paiens. Mais y aiant emploié le tems de son éxil à faire l’Ecole aux enfans avec un succès merveilleux & proportionné à fa charité, il y déracina par ce moien presque tout le paganisme.

Il est aussi rapporté, que Saint Cassien Martyr faisant l’Ecole dans la Ville d’Imola en Italie, fut abandonné par la Sentence du Juge à la vengeance des enfans qu’il instruisoit, dont, une partie etant encore payens & mécontens de sa fermeté & de son exactitude pour la discipline de l’Ecole, ils le percerent à coups de stilets de fer, qui etoient des poinçons dont on se servoit alors pour ecrire.

Les Maîtres & les Maitresses d’Ecole peuvent encore s’animer au zêle de leur emploi par l’éxemple admirable du grand Gerson Chancelier de l’Université de Paris, qui s’étant retiré à Lyon, ne crut pas que ce fut se rabaisser ni faire rien d’indigne de sa profonde érudition, de sa qualité de Docteur & de Chancelier, ni de son grand mérite, que de s’appliquer à faire l’Ecole aux enfans & à travailler par ses soins à les retirer de la corruption : Il se glorifioit tellement de cette fonction, qu’il soutenoit qu’il n’y en avoit guere de plus utile au peuple & de plus propre pour santifier un Prêtre & il répondoit à ceux qui le blamoient de ce qu’il ne s’appliquoit pas à faire paroître ses talens dans des emplois plus éclatans. Cela seroit peut-être plus glorieux mais non pas plus utile.

Ces exemples admirables du zêle pour les Ecoles, ont porté & portent encore tous les jours une infinité d’Ecclesiastiques, de Prêtres & de Curez à faire les petites Ecoles, & à se un plaisir & un honneur d’enseigner & de catechiser les petits enfans ; ce qu’ils ont fait & font encore avec un fruit incroiable : car par ce moien ils ont réformé & réforment des Paroisses entieres, et ils leur ont donné & leur donnent une face toute nouvelle.

Que si Messieurs les Curez n’ont pas assez de zêle ni assez de loisir, dit M. Du Casse, pour s’appliquer par eux-mêmes à cette fonction, il est de leur devoir, & les Superieurs Ecclesiastiques doivent leur recommander d’y satisfaire exactement, de visiter une fois chaque semaine les Ecoles qui sont dans leurs Paroisses, de prendre garde si ceux ou celles qui les gouvernent sont approuvés ou non ; & s’ils ne le sont pas, d’en donner avis à leurs Superieurs : ils doivent tenir la main à l’observation des Reglemens qui ont été faits pour les Ecoles, & veiller avec un soin particulier sur les mœurs & sur la conduite des Maîtres & des Maitresses d’Ecole de leurs Paroisses.

QUATRIEME PARTIE.
Principaux devoirs des Maitres & des
Maitresses d’Ecole dans l’éxercice de leur emploi.
Chapitre premier.
§. 1.
Devoirs des Maitres & des Maitresses
d’Ecole par raport à leur conduite
particuliere.

Enfin ceux ou celles qui ont toutes les marques qui peuvent leur faire connoître que Dieu les appelle à l’instruction & à l’éducation des enfans dans les Ecoles, doivent à l’exemple des Anges par soumission aux ordres de Dieu, aller par tout où la Providence les destinera pour les exécuter. Ils doivent comme ces Esprits Eprits bienheureux être pleins d’activité pour faire tout ce que Dieu demande d’eux dans cet emploi, soit par raport à eux-mêmes, soit par raport à leurs écoliers ou écolieres, soit par raport à leurs Supérieurs, soit pat raport à leurs Ecoles.

Le premier devoir des Maîtres & des Maitresses d’Ecole est de bien regler leur conduite particuliere ; ce devoir est le fondement de tous les autres ; car comment pourroient être bons & utiles aux autres, ceux ou celles qui ne le sont pas à eux-mêmes ? Que serviroit aux Maîtres & aux Maitresses de gagner à Dieu tous les enfans de leurs Ecoles, s’ils se perdoient eux-mêmes ? Mais le plus souvent ceux qui oublient leur propre salut se mettent fort peu en peine de celui des autres ; & quelque mouvement qu’ils se donnent pour les ramener à Dieu, ils ne méritent pas que ce Pere des esprits ait égard à leur zêle. Il faut donc que les Maîtres & les Maitresses d’Ecole commencent par se rendre eux-mêmes agréables à ses yeux, pour pouvoir servir utilement les ames des enfans dont ils sont chargés.

Il faut qu’ils commencent l’ouvrage du salut des autres par le leur propre ; s’ils veulent donc enseigner avec fruit & inspirer avec succès la pieté aux enfans, ils sont obligez d’en être les modéles, que les enfans puissent se proposer sans danger de s’égarer, & suivre avec sureté. Leur plus grand devoir est de se santifier de plus en plus pour les enfans, que Dieu leur a donnez à instruire, & de se rendre dignes d’être les Ministres de ses graces & de ses miséricordes sur eux par une vie reglée sur les vérités de l’Evangile. Sur ce principe, les Maîtres & les Maitresses d’Ecole doivent par leurs bonnes mœurs & par une conduite sainte servir aux enfans d’un exemple & d’une leçon continuelle de vertu plus efficace que toutes les paroles. C’est ce qui doit les obliger très parriculierement à être retenus dans leurs entretiens, modestes dans leur air, leurs manieres & leurs actions, prudens & charitables dans leur conduite, doux & patiens à supporter les défauts des enfans, adroits & methodiques pour s’accommoder à leur portée ; en un mot ils doivent sçavoir & exprimer en eux-mêmes la vie & la doctrine de Jesus-Christ pour être en état de la leur enseigner par leurs paroles & par leurs actions.

Pour le faire avec succès par leurs paroles, ils liront avec application la vie de Jesus-Christ : rapportée dans l’Evangile, & les livres qui pourront les en instruire, prenant & suivant dans le choix de ces livres l’avis & le conseil de leurs Pasteurs ou de leurs Confesseurs. Les instructions de la Morale Chrétienne qui pourront être exposées pourront leur servir à cela, ils se rendront les sujets qui y font contenus, familiers autant par une frequente lecture, que par la priere, afin de pouvoir les expliquer ensuite de maniere plus nette & plus touchante. Ils auront soin de proposer aux enfans des exemples tiré ou de l’Ecriture Sainte ou de l’Histoire Ecclesiastique, où appuiés sur l’autorité des Saints Peres, tels qu’une critique judicieuse & Chretienne ne peut recuser, afin de confirmer les verités qu’ils auront traitées dans leurs instructions.

Pour pouvoir enseigner aux enfans la vie & la doctrine de Jesus-Christ par leurs actions, ils pratiqueront les premiers ce qu’ils enseignent aux enfans, & tacheront avec le secours de la grace de devenir les copies de ce divin original par l’imitation de sa vie, & par la fidelité à observer les règles de conduite qu’il a prescrites dans le saint Evangile, & qui sont encore rapportées dans les autres livres de l’ancien & du nouveau Testament touchant la morale Chretienne.

Ils se donneront bien de garde de scandaliser les enfans, & de leur apprendre le mal, puisque ce seroit être plus criminel que s’ils leur enfonçoient le poignard dans le cœur, & il leur seroit plus avantageux qu’on leur mit au cou une meule de moulin & qu’on les jettât dans la mer. S. Marc. 9, 41.


Chapitre II.
§. 2.
Quelques regles de conduite que les Maîtres &
les Maitresses d’Ecole doivent observer.

Les Maîtres & les Maitresses d’Ecole doivent, 1. Avoir en horreur le mal, c’est-à-dire, le peché, le haïr, l’éviter avec soin, s’en détourner, en fuir les occasions.

2. S’abstenir de tout ce qui a quelqu’apparence du mal.

3. S’attacher fortement au bien, c’est-à-dire, à la vertu, faire avec exactitude le bien que Dieu demande d’eux dans leur état.

4. Se donner bien de garde d’être laches dans leur devoir, mais avoir soin de se conserver dans la ferveur de l’esprit.

5. Se conduire d’une maniere digne de Dieu, cherchant vous les moiens de lui plaire & portant des fruits de toutes sortes de bonnes œuvres.

6. Se conduire d’une maniere digne de Jesus-Christ leur divin Fondateur, digne de l’Evangile qui est leur regle, enfin digne de l’état auquel ils ont été appellez, pratiquant en toutes choses, l’humilité, la douceur, la patience, &c.

7. Ils doivent être des gens d’oraison & de priere pour attirer sur leurs exercices ; sur leurs Disciples, sur leurs personnes les graces de Dieu & ses influences celestes, pour s’acquiter de leur emploi avec fruit & avec benediction.

8. Offrir souvent à Dieu leurs travaux & les difficultez de Leur état, & lui protester qu'ils ne pretendent par l'éxercice de leur ministere, que sa gloire, leur propre santification, & le salut des enfans dont ils sont chargés.

9. N'être ni doux ni severe par humeur : mais la sagese la raison & le besoin des enfans qu'il ont à conduire, doit toujours les regler à leur égard.

10. Se rendre dignes de fréquenter les Sacremens. Si un Maître d’Ecole Laïque à un peu de zêle pour son salut, il se confesse selon le conseil de Saint François de Sales, au moins tous les mois & communie quand son Confesseur le juge à propos, & à la Messe de Paroisse, s’il le peut. On attend quelque chose de plus d'une Maitresse d’Ecole & pour la Confession & pour la Communion. Cela dépend des dispositions, & de la conduite de la vie. C'est par-là qu'on doit en juger. On connoît l'arbre par les fruits, & non par les feuilles.

11. S'appliquer à enseigner aux enfans à lire, à écrire, &c. & travailler à leur instruction & à leur éducation avec affection, avec diligence, avec un esprit de pieté, afin de plaire à Dieu & de satisfaire à leur devoir, & non par coutume, avec négligence, ou seulement pour leur propre intérêt.

12. Etre simples & modestes dans leurs habits, dans leurs gestes, dans leurs manieres, & dans tout leur exterieur.

13. Eviter dans leurs actions & dans leur conduite la vanité & la legereté, &c.

14. Comme leur réputation est nécessaire au public, ils doivent l'établir & la conserver avec soin, en fuiant tout ce qui peut y donner quelque atteinte.

15. S'interdire absolument les jeux, principalement de hazard, éviter les entretiens & les divertissemens mondains, fuir la compagnie des jeunes gens vicieux & de mauvaise vie, & des gens du monde, sinon autant que leur emploi les oblige de les voir.

16. S'occuper utilement après les heures de l'Ecole, à quelque travail convenable à leur état, où à quelque lecture, ou à faire les exemples qu'ils doivent donner à leurs écoliers ou écolieres. Enfin n'être jamais oisifs.

17. Les Maîtres d'Ecole doivent s'acquiter de leur office les Dimanches & les Fêtes à l’Eglise & dans la Paroisse d’une maniere si exemplaire qu'ils édifient tous ceux qui seront témoins de leurs actions.

18. Faire avec un esprit de Religion toutes leurs fonctions, comme de servir à la sainte Messe, d'assister à l’administration des Sacremens autant que le devoir de l'Ecole peut le permettre, de chanter l'Office divin, si cela ne préjudicie point à leurs enfans, &c.

19. Se donner bien de garde de rien précipiter dans tout ce qu'ils ont à chanter ; mais prononcer distinctement & posément tout ce qu'ils ont à dire.

20. Ils doivent avoir un grand soin de la propreté de l'Eglise & de la sacristie, & ils feront en sorte que les Autels soient decemment parez, ils balaieront le pavé & nétoieront les murailles de l'Eglise & de la sacristie autant de fois qu'il sera nécessaire pour les tenir toujours propres.

21. Ils visiteront de tems en tems les ornemens de l'Eglise, & tâcheront qu'ils soient bien pliez. Enfin ils auront soin que rien ne traine soit dans l’Eglise, soit dans la sacristie, mais que chaque chose soit à sa place.




Chapitre III.
Devoirs generaux des Maîtres & des
Maitresses d’Ecole par raport à leurs
écoliers & à leurs écolieres.


Tous les devoirs des Maîtres & des Maitresses d’Ecole & generalement de tous ceux & celles qui enseignent & qui sont chargés de la conduite des autres, sont fondées sur les maximes suivantes de l’Ecriture Sainte.

Si on vous a établi pour conduire & gouverner les autres, ne vous en élevez point, & soiez parmi eux comme l’un d’entre eux. Aiez soin de ceux qui sont sous votre conduite, & ne vous tenez en repos qu’après vous être acquité de votre devoir. Eccli. 32. 1 & 2.

Il faut que celui qui a reçû le don d'enseigner s'applique à enseigner, & que celui qui a reçu le don d'exhorter exhorte les autres, & que celui qui a la conduite de ses freres s'en acquite avec vigilance. Saint Paul aux Romains. 12. 7 & 8.

Les Maïtres & les Maitresses ne sont pas plutôt chargés de la conduite des Ecoles, que dès ce moment ils deviennent des personnes publiques, parce qu'ils sont redevables au public de plusieurs choses importantes, sur tout du soin des enfans qui leur sont confiés, sur la conduite desquels ils doivent veiller, comme devant en rendre compte à Dieu.

En effet les Peres & les Meres se déchargeant & se reposant sur eux de la plus grande partie du soin de leurs enfans, ils entrent dans leurs devoirs à proportion de leur charge, pendant qu'ils tiennent leurs enfans sous leurs yeux, & sous leur main. Revêtus de l'autorité des Pere & des des Meres ils leur en tiennent lieu dans leur Ecole, ils leur doivent donc tout l'amour raisonable & chrétien, toute la tendresse, la condescendance, le soin, la vigilance, la juste severité, la correction, le bon exemple, l’instruction, l'éducation, ausquels leurs Peres & leurs Meres sont obligez à leur égard. Aiez soin de bien élever vos enfans, dit S. Paul à Ceux qui en sont chargés, en les corrigeant & les instruisant selon le Seigneur. Eph. 6. 4.

1. Les Maîtres & les Maitresses d'Ecole doivent d'abord s'appliquer à connoître le naturel & les inclinations de leurs enfans afin de pouvoir les regler chrétiennement, pour cultiver & perfectionner ce qu'il y a de bon en eux, corriger ce qu'il y a de vitieux, arracher de leurs cœurs les mauvaises plantes, y faire croître les bonnes, prévenir le vice ou le détruire, édifier la vertu, leur inspirer l'horreur & la haine du mal, l'amour & le zêle pour le bien. Ils doivent encore étudier le caractere des enfans pour pouvoir les conduire prudemment & voir de quelle maniere ils doivent les traiter ; car les uns font soutenus par la crainte, les autres se gagnent par la douceur ; quelques-uns sont susceptibles de raison & de persuasion ; d’autres reviennent à eux-mêmes par un signe, par un air, par un geste ou même par le silence, Il faut faire cette étude des enfans, avec zêle, avec assiduité, avec charité & prudence, & y donner tout le tems nécessaire. Car souvent l'envie de vaquer à une autre chose, fait qu'on ne s'acquite qu'imparfaitement de ces devoirs.

2. Ils doivent inspirer à leurs enfans l'amour & le zêle pour le travail, les y accoutumer, les porter à s'occuper toujours & à des éxercices honnêtes & convenables à leur âge & à leur état, leur apprendre à ménager le tems & à fuir l'oisiveté.

3. Ils doivent encore leur inspirer l’esprit d’ordre & de regle, afin qu’ils fassent chaque chose dans son tems. Le dérangement dans l’esprit produit bien-tôt le dérangement dans les actions, on devient indifferent pour son devoir dès qu’on est lâche & irrégulier à le faire ; si l’on n’accoutume les enfans à cet esprit de regle, ils ne feront aucun progrès dans la pieté & dans la science. Si l’on veut donc que les enfans travaillent avec succès & qu’ils avancent dans l’une & dans l’autre, rien n’est plus important que de les regler & de leur prescrire le tems qu’ils doivent donner à Dieu, celui qu’ils doivent emploier à leur étude ou à leur travail, celui de leur récréation, & celui de leur repas ; & d'être éxact à leur faire observer ce reglement de vie.

4. Comme la charité doit être le principe & le motif de l’emploi des Maîtres & des Maitresses d'Ecole, elle les oblige à ne faire acception de personne, mais à avoir pour tous les enfans qui leur sont confiés la même bonté & la même affection, & à prendre autant de soin des pauvres que des riches, soit pour la lecture, soit pour l'écriture, soit pour l'instruction dans la Doctrine Chrétienne, soit pour l'éducation. Ils doivent rendre leur charité toute fraternelle, toute surnaturelle, universelle, & pleine de douceur, de condescendance & de bonté, tâchant d'y joindre toutes les qualités que Saint Paul donne à cette vertu dans sa premiere Epitre aux Corinthiens chapitre 13.

5. Ils doivent veiller soigneusement à la conservation de l’innocence baptismale de leurs enfans, leur inspirant une grande estime de ce tresor qu’ils possedent, une crainte salutaire de le perdre par le peché mortel ; leur dire souvent ce que la bienheureuse mere de Saint Loüis lui répétoit sans cesse : Mes enfans, Dieu sçait combien je vous aime, mais j’aimerois mieux mille fois vous voir porter en terre, que de vous voir commettre un seul peché mortel. La mort de votre corps me seroit moins sensible que la mort de votre ame. Peut-être seront-ils assez heureux pour graver profondément dans leur ame ce sentiment, & pour les conserver, comme fit cette Princesse ce grand Saint, dans l’innocence de leur batême.

6. Si par le plus grannd de tous les malheurs, ils l’ont perdue cette grace, ou viennent à la perdre, que les Maîtres les portent à la recouvrer par un vrai changement de cœur & de vie, & une bonne confession, qu’ils auront soin de leur faire faire au plutôt ; ce qu’ils doivent observer dans la suite, quand leurs enfans tombent dans quelque faute considérable & éclatante.

7. Ils leur inculqueront souvent l'horreur & la haine du peché, la crainte de le commettre, le soin de l'éviter, l'obligation d'en faire penitence, enfin le desir de se corriger des moindres défauts.

8. Ils doivent s'attacher d’une maniere particuliere à gagner à Dieu les enfans les plus méchans & les plus libertins, par tous les moiens que la charité leur inspirera, en gémissant sur leurs miseres & leurs égaremens, en priant beaucoup pour attirer sur eux la miséricorde de Dieu, & entrant peur leurs pechés dans les sentimens d’une penitence sincere qui puisse fléchir la justice de Dieu justement irritée contre eux. Car souvent si les enfans demeurent dans leur libertinage & dans leurs désobéissances, c'est par le peu de vigilance & de zêle des parens, des Maîtres & des Maitresses pour le salut de ces enfans. C'est un effet de leurs pechés si Dieu les laisse courir dans leurs voies corrompues ; c'est que personne n’a assez de crédit auprès du Seigneur pour arrêter les effets de sa colere & s’opposer à sa vengeance.

9. Ils inspireront à leurs écoliers & à leurs écolieres de l’aversion pour les spectacles publics, l’Opera, la Comedie, pour le bal, les danses, les jeux de hazard, comme des dez, des cartes, &c. pour les lieux de débauches, pour la fréquentation des cabarets, pour la trop grande familiarité avec les enfans du sexe different, & ils feront tout leur possible pour les détourner de ces écueils de l'innocence & de la pureté de la jeunesse.

10. Ils ne leur permettront que des jeux honnêtes, & ils empêcheront qu’ils ne passent des après-dinées toutes entieres à jouer, ce qui les dissipe trop & les accoutume aux plaisirs.

11. Ils leurs défendront de paroître jamais & de se baigner pendant l’été nuds & en la compagnie d'autres enfans, & ils leur donneront toute l'horreur possible de cette malheureuse pratique, comme d’une occasion dans laquelle la jeunesse perd la crainte des jugemens de Dieu, la pudeur, l'honnêteté, la pureté, l'innocence, où l’on apprend les vices les plus abominables, & où souvent avec la vie de l’ame on perd la vie du corps, & on passe des eaux dans les flammes de l'enfer.

12. Ils veilleront avec beaucoup de soin sur toutes leurs démarches, sur leurs actions, sur leurs occupations.

13. Ils éxamineront avec soin si ceux ou celles qu'ils fréquentent sont sages & de bonnes mœurs ou non, & leur feront éviter la compagnie des libertins &c.

14. Ils prendront garde s'ils ne lisent point de mauvais livres, & s'ils n'en ont point ; il faut les leur faire brûler, s'ils en ont, ils ne méritent que le feu. Ah ! qui pourroit dire les maux extrêmes que sont ces abominables livres, ces chansons diaboliques ? On doit leur donner de bons livres & des cantiques spirituels à la place de ceux qu'on leur aura fait brûler, comme pour les dédommager de la perte pretendue qu'ils ont faire en faisant à Dieu ce sacrifice.

15. Le zêle & la charité des Maîtres & des Maitresses d'Ecole ne doivent pas se borner au tems de l’Ecole, ils s'informeront par des voies sures & prudentes, de la conduite que les enfans tiennent au logis, dans les rues, dans les places publiques, & par rout où ils se rencontrent, mais sur tout à l'Eglise & à la maison, afin de travailler avec sagesse à remédier au mal qu'ils en apprennent, & à cultiver le bien qu'ils reconnoissent en eux.

16. S'ils apprennent qu'ils soient sujets à quelques vices ou à quelques défauts, comme sont les juremens, les paroles injurieuses ou deshonnetes, les bateries, les libertez criminelles, ils leur feront une correction convenable.

17. Ils avertiront les Peres & les Meres des fautes considérables de leurs enfans, afin qu’ils veillent chez eux sur leur conduite, & ils prendront avec eux des mesures pour les corriger & les faire changer s’il est possible.

18. Ils leur enseigneront la maniere de se conduire en enfans sages & Chrétiens, envers Dieu, envers eux-mêmes, envers leur prochain, & en particulier envers leurs Peres & leurs Mères, leurs freres & leurs sœurs, leurs domestiques, & les enfans du quartier, & ils leur prescriront les regles qu’ils doivent observer pour s’acquiter dignement de ces obligations.

19. Ils leur inspireront souvent l’amour de la vertu, sur tout la craince & l'amour de Dieu, la charité envers le prochain, l’obéïssance à leurs Peres & à leurs Meres, la douceur, l'humilité, la pudeur, la docilité ; de faire à autrui ce qu'ils voudroient qui leur fût fait, de prendre garde de ne faire jamais à un autre ce qu’ils seroient fâchez qu’on leur fit.

20. Enfin les Maîtres & les Maitresses d’Ecole n’épargneront rien pour rendre avec le secours du Ciel les enfans qui leur sont confiés de bons Chrétiens & de bons écoliers ; de bons Chrétiens par l’éducation chrétienne qu’ils auront soin de leur donner ; de bons écoliers par une éxacte discipline qu’ils leurs feront observer dans leurs Ecoles. On va montrer le premier devoir des Maîtres & des Maitresses à l’égard des enfans dont ils sont chargés, dans la suite de cette partie : on fera voir le second devoir dans la partie suivante qui terminera cet ouvrage.


Chapitre IV.
Devoirs particuliers des Maîtres &
des Maitresses d’Ecole à l’égard des
enfans qui leur sont confiés.
§. 1.
Education Chrétienne qu’ils doivent
leur donner
.


IL n’y a rien de plus nécessaire, rien de plus important que l’éducation Chrétienne des enfans ; l’Ecriture Sainte, les Conciles, les Saints Peres, & la raison nous en convainquent & ne nous permettent pas d’en douter ; je ne finirois pas si je voulois faire un détail de toutes les preuves de cette grande vérité tirées de ces sources. Je me borne à en rapporter quelques-unes aux Maîtres & aux Maitresses d’Ecole pour les porter à s’acquiter de ce devoir à l’égard des enfans, que les Peres & les Mères leur confient, pour leur donner cette éducation qu’ils ne peuvent pas (au moins la plûpart) leur donner par eux-mêmes.

Ce que le Saint-Esprit nous dit soit dans l’ancien soit dans le nouveau Testament sur ce sujet, est si clair & si décisif qu’il suffit de l’exposer pour faire sentir à ceux qui ont la conduite des enfans, l’obligation qu’ils ont de leur donner une éducation conforme à la Religion dont ils font profession, c’est-à-dire, vraiement Chrétienne. Voici comment il s’en explique. je prie les Maîtres & les Maitresses d’Ecole de les mediter devant Dieu & de s'en faire à eux-mêmes l’application, pour s’animer à obèïr à ces divins oracles, & à remplir par ce moien le point le plus essentiel de leur emploi.

Gravez mes paroles dans vos cœurs & dans vos esprits, apprenez-les à vos enfans afin qu'ils les méditent, qu'ils apprennent à craindre le Seigneur votre Dieu, & qu'ils observent & accomplissent les ordonnances de cette loi. Deut, II. 18.

Avez-vous des enfans ? Instruisez-les bien & accoutumez-les au joug dès leur enfance. Eccli. 7. 25.

Instruisez votre fils, & il vous consolera de toutes vos peines & vous donnera un grand contentement, au lieu que vous recevrez beaucoup de confusion s’il est mal élevé, Prov. 29. 15.

Tobie, dit le texte sacré, apprit à son fils dès son enfance à craindre Dieu & à s’abstenir du péché. Tob. 1. 10.

Instruisez votre fils & appliquez- vous à le former, de peur qu'il ne vous deshonore par sa vie honteuse & par sa mauvaise conduite. Eccli. 30. 13.

Ne rendez point l'enfant maitre de ses actions & ne négligez point ce qu’il fait & ce qu’il pense. v. II.

Recommandez à vos enfans de faire des actions de justice & des aumones, de penser à Dieu & de le benir en tout tems dans la verité & de toutes leurs forces, Tobie, 14. II.

Celui qui instruit & qui éleve bien son fils y trouvera sa joie, & il se glorifiera en lui parmi ses proches. Eccli. 30. 2.

Le fils mal instruit & mal élevé est la honte de son Pere. Eccli. 22. 3.

L'enfant, qui est abandonné à sa volonté couvrira de confusion sa Mere. Pov. 29. 15.

Avez-vous des filles ? Conservez la pureté de leurs corps, ne vous familiarisez pas avec elles & ne faites point paroître devant elles trop de gaieté. Eccli. 7. 26.

Courbez le cou à votre enfant pendant qu'il est jeune, chatiez-le pendant qu’il est enfant, de peur qu’il ne s'endurcisse, qu’il ne veuille plus vous obéïr, & que votre ame ne soit percée de douleur. Eccli. 30. 12.

Aiez soin de bien élever vos enfans en les corrigeant & en les instruisant selon le Seigneur. Eph. 6.4.

L’Eglise animée & gouvernée par le même esprit qui vient de s'expliquer d’une maniere si formelle par raport à l’éducation Chrétienne des enfans, n’a jamais rien tant recommandé aux Peres, aux Meres, & à ceux qui sont chargez de la conduite des enfans, que de s’appliquer à les élever chrétiennement. C’est ce qu’elle n’a cessé de leur ordonner dans les Conciles tant generaux que provinciaux, où nous voions que cette bonne Mere n’a jamais rien souhaité si ardemment, que de voir donner à ses enfans dès leur jeunesse une éducation sainte & conforme à leur vocation. Le Concile de Trente dans ces derniers tems, menace des effets de la veangeance de Dieu, ceux qui font chargez de l’éducation des enfans, s’ils négligent de s’acquiter dignement de cette grande & importante obligation. Il en apporte la raison ; c’est, dit-il, que les jeunes gens ont une grande inclination à s’abandonner aux plaisirs & aux divertissemens du monde, & s’y abandonnent & s’y livrent effectivement si dès leurs plus tendres années on ne les forme dans la pieté, & si on ne les instruit des maximes de la Religion, avant qu’ils soient possedez entiérement & pervertis par l’habitude des vices. C. de l’établissement des Colleges.

Les Peres de l’Eglise se font appliqués dans tous les siécles à faire connoître & par leurs discours & par leurs écrits la nécessité & l’importance de l’éducation chrétienne des enfans, & à exhorter ceux ou celles qui ont des enfans ou qui en sont chargez par leur emploi, à s’acquiter dignement de ce devoir à leur égard.

Je ne cesserai point, leur dit Saint Chrysostome, de vous exhorter de toutes mes forces à préférer à tout autre soin, celui que vous êtes obligez de prendre de la bonne éducation de vos enfans.

Je ne prétens pas pour cela que vous les retiriez du monde & que vous les envoïiez dans les deserts pour y vivre en Anachoretes (quoique je souhaitasse de tout mon cœur que chacun leur ressemblât,) mais ce que je vous demande, c’est que vous vous appliquiez à élever des Disciples de Jesus-Christ ; & puisque leur condition les arrête dans le monde, apprenez-leur de bonne heure à y mener une vie toute sainte. Vous serez les premiers qui gouterez les fruits de vos peines par la consolation que vous aurez d’avoir des enfans sages & vertueux ; & quand par malheur vous auriez commis plusieurs pechés, vous attirerez sur vous les effets de la miséricorde de Dieu par le soin que vous aurez pris, d'élever des Athletes capables de le servir & de combatre pour lui. De l'educ. des enfans.

Tachez, dit Eusebe d’Emese, d'inspirer aux enfans dès leurs plus tendres années les véritables sentimens de la foi, les solides maximes du Christianisme, & leur commandez de mener toujours une vie sainte & toute pure. Apprenez-leur à bien servir Dieu puisqu'ils ne sont au monde que pour cela. Hom. au com. du Carême.

Si vous élevez bien vos enfans, dit encore Saint Chrysostome, ils éleveront les leurs de la même maniere, & ainsi il se fera une chaine de pieté & de vertu, laquelle aiant pris son origine de vous passera bien avant dans la postérité ; & il naîtra une infinité d’excellens fruits de cette premiere racine, de la bonne éducation que vous aurez commencée. Hom. 46. Le fameux Gerson, Docteur & Chancelier de l'Université de Paris, si zêlé pour l'éducation de la jeunesse, aiant été député au Concile de Constance dit, entre plusieurs moiens qu'on y proposa pour arrêter le cours de la corruption qui inondoit alors toute la terre, que son avis étoit qu’on commençât à élever les enfans chrétiennement dès leur plus tendre jeunesse.

L'Université de Paris entrant dans l'esprit & dans le sentiment de ce grand & sçavant homme, dit dans les Statuts faits pour la réforme par le Cardinal d'Estouteville en 1598, que le bonheur de tous les Roïaumes & des peuples & sur tout la conservation de la république chrétienne dépend entiérement de la bonne éducation des enfans.

La raison jointe à l'expérience de ce qui se passe dans le commerce de la vie, seroit seule suffisante pour convaincre que l'éducation chrétienne des enfans, est ce qu'il y a de plus nécessaire & de plus important pour l'Eglise, pour l'Etat, pour les familles & sur tout pour les enfans. Car comme la santé du corps humain dépend de sa premiere formation & nourriture, le succès d'une affaire de son bon commencement, la perfection d'un Religieux, de la régularité qu'il a observée pendant son noviciat ; ainsi la vie sainte & chrétienne d'un homme, & son éxactitude à remplir ses devoirs par raport à Dieu, à l'Eglise, à l'Etat, à lui-même & à son prochain, est d'ordinaire le fruit de la bonne éducation qu'on lui a donnée ; & qu'il a reçûe dans sa jeunesse. En effet lorsque les enfans ont été bien élevez, ils sont ordinairement pieux envers Dieu, soumis & obéïssans aux puissances spirituelles & temporelles, respectueux envers leurs Peres & leurs Meres, paisibles dans leurs familles, civils envers tout le monde, & enfin réglés dans toute leur conduite.

Il seroit difficile après tout ce que nous venons de rapporter, de penser & encore plus d'exprimer les fruits & les avantages de l'éducation chrétienne des enfans. Quelle riche & quelle abondante récompense pour le tems & pour l'éternité ne peuvent point espérer les Maîtres & les Maitresses qui la donnent ? Ceux qui en auront instruit plusieurs dans la voie de la justice, dit le Saint- Esprit, luiront comme des étoiles dans toute l'éternité. Daniel, 12. 3.

Qu'elle consolation & qu'elle joie ne peuvent point se promettre Les Peres & les Meres, ou les parens qui la procurent à leurs enfans, en les envoiant aux Ecoles ? Celui qui instruit & qui éleve bien son fils, trouvera en lui sa joie. Eccli. 30. 2.

L'enfant sage est la joie de son Pere. Prov. 15. 20.

Les femmes se sauveront en procurant que leurs enfans demeurent dans la foi, dans la charité, dans la sainteté, & dans une vie bien reglée. 1.Timoth. 2. 14.

Quel bonheur pour les enfans qui la reçoivent cette éducation chrétienne ! il n’y en a point de comparable à celui-là pour eux. Car il est utile & avantageux à l'homme de porter le joug du Seigneur dès sa plus tendre jeunesse. Lament. de Jerem. 3. 27. Et le jeune homme suit sa premiere voie, & dans sa vieillesse même, il ne la quitte pas.Eccli. 7.25.

Enfin quel bien le public ne retire-t-il point de cette éducation chrétienne des enfans ? c’est d'elle que vient tout le repos des familles, toute la tranquillité d’un Etat, toute la gloire & tout l'honneur de l’Eglise : c'est par-là qu’on retranche la source de tous les maux qui se commettent dans le monde qui est la mauvaise éducation ; & on rétablit à source de tous les biens qu'on peut esperer y voir pratiquer, qui est la bonne éducation. En effet c'est cette bonne éducation qui prépare les esprits à recevoir les plus belles lumieres, & qui met dans les ames les premieres dispositions à toutes les vertus. C’est elle qui remplit les cours des Princes de sujets fidéles, genereux & desinterressez, les Parlemens de Magistrats & de Juges fermes & inébranlables, Les maisons Religieuses de Saints & de Saintes, les maisons particulieres de chefs prudens & étroitement unis par les liens d'une parfaite charité, & de domestiques respectueux & soumis à leurs Maîtres. C’est elle qui augmente & qui fait croître le corps mystique de Jesus-Christ, qui acheve le nombre des élus & des bienheureux. Il n'y a aussi que cette bonne éducation qui puisse bannir tous les vices qui regnent dans le monde ; parce qu'i n'y a qu'elle qui puisse en imprimer de la crainte & de de l'horreur, C’est elle seule qui peut faire refleurir parmi les Chrétiens la perfection de leur vocation. Enfin il n'y a que cette bonne éducation qui soit capable de changer la face de tout le Christianisme, de produire une heureuse réformation dans toute l’Eglise, de conserver les enfans dans l'innocence, & dans la grace qu'ils ont reçûe au batême, & de retracer dans la vie des hommes l'idée d'un Chrétien parfait. Cependant, n’est-il pas surprenant que l'éducation des enfans étant si nécessaire & si importante, & que ceux même d’entre les paiens dont les républiques ont été les mieux policées en aiant pris tant de soin, soit à present si négligée parmi la plûpart des Chrétiens ? On cultive des arbres & des fleurs avec une application toute particuliere ; on nourrit des oiseaux & d'autres animaux avec un extrême soin ; & on abandonne l'éducation des enfans, aux ames desquels tout ce qu’il y a au monde de plus curieux, de plus riche & de plus précieux, ne mérite nullement d’être comparé.

Il faut donc que les Maîtres & les Maitresses d’Ecole fassent de l'éducation chrétienne des enfans dont ils sont chargés par leur emploi, leur plus essentiel devoir, qu’ils s'en acquitent avec tout le zéle & toute la perfection dont ils sont capables, & qu'ils prennent les moiens nécessaires pour pouvoir, avec le secours de la grace, réussir dans ce grand & important ouvrage.

Cette éducation chrétienne des enfans consiste, 1. à cultiver leur esprit, 2. à former leur cœur, 3. à regler leur conduite.

Il faut, 1. cultiver l'esprit des enfans en les instruisant des véritez du Christianisme, 2. former leur cœur en leur inspirant des sentimens dignes de la Religion dont ils font profession, 3. regler leur conduite sur les maximes & sur les principes de la morale chrétienne. Les Maîtres & les Maitresses d’Ecole pourront se servir des instructions suivantes, pour s’acquiter de ces devoirs envers les enfans dont ils font chargez, afin d’en faire de parfaits Chrétiens.


Chapitre V.
§. 2.
De l’instruction familiere de la Doctrine
Chrétienne on du Catechisme que les
Maîtres & les Maitresses doivent
faire aux enfans dans les Ecoles.


Comme la fin & le but des Ecoles est beaucoup plus d’apprendre aux enfans la science du salut, que celle de la lecture, de l’écriture, quoiqu’il ne faille pas négliger cette derniere science, les Maîtres & les Maitresses doivent s’appliquer particulierement à enseigner dans leurs Ecoles la science des Saints ; & pour cela ils feront éxactement apprendre aux enfans le Catechisme du Diocese où ils sont, & celui des Dimanches & des Fêtes. Comme cette instruction est la plus nécessaire aux enfans, & que l’Eglise la recommande davantage, ils la feront tous les jours s’il se peut, & autant de fois que Nosseigneurs les Evêques l’ordonnent dans les lieux où leurs Ecoles sont situées. Nous éxigeons, disent plusieurs de ces Prelats, des Maîtres & des Maitresses d’Ecole, qu’ils fassent le Catechisme au moins deux fois chaque semaine.

La connoissance des véritez de la Religion étant la plus essentielle, elle doit aller avant toutes Les autres.

Ce Catechisme, ou cette instruction familiere consiste à exposer d’abord le texte, à l’expliquer mot à mot, à y joindre des comparaisons familieres, à le faire beaucoup repeter avec l'explication qu'on en a faite, ou bien à faire repeter aux enfans qui sçavent lire la leçon du Catechisme du Diocese ou des Dimanches & des Fêtes, ou la Conduite pour la Confession ou pour la Communion qu'on leur aura marquée, & à leur en expliquer les réponses, à leur en déveloper l’esprit sur ce qui regarde les véritez de la foi & les solemnitez que l'Eglise doit célébrer, afin de leur enseigner la Religion, & de la leur faire voir & remarquer en tout ce que l'Eglise propose à ses enfans.

Cette instruction par raport à ceux qui ne sçavent pas lire consiste à leur apprendre, 1. à bien faire le signe de la Croix, 2. à reciter distictement & dévotement le Pater, l'Ave, le Credo & le Confiteor tantôt en françois tantôt en latin, 3. les Commandemens de Dieu & de l'Eglise. 4. l'abregé de la Doctrine Chretienne.

Enfin cette instruction consiste à apprendre à tous les enfans l’éxercice du Chrétien pour le matin, pendant la journée, & pour le soir, c'est-à-dire, la maniere de commencer, de continuer & de finir chrétiennement la journée.

Les Maîtres & les Maitresses d'Ecole doivent répéter & faire répéter aux enfans les demandes & les réponses tant de fois qu'ils les sçachent parfaitement.

Le moien d’instruire avec succès les enfans de tout ce que contiennent le Carechisme Historique ou du Diocese, celui des Dimanches & des Fêtes, ou la Conduite pour la Confession & Pour la Communion, est de leur faire répéter tous les jours deux demandes & deux réponses le matin & autant le soir, puis de tout reprendre le Samedi ; de parler peu en les instruisant, de les faire beaucoup répéter, de leur enseigner peu de choses à la fois, & de leur faire répéter aussi-tôt, d'avoir soin de leur faire apprendre les choses par jugement plus que par memoire.

Ce seroit une pratique agréable & en même tems salutaire aux enfans, que de finir le Catechisme ou l'instruction par quelque histoire tirée de l’Ecriture Sainte ou de l'Histoire Ecclesiastique, &c. qui renfermât à vérité qu'on auroit taché de leur apprendre.

Enfin les Maîtres & les Maitresses d'Ecole feront le Catechisme aux enfans d’une maniere qui leur insinue & qui leur inspire un grand amour pour Dieu, une grande charité pour le prochain, un grand zêle pour leur salut. Ils ne se contenteront pas de les instruire des véritez speculatives de la Religion, mais ils leur enseigneront encore les véritez de pratique. Ils leur apprendront non seulement ce qui regarde la foi mais aussi ce qui regarde la morale dont on va donner dans les chapitres suivans un essai d’instruction.

CHAPITRE VI.
§. 3.

Instructions familieres sur la Morale Chrétienne que les Maîtres & les Maitreses d'Ecole peuvent faire à leurs écoliers & à leurs écolieres.

1. Par raport à Dieu.

Comme la science de la Morale Chrétienne est ordinairement la plus négligée dans les Ecoles, & par une suite nécessaire la plus ignorée, les Maîtres & les Maitresses auront un soin particulier d'en instruire leurs enfans selon leur portée & leur capacité, d'une maniere simple, familiere, & affective. Ils ne peuvent le faire plus solidement ni esperer de s'en acquiter avec plus de succez qu'en emploiant les paroles mêmes que le Saint-Esprit a dictées sur ce sujet, & qui sont rapportées dans l'Ecriture Sainte. On va donner un essai de ces instructions morales que les Maîtres & les Maitresses d’Ecole peuvent faire à leurs disciples, 1. par raport à Dieu, 2. par raport à eux-mêmes, 3. par raport à leur prochain, 4. par raport à quelques autres sujets particuliers.

Venez, mes enfans, écoutez moi, je vous enseignerai... Ps: 33. 12.

C'est le Saint-Esprit le Maître & le Docteur de vos esprits & de vos cœurs qui va vous parler. Ecoutez-le avec respect, avec un esprit recueilli & un cœur docile. Il a les Paroles de la vie éternelle. Jean, 6. 69.

Je parlerai à son cœur. Osee. 2. 14.

Dites avec le Prophête Roi: J'écouterai ce que le Seigneur mon Dieu me dira au dedans de moi. Ps. 84.9. Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/124 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/125 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/126 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/127 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/128 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/129 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/130 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/131 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/132 de notre Seigneur Jesus-Christ, 1. Cor, 10, 31.

Pensez sérieusement à ce que Dieu vous ordonne, & méditez sans cesse ses Commandemens : il affermira lui-même votre cœur, & il vous donnera la sagesse que vous desirez. Eccli. 6, 37.

Heureux sont ceux qui écoutent la parole de Dieu, & qui la pratiquent. S. Luc. 11, 28.

Je vous exhorte à ne recevoir pas en vain la grace de Dieu. 2, aux Cor. 6.1.

CHAPITRE VII.

II. Instruction familiere sur la Morale chrétienne, que les Maitres & les Maitresses d'Ecole peuvent faire à leurs écoliers ou à leurs écolieres, par raport à eux-mêmes comme hommes.

Il n'est pas moins nécessaire ni moins important que les enfans soient instruits de la morale Chrétienne par raport à eux-mêmes que par raport à Dieu, pour pouvoir regler leur vie sur ses maximes, & travailler par ce moien à devenir de bons Chrétiens, C’est-pourquoi les Maîtres & les Maitresses d'Ecole feront souvent des leçons à leurs enfans sur ce sujet. Ils leur enseigneront d'abord ces maximes & ces regles de la morale Chrétienne, ils les leur expliqueront, & ils leur apprendront à s’en faire à eux-mêmes l'application ; ils les porteront à les suivre, & à y conformer leur vie & leur conduite. Ils leur feront remarquer les tems & les occasions où ils doivent particuliérement s’acquiter de ce devoir. Voici encore un essai de ces instructions morales que les Maîtres & les Maitresses peuvent faire à leurs disciples par raport eux-mêmes. Et 1. comme hommes.

Le principe & le fondement de la morale Chrétienne est la connoissance de soi-même & de ses obligations. Mes enfans, connoissez-vous donc vous mêmes. Cet enseignement est venu du Ciel, dit un Auteur même profane, il est divin : C'est-pourquoi faites une fréquente & une sérieuse étude de vous-mêmes pour connoître ce que vous êtes comme hommes, comme enfans d'Adam, & comme Chrétiens ; & à quoi vous obligent ces qualitez. Comme hommes vous êtes des créatures raisonnables composées d'un corps & d’une ame.

Par raport à votre corps, vous êtes poudre & vous retournerez en poudre, & en la terre d’où vous avez été tirés. Gen. 3. 19.

Pourquoi donc l'homme qui n'est que terre & cendre, s’éleve-t-il d'orgueil. Eccli. 10. 9.

Par raport à votre ame vous êtes l'image de Dieu. Il vous a créez à son image & à sa ressemblance. Gen. 1. 26. Dieu à créé l'homme immortel, il l'a fait pour être une image qui lui ressemblât, Sag. 3. 23.

Votre ame est spirituelle & immortelle comme Dieu, capable de le connoître, de l'aimer & de le posseder. Estimez donc beaucoup votre ame, & n'aiez rien plus à cœur que ce qui la regarde. Conservez vous vous-même, & gardez votre ame avec un grand soin. Deut. 4. 9.

Et, appliquez-vous donc avec grand soin à la garde des vos ames. 15 v.

Sauvez votre ame ; sauvez-vous, de peur que vous ne perissiez. Gen. 19.17.

Appliquez-vous avec tout le soin possible à la garde de votre cœur, parce qu'il est la source de la vie. Prov. 4. 23.

C'est du cœur que naissent le bien & le mal, la vie & la mort. Eccli. 27. 29.

Que sert à un homme, dit Jesus-Christ, de gagner tout l'univers, s'il vient à perdre son ame ? par quel échange l'homme pourra-t-il racheter son ame, après qu'il l'aura perdue ? S. Marth. 16. 26.

Ne souillez point vos ames, ne défigurez point cette image de Dieu par le péché. Levit. 11. 43.

Aiez pitié de votre ame en vous rendant agréable à Dieu... Réunissez votre cœur dans la sainteté de Dieu. Eccli. 30. 24.

Dieu ne vous a pas seulement formez à son image, c’est-à-dire, spirituels & immortels par raport à votre ame, c'est-à-dire, capables de le connoître, de l'aimer & de le posseder, &c. Mais ils vous a faits aussi pour sa gloire, c'est-à-dire, qu'il vous a créez & mis au monde afin que vous le connoissiez, que vous l'aimiez, que vous le serviez, que vous l'honoriez, & que vous lui obéïssiez pour obtenir par ce moien la vie éternelle. Isaie. 43. 7.

Souvenez-vous que c’est dans l'accomplissement de ce devoir essentiel, que consiste le vrai bonheur de l'homme en cette vie ; comme le plus grand de tous les malheurs est de ne pas s'en acquiter avec fidélité.

Si les Maîtres & les Maitresses d'Ecole pouvoient connoître le moment où leurs enfans commencent à avoir l’usage libre de la raison, ils devroient les porter à se convertir à Dieu, c’est-à-dire, à tourner vers lui leur esprit & leur cœur comme vers leur derniere fin, par des actes de Foi, d'Esperance & de Charité, d'offrande & de consécration d’eux-mêmes à sa divine majesté, comme ils y sont obligez.

N'oubliez jamais, ni d’où vous venez, ni où vous devez aller ; que vous venez de Dieu comme de votre premier principe, & que vous devez retourner à Dieu comme à votre fin derniere ; que votre ame étant l'image de Dieu, vous ne devez point la repaître des choses terrestres & périssables, périssables, ni lui préférer un corps de terre & de boue ; & par conséquent, soit que vous buviez, soit que vous mangiez, soit que vous fassiez quelqu’autre chose, vous devez le faire pour sa gloire. 1, aux Cor. 10, 31.

Nul de nous ne vit pour soi-même ; & nul ne meurt pour soi-même : en effet soit que nous vivions, c'est pour le Seigneur que nous vivons ; soit que nous mourions, c’est pour le Seigneur que nous mourons ; soit donc que nous vivions ou que nous mourions, nous sommes toujours au Seigneur. aux Rom. 14. 8.

CHAPITRE VIII.

Instruction familiere sur La Morale Chretienne que les Maîtres & les Maitresses d'Ecole peuvent faire à leurs écoliers & à leurs écolieres par raport à eux-mêmes comme enfans d'Adam.

Etant créez à l'image de Dieu & faits pour sa gloire, il ne manqueroit rien à notre bonheur, si notre premier Pere fût demeuré dans la sainteré, la justice, & l'innocence où Dieu l'avoit créé, c'est-à-dire, dans un état où il auroit été heureux par raport à son corps, à son ame, à cette vie & à l'autre ; bonheur qu'il nous auroit transmis : & par ce moien nous aurions été comme lui saints, innocens, sages, éclairéz, remplis de graces, exempts de passions, sans être sujets aux infirmitez ni à la mort. Mais par le plus grand de tous les malheurs, étant déchu de cet heureux état par sa desobéïssance, il s'est rendu malheureux lui & toute sa postérité : depuis ce moment fatal nous sommes conçus dans le peché, nous en naissons coupables, & nous en ressentons tous les jours les suites funestes.

Oui, mes enfans, comme enfans d'Adam vos Meres vous ont conçûs dans le peché. Vous êtes nez coupables de son peché, ennemis de Dieu, enfans de colere par nature, esclaves du démon, privez du droit du Paradis, comme des victimes destinées pour l'enfer, vous éprouvez sans cesse les suites de cette chute 1. dans votre esprit par les tenebres dont il est rempli 2. dans votre cœur par le penchant qu'il a au mal dès votre jeunesse, par les passions dont vous ressentez continuellement la revolte 3. dans votre corps pas les infirmités & la mort même à laquelle il est assujetti, &c. Dieu voit la présomption & la malignité du cœur des hommes, il connoît le renversement de leur esprit qui est corrompu. Ecli. 18. 10.

La malice des hommes qui sont sur la terre est extrême ; & toutes les pensées de leur cœur sont en tout tems appliquées au mal. Gen. 6. 5.

L'esprit de l’homme & toutes Les pensées de son cœur sont portées au mal dès sa jeunesse. Gen. 8. 21.

Les hommes sont des enfans qui n'ont point de sens ni de raison, ils sont sages pour faire le mal, & ils n'ont point d'intelligence pour faire le bien, Jerem. 4.22.

Le corps qui se corrompt, appesantit l'ame ; & cette demeure terrestre abbat l'esprit dans La multiplicité des soins qui l’agitent, Sag. 9.13.

La vie de l'homme sur la terre est une guerre continuelle. Job. 7.1.

Il ne vous reste que, 1. à gémir sur le triste sort qui vous est échu par le péché d'Adam, dont vous êtes les enfans, ainsi qu'ont fait le saint homme Job & le Prophête Jeremie, qui ont ardemment souhaité que le jour auquel ils étoient nez n’eut jamais été, & à déplorer avec Saint Paul les suites funestes de ce peché originel.

Je sens dans les membres de mon corps une loi qui combat contre la loi de mon esprit, & qui me rend captif sous la loi du peché. aux Rom. 7. 23.

La chair a des desirs contraires à ceux de l'esprit ; & l’esprit en a de contraires à ceux de la chair: & ils sont opposez l'un à l’autre ; de sorte que vous ne faites pas les choses que vous voudriez, aux Galat. 5. 17.

Malheureux que je suis ! disoit saint Paul, en déplorant cette guerre qu'il ressentoit en lui-même ; qui me délivrera de ce corps de mort ? aux Rom. 7. 24.

Suivre le penchant de la nature corrompue c’est vivre ou en payen, ou en bête, & non pas en enfant de Dieu, & en Disciple de Jesus-Christ.

2. À recourir à Jesus-Christ qui a réparé cette chute d'Adam & les suites, qui vous a mérité les graces & vous à préparé les moiens nécessaires pour remedier à tant de maux, dans la Religion qu'il a établie & dans laquelle vous êtes entrez par le saint batême.

3. A travailler avec le secours de sa grace à correspondre aux desseins de miséricorde qu'il a sur vous : & pour cela faites mourir ce qui compose en vous cet homme terrestre, la fornication, l'impureté, la passion du plaisir, les mauvais désirs. aux Coloss. 3. 5.

Dépouillez-vous du vieil homme & de ses œuvres. aux Coloss 3. 9.

Ne cherchez pas à contenter votre chair en satisfaisant à ses desirs déreglés. aux Rom. 13. 14.

Je vous exhorte, mes bien-aimez, de vous abstenir comme étrangers en ce monde, des desirs de la chair qui combattent contre l’ame, 1. de S. Pierre. 2. 11.

Si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; si vous mortifiez par l’esprit les œuvres de la chair, vous vivrez. aux Rom, 8, 13.

Or il est aisé de connoître quelles sont les œuvres de la chair que vous devez faire mourir par l’esprit, ce sont la fornication, l’impureté, l’impudicité, l’incontinence, les inimitiés, les contestations, les jalousies, les emportemens de colere, les querelles, les dissentions, les hérésies, les envies, les meurtres, les yvrogneries, les excès du vin, les débauches, & les autres choses semblables. Sur quoi, ajoute Saint Paul, je vous déclare comme je vous l’ai déja dit, que ceux qui font de telles actions ne possederont point le roiaume de Dieu. aux Gal. 5. 19, 20, 21.

Mais je vous dis : marchez selon l’esprit, & vous n’accomplirez point les desirs de la chair, aux Galat. 5. 16.

Ceux qui font à Jesus-Christ ont crucifié leur chair avec ses vices & ses desirs déréglés. aux Galat. 5. 24.

Chacun de vous ne peut-il pas dire ? Je suis à Jesus-Christ. 1. aux Cor. 1. 12.

Oui, vous êtes à Jesus-Christ, par la religion dont vous faites profession : c’est ce qui fait qu’on vous appelle Chrétiens ; qualité qui vous impose de grandes obligations, comme vous allez le voir dans les instructions suivantes.



Chapitre IX.
Instruction familière sur la Morale Chrétienne que les Maîtres & les Maitresses d’Ecole peuvent faire à leurs écoliers & à leurs écolieres par raport à eux-mêmes comme Chrétiens.


Dieu, mes enfans, par une grace & une miséricorde toute gratuite, vous a appellez à la religion Chrétienne, & vous y a donné entrée par le saint batême préférablement à une infinité d’autres qui n’auront jamais ce bonheur. Qu’elle est excellente cette religion, qu’elle est divine dans son principe & par raport à sa fin, puisque Dieu en est l’auteur, & Jesus-Christ l’instituteur, & qu’elle tend à faire connoître, aimer, servir, & honorer Dieu & Jesus-Christ ! 2. Elle est sainte dans sa nature, parce que tout y est saint & porte à la sainteté, sa doctrine, sa morale, ses maximes, ses conseils, ses Sacremens : 3. Elle est santifiante dans ses effets, parce qu’il n’y a de véritable santification que dans la religion Chrétienne, parce que tout ce qu’elle contient contribue à la santification de ceux qui en font profession, parce que Dieu ne santifie que ceux qui y sont entrez, qui y vivent, & qui y meurent.

Dans l’heureux moment de votre batême, renaissant de l’eau & de l’esprit, vous êtes morts au peché, vous avez été délivrez de l’esclavage du démon, vous avez reçu un nouvel être & une vie divine, votre ame a été enrichie des tresors de la grace, vous êtes devenus de nouvelles créatures en Jesus-Christ, & Dieu a répandu sur vous du haut des cieux toutes sortes de bénédictions spirituelles : & pour comble de bonheur, Dieu vous a donné le droit & l’espérance de participer un jour à sa vie glorieuse & immortelle, pourvu que vous observiez ses Commandemens.

Quelle faveur pour vous N ! l’avez-vous jamais bien comprise ? la sentez-vous bien à present ? dites avec le Prophête, Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu’il m’a faits ? Ps. 115. 12.

O mon ame benissez le Seigneur, & que tout ce qui est en moi benisse son saint nom ; ô mon ame, benissez le Seigneur, & gardez vous bien d’oublier jamais aucun de ses bienfaits. Ps. 102, 1, 2.

Qui pourroit dire combien est inéffable la societé dans laquelle vous êtes entrez avec les trois personnes adorables de la Sainte Trinité, au nom desquelles vous avez été batisés ? vous êtes devenus les enfans du Pere céleste, les freres, les membres & les Disciples de Jesus-Christ, les Temples du Saint-Esprit.

Je vous conjure donc de vous conduire d’une maniere digne de votre vocation, & de l'état auquel vous avez été appellez par votre batême. aux Eph. 4. 1.

Je vous conjure de vivre d’une maniere digne de Dieu, qui vous a appellez à son roiaume & à sa gloire, en vous appellant à la religion Chrétienne. 1. aux Thess. 2. 12.

Vous êtes tous enfans de Dieu par la foi en Jesus-Christ. aux Gal. 3. 26.

Soiez donc les imitateurs de Dieu comme ses enfans bien-aimez, & marchez dans l’amour & dans la charité. aux Eph. 5. 1.

Soiez parfaits comme votre Pere celeste est parfait. S. Math. 5. 48.

Rendez donc à Dieu ce que vous lui devez, comme étant ses enfans, c’est-à-dire, l’honneur, l’amour & l’obéïssance qu’il mérite & qu'il demande de vous.

Vous êtes les freres, les membres & les Disciples de Jesus-Christ, aiez donc soin de vous conduire d’une maniere digne de ce divin fondateur de votre religion, & de l’Evangile qui est votre regle.

Ne deshonorez pas les membres de Jesus-Christ en souillant vos corps par quelque plaisir des sens contraire à la pureté de cœur, qu’un vrai Chrétien doit toujours conserver au péril même de sa vie.

Je vous ai donné l’exemple, vous dit Jesus-Christ, afin que vous fassiez ce que j’ai fait. S. Jean. 13. 15.

Il n'y aura de sauvez que ceux qui se trouveront conformes à Jesus-Christ notre chef & notre modéle, & qui seront comme lui doux & humbles de cœur.

Celui qui dit qu'il demeure en Jeus-Christ, doit vivre comme Jesus-Christ a vêcu. 1. Epit. de S. Jean. 2.6.

Soiez dans les mêmes dispositions & dans les mêmes sentimens où Jesus-Christ a été. aux Phil. 2. 5.

Jesus-Christ étoit soumis à la Sainte Vierge & à Saint Joseph. S. Luc, 2. 52.

Jesus croissoit en sagesse, en age, & en grace aux yeux de Dieu & des hommes. S. Luc, 2. 52.

Aiez soin de faire tout selon ce modéle qui vous a été montré. aux Hebr. 8. 5.

Comme nous avons porté l’image de homme terrestre, portons aussi l’image de l’homme celeste. 1. aux Cor. 15. 49.

Revétez-vous de l’homme nouveau, c’est-à-dire, de Jesus-Christ, par la fidélité à imiter sa vie. aux Coloss. 3. 10.

Jesus-Christ est votre Maître. S. Math. 23. 8. Ecoutez-le. 1. de S. Pier. 1. 17.

Jesus-Christ est votre Pasteur. S. Jean, 10. 14. Suivez-le.

Jesus-Christ est votre chef, attachez-vous à lui & ne vous en séparez jamais par le péché mortel.

Celui qui veut suivre Jesus-Christ, doit se renoncer soi-même, porter tous les jours sa croix[13], c’est-à-dire, combatre sans relache ses passions, résister à ses mauvaises inclinations, & se faire violence pour se soumettre en toutes occasions à la volonté de Dieu & à sa sainte loi.

Vous êtes les temples du Saint-Esprit qui réside en vous & qui vous a été donné de Dieu. 1. aux Corinth. 6. 19.

Si vous êtes animez de l’esprit, vivez de l’esprit, conduisez-vous par l’esprit. aux Galat. 5. 25.

Conduisez-vous selon l’esprit & vous n’accomplirez point les desirs de la chair. aux Galat. 5. 16.

Portez les fruits de l’esprit qui sont la charité, la joie, la paix, la patience, l’humanité, la bonté, la foi, la douceur, la tempérance, la chasteté. aux Galat. 5. 22.

Souvenez-vous du contrat & du pacte réciproque qui s’est fait entre Dieu & vous dans vôtre batême. Dieu de son côté s’est engagé à vous en vous promettant de se donner éternellement à vous, & de vous donner les moiens nécessaires pour arriver à ce bonheur. Vous vous êtes engagez de votre côté à lui par les promesses authentiques & la profession solennelle que vous avez faite par la bouche de vos Pareins & de vos Mareines, de travailler pendant toute votre vie à acquerir la sainteté qu’il demande de vous, & à remplir les devoirs de la justice chrétienne ; n’oubliez jamais cet engagement que les Saints Peres appellent un serment solennel, un vœu, & le plus grand de tous les vœux. Appliquez-vous à vous acquiter de cette grande & importante obligation en travaillant à devenir des Saints, ce qui est la fin de votre vocation & de votre élection : puisque Dieu nous a choisis avant la création du monde par l’amour qu’il nous a porté, afin que nous fussions Saints & irreprehensibles devant ses yeux. aux. Eph. 1. 4.
Chapitre X.
Instruction sur la Sainteté Chrétienne
en general, que les Maîtres & les
Maitresses d'Ecole peuvent faire à
leurs écoliers & à leurs écolieres.


VOus avez choisi le Seigneur afin qu'il soit votre Dieu, afin que vous marchiez dans ses voies, que vous gardiez ses loix, & que vous obéissiez à ses Commandemens : & le Seigneur vous a choisis, afin que : vous soiez son peuple particulier ; que vous soiez le peuple Saint du Seigneur. Deuteron. 26.17, 18.

Vous êtes un peuple saint & consacré au Seigneur votre Dieu. Deut. 7. 6.

Soiez donc Saints dans toute le conduite de votre vie, comme celui qui vous a appellez est Saint; selon qu'il est écrit : soiez Saints, parce que je suis Saint. 1. De S. Pierre, 1, 15, 16. Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/156 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/157 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/158 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/159 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/160 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/161 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/162 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/163 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/164 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/165 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/166 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/167 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/168 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/169 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/170 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/171 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/172 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/173 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/174 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/175 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/176 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/177 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/178 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/179 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/180 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/181 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/182 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/183 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/184 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/185 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/186 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/187 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/188 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/189 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/190 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/191 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/192 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/193 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/194 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/195 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/196 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/197 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/198 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/199 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/200 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/201

Maudit est celui qui n’honore point son pere & sa mere. Deuteron. 27, 16.

Que chacun ait pour son pere & pour sa mere une crainte respectueuse. Levit. 19, 3.

Dieu vous récompensera pour avoir supporté les défauts de votre mere. Eccli. 3, 16.

Celui qui outragera son pere & sa mere est digne de mort, & il est maudit de Dieu. Exod. 21, 17. S. Matt. 15, 4.

Celui qui aura frappé son pere & sa mere, merite la mort. Exod. 21, 15.

Celui qui maltraite son pere & qui met en fuite sa mere, est un infame & un malheureux. Prov. 19, 26.

Mon fils, soulagez votre pere dans sa vieillesse & ne l’attristez pas pendant sa vie. Que si l’esprit de votre pere s’affoiblit, supportez-le, & ne le méprisez pas, à cause de l’avantage que vous avez au-dessus de lui : car la charité dont vous aurez usé envers votre pere, ne sera point mise en oubli devant Dieu. Eccli. 3, 14 & 15.

Honorez votre pere de tout votre cœur, & n’oubliez point les douleurs de votre mere : souvenez-vous que vous ne seriez pas né sans eux ; & faites tout pour eux, comme ils ont tout fait pour vous. Eccli. 7, 29 & 30.

Celui qui honore son pere, trouvera sa joie dans ses enfans, & il sera exaucé au jour de sa priere. Eccli. 3, 6 & 7.

Combien est infame celui qui abandonne son pere & combien est maudit de Dieu celui qui aigrit l’esprit de sa mere ! Eccli. 3, 18.

Honorez votre pere par vos actions, par vos paroles, & par toute sorte de patience ; afin qu’il vous benisse & que sa bénédiction demeure sur vous jusqu’à la fin. Eccli. 3, 10 & 11.

Outre ces sujets d’instruction, les Maîtres & les Maitresses d’Ecole profiteront encore de celui des lectures des enfans, des Maximes Chrétiennes qu’ils répéteront, des Epitres & des Evangiles qu’ils leur feront apprendre & reciter, de toutes les occasions que la Providence fera naître, & même des fautes des enfans pour les instruire de la Morale Chrétienne.



Chapitre XIX.

Quelques sujets particuliers dont il
est important d’instruire les enfans
dans les Ecoles pour les former
dans la vie chrétienne.

De l'éxercice journalier du Chrétien.


ON entend par l’exercice journalier du Chrétien ce qu’il doit faire le matin, pendant le jour & le soir, pour passer chrétiennement la journée. Il est de la derniere conséquence que les Maîtres les Maitresses d’Ecole instruisent leurs Ecoliers & leurs Ecolieres de cet exercice journalier, qu’ils leur apprennent la maniere de s’en bien acquiter, & qu’ils les forment dans cette importante pratique, afin que leurs jours soient pleins, heureux, & chrétiens.

L’exercice du Chrétien pour le matin renferme deux choses ; 1. Le lever 2. La priere du matin.

Il est important d’apprendre aux enfans à se lever chrétiennement ; c’est-à-dire, à donner à Dieu aussitôt qu’ils sont éveillez ; 1. La premiere pensée de leur esprit & le premier mouvement de leur cœur, en élevant l’un & l’autre vers lui : 2. Leurs premieres paroles en disant : Mon Dieu je vous donne mon cœur pour toujours. 3 Leur premiere action en faisant le signe de la croix †.

Il faut les porter à se lever à une heure réglée, qu’on doit leur déterminer : & quand cette heure est arrivée, à se lever 1. Promptement, ne différant point & ne se laissant point aller à la paresse 2. Modestement, ne se regardant point & ne se laissant voir à personne qu’en un état décent & modeste 3. En silence, ne parlant à personne, s’il est possible, mais s’entretenant dans quelque bonne pensée ou en faisant quelque priere vocale.

Comme la priere du matin a une vertu particuliere sur toutes les actions de la journée, qu’elle en est la regle & le modéle, & qu’elle leur imprime ce caractere de religion & de pieté qu’elles doivent toujours porter avec elles ; on ne doit pas avoir moins d’éxactitude à faire que les enfans s’en acquitent comme il faut, qu’à les y accoutumer réguliérement.

Il n’est pas moins important d’instruire les enfans de l’Exercice du Chrétien pendant la journée ; c’està-dire, 1. De leur apprendre à bien faire leurs actions, comme à travailler, à prendre leurs repas, à se récréer, & à converser chrétiennement ; & pour cela, à offrir à Dieu ces actions avant que de les commencer, & à lui demander la grace de les bien faire ; à s'appliquer en les faisant à s'en bien acquiter ; & enfin à tâcher de les bien finir.

2. De leur enseigner à profiter de certaines occasions qui se rencontrent pendant la journée comme de la tentation, de l'affliction, de la pauvreté, de la maladie, &c. souffrant ces états facheux en esprit de pénitence.

3. De leur apprendre à ménager certains tems dans la journée pour penser à Dieu & à leur salut, comme lorsque l'heure ou la cloche sonnent ; pour entendre la sainte Messe ; pour faire quelque lecture de pieté ; pour visiter notre Seigneur Jesus-christ dans le Saint Sacrement ; pour faire leur éxamen particulier, &c.

Enfin il faut instruire les enfans dans les Ecoles, de l'Exercice du Chrétien pour le soir, qui renferme la priere, l'examen, & le coucher.

1. Si la priere du matin est nécessaire afin d'y faire prendre au enfans tous les sentimens dont ils ont besoin pour se bien conduire durant le cours de la journée ; celle du soir ne l'est pas moins afin de pouvoir par ce moien rendre à Dieu leurs devoirs & leurs hommages à la fin du jour, & le terminer ainsi chrétiennement.

2. L'éxamen qu'on fait dans cet exercice, est encore d'une extrême conséquence, & d'une grande nécessité pour les enfans : car ils ne peuvent emploier de moien plus efficace & plus aisé que celui-là pour acquerir la parfaite connoissance d'eux-mêmes si rare dans les jeunes gens, & cependant si nécessaire. 2. Pour se corriger non seulement des fautes dans lesquelles ils ont coutume de tomber, mais encore de leurs négligences & de leurs distractions dans tout ce qui regarde leur devoir (car c'est ce qui doit faire la matiere ordinaire de leur examen) afin qu'ils puissent se corriger extérieurement de tout le mal qu'ils font, & se perfectionner dans le bien qu'ils font pour l'ordinaire si imparfaitement.

3. Le coucher des enfans, aussi bien que leur lever, doit être chrétien : on doit par conséquent les porter, 1. à garder en se couchant la même modestie, & le même silence qu'en se levant, 2. à consacrer à Dieu avant que de s'endormir la derniere pensée de leur esprit, & le dernier mouvement de leur cœur en élevant l'un & l'autre vers lui ; leur derniere parole, en disant ; Seigneur je remets mon esprit entre vos mains ; leur derniere action en faisant le signe de la croix. 3. A élever pendant la nuit s'ils s'éveillent, leur esprit à Dieu, & à s'unir de cœur à ceux qui le benissent & qui le louent dans ce tems-là, à penser aux tenebres du peché qui sont répnadues sur toute la terre & à dire, Mon Dieu, aiez pitié de moi qui suis un pécheur : faites moi sortir des tenebres & de l'ombre de la mort, & appellez moi à votre admirable lumiere, vous qui êtes le Pere des lumieres.

CHAPITRE XX.
De la priere.

Comme la priere est l'exercice le plus commun & en même tems le plus nécessaire qu'il y ait dans la Religion, & dont cependant on s'acquite le plus mal, il faut s'appliquer dans les Ecoles avec un soin particulier à apprendre aux enfans à bien prier ; leur enseigner la préparation qu'il faut apporter à la priere, ce qu'il faut observer en la faisant, soit pour l'extérieur soit pour l'intérieur, afin qu'elle soit agréable à Dieu & profitable à eux-mêmes. Former d'abord les enfans dans l'exercice de la priere vocale ; leur faire bien comprendre, 1. qu'il faut joindre à la prononciation des paroles l'attention de l'esprit & la dévotion du cœur, afin qu'elle soit une véritable priere : 2. Que Dieu n'écoute point cette priere vocale, & qu'elle est d'aucune utilité à celui qui la fait, si le cœur ne parle par ses desirs.

3. Que les actes de vertu & les prieres vocales que l'on fait le matin, & le soir, & en d'autres occasions, doivent se faire plus de cœur que de bouche.

4. Que les paroles dont ces formules d'actes & de priere vocales sont composées, ne sont que pour exciter les sentimens de ces vertus dans le cœur, ou ne servent qu'à les exprimer & à réveiller l'ardeur & la dévotion : & enfin que ce sont des corps sans ame, si l'esprit & le cœur ne sont d'intelligence avec la langue qui prononce ces actes, ou qui recite ces prieres vocales.

5. Qu'un des plus grands abus qu'il y ait, est de se contenter de prononcer de bouche les actes des vertus qu'on sçait ou qu'on lit dans des livres, sans se mettre en peine si le cœur parle & s'il entre dans les sentimens exprimés dans ces formules. Ceux qui agissent ainsi, méritent le reproche que Jesus-Christ fait aux Juifs dans l'Evangile : Ce peuple m'honore des levres, mais son cœur est bien éloigné de moi. Math. 15. 8.

6. Il seroit à propos de faire quelquefois cette demande aux enfans, après qu'ils ont produit quelque acte de vertu ou recité quelque priere vocale : Votre cœur a-t-il parlé ? Pouvez-vous dire avec le Prophête ? Oui mon Dieu, c'est mon cœur qui vous a parlé. Ps. 26. 8. Ces paroles que je viens de prononcer, ne sont qu'une expression des sentimens de mon cœur.

7. Il est bon de faire faire une petite pause aux enfans après qu'ils ont produit de bouche chaque acte de vertu, & les avertir de la produire de cœur dans ce petit espace de tems & de silence sans prononcer aucune parole : de cette maniere on leur apprend & on les accoutume à prier d'esprit & de cœur : & on forme ainsi de véritables adorateurs qui adorent le Pere en esprit & en verité. Car c'est de tels adorateurs que le Pere cherche. S. Jean, 4. 23.

8. Porter les enfans à faire leurs prieres particulieres vocales dans la langue qu'ils entendent : cela ne contribue pas peu à leur procurer l'attention & la dévotion si nécessaire à la priere. Car, dit S. Paul, si je prie Dieu en une langue que je n'entens pas, le souffle de ma bouche prie, mais mon esprit & mon intelligence est sans fruit : que ferai-je donc ? je prierai de cœur & de bouche, mais je prierai aussi avec intelligence. 1. aux Cor. 14. 14.

9. Répéter souvent aux enfans que c'est manquer de respect pour Dieu, s'attirer des distractions & n'avoir point de dévotion, que de regarder de côté & d'autre, de badiner, de causer, &c. quand on est occupé à la priere ; & que par conséquent ils doivent éviter avec soin ces défauts lorsqu'ils prient.

CHAPITRE XXI.
Maniere de former les enfans dans l'exercice de la priere.
I. De la priere vocale.

Préparez votre ame avant la priere, & ne soiez point comme un homme qui tente Dieu. Eccli. 18. 23. 1. Il faut donc préparer les enfans à la priere, si on veut qu'ils s'accquitent dignement de ce saint exercice : & pour cela leur donner d'abord une grande idée de l'action qu'ils vont faire, les avertir que Dieu va leur parler & qu'ils vont parler à Dieu, à qui ils doivent parler avec bien plus de respect & d'application que quand ils parlent aux hommes. Il semble qu'il n'est ni moins juste ni moins naturel de préparer & de prévenir les enfans lorsqu'ils doivent parler à Dieu, que de les préparer & de les prévenir comme on a accoutumé de faire & comme on le doit, quand ils doivent parler à quelque personne d'un rang ou d'une qualité distinguée.

2. Les faire mettre dans une posture humble & respectueuse, c'est-à-dire, les deux genoux en terre & sans appuier ni leur bras ni leurs corps sur quoi que ce soit.

3. Les faire prier Dieu tout haut, & les obliger de prononcer distinctement toute les paroles sans se précipiter, ni se presser, de peur qu'à force de parler trop vite, ils ne s'accoutument à ne prononcer ce qu'ils disent qu'à moitié, & qu'ils ne soient même réduits à ne le pouvoir plus prononcer, quand ils veulent parler posément.

4. Leur faire prendre un ton de voix, humble, doux, & moderé afin de les inviter par-là non seulement à faire attention à ce qu'ils disent & à celui à qui ils parlent, mais encore à être touchez intérieurement. Rien n'y contribue plus que le son & l'inflexion de la voix de celui qui prie, aussi-bien que sa posture.

5. Veiller & prendre garde qu'ils prient sans tourner la tête de côté & d'autre ; afin qu'on connoisse par l'immobilité de leur corps que leur esprit est attentif à ce qu'ils font, & à ce qu'ils disent ; & qu'ils se regardent comme étant en la presence de Dieu.

6. Les avertir souvent d'appliquer leur esprit à ce qu'ils disent, & de faire leur priere vocale plus de cœur que de bouche, parce que Dieu n'écoute que la voix du cœur.

II. De la priere du cœur.

1. Quand les enfans sont capables de reflexions, il faut leur enseigner à en faire sur les véritez de la Religion & à méditer la loi de Dieu, pour regler leur vie & y conformer leur conduite ; ou pour éxaminer en quoi ils ont manqué contre cette loi, afin d'en faire pénitence. Enfin on doit leur apprendre la maniere de prier d'esprit & de cœur, sans prononcer aucune parole ; & à adorer Dieu en esprit & en vérité ; à s'entretenir avec lui intérieurement, à l'entendre parler & à lui parler dans le fond de leur ame. Rien n'est si important que de former de bonne heure les enfans à cet excercice de la vie chrétienne : c'est le grand moien d'en faire des Chrétiens intérieurs & des Saints.

Appliquez toute votre pensée, dit le saint-Esprit, à ce que Dieu vous ordonne, & il vous donnera lui-même un cœur, & la sagesse que vous desirez vous sera donnée. Eccli. 6. 37.

II. Mais tout Chrétien est-il capable de cet exercice ? Oui sans doute. Car il peut avec le secours de la grace, appliquer sa memoire, son entendement, & sa volonté à quelque vérité chrétienne. 1. sa memoire en la retenant quand il l'a lûe ou entendu, 2. son entendement en considérant, en raisonnant, & reflechissant sur cette verité, & s'en faisant à lui-même l'application par raport au passé, au present & à l'avenir, 3. Sa volonté en produisant des affections & faisant des résolutions conformes à cette verité & proportionnées à ses besoins, soit pour la correction de ses mœurs, soit pour son progrès dans la vertu. En un mot, il n'y a personne qui ne puisse étant aidé de la grace, faire pour l'affaire de son salut éternel ce qu'il fait tous les jours pour ses affaires temporelles, c'est-à-dire, s'en occuper, y penser sérieusement, y reflechir profondément, la mediter à loisir, s'en nourrir, & prendre les mesures nécessaires pour la faire réussir. Par ce moien on accoutume les enfans à faire de bonnes reflexions sur tout. Or c'est par la reflexion que l'on devient sage dans le monde, habile dans les sciences, & parfait Chrétien.

III. Les Maîtres et les Maitresses pour disposer les enfans à cette priere intérieure, les instruisent de la maniere de bien faire une bonne lecture spirituelle, qui consiste à demander d'abord à Dieu les lumieres & les graces dont on a besoin pour bien faire ; à lire ensuite à plusieurs reprises un sujet de pieté, & à chaque reprise à y faire un peu de reflexion, à s'exciter avec le secours de la grace à quelques bons sentimens & à prendre quelque sainte résolution, à reprendre son livre quand on se voit distrait, & à faire la même chose qu'à la premiere reprise.

IV. Ils leur apprennent un autre pratique de pieté qui est de reciter à genoux & avec attention quelque priere vocale, comme l'Oraison Dominicale, la Salutation Angelique, ou quelque Pseaume en François, ou quelqu'autre chose semblable, & de tems en tems de s'arrêter un peu pour penser à ce qu'on a recité, & tâcher d'entrer dans les sentimens exprimés dans ce qu'on a prononcé de bouche. Cette pratique est une espece d'Oraison en partie vocale, & en partie mentale & intérieure : c'est un moien admirable pour s'accoutumer à bien faire ses prieres vocales ; & par-là on se dispose insensiblement à l'Oraison du cœur.

V. Une autre maniere de prier est de se mettre devant Dieu, après avoir pensé qu'il nous regarde, faire simplement quelques actes de fois, d'amour de Dieu, de confiance, d'espérance en sa miséricorde, d'aveu de nos miséres, de desirs de lui plaire, d'abandon à sa providence, disant à Dieu quelques paroles ferventes. Par exemple, O mon Dieu quand serai-je tout à vous ? quand vous aimerai-je de tout mon cœur. O Jesus, mon Sauveur, je vous demande pardon....Mon Dieu j'espere que vous me ferez miséricorde. O Jesus fils de David aiez pitié de moi....Mon Dieu que je vous connoisse & que je me connoisse aussi, & d'autres semblables. On peut repeter plusieurs fois de bouche et encore plus de cœur les mêmes paroles, tachant d’en comprendre le sens, & passer ainsi un quart d’heure, plus ou moins devant Dieu.

VI. La derniere pratique qui est encore plus facile, & qui peut toujours être d’un grand secours, quand les autres manquent, consiste à se regarder comme une chétive créature, incapable de parler à Dieu, indigne de paroître devant sa Majesté, qui ne méritant pas d’avoir aucune bonne pensée ni aucun bon sentiment se tient prête comme la Cananée à recueillir les miettes qui tomberont de la table de ce souverain Pere de famille ; ou comme un pauvre qui est à la porte d’un riche, qui ne parle pas toujours, qui ne crie pas toujours, mais sa presence demande pour lui, il se contente qu’on sçache qu’il est là, il y demeure malgré les mépris & les rebuts ; & ce qu’on lui avoit refusé d’abord, il l’obtient enfin par son humilité & par sa patience. Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/223 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/224 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/225 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/226 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/227 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/228 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/229 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/230 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/231 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/232 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/233 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/234 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/235 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/236 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/237 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/238 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/239

Quand l’heure ou cloche sonne.


FAites-moi la grâce, ô mon Dieu, de bien vivre & de bien mourir. ou bien,

Je vous aimerai, Seigneur, vous qui êtes ma force, ou bien, J’espere en votre miséricorde. ou bien,

Mon Dieu, & mon tout. ou bien,

Dieu de mon cœur mon partage pour toute l’éternité : Qui me séparera de Jesus-Christ ? Qui m’empêchera de l’aimer ? ou bien,

Vous êtes mon Dieu, mon sort est entre vos mains. ou bien,

Seigneur, aiez pitié de moi selon votre grande mifériçorde. ou bien,

Mon Dieu, quand serai-je assez heureux pour vous posséder dans le ciel. ou bien,

Aiez pitié de moi Seigneur, parce que je suis foible. Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/241 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/242 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/243 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/244 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/245 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/246 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/247 de ses vices & de ses mauvaises inclinations.

En se mettant au lit.

Elairez-moi, seigneur, de la lumiere e votre grace, afin que je ne m'endorme point du sommeil de la mort.

Etant au lit.

Seigneur, je remets mon ame entre vos mains,: préservez-moi du peché, & d'une mort imprévue. Au nom du Pere, & du Fils & du saint-Esprit. Ainsi soit-il.

CHAPITRE XXVI.
Du service Divin.

1. Les Maîtres & les Maitresses d'Ecole tacheront d'inspirer aux enfans qui leur sont confiez, de l'amour pour le service Divin, & sur tout pour celui de leur Paroisse. Ils les instruiront sur la pieté, le recueillement, le respect & la modestie qu'ils doivent y faire paroître, & de la maniere de s'occuper dans le tems qu'ils y assistent, pour le faire avec fruits. Car il est de la derniere conséquence de former de bonne heure les enfans à ces devoirs de religion, & de leur en faire pratiquer les actes avec une grande exactitude, afin qu'ils en prennent une sainte habitude pendant qu'ils vont à l'Ecole. C'est le moien qu'ils continuent de s'acquiter de ces obligations de la même maniere le reste de leur vie.

II. Comme le Servie Divin renferme la Sainte Messe & les offices publics de l'Eglise, ils les instruiront de ces deux devoirs de religion : on doit apprendre aux enfans dans les Ecoles à s'y occuper de la maniere dont il sont capables & qui convient à l'un & à l'autres.

III. Pour ce qui est de la Sainte Messe, on doit leur donner d'abord une grande idée de ce Mystère redoutable, & les porter à y assister avec beaucoup de foi, de modestie & de pieté, toutes les fois que leurs Maîtres et Maitresses jugeront à propos qu'ils y assistent. Apprendre à ceux qui ne sçavent pas lire, les prieres qu'ils peuvent faire dans ce tems-là, ou le Chapelet qu'ils doivent reciter tantôt en Latin tantôt en François, mais avec pieté. Recommander à ceux qui sçavent lire, de suivre le Prêtre dans chaque priere & dans chaque action du sacrifice, en recitant l'Exercice de la Sainte Messe qui se trouve dans presque tous les livres de pieté.

IV. On doit encore apprendre aux enfans dans les Ecoles à assister avec pieté aux offices publics de l'Eglise, à y chanter les louanges de Dieu, ou à les entendre chanter par les autres, ou à reciter en leur particulier ces prieres publiques, ou à faire d'autres prieres. Si les garçons chantent dans ces offices publics, il faut les avertir de suivre le chœur & de ne pas causer de desordre, mais de le faire avec modestie & d'un ton de voix pieux & édifiant, chacun de son côté.

V. Il est important de porter & d'accoutumer les enfans pendant qu'ils vont à l'Ecole, à aller exactement des Dimanches & les Fêtes à la Messe de leur Paroisse, au Prône, à Vêpres, au Catechisme, aux Instructions & à tous les Offices publics qui se font dans leurs Paroisses, & à y assister d'une maniere qui puisse être agréable à Dieu, édifiante au prochain, & salutaire à eux-mêmes.

VI. On peut dire que le principe du dérangement & du déreglement des jeunes gens, vient souvent de leur infidélité à ces devoirs de religion dans leur Paroisse, ou de ce qu'ils s'en acquitent mal après être sortis des Ecoles. C'est ce que l'experience ne fait que trop connoître tous les jours. Ce malheur est si ordinaire & si commun qu'on ne sçauroit assez conjurer les Maîtres et les Maitresses d'Ecole, de faire tous leurs efforts pour les prévenir dans les enfans dont il sont chargés, en leur recommandant sans cesse de n'oublier jamais ces obligations, ni la maniere de les remplir ; & en s'appliquant avec un soin particulier à les bien former là-dessus & à les y accoutumer.

Il est nécessaire que ceux qui font l'Ecole les menent à la Messe, & aux autres offices publics, qu'ils les aient sous leurs yeux, pour leur apprendre par la pratique la maniere d'y assister, & de révérer les Saints Mysteres, comme ils doivent ; & pour les tenir dans la modestie, le silence, le recueillement & l'application à la priere. Il n'est pas possible, sans cela, que les enfans y assistent comme il faut : ils n'y font paroître ni application, ni crainte de Dieu : ils s'assemblent pour caufer pendant les saints Mysteres, pour badiner, & souvent pour se quereller & se battre. En un mot, ils ne prient point, & ne donnent aucune marque de pieté & de Christianisme.

CHAPITRE XXVII.
Des Sacremens.

Une des grandes obligations des Maîtres & des Maitresses d'Ecole à l'égard des enfans dont ils sont chargez, c'est de leur apprendre à profiter des Sacremens qu'ils ont déja reçûs, à recevoir dignement ceux dont ils sont capables ; & à s'y préparer par leur bonne conduite, & par leurs prieres.

Ils ne sçauroient trop souvent avertir les enfans qui ont le bonheur de posséder la grace qu'ils ont reçûe dans les Sacremens, de la ranimer de tems en tems : ni exhorter avec assez d'insistance ceux qui ont eu le malheur de la perdre par le peché mortel, à ne point tarder à la recouvrer par une véritable & sincere penitence.

Ils doivent leur inspirer de santifier le jour anniversaire de leur batême, & leur faire observer ce qui est marqué dans la Conduite imprimée pour cela, chez Philippe-Nicolas Lottin, Imprimeur de cet Essai les faisant ressouvenir de ratifier les promesses & de renouveller la profession du Christianisme que leurs Pareins & leurs Mareines ont faites pour eux sur les fonts du Batême,

1. Aussi-tôt qu’ils ont l’usage de la raison ;

2. Le jour anniversaire de leur Batême ;

3. Avant que de recevoir le Sacrement de la Confirmation ;

4. Les veilles ou les jours de Pâques & de la Pentecôte ;

5. Les Fêtes de la Sainte Trinité, de l’Epiphanie & de la Dedicace ;

6. Les jours de la Presentation de Jesus-christ & de la Sainte Vierge au Temple ;

7. Enfin lorsqu’ils sont dangereusement malades.

Ils doivent exhorter ceux qui ont été confirmez, à se renouveller dans l’esprit qu’ils ont reçû dans ce Sacrement.

1. Le jour anniversaire de leur Confirmation.

2. A la Fête ou dans l’octave de la Pentecôte.

Ils disposeront les enfans qui ont l’usage de raison, à s'approcher de tems en tems du sacrement de penitence ; ils les prépareront tous à se confesser aux approches des grandes Fêtes de l’année, & ils les adresseront aux Confesseurs sages & éclairez de leur Paroisse. Ils les porteront à demander pardon à leurs Peres & à leurs Meres avant ou après la Confession qu’ils font à la fin de l’année & à Pâques, & à leur demander leur benediction au commencement de l’année. Ils porteront ceux qui se disposent à leur premiere Communion, à se confesser tous les mois dans l'année qui la précede, & tous les quinze jours dans les trois derniers mois.

Ils apprendront aux uns & aux autres les préparations qu'il faut apporter à ce sacrement ; c'est-à-dire, qu'ils les instruiront de la pratique de l'Examen, de la Contrition, & de la Confession ; ou ce qu'il faut qu'ils fassent, 1. Pour connoître leurs pechés : 2. Pour concevoir une vive douleur, & former une ferme résolution de ne les plus commettre : 3. Pour les déclarer dans le Tribunal de la penitence.

Ils peuvent se servir pour cela de quelque Conduite pour la Confession, qui soit courte & facile, & ils leur feront répeter avant qu'ils se presentent à ce Sacrement, les dispositions qu'ils auront eu soin de leur faire apprendre auparavant. Enfin, ils leur liront l'Examen de Conscience, & leur feront faire attention sur les pechez dont ils peuvent être coupables.

2. Ils leur representeront les motifs les plus capables avec le secours de la grace, de les porter à des sentimens d'une sincére penitence.

3. Ils leur feront produire à genoux les Actes de Contrition marqués dans la Conduite pour la Confession ; & afin de leur faciliter cette pratique, ils les produiront eux-mêmes pour eux & en leur nom, avant qu'ils se presentent au Confessionnal.

4. Ils leur répéteront & leur feront répéter ce qu'il faut observer ; 1. Avant que d'entrer dans Confessional ; 2. Lorsqu'ils y sont entrez ; 3. Après qu'ils en sont sortis, pour faire cette grande & importante action avec toute l'éxactitude & toute la perfection dont ils sont capables, soit pour l'intérieur, soit pour l'extérieur. Il seroit quelque fois bon que les Maîtres & les Maitresses d'Ecole eussent une entrevûe, si cela se pouvoit, avec les Confesseurs de leurs enfans, pour leur communiquer les connoissances qu'ils ont du caractere de leurs esprits, de leurs inclinations, de leurs défauts. Car les Confesseurs ne peuvent pas connoître autant qu'ils doivent, les enfans, par ce qu'ils leur disent d'eux-mêmes : & l'obligation qu'ont les Maîtres & les Maitresses de leur ménager autant qu'il est en eux, tous les moiens de salut, doit les porter à faire de leur côté tout ce qu'ils peuvent, pour empêcher que les Confesseurs ne s'y méprennent, & que les enfans n'abusent du Sacrement.

Ils enseigneront aux enfans selon leur capacité ce qui peut les rendre indignes de l'absolution, afin que s'il arrive que les Confesseurs la leur refusent, ou la leur different, il se soumettent avec respect à leur jugement. ment, & qu'ils travaillent à s'en rendre dignes, & pour cela, ils leur liront les cas où ils doivent s'y attendre, & ne point trouver mauvais qu'on leur refuse ou qu'on leur differe l'absolution selon l'esprit de l'Eglise.

Un Chrétien n'est pas en état de recevoir l'absolution.

1. Quand il est dans l'habitude du peché mortel, jusqu'à ce qu'il s'en soit corrigé.

2. Quand il est dans l'occasion prochaine du peché, jusqu'à ce qu'il en soit sorti.

3. Quand il est dans l'inimitié, jusqu'à ce qu'il se soit réconcilié.

4. Quand il a fait tort au prochain, jusqu'à ce qu'il l'ait réparé, s'il le peut, sur tout lorsqu'il l'a déjà promis, sans tenir sa parole.

5. Quand il ignore les devoirs generaux du Chrsitianisme, & les devoirs particuliers de son état, jusqu'à ce qu'il en soit instruit. 6. Enfin quand il se presente au Tribunal de la penitence ; 1. Sans avoir fait un éxamen suffisant de ses pechez ; 2. Sans avoir fait ce qui est nécessaire pour avoir la contrition ; 3. Lorsqu'il n'a pas fait la déclaration entiere de ses pechez ; 4. Quand il ne veut pas accepter ni faire la penitence salutaire & convenable que le Confesseur veut lui imposer.

Il seroit à propos, si cela étoit possible, que les Maîtres et les Maitresses d'Ecole menassent leurs enfans à l'Eglise au jour & à l'heure que les Confesseurs leur auront marquez pour les confesser, & qu'ils restassent pendant qu'ils les confessent, afin de les contenir dans la modestie, le silence, & le recueillement convenable à cette importante action.

Quand il y aura dans leurs Ecoles quelques enfans qui prétendent faire leur premiere Communion, ils n'épargneront rien pour les aider à s'y disposer pendant l'année qui la précede, ils leur feront apprendre & pratiquer ce qui est marqué dans le Conduite pour bien faire la premiere communion imprimée à Rouen chez la veuve Oursel.

Ils doivent regarder cette action comme une des plus importantes de leur ministere, y donner tout ce qu'ils ont de lumiere, de pieté, d'assiduité, afin que rien ne manque à ces ames lorsque le Roi du ciel y fera son entrée ; & que ces nouveaux Temples du Très-haut soient pourvûs de tous les ornemens nécessaires pour le culte du vrai Dieu qui veut y être adoré en esprit & en verité.

Ce sont-là les moiens de conduire les enfans à Jesus-Christ & d'attirer sur-eux & sur les Maîtres & sur les Maitresses d'Ecole, tous les effets de sa bonté & de sa misericorde : c'est ainsi qu'une Ecole devient l'objet des plus tendres regard du Dieu de tout grace, & l'Ecole de celui qui est notre unique Maître, & que le Pere celeste nous ordonne d'écouter.

CHAPITRE XXVIII.
De l'esprit de Religion qu'il faut inspirer
aux enfans dans les Ecoles.

Le peu de Religion qu'il y a même dans le Christianisme vient du peu de soin qu'on a d'en inspirer l'esprit aux enfans dès leur plus tendre jeunesse, où ils sont plus susceptibles des impressions qu'on peut leur donner de cette vertu. Il est donc important que les Maîtres & les Maitresses s'appliquent à en faire souvent des leçons aux enfans, dans les Ecoles dont ils ont la conduite : ce qui consiste,

1. A leur donner une haute idée de l'excellence & de la grandeur de Dieu, de Jesus-Christ son Fils, & de toutes les choses saintes.

2. A leur imprimer les sentimens d'estime & de respect que méritent ces grands objets.

3. A les porter à donner au dehors des témoignages de ces sentimens & de ces dispositions, & à faire une profession extérieure de rendre à Dieu, à Jesus-Christ son Fils, & à toutes les choses saintes, le culte & la vénération qui leur sont dûs à proportion de leur excellence & de leur grandeur, par l'exercice des principaux actes de cette vertu, qui sont l'adoration, le sacrifice, la priere, &c.

Il est donc du devoir des Maîtres & des Maitresses d'Ecole d'inspirer aux enfans qui leur sont confiez, l'esprit de Religion, & de les porter à pratiquer cette vertu, c'est-à-dire, à rendre tant intérieurement qu'extérieurement, 1. Le culte souverain qui est dû à Dieu & à Jesus-Christ son Fils, à ses Misteres, à ses Sacremens, à sa parole, &c.

2. L'honneur qui est dû à la Sainte Vierge en qualité de Mere de Dieu ;

3. Celui qui est dû aux Saints & aux Saintes du Paradis, à leurs Reliques, à leurs Images ;

4. Le respect qui est dû, 1. Aux personnes consacrées à Dieu, comme aux Ecclesiastiques, aux Religieux & aux Religieuse, 2. Aux jours dédiés au service de Dieu, comme sont les Dimanches & les Fêtes ;

5. La vénération qui est dûe aux choses destinées au culte de Dieu comme sont les vases sacrés, les ornemens de l'Eglise ;

Enfin, le profond respect qui est dû aux lieux Saints, où Dieu veut bien demeurer avec nous comme dans sa maison, où il nous reçoit avec tant de bonté & de miséricorde ; où il y a les yeux ouverts sur ceux qui y sont, les oreilles attentives aux prieres qu'on fait en ce lieu, & le cœur attaché & attendri sur les besoins de ceux qui s'y presentent devant lui ; & où par conséquent il faut paroître avec un exterieur & un intérieur plein de Religion ; garder la modestie dans ses regards, la retenue dans ses paroles, la bienséance dans sa posture ; s'occuper à adorer Dieu en esprit & en vérité, & à lui rendre ses autres devoirs, & à invoquer les Saints ; s'appliquer à se sanctifier soi-même par la réception des Sacremens, par la fidélité à y entendre la parole de Dieu, par l'éxercice de la priere ; se donner bien de garde de profaner ce saint lieu par aucun peché ; veiller sur soi-même pour y éviter les immodesties, pour en bannir les discours inutiles & pour n'y point avoir de regard curieux. Quand les Maîtres & les Maitresses peuvent avoir leurs enfans à l'Eglise sous leurs yeux, ils doivent être attentifs à les tenir dans le respect, la modestie & la bienséance ; & à les obliger à prier Dieu sans dissipation. C'est une seconde Ecole où l'on doit faire tirer le fruit de la premiere, en leur apprenant par la pratique à honorer le lieu saint, à révérer les Misteres qui s'y célébrent, à y assister avec pieté & avec foi ; à y adorer Dieu dans son saint Temple ; enfin à y louer le Seigneur par le chant des Pseaumes, des Hymnes & des Cantiques Spirituels.

Les Maitresses apprendront à leurs filles à se mettre dans un exterieur qui montre la pudeur peinte sur leur visage, dans leur air & leurs manieres ; & à garder la modestie dans leurs habits, leurs parures & leurs ajustemens. Elles leur inspireront une grande horreur de ces nudités honteuses des gens du monde, qui découvrent leur gorge, leur rein, & leurs épaules, & qui se coiffent d'une maniere qui ne convient qu'à des personnes déréglées. Elles leur recommanderont souvent de ne jamais paroître en cet état nulle part, mais beaucoup moins dans les lieux saints, & dans la reception des Sacremens. Elles leur feront mettre des mouchoirs qui les cachent entièrement, & non de ces mouchoirs qui laissent voir une partie de leur nudité. Elles les instruiront sur cela, & leur feront voir que ce sont-là en partie ces pompes de satan ausquelles elles ont renoncé dans leur Batême ; & que c'est violer les vœux & les promesses qu'elles y ont faites à Dieu, que de s'ajuster de cette maniere. Elles leur donneront la même horreur du fard & des mouches, qui sont des choses dont le démon est l'auteur, & qu'il inspire à celles qui sont à lui, pour défigurer l'ouvrage & l'image de Dieu, que le peché de nos premiers parens avoit effacée, & qui Jesus-christ avoit renouvellée en elles par la grace du Batême.

CHAPITRE XXIX.
Du chant des Pseaumes, des Hymnes & des Cantiques Spirituels.

Il est très important pour le salut des enfans, de ne point laisser souiller leurs yeux, leurs oreilles, & leur langue par des chansons profanes & impures. C'est-pourquoi les Maîtres & les Maitresses d'Ecole leur apprendront à chanter des Pseaumes, des Hymnes, & des Cantiques Spirituels, qui leur donnent la même satisfaction ; qui les élevent en même tems à Dieu, & les instruisent de leur Religion. Ils tacheront de leur donner du goût pour cet exercice : il ne peuvent rendre un plus grand service au public que de leur faire apprendre ces Cantiques & les leur faire chanter, & de leur donner beaucoup d'horreur & de mépris pour les chansons profanes dont le monde est plein & qui sont pour la plûpart si contraires à la pudeur, à la pieté, & à la Religion ; ils prendront extremement garde qu'on ne leur en apprenne jamais, & s'ils en trouvent entre leurs mains, ou chez leurs Peres & leur Meres, ils les enleveront & les bruleront ; elles ne méritent que le feu.

Ils s'animeront à ce devoir important par les exhortations que le saint Roi David nous fait si souvent dans les Pseaumes, de chanter les louanges de Dieu. Chantez, dit-il, un nouveau Cantique à la louange du Seigneur. Ps 95. 1. Chantez des Hymnes au Seigneur, vous tous qui habitez la terre, chantez des Cantiques & benissez son nom. Ps. 95, 2. Remplissez-vous du Saint-Esprit, dit S. Paul, vous entretenant de Pseaumes, d'Hymnes & de Cantiques Spirituels. aux Eph. 5. 18, 19. Instruisez-vous & exhortez-vous les uns les autres, par des Pseaumes, des Hymnes & des Cantiques Spirituels. aux Col. 3. 16.

Ils imiteront en cela la conduite des Saint Peres qui faisoient chanter aux fidéles de l’un & de l’autre sexe des Cantiques de dévotion en langue vulgaire ; C’a été celle de S. Basile, de S. Gregoire de Nazianze, de S. Jean Chrysostome, de S. Jerôme, de S. Ambroise, de S. Augustin ; C’a été celle du sçavant Gerson Chancelier de l’Université de Paris, de S. François Xavier ; C’a été & c’est encore la pratique des plus sçavans & des plus zêlez Missionnaires de France, qui ont été & qui sont encore autorisés en cela par Messeigneurs les Prélats de ce roiaume, qui ont approuvé & approuvent avec éloge la méthode d’occuper & d’instruire les peuples par le moien des Cantiques Spirituels.

« Les pourceaux, dit S. Chrisostome, courent aux lieux où il y a de la boue & de l’ordure, les abeilles au contraire aiment les parfums & les odeurs agréables. De même les démons entrent en foule dans ceux qui chantent des chansons impures ; & au contraire la grace du Saint-Esprit se répand sur ceux qui chantent des Cantiques Spirituels, & il santifie leurs ames & leurs bouches : au lieu donc que les gens du monde font un theatre de leur maison, vous devez faire une Eglise de la vôtre. Car on peut bien regarder comme des Eglises les lieux qui sont santifiez par les Pseaumes, les Hymnes, & les Cantiques Spirituels, & par la conspiration de plusieurs personnes qui ne se trouvent dans la même compagnie que pour s’unir dans les louanges de Dieu. Comme l’esprit impur, dit encore ce Pere aux fidéles de Constantinoples, s’empare de l’ame de ceux qui chantent des chansons diaboliques ; ainsi l’Esprit Saint verse la plénitude de ses graces sur ceux qui chantent des Hymnes & des Cantiques. Rien n’est plus propre à inspirer l’amour de la pureté aux enfans, à consacrer leur esprit, leur mémoire, leur bouche, & leurs oreilles au Seigneur. Rien n’est plus propre à porter à Dieu ceux de la maison & du quartier qui les entendent. C'est un excellent moien pour adoucir le travail, pour se consoler dans l’affliction, & pour se réjouir au Seigneur dans la prospérité. » On a presentement beaucoup de Cantiques Spirituels imprimés où les mysteres de la Religion & les devoirs de la pieté chrétienne sont heureusement exprimés, & que l’on a mis sur des chants & sur des airs fort harmonieux, & qui en divertissant agréablement l’esprit, le portent à Dieu & nourrissent la pieté dans les ames, & sont un remede pour empêcher le ravage que le démon fait dans le monde par les chansons dissolues & profanes que l’on chante par tout : & rien n’est plus propre que le chant pour faire passer les vérités saintes de la bouche dans le cœur.

Pour faciliter l’usage du chant des Cantiques il faut, 1. Commencer par des airs aisez, 2. En faire chanter peu à la fois, 3. Former deux ou trois enfans qui aient un peu de voix en leur apprenant l’air du Cantique que l’on doit chanter, afin qu’ils puissent conduire les autres enfans qui chantent, & les soutenir dans le chant du Cantique, 4. Faire commencer un vers ou deux de chaque couplet du Cantique par un ou deux enfans, & le faire ensuite répeter aux autres, & faire chanter ainsi un couplet ou deux de quelque Cantique à la fin de la classe. Le zêle qu’un Maître d’Ecole doit avoir pour le chant des louanges de Dieu doit le porter à apprendre à chanter à ceux des ses écoliers qui ont de la voix & à la disposition pour le chant, afin qu'ils puissent aider à chanter à l'Eglise. Il leur apprendra aussi à répondre posément & distinctement à la sainte Messe, & à y servir modestement & devotement : & il leur fera de tems en tems une répétition des cérémonies qu'ils doivent y observer. Il leur enseignera encore à porter un chandelier, l'encensoir, la croix, & à faire d'autres fonctions pour aider les Prêtres.

Chapitre XXX.
Devoirs des Maîtres & des Maitresses d'Ecole
à l'égard de leurs Superieurs.

1. Les Maîtres & les Maitresses d'Ecole étant enfans de l'Eglise, ils l'aimeront tendrement comme leur Mere, ils la respecteront comme l'Epouse de Jesus-Christ, ils lui obéïront & se soumettront à ses loix, à ses usages, & à ses décisions comme à l'organe du Saint-Esprit.

II. Ils inculqueront souvent à leurs enfans l'obligation où il sont de demeurer inviolablement attachez à l'Eglise Catholique, Apostolique, & Romaine, hors de laquelle il n'y a point de salut.

III. Ils auront un très profond respect pour notre Saint Pere le Pape Vicaire de Jesus-Christ, & chef visible de l'Eglise.

IV. Ils auront encore un grand respect pour Nosseigneurs leurs Evêques, & executeront avec fidélité tout ce qu'ils auront reglé pour le bon ordre de leur Ecole, touchant les bonnes mœurs & l'avancement des enfans, & il ne travailleront que sous leur autorité. V. Ils auront aussi pour Messieurs leurs Curez une grande vénération, dont il ne manqueront point de leur donner des marques dans les occasions qui pourront se rencontrer, soit par leurs paroles, soit par leurs actions, ne parlant jamais d'eux qu'avec respect, ne faisant jamais rien contre la vénération qu'ils doivent avoir pour eux.

VI. Ils auront toujours pour leurs personnes une grande déférence & vivront dans une particuliere dépendance à leur égard : & pour cela ils ne feront rien de nouveau par rapport à l'Ecole & n'omettront rien que par leur avis & de leur consentement.

VII. Ils prieront Monsieur leur Pasteur de leur donner les avis qu'il jugera leur être nécessaires, soit pour leur conduite particuliere, soit pour celle de leur Ecole : ils les recevront avec respect, & feront tous leurs efforts pour en profiter. VIII. Ils n'oublieront jamais le respect qu'ils doivent aux Prêtres & à ceux qui sont dans les Ordres, & même aux Tonsurez.

IX. Ils feront ensorte, s'ils le peuvent, de ne point manquer d'assister les Dimanches & les Fêtes au Catechisme qui se fait à l'Eglise, soit pour donner bon exemple aux Paroissiens ; soit pour voir si leurs enfans répondront bien sur ce qu'ils leur auront enseigné pendant la semaine ; soit pour apprendre à faire eux-mêmes le Catéchisme à leurs Ecoliers dans l'Ecole ; soit pour aider le Catechiste à contenir les enfans dans la modestie & dans le silence qu'ils doivent garder en ce tems-là.

X. Ils prieront Monsieur leur Pasteur de vouloir bien visiter de tems en tems leurs Ecoles : & quand il leur fera cet honneur ils lui rendront un compte éxact de la conduite de leurs enfans bonne ou mauvaise.

CHAPITRE XXXI.
De la visite des Ecoles.

Nous avons vû au commencement de cet ouvrage dans la Lettre que le Roi Louis XIV. écrivit en l'année 1688. à Monseigneur de Nemond Evêque de Bayeux, quel étoit le sentiment de ce grand Monarque au sujet des visites des Ecoles : Vous ne sçauriez rien faire, lui dit-il, qui me soit plus agréable que de préposer un Ecclesiastique d'une vertu & d'une capacité distinguée, qui n'ait d'autre occupation que de parcourir tous les lieux de votre Diocese pour visiter les Ecoles & les Maîtres & les Maitresses qui les gouvernent, afin d'éxaminer s'ils s'acquitent de leur devoir, & de les aider de ses conseils pour le bien remplir, avec pouvoir de faire ce qu'il jugera à propos pour l'instruction & l'édification des enfans.

Qu'est-ce qui peut mieux autoriser la visite des Ecoles faites par ceux à qui cette fonction est confiée, que la visite des Maisons Ecclesistiques & Religieuses que les Superieurs Majeurs en font de tems en tems ? On est persuadé dans ces corps que cette pratique est utile & même nécessaire pour y conserver ou y faire revivre l'esprit de leur institut, pour y maintenir ou pour y rétablir la régularité. Pour peu de connoissance qu'on ait des Ecoles on sera également persuadé de l'utilité & de la nécessité de la visite qui en sera faite, soit pour exciter ou pour ranimer le zêle des Maîtres ou des Maitresses ; soit pour contenir ou faire rentrer les enfans dans leur devoir ; soit pour y conserver ou y rétablir la regle & la discipline. Ce sont autant d'éfets que produit une visite exacte, quand elle est bien faite. Il est bon que les Maîtres & les Maitresses d'Ecole soient prévenus en faveur de cette visite, & qu'ils sçachent ce que le visiteur juge à propos d'y observer, afin de contribuer de leur côté à la perfection de cette importante action.

Ce qui fait l'objet de la visite des Ecoles, ce sont, 1. Les Maîtres ou les Maitresses qui les gouvernent, 2. les enfans qui y sont instruits & élevez, 3. L'ordre & la discipline qui doit y être régulièrement observée.

I. Il est important que le visiteur des Ecoles soit informé dans la visite qu'il en fait, de la vie, des mœurs, & de la conduite de ceux ou celles qui les gouvernent ; si leur vie est véritablement chrétienne ; s'ils sont de bonnes mœurs ; si leur conduite est réguliére ; s'ils sont éxacts dans l'accomplissement de leurs devoirs par raport aux enfans dont ils ont la conduite, par raport aux Ecoles qu'ils gouvernent, &c. S'ils observent avec fidélité les regles de conduite nécessaires pour s'acquiter dignement de leur Office, sur lesquelles ils doivent s'attendre & ne point trouver mauvais, que celui qui visitera les Ecoles, les interroge, & s'informe de leurs Pasteurs qui doivent lui en rendre témoignage pour leur bien particulier & pour l'intérêt du public.

Il les exhorte à remplir par raport à Dieu, à leurs Supérieurs, à leurs Ecoliers, à eux-mêmes, tous leurs devoirs, rapportez au long dans cet ouvrage, auquel il doit les renvoier, soit pour s'en instruire, soit pour s'animer à les pratiquer.

II. Il est encore nécessaire que le visiteur soit instruit dans sa visite des bonnes & des mauvaises qualités des enfans de l'Ecole, qu'il sçache le nom de ceux qui sont sages, modestes, pieux, diligens, & éxacts à leurs devoirs, pour les récompenser en leur donnant de petits prix comme des Images, de petits Livres de pieté. Il doit encore sçavoir le nom de libertins, des lâches, des ignorans, des menteurs, des jureurs, pour leur faire de la confusion, ou même pour les faire punir.

C’est aux Maîtres & aux Maîtresses d’Ecole à rendre témoignage à la vérité sur toutes ces choses, il doivent le faire d’autant plus volontiers, qu’ils verront par expérience que les prix qu’on distribue dans la visite aux enfant sages & diligens, & la confusion qu’on fait aux libertins & aux négligens &c. produit un effet merveilleux : & rien n’est plus capable de donner de l’émulation aux uns & aux autres. La récompense & la louange engagent les sages & les diligens à continuer à bien faire : la confusion au contraire & la crainte d’être punis pourront exciter les lâches & les libertins à se corriger, sur tout s’ils voient qu’on prenne leurs noms par écrit.

Les Maîtres et les Maitresses en préparant leurs enfans à cette visite doivent les avertir que le visiteur les examinera sur la lecture, sur l’écriture, sur le catechisme, sur les exercices de pieté qu’ils doivent pratiquer, sur la fréquentation des Sacremens, sur la fidélité à la priere du matin & du soir, s’ils assistent avec soin & avec pieté à la sainte messe, s’ils sont modestes à l’Eglise, obéïssants à leurs Peres & à leurs Meres, fidéles & éxacts à venir à l’Ecole, s’ils y sont sages.

Enfin, il faut que celui qui visite les Ecoles, sçache ce qui s’y passe, comment elles se tiennent, si la discipline y est exactement observée, si l’ordre y regne, si l’Ecole commence à l’heure marquée, si les enfans sont exacts à prévenir cette heure pour pouvoir être tous au commencement de l’Ecole, si on est fidéle à faire la priere avant & après l'Ecole, si le silence s'observe pendant l'Ecole, si les Censeurs font exactement leur devoir, si le Catechisme s'y fait exactement, & si les enfans sont bien instruits de leur Religion & de leurs devoirs.

CINQUIEME PARTIE.
Discipline qui doit être observée dans les Ecoles Chrétiennes.
CHAPITRE PREMIER.

Conduite des Maîtres & des Maitresses pour établir ou conserver une discipline exacte dans leurs Ecoles.

Il n'y a rien de plus important pour les Ecoles Chrétiennes que d'y établir & d'y conserver une discipline éxacte : rien n'est plus nécessaire pour l'avancement des enfans, qui sans cela ne peuvent guere profiter, & pour le soulagement des Maîtres et des Maitresses, qui s'épuisent sans fruit dans l'éxercice de leur emploi. Il faut donc établir solidement & conserver avec soin cette discipline éxacte, dans les Ecoles : mais afin de le faire avec succès, les Maîtres & les Maitresses, les Ecoliers & les Ecolieres, les Peres & les Meres ds enfans doivent y contribuer.

Les Maîtres & les Maitresses sont les premiers qui doivent contribuer à établir & à conserver une exacte discipline dans les Ecoles ; c'est leur principale obligation. Ils sont comme l'ame de ces corps, ils doivent donc les animer, leur donner le mouvement, les regler, & les conserver par la discipline exacte qu'ils doivent y établir & y soutenir, soit pour l'entrée, ou pour la sortie, pour les exercices de la priere & du Catechisme, pour l'ordre dans leur arangement, ou pour la maniere de les conduire & de les gouverner. Le grand secret est de se bien acquiter de ce devoir. C'est une grace de vocation & d'état que Dieu donne à ceux ou à celles qu'il appelle à cet emploi, & un talent qu'il leur confie avec ordre de l'emploier à ce grand ouvrage, & de suivre les regles de la prudence pour y réussir. En voici quelques-unes qu'on a jugé à propos d'exposer dans le Chapitre suivant.

CHAPITRE II.

Quelques regles de prudence que les Maîtres & les Maitresses doivent garder pour établir ou conserver la discipline dans leurs Ecoles.

Les Maîtres & les Maitresses doivent garder dans leurs Ecoles une conduite sérieuse, mais sans gêne & sans affectation ; un air grave & modeste, contribuant beaucoup plus à établir la discipline, le silence, & le respect, que toutes les menaces, les paroles dures, & les châtimens fréquens ; ce n'est souvent que batre l'air. Mais il est important de menacer peu & bien à propos, & d'executer ; de parler peu & de tenir parole ; de se montrer ferme dans les choses qui peuvent avoir des suites. Il faut ne point souffrir le dérangement, ni le désordre ; ne point pardonner ce qui déplaît à Dieu, ou qui offense le prochain, & ce qui tend au déreglement des mœurs, lors qu'àprès avoir suffisamment instruit & averti charitablement, on ne voit pas que les enfans profitent. C'est le véritable moien de se faire craindre & obéïr, & de maintenir le bon ordre.

2. Il est de conséquence pour le bien de toute une Ecole, préférable sans doute au repos des particuliers, de ne pas souffrir ceux qui sont incorrigibles, mais de leur donner leur congé après les avoir éprouvez pendant un tems raisonnable. C'est un scandale préjudiciable à plusieurs ; c'est un mauvais levain qui peut facilement corrompre toute la pâte, & qui se conserve quelquefois long-tems dans une Ecole.

3. Les Maîtres & les Maitresses d'Ecole qui veulent se faire rendre le respect & la soumission qui leur dûe, se donneront bien de garde, 1. De badiner avec les enfans, 2. De se laisser aller à des puerilités en leur preference, 3. De leur parler d'une maniere peu sérieuse, 4. De les railler de leurs défauts, 5. De les tourner en ridicule, 6. De se divertir à leurs dépens, sur tout quand cela n'est pas nécessaire pour corriger certains esprits fiers & insolens, plus sensibles à la confusion qu'au chatiment, 7. De ne jamais rire de leurs fautes, de peur qu'ils n'en fassent un jeu, & qu'enfin perdant toute honte ils ne levent le masque.

4. C’est une conduite basse & indigne, d’user de paroles de flaterie, à l’égard des enfans ; d’avoir des préférences pour ceux qui sont plus riches, ou qui donnent davantage, pour ceux qui ont plus d’esprit, d’enjoument, d’assiduité & de complaisance pour les Maîtres & pour les Maitresses. Ces prédilections mettent la jalousie & la division dans les Ecoles, & ne donnent que du mépris pour les Maîtres & les Maitresses, qui doivent tenir la balance égale autant qu’ils peuvent.

5. Il est juste cependant de préférer dans son estime & dans son affection ceux qui sont plus sages & plus vertueux, & ceux qui profitent d’avantage ; afin de mettre en estime la vertu & l’étude, & de donner une louable émulation ; pourvû qu’on prenne garde de n’en pas faire de petites Idoles, en le leur faisant trop paroître, en leur donnant des louanges excessives, outrées & fréquentes ; conduite capable de gâter les meilleurs sujets, & qui ne leur attire que de l’envie & de la jalousie.

6. La fermeté & l’éxactitude qu’il faut observer dans la conduite des Ecoles, révolte les esprits, lorsqu’on ne sçait pas la temperer par les douceurs de la charité & par la tendresse qu'inspire l’esprit de Dieu, lorsqu’il anime les Maîtres & les Maitresses. Il faut de la sévérité, mais il faut faire aimer aux enfans leur devoir & la discipline, lorsqu’ils se prennent par la douceur : pour ceux ou celles qui ne sont sensibles qu’à la crainte, il faut leur en donner & les y tenir autant que l’on peut, sans en venir au chatiment, si la crainte seule peut suffire.

7. Ils tacheront d’exciter l’émulation tant pour la lecture & l’écriture, que pour le Catechisme, les Sentences de l’Ecriture Sainte, &c. en faisant gagner des places de tems en tems, & en leur donnant des prix. Le profit, l’honneur ou le deshonneur que l’on attache à de certaines places piquent l’amour propre & remuent les esprits, qui sans cela seroient indifferens.

8. Ils établiront l’usage des points de diligence & de négligence, attachant au nombre de 10. ou de 15. points de diligence une récompense, comme une image, &c. & au même nombre de points de négligence un chatiment proportionné.

9. Pour maintenir l’ordre dans l’Ecole & faire garder le silence, tous les exercices qui s’y pratiquent ne devroient se faire que par un signal, comme de frapper pour commencer la priere ; un autre pour se remettre à sa place ; un autre pour commencer la leçon ; frapper deux fois pour avertir qu’un enfant lit ou dit mal. Enfin c’est un grand soulagement pour les Maîtres & les Maitresses, & un grand moien de maintenir le silence & la discipline, de ne commencer ou finir chaque exercice que par quelque signal dont tous soient avertis.

10. Les Maîtres et les Maitresses ne doivent point abandonner leurs Ecoles pour aller montrer en ville ou dans le village pendant le tems qui est consacré à la petite école ; & s’ils se trouvent dans la nécessité d’aller montrer en ville ou dans le village, il faut qu’ils ne le fassent qu’après avoir fait leurs Ecoles selon les regles & avec exactitude.

11. S’il est permis à quelques Maîtres de recevoir chez eux des filles pour les instruire, ils doivent se conduire à leurs égard avec une grande précaution & une singuliere circonspection, ils feront en sorte qu’elles soient toujours séparées des garçons, & ils leur recommanderont souvent de ne se familiariser jamais avec les garçons & de ne point jouer avec eux. Les Maitresses en useront de même à l’égard des garçons, s’il leur étoit permis d’en instruire quelqu’un.

12. Les Maîtres d’Ecole qui sont capables d’enseigner les Ecoliers des Colleges, ne doivent point leur faire de leçons pendant le tems qui est destiné à la petite Ecole : car ils seroient trop partagés, & ils ne donneroient pas tout le tems nécessaire aux enfans de l’Ecole & aux Ecoliers des Classes, pour les faire avancer autant qu’ils pourroient, s’ils faisoient chaque chose dans son tems.

13. Les Maîtres ne doivent point non plus retenir dans leurs Ecoles des Ecoliers avancez en âge, & capables d’aller en Classe ; parce que le tems qu’ils emploieroient à leur instruction, seroit ôté aux enfans de l’Ecole, mais ils pourront leur donner des leçons après l’Ecole ou à la sortie des Classes.

Chapitre III.
De l'exactitude des enfans à garder la
discipline de l'Ecole, 1. pour devenir de bons Chrétiens.

S'il est du devoir des Maîtres & des Maitresses d'établir dans leurs Ecoles une exacte discipline, il est de celui des enfans de la garder, & il est de leur intérêt d'y être fidéles ; car c'est de-là que dépend leur progrez & dans la science & dans la vertu ; il ne peuvent manquer de vivre & de mourir dans l'ignorance, dans le libertinage & dans le desordre, s'ils sont élevez pendant leur jeunesse sans discipline & sans ordre dans le Ecoles. Comme cette discipline tend à rendre les enfans bons Chrétiens & bons Ecoliers, ils doivent être éxacts à en sçavoir & à en suivre les regles pour se perfectionner par raport à ces deux qualitez.

Pour devenir de bons, Chrétiens, ils s'instuiront d'abord de la Doctrine & de la Morale Chrétienne : & pour cela ils écouteront avec attention & avec docilité les leçons qu'on fait dans les Ecoles de l'un & de l'autre. Qu'lls voient & qu'ils méditent encore ce qui est rapporté dans les chapites 9. & 10. de la quatriéme partie de cet ouvrage.

2. Ils apprendront tous les jours deux passages, ou Maximes tirées de l'Ecriture Sainte qui leur auront été marquées ou données en exemple ; & à la fin de chaque semaine ils répeteront toutes les maximes qu'ils auront apprises pendant la semaine.

3. Ils seront appliqués à la lecture de pieté, à la priere du soir & du matin, à celle qui se fait avant & après l'Ecole, demeurant sur tout pendant ces tems-là tranquilles, & modestes, & non dissipés ni évaporés.

4. Ils assisteront à la Sainte Messe soit avant soit après l'Ecole, & ils le feront toujours avec l'attention, la dévotion & le respect que demandent les saints Mysteres. Ils suivront toujours le Prêtre dans chaque priere & dans chaque action du Sacrifice, se servant pour cela d'une Conduite pour entendre la Sainte Messe, selon l'esprit de l'Eglise.

5. Comme Jesus-Christ dans son enfance est le modéle qu'ils doivent imiter, ils feront une étude particuliere de la vie qu'il a menée dans ce tems-là ; & ils n'épargneront rien pour tâcher de copier ce divin modéle. Or le saint Evangile marque principalement deux choses de Jesus-Christ enfant, la premiere qu'il étoit soumis à la sainte Vierge sa Mere & à Saint Joseph ; la seconde, qu'il croissoit en sagesse, en âge, & en grace aux yeux de Dieu & des hommes. S. Luc, 2.51, 52. C'est-à-dire, qu'il donnoit toujours de nouvelles marques de sagesse & de sainteté à mesure qu'il avançoit en âge. Voila dans ce trait d'Histoire en peu de mots le précis & l'abregé de la vie que doivent mener les enfans pendant qu'ils vont à l'Ecole.

1. Ils doivent être soumis & obéïssans à leurs Peres & leurs Meres, à leurs Maîtres & à leurs Maitresses.

2. Ils doivent s'appliquer à croître en sagesse & en sainteté à mesure qu'ils avancent en âge.

Ils doivent se faire un devoir de croître en sagesse, c'est-à-dire, de se rendre de plus en plus sçavans dans la science des Saints & du salut qui consiste, 1. à connoître Dieu, à sçavoir l'aimer, le servir & l'honnorer, 2. à se connoître soi-même & à sçavoir travailler avec succez à avancer l'affaire de son salut éternel.

Les enfans qui vont à l'Ecole doivent encore travailler à croître en sainteté, c'est-à-dire, à fuir le peché & à pratiquer la vertu toujours avec un nouveau zêle.

1. Ils s'abstiendront non seulement du peché, mais aussi de ce qui en a l'apparence : ils en éviteront encore les occasions.

2. Ils ne doivent point avoir l'habitude ni de familiarité avec les libertins, les jureurs, les désobéïssans, les menteurs & generalement avec tous ceux & celles dont leurs Peres ou leurs Meres, leurs Maîtres ou leurs Maitresses leur auront défendu la conversation. Ils fréquenteront les gens de bien, les Ecoliers sages, vertueux, & craignant Dieu.

3. Ils ne voleront jamais ni ne prendront rien à personne, quand ce ne seroit qu'une plume, une feuille de papier, &c.

4. Ils ne joueront jamais à de mauvais jeux, ni à des jeux de hazard.

5. Ils ne diront jamais de sottises, & ils ne les entendront jamais volontairement, ils ne chanteront jamais de mauvaises chansons & ne regarderont point d'objets deshonnêtes, ni ne liront jamais de mauvais livres.

6. Ils ne battront jamais personne, ni ne se revangeront point : il ne jetteront point de pierres ni dans les rues, ni à qui que ce soit.

7. Ils se donneront bien de garde de jurer, ou de dire des injures, ou de donner des noms desobligeans à leurs compagnons, à des filles, ou à d'autres personnes.

8. Ils éviteront avec soin le mensonge.

Enfin, ils méditeront ce qui est rapporté dans les Chapitres 11, 12, 13 & 14. de la quatriéme partie de cet ouvrage.

Comme la sainteté chrétienne ne consiste pas seulement à éviter le peché, mais à pratiquer la vertu, les enfans doivent se faire un devoir de pratiquer les vertus Theologales, Cardinales, & Morales, dont ils peuvent trouver le détail dans les Instructions de la Morale Chrétienne rapportées dans les Chapitres 6, 9, 10, 15, 16, & 17. de la quatrième partie de cet ouvrage.

CHAPITRE IV.
De l'éxactitude des enfans à garder la discipline de
l'Ecole pour devenir de bons Ecoliers

Mon fils, dès votre premier âge aimez à être instruit, & vous aquererez une sagesse qui vous durera jusqu'à la vieillesse. Eccli. 6.18.

Les enfans pour devenir de bons Ecoliers doivent en premier lieu s'instruire des regles de la discipline de l'Ecole, & être fidéles à les garder, à suivre l'ordre prescrit par les Maîtres & les Maitresses : en un mot observer avec une grande exactitude le Reglement établi dans l'Ecole où ils vont : & pour cela, 1. Ils seront fidéles à se rendre à l'Ecole à l'heure marquée.

2. Ils se mettront à la place qui leur a été assignée, dont ils ne sortiront point, & qu'ils ne changeront point sans permission.

3. Ils garderont dans l'Ecole un profond silence, sans parler à personne, ni causer avec leurs voisins.

4. S'ils ont quelque chose à demander ils leveront le main pour avoir la permission de parler.

5. Ils observeront une grande modestie, se tenant toujours dans une posture décente.

6. Il ne seront jamais oisifs dans l'Ecole ; mais il feront un bon usage du tems : ils seront toujours occupez soit à préparer leurs leçons, soit à les revoir après les avoir dites, soit à apprendre leur Catechisme, ou des maximes tirées de l'Ecriture Sainte, ou à faire leurs exemples, ou à copier ce qui leur aura été marqué, ou à faire leur regle de l'Arithmetique qu'on leur aura donnée.

7. Ils ne s'arrêteront point dans les rues, ni dans les places publiques.

8. Ils se donneront bien de garde de courir en allant ou en retournant de l'Ecole ; ils éviteront les crieries & les badineries.

9. Ils ne s'absenteront jamais de l'Ecole, & pendant qu'on la fait, ils n'en sortiront pas sans nécessité, & sans permission.

Celui qui observe la discipline est dans le chemin de la vie. Prov. 10. 17.

CHAPITRE V.
Les parens des enfans doivent aussi contribuer à maintenir
& à soutenir la discipline établie dans les Ecoles.

Puisque l'avancement & le progrès des enfans dans la science & dans la pieté, dépend de la discipline éxacte qui s'observe dans les Ecoles où ils sont élevez, il n'y a pas de doute que les Peres & les Meres ne doivent de leur côté contribuer à la maintenir & à la soutenir. L'intérêt qu'ils doivent prendre à ce qui regarde le bien de leurs enfans, les y oblige indispensablement, si cela est en leur pouvoir : or je dis qu'ils le peuvent en plusieurs maniéres. Ils sont donc obligez de leur rendre ce service important ; & pour cela ils doivent ,

1. Leur inspirer de l'estime & de l'amour pour l'Ecole, & du zêle pour la discipline qui doit s'y observer.

2. Les porter par tous les moiens imaginables, à garder cette discipline, soit par leur conseil, ou leur commandements, soit par promesses ou par menaces, soit par les récompenses ou par les chatimens, &c.

3. Leur faire observer les regles de discipline qui dépendent d'eux, comme de les envoier éxactement à l'Ecole & de bonne heure, & de veiller à ce qu'ils ne se dérangent pas en chemin ; les y conduire ou faire conduire, si cela se peut.

4. Aider les Maîtres & les Maitresses à leur faire observer la discipline établie, & qui est un usage dans les Ecoles où il les envoient.

5. Quand il ont retenu leurs enfans à la maison pour quelque cause raisonnalbe (ce qui doit être rare) aller ou envoier les excuser au Maître ou à la Maitresse qui les instruit.

6. Avertir les Maîtres & les Maitresses des mauvaises inclinations & des déreglemens de leurs enfans : car ils ne peuvent bien les connoître que par le moien des Peres & des Meres, & ils ne peuvent par conséquent leur representer sur cela leurs devoirs ni les corriger.

7. Appuier les Maîtres & les Maitresses lorsqu'ils prendront les mesures nécessaires pour corriger leurs enfans ; & lors même qu'il seront obligez d'en venir au chatiment.

8. Ne blamer jamais en presence de leurs enfans ceux ou celles à qui ils en ont confié le soin, quand même ils auroient tort ; & ne les pas flater, lorsque leurs Maîtres ou leurs Maitresses sont mécontens d'eux. C'est ce qui gâte les enfans, ce qui les révolte, & ce qui les rend incorrigibles. C'est ce qui fait perdre aux Maîtres & aux Maitresses toute l'autorité qui leur est nécessaire pour se bien acquiter de leur emploi : & c'est pour les autres enfans un exemple très pernicieux, & un obstacle à leur instruction, à leur éducation, & à l'avancement des uns & des autres. Ce point est si important que si les Peres & les Meres en usoient de cette maniere, les Maîtres & les Maitresses seroient obligez de renvoier leurs enfans, après avoir tenté toutes les voies de la prudence & de la charité pour leur faire lever cet obstacle.

9. Occuper leurs enfans à la maison à quelque chose du ménage, ou aux ouvrages dont ils sont capables, après avoir satisfait à tout le devoir de l’Ecole. Il n’est pas croiable combien cela les garentit du mal ; combien cela leur est salutaire pour l’ame & pour le corps ; enfin combien cette conduite sert à les disposer à la pratique & à l’exercice de la discipline de l’Ecole & à en profiter.

10. Il seroit bon qu’ils leur fissent repeter à la maison les leçons du Catéchisme du Diocêse, & les Instructions du Catéchisme des Dimanches & des Fêtes, les Maximes chrétiennes, les Histoires Saintes & pieuses qu’ils ont apprises à l’Ecole.

11. Ne les laisser jamais sortir sans permission, afin qu’ils sçachent où ils vont ; & leur faire éviter par ce moien la compagnie des libertins, & même de tout autre enfant, à moins qu’il ne soit fort sage & de même sexe.

12. Les châtier quand ils sont indociles, ou pour quelqu’autre cause qui le mérite : le faire par raison & jamais avec emportement, mais toujours avec charité.

13. Ils ne doivent jamais les charger d’injures, ni encore moins de maledictions, qui leur sont quelque-fois funestes. la malédiction de la Mere, dit le Saint-Esprit, détruit la maison des enfans jusqu’aux fondemens. Eccli. 3. 11.

14. Au contraire, il est bon qu’ils les benissent souvent en disant à chacun : Je vous donne toute la bénédiction qu’un Pere ou une Mere peut donner à son enfant. Je prie la Sainte Trinité, le Pere, le Fils & le Saint-Esprit de vous garder de tout mal, surtout, de vous préserver du peché mortel & d’y mourir ; de vous combler de ses graces dans le tems, & de vous faire jouir de sa gloire dans l’éternité. Ainsi soit-il.

La benediction du Pere affermit la maison des enfans. Eccli. 3. 11.

15. Veiller tellement sur leurs enfans qu’ils ne les perdent point de vûe, autant qu’ils le peuvent.

16. Ne mettre jamais coucher ensemble des enfans de different sexe : faire coucher seuls ceux du même sexe, quand ils ont atteint l’âge de raison. C’est l’avis que S. François de Sales donne aux Peres & aux Meres, comme une chose d’une grande conséquence. L’expérience, dit-il, me rend tous les jours de plus en plus cet avis recommandable.

Enfin, les Peres & les Meres ont plus d’intérêt que personne, à ne pas détruire chez eux, par leur négligence, par leur mauvais exemple, ou par leurs discours déréglés, ce que les Maîtres & les Maitresses tâchent d’édifier dans les Ecoles. Il est nécessaire qu’ils appuient les soins que l’on voudra bien prendre de leurs enfans. Il seroit à souhaiter que les Peres & les Meres eussent chez eux un livre qui a pour titre : Avis salutaires aux Peres & aux Meres qui veulent se sauver par l'éducation chrétienne qu'ils doivent à leurs enfans : Ils y apprendroient leurs devoirs. Ce livre est imprimé à Orleans, & se vend à Paris chez Muguet, rue Neuve de Notre-Dame.

VI. ET DERN. PARTIE.
CHAPITRE PREMIER.
Ordre qui doit être gardé dans les Ecoles Chrétiennes.

L'ordre étant l'ame d'une Ecole sans lequel elle ne peut manquer de tomber dans le déreglement, les Maîtres & les Maitresses ne doivent rien épargner pour l'établir dans leurs Ecoles, & l'y faire observer avec une fermeté & une fidélité inviolable. Pour entrer dans le détail, voici ce qu'il faut qu'il y ait dans une Ecole.

1. Autant de bancs qu'il en faut, afin que les enfans soient assis commodément.

2. Un Crucifix devant lequel on doit faire les prieres ordinaires de l'Ecole.

3. Une grande Carte sur laquelle soient écrites les lettres de l'Alphabet en petits caracteres Romains, puis en Majuscules, & ensuite en Italiques petits & grands.

4. Une autre Carte sur laquelle soient écrites les petites sillabes, comme ab. eb. ba be bi bo bu, & de plus grandes & plus difficiles, comme, broient, &c.

5. Des sentences instructives & des prieres sur des Cartes attachées aux murs, comme l'exercice journalier du Chrétien, c'est-à-dire, la priere du matin & du soir, celles qu'on peut faire en differentes rencontres de la journée, comme avant ses principales actions ; avant & après le repas, lorsqu'on est tenté, ou qu'on a succombé à la tentation ; quand on souffre quelque mal, &c.

6. Le Reglement de l'Ecole, afin que les enfans puissent le lire & l'apprendre, aussi-bien que toutes ces autres choses.

Les Maîtres & les Maitresses assigneront à chacun des enfans leurs place dans l'Ecole ; & feront ensorte qu'ils ne les changent point sans leur permission. Ils donneront les principales aux plus sages & aux plus avancez, afin de rendre justice à chacun, & de donner de l'émulation pour la vertu & pour l'étude.

Ils ne leur permettront jamais de se servir de livres mauvais, ou suspects, soit par raport à la foi, soit par raport aux mœurs, mais ils tacheront que tous ceux dont ils se serviront dans l'Ecole soient bons, instructifs, & édifians : ils les préféreront à tous les autres, comme plus nécessaires aux enfans pour leur former l'esprit & le cœur, & en même tems leur donner les premieres teintures de la pieté Chrétienne, & le gout des bonnes choses, & leur apprendre la Religion avec les lettres.

Tous les livres demeureront dans l'Ecole, & on ne les laissera point emporter dans les maisons, sinon ceux que les enfans apprennent par cœur.

Ils choisiront un ou deux enfans sages, modestes, & éxacts pour être Censeurs. Ils prendront garde sur tout qu'ils ne soient point d'humeur à vouloir dominer & s'élever sur les autres avec hauteur & avec fierté. C'est-pourquoi ils les éprouveront avec soin pour les connoître.

Les Censeurs, 1. viendront les premiers & sortiront les derniers. 2. Ils feront mettre les enfans chacun à sa place à mesure qu'ils arrivent. 3. Ils marqueront ceux qui sont immodestes, les causeurs & ceux qui viennent tard. 4. Avant la leçon ils donneront les livres aux enfans d'une maniere honnête & civile, & ils les recevront de même après la leçon. Ils les ramasseront avec les papiers & les plumes. 5. A la fin de l'Ecole ils aideront à faire sortir les enfans deux à deux, empêchant qu'ils ne se jettent précipitamment les uns sur les autres, & qu'ils ne fassent des cris, des immodesties, & qu'ils ne s'attroupent dans les rues.

Les enfans en entrant dans l'Ecole feront la révérence, 1. au Crucifix, 2. A leur Maître ou à leur Maitresse, 3. Ils se rangeront à leur place, d'où ils ne sortiront point sans permission.

Le Crucifix leur represente Jesus-Christ crucifié & mort pour eux : & c'est lui-même qu'ils adorent en s'inclinant devant son image. Le Maître & la Maitresse le leur representent vivant, parlant, & agissant : ils occupent sa place : c'est lui-même qu'ils honorent, & à qui ils obéïssent en les honorant & en leur obéïssant.

Ceux qui viennent tard, 1. Font la révérence comme on vient de le marquer, 2. Recitent à genoux une courte priere en leur particulier, comme l'Oraison Dominicale, 3. Ne se mettent point à leur place que le Maître ou la Maitresse ne les avertissent : & alors ils gardent l'ordre de l'Ecole.

S'il arrive aux enfans quelque besoin, il faut les avertir de se tenir debout sans dire mot : alors les Maîtres ou les Maitresses feront ce qu'ils jugent à propos ; mais il prendront garde que les enfans n'en abusent pas, & de ne les pas laisser sortir deux à la fois. Cela est de conséquence.


Chapitre II.
Distinction des Classes, ou leçons
qui se font dans les Ecoles
.


ON fait ordinairement trois classes, ou trois sortes de leçons dans les Ecoles. La premiere est des enfans qui commencent, ausquels les Maîtres, ou les Maitresses enseignent, 1. A connoître les lettres, ou à épeller, 2. A faire le signe de la croix, & à prier Dieu, les principaux Misteres de notre Religion & les élemens du Catechisme.

2. La deuxiéme classe est des enfans qui commencent à lire, ausquels ils apprennent, 1. A lire en François, puis en Latin, 2. Ils leur enseignent le Catechisme du Diocêse, les prières marquées dans l’Exercice du Chrétien.

3. La troisiéme leçon est pour ceux qui sçavent lire, 1. Ils leur enseignent à lire dans la Civilité, qui contient tous les devoirs des enfans envers Dieu & envers leurs Peres & leurs Meres, la bienséance & la conduite en ce qui regarde les bonnes mœurs tant chrétiennes que civiles. Ce livre est imprimé en caractere different des autres : c’est pourquoi il est plus difficile à lire : aussi contient-il un Alphabet des mêmes caracteres, & un sillabaire, lesquels ils leur feront voir avant que de commencer la lecture de ce livre. 2. Quand ils sçavent bien lire dans la Civilité, ils leur enseignent à lire des papiers écrits à la main. Il faut leur donner d’abord des papiers ou des parchemins des mieux écrits, & avancer toujours, passant d’une écriture moins difficile à une autre plus difficile. 5. Ils leur apprennent à lire dans quelque livre imprimé en lettres gothiques, leur en faisant bien connoître les caracteres, les liaisons, les abregez & les grandes lettres, 4. Ils leur montrent à écrire l’Arithmétique, & à calculer avec la plume, & avec les jettons. 5. Enfin, ils leur font apprendre par cœur le Catechisme du Diocêse, celui des Dimanches & des Fêtes, les Maximes Chrétiennes, les Epitres & Evangiles, l’Abregé de l’Histoire de la Bible.

4. Si une seule personne est chargée de trois Classes, il faut tacher de tenir les enfans d’une bande, occupez à étudier leur leçon, ou à apprendre du Catechisme, ou des Maximes Chrétiennes, &c. pendant qu’elle en fait lire, ou écrire d’autres ; afin qu’ils ne perdent pas de tems, & pour éviter la confusion & le desordre. C’est à quoi il est important de tenir la main : car les enfans causent, badinent, ou se dérangent lorsqu’on les laisse sans appliction.

5. On nomme quelqu’un des plus sages & des plus fidéles pour veiller sur les autres & pour les tenir appliquez à ce qu’on leur aura prescrit.

6. L’on commence par les plus avancés, parce qu’ils peuvent être utiles aux autres, & s’occuper pendant le reste de l’Ecole, soit à écrire, soit à apprendre l’Arithmétique, ou le Catechisme, &c. On continue ensuite jusqu’aux plus petits, ausquels un Ecolier des plus capables aura fait tout bas quelque répétition du Catechisme, ou de la priere du soir & du matin, ou des réponses de la Messe, &c. pendant que les autres lisoient.

7. Pour veiller avec plus de soin sur la lecture, il est bon d’établir un enfant des plus avancez & des plus éxacts de la bande, pour avertir de toutes les fautes que les autres font en lisant : mais il faut prendre garde que cela se fasse tranquillement & sans confusion.

8. Faire ensorte que ceux ou celles de chaque Classe aient un même livre, afin d’avoir tous une même leçon, & qu’ils puissent tous la répeter & profiter en meme tems, le plus capable commençant le premier & les autres continuant, comme il sera dit ensuite.

9. Les leçons doivent être courtes, c’est-à-dire, environ de deux pages pour les plus avancés d’une même leçon, & d’une seule page pour les moins avancez.

10. Les leçons achevées, le Maître ou la Maitresse corrigent les exemples de ceux ou de celles qui apprennent à écrire, les autres pendant ce tems, étudiant tout bas, ou recitant même tout haut leur Catechisme, le Maître ou la Maitresse donnant moins d’attention à cause de l’Ecolier ou de l’Ecoliere qu’ils auront preposé pour interroger & reprendre les compagnons, ou les compagnes.

11. Lorsque l’on peut partager les enfans entre deux personnes & en deux lieux séparez, l'Ecole se fait avec beaucoup plus d'ordre & de facilité ; & on en est beaucoup plus maître. En ce cas l'une fait l'Ecole aux commençans & à ceux qui apprennent à épeller, à former les mots & à lire ; & l'autre à ceux qui lisent déjà bien & qui sont en état d'apprendre par cœur, & à ceux qui écrivent.



Chapitre III.
Il faut commencer à enseigner aux
enfans à prier & à lire en François,
& ensuite en Latin
.

Les Maîtres & les Maitresses d'Ecole commenceront toujours par le François, soit en enseignant aux enfans à prier Dieu, soit en leur apprenant à lire : on est convaincu par l'expérience qu'on en a, que cette maniere est la meilleure : & l'on peut en apporter plusieurs raisons. La premiere est que lorsque l’on commence par le Latin on fait un tort considérable, principalement aux enfans des pauvres : car on les prive du François qui leur est très nécessaire pour leur instruction & leur édification, parce que les Peres & les Meres retirent leurs enfans de l’Ecole aussi-tôt qu’ils peuvent en tirer quelque service : & il arrive souvent qu’ils les retirent avant qu’ils sçachent lire le François ; de sorte que ces enfans sont privés pour toute leur vie, de l’avantage qu’ils retireroient pour leur salut de la lecture des livres de pieté. Ainsi cet entêtement de commencer par le Latin est une des sources de l’ignorance des artisans & de la plûpart des gens de la campagne, dans laquelle ils ne seroient point tombez, si l’on eût commencé par le François.

La seconde raison est, que les enfans commençant par le François sont instruits beaucoup plutôt que lorsque l’on commence par le Latin : en effet comme les enfans sont accoutumés à parler la langue Françoise, qui leur est naturelle, ils l’entendent, ils la lisent plus aisément, & il la prononce mieux, que le Latin, qui est à leur égard une langue étrangere, & qui leur est inconnue. Si donc on se conduit par la raison, & non par la coutume, il est indubitable qu’il faut toujours commencer à apprendre à lire aux enfans par le François & non par le Latin.

Une troisiéme raison, c’est qu’on est convaincu par l’expérience que quand les enfans sçavent lire le François ils peuvent aisément lire le Latin ; mais quand ils ne sçavent lire que le Latin, ils ne peuvent pas lire le François. Ainsi la lecture du Latin ne peut être une disposition pour lire le François ; mais la lecture du François peut être une disposition pour lire le Latin.

La quatriéme, c'est que les enfans apprennent à lire beaucoup plus volontiers quand ils entendent ce qu'ils lisent.

Que si l'on en a usé autrefois d'une maniere différente, & si c'étoit la coutume de commencer toujours par le Latin à apprendre à lire aux enfans, c'est que le Latin étoit une langue vulgaire.

Cela ne fait aucun prejudice à la langue de l'Eglise, le service divin ne se faisant point dans les petites Ecoles.

Il en faut point apprendre à lire le François & le Latin ensemble : car ces deux lectures embarassent les enfans & leur font perdre beaucoup de tems, parce qu'elles ont des regles opposées.

Il ne faut commencer à apprendre à lire le Latin qu'à ceux ou à celles qui sçavent bien lire le François.


Chapitre IV.
Methode pour faire l’Ecole.


RIen n’est plus nécessaire aux Maîtres & aux Maitresses que la methode pour bien faire l’Ecole. Ils doivent donc s’y rendre d’abord sçavans, & être exacts à la garder dans l’éxercice de leur emploi, dont le succez dépend de la maniere dont ils s’en acquitent, laquelle étant méthodique contribue beaucoup à leur soulagement & à l’avancemeent de leur enfans. Et pour cela ils observeront chaque jour avec une fidélité inviolable ce qui suit.

1. Ils se trouveront à l’Ecole au tems précis où les enfans doivent être assemblés, & ils paroîtront d’abord devant eux avec une gravité & un sérieux qui leur inspire le respect & le silence.

2. Avant que de commencer l’Ecole ils feront la priere en disant, Veni Sancte Spiritus, avec le verset & l’Oraison. Si les enfans sont tous assemblés, ils feront ou feront faire la priere du matin ; s’ils ne sont pas assemblés, il la feront à la fin de l'Ecole ou auparavant, lorsqu’ils seront venus tous.

3. Ils auront soin que les enfans commencent leur leçon par le signe de la croix en disant : au nom du Pere † & du Fils & du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. Et ils prendront garde qu’ils le fassent avec un esprit de religion, qu’ils prononcent distinctement toutes les paroles, & qu’ils le fassent bien.

4. Ils doivent aussi leur faire reciter leurs leçons d'une maniere distincte & posée, & ne pas souffrir qu’ils précipitent ce qu’ils ont à dire ou à lire.

5. Ils avertiront les enfans de répeter en particulier leur leçon après l’avoir récitée, afin qu’ils la retiennent mieux.

6. Ils doivent veiller pendant l’Ecole sur tous leurs Ecoliers pour voir s’ils sont tous modestes, s’ils étudient leur leçon, ou s’ils lisent les cartes où sont écrites les Sentences instructives, ou les prieres de l’Exercice journalier du Chrétien ; s’ils les apprennent, & s’ils ne s’amusent point à causer ou à badiner pendant qu’eux-mêmes Maîtres ou Maîtresses en font lire ou écrire d’autres ; afin qu’ils ne perdent pas de tems, & pour éviter la confusion & le desordre. C’est à quoi il est important de tenir la main : car les enfans causent, badinent, & se déréglent, lorsqu’on les laisse faire.

7. Il seroit à souhaitter que les Maîtres et les Maitresses pussent quelquefois conduire à la Sainte Messe leurs enfans deux à deux, marchant derriere eux & qu’étant arrivez à l’Eglise ils les fissent placer dans un endroit convenable, & qu’ils se tinssent derriere eux, pour prendre garde s’ils sont modestes, s’ils ne tournent point la tête de côté & d’autre, & s’ils ne commettent aucune irreverence, aiant soin que tous y assistent avec l’attention, la pieté & le respect que demandent les saints Mysteres, & que tous prient Dieu pendant tout le tems de la Messe : & pour cela ils leur feront observer ce qui a été dit dans le second Chapitre de la quatriéme partie.

8. S’ils ne peuvent pas conduire leurs enfans à la saint Messe, ils les avertiront d’y aller avant ou après l’Ecole, & d’y observer ce qui vient d’être marqué.

9. Ils finiront la Classe du matin par l’Antienne de la sainte Vierge, selon le tems, ou par l’Angelus en François ; ou par les Commandemens de Dieu & de l’Eglise, ou par la priere du matin, si on ne l’a pas faite au commencement.

10. Après midi ils commenceront l’Ecole par le Veni Sancte Spiritus en François, & ils la finiront par la priere du soir & par l’éxamen de conscience.

11. Les Maîtres & les Maitresses feront eux-mêmes la priere du matin & du soir dans le commencement, pour instruire les enfans de la maniere de la faire dans la suite.

12. Ils auront soin que l’enfant qu’ils chargeront de faire la priere publique, la fasse d’une maniere si posée, si intelligible, & si distincte, que tous les autres puissent la répéter en même tems à voix basse en particulier. Après cela il ne sera point nécessaire de faire des leçons pour apprendre aux enfans les prieres du matin & du soir, parce qu’ils les apprendront en les recitant le matin & le soir dans l’Ecole.

13. Il seroit à propos de faire faire aux enfans à chaque heure qu’ils sont dans l’Ecole, une courte & fervente priere, qu’on appelle oraison jaculatoire, comme lorsque l’horloge sonne. Cela les accoutumeroit à la faire hors de l’Ecole.



Chapitre V.
Methode pour apprendre
à lire.


Methode pour apprendre à connoître
les lettres
.


IL faut d’abord enseigner aux enfans le nombre, la qualité, & les caracteres des lettres de l’Alphabet.

1. On compte ordinairement vingt-trois lettres, mais y ajoutant l’j & l’v consonnes, il y en a vingt-cinq, qui sont a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, u, v, x, y, z.

2. Il y a deux sortes de lettres, des voyelles & des consonnes.

3. Il y a cinq voyelles, & si on y ajoute y, il y en a six, qui sont a, e, i, o, u, y. Ces lettres s’appellent voyelles, parce qu'elles forment le son qui est articulé par la voix humaine.

4. Il y a deux sortes d’i, l’i voielle & l’j consonne.

5. Il y a aussi deux sorte d’u, l’u voyelle & l’v consonne.

6. Il y a encore trois sortes d’e, 1. l’ê ouvert, 2. l’é masculin ou fermé, ou accentué, 3. l’e feminin ou muet. Ces trois sortes d’e se trouvent dans le mot honnêteté. Le premier est ouvert. Le second est l’e muet ou feminin. Le troisieme est l’é masculin ou fermé ou accentué.

7. Il y a dix-sept consonnes, & si on y ajoute l’j & l’v consonnes il y en a dix-neuf, qui sont, b, c, d, f, g, h, j, k, l, m, n, p, q, r, s, t, v, x, z. Ces lettres se nomment consonnes, parce qu’elles sonnent dans le prononciation avec les voyelles qu'elles accompagnent.

8. Les voyelles sont donc les seules qui produisent les sons, & les consonnes n'en produisent qu'étant jointes avec les voyelles.

9. quand on a instruit les enfans de toutes ces choses, on les leur fait apprendre par cœur, avant que de leur montrer les lettres ; on les fait ensuite venir devant la carte où est écrit l'Alphabet & qui est attachée à la muraille de l'Ecole. Le Maître ou la Maitresse touchant chaque lettre avec une baguette, la leur fait nommer à tous ensemble, puis à chacun en particulier. Ils leur montrent ainsi les differens caracteres peu à peu, prenant garde qu'ils soient toujours attentifs : il est bon de les surprendre en demandant à chacun où est la lettre que l'on dit.

10. On leur fait dire d'abord les lettres tout de suite, puis à rebours, & ensuite sans ordre, leur demandant quelle lettre est celle-ci ou celle-là, en les leur montrant toutes on leur apprend à les distinguer.

11. Il faut leur faire bien distinguer le rapport des voyelles en les faisant dire de suite, de même que les diphtongues dont on leur apprend bien la prononciation. Il faut leur faire observer la même chose à l’égard des consonnes, leur faire remarquer le rapport qu’elles ont ensemble, leurs ressemblances, leurs differences, leurs caracteres, leur force.

12. On doit leur apprendre en particulier, la prononciation différente de l’j consone, & de l’i voyelle, de l’v consone & de l’u voyelle, de l’ê ouvert, de l’é masculin fermé ou accentué, de l’e muet ou feminin.

13. Avoir un grand soin de faire distinguer les lettres par leurs différences, par exemple un b d’un d un p d’un q. Il ne faut point se donner de repos qu’ils ne sçachent lire chacune de ces lettres semblables d’une maniere sure & à ne s’y pas méprendre.

14. Quand ils connoissent leurs lettres, il faut leur faire avoir des Alphabets François, qui contiennent notre Pere, je vous salue, &c. & faire dire au premier n, au second o, au troisiéme t, au quatriéme r, au cinquiéme e, & ainsi de suite à chacun une lettre autant qu’il y a d’Ecoliers ou d’Ecolieres de cette Classe, sans les faire encore assembler : puis recommencer par le mot qui suit.

Cette maniere leur apprendra à connoître parfaitement leurs lettres, parce qu’elles ne sont pas de suite comme dans le premier Alphabet.


Chapitre VI.
Methode pour apprendre à appeller
ou à épeller & à syllaber.

1. LOrsque les enfans sçauront parfaitement leur lettres & leur prononciation, on leur enseignera la maniere de les unir ensemble pour former des syllabes : on commencera par les petites syllabes comme ab, eb, &c. ba, be, &c. en leur faisant dire sur la Carte ou ces syllabes sont écrites, a-b ab, e-b eb, b-a ba, b-e be, &c. Lorsqu’ils ont dit plusieurs fois ces syllabes de cette maniere, on les leur fait dire tout de suite, sans prononcer les lettres séparément comme ba, be, bi, &c.

2. Après cela, on leur fait former des syllabes plus grandes & plus difficiles comme celles-ci, broient, seuil, ouil, voies, &c. & on les leur fait prononcer tout d’un coup sans séparation. C'est surquoi il faut les exercer beaucoup, faisant dire à chacun de suite une syllabe, & les obligeant tous d’avoir les yeux attachez sur la Carte.

3. Ensuite on leur fait syllaber le Pater & l’Ave, en François comme dans l’Alphabet, sont contenues ces prieres qu’ils doivent avoir à la main, & où toutes les syllabes sont séparées, pour les faire distinguer aux enfans, comme il suit, No-tre, Pe-re, qui ê-tes, &c.

4. On leur fait observer en syllabant ce qu'on leur a fait observer en appellant les lettres, c'est-à-dire, qu'on leur fait appeller les lettres & syllaber comme il suit. On fait dire au premier n-o, no, au second t-r-e, tre, au troisiéme q-u-i, qui, &c. au quatriéme la syllabe suivante en appellant de même, & au cinquiéme & aux suivans jusqu'à ce que tout soit fini : après quoi le premier recommence où le dernier a fini, & continue ce qui suit, & tous les autres dans le même ordre, & on leur fait faire autant de tours qu'il est nécessaire pour leur faire dire une leçon raisonnable.

5. On leur fait lire ensuite la même leçon en syllabant, seulement, c'est-à-dire, en prononçant syllabe à syllabe sans épeller les lettres en cette maniere. Le premier dit No, le second dit tre, le troisiéme Pe, le quatriéme re, le cinquiéme qui, & les autres de même, en recommençant jusqu’à ce qu’on ait fini la leçon qu’on doit dire.


Chapitre VII.
Méthode pour apprendre à assembler
les syllables & pour en former des mots
.


QUand les enfans sçavent épeller ou former toutes sortes de syllabes d’une maniere ferme & assurée, il faut leur apprendre à les assembler pour en faire des mots : & pour cela on leur fait dire, comme on l’a marqué auparavant, par differens tours à chacun un mot entier dans le même ordre, en cette maniere : le premier dit Notre, le second Pere, le troisiéme qui, le quatriéme êtes, & ainsi du reste.

2. Il faut encore dans cette Classe où l’on enseigne à former les mots, s’appliquer à apprendre parfaitement aux enfans à epeller & à syllaber, jusqu’à ce qu’ils en aient pris une grande habitude, & qu’ils le fassent avec facilité sans s’y tromper : sans cela on ne peut jamais bien lire. C’est pourquoi on y continue au commencement à épeller & à syllaber dans le même ordre qu’on observe dans la Classe précédente, où l’on se borne seulement à épeller & à syllaber : par ce moien les enfans n’oublient point ce qu’ils ont appris dans la Casse dont ils sont sortis, l’habitude d’épeller & de syllaber se fortifie, & les met en état de faire peu de fautes.

3. Après avoir épellé, syllabé & formé les mots par autant de tours que dans la Classe précédente, & autant de tems qu’il est necessaire pour pouvoir lire avec quelque facilité les mots les plus difficiles sans les épeller ni les syllaber, on fait lire à chacun une ligne de suite ou jusqu’aux virgules, ou jusqu’au point, & toujours dans le même ordre.

4. Les Maîtres & les Maitresses doivent de tems en tems demander où l'on en est, à ceux ou à celles qu’ils ne voient pas attentifs, & leur faire dire la suite : lorsqu’ils l’ont fait, on reprend le rang & on continue. Car il faut que les Maîtres & les Maitresses aient un soin particulier de tenir tous les enfans appliqués, chacun aiant son livre à la main, suivant & disant tout bas ce que leurs compagnons, ou leurs compagnes lisent tout haut ; & de les avertir que quand ils appelleront quelqu’un par son nom, il soit éxact à dire la lettre, la syllabe, le mot, ou la phrase l’on en est : cela rend les enfans attentifs & les oblige de suivre les autres.

5. On doit prendre garde lorsque les enfans disent mal un mot de ne le leur pas suggerer comme font plusieurs Maîtres & Maitresses : mais il faut leur en faire appeller les lettres & former les syllabes, afin que par ce moien ils l’apprennent par eux-mêmes.

6. Le Maître ou la Maitresse liront quelque fois devant leurs Ecoliers, ou leurs Ecolieres, trois ou quatre lignes de leur leçon, pour leur enseigner à bien prononcer & accentuer les mots.

7. Un excellent moien pour former l’esprit & le jugement des enfans, seroit de ne leur rien dire, ni faire lire dont on ne leur donnât en même tems l’intelligence, en leur faisant bien entendre ce qu’ils lisent. Ils liroient mieux & profiteroient davantage. Il est donc à propos, si cela se peut, que les Maîtres et les Maitresses d’Ecole aient soin de préparer les enfans sur ce qu’ils doivent lire ou apprendre par cœur ; & après la leçon de faire rendre compte à deux ou trois en peu de mots de ce qu’ils ont lu, ou entendu, ou appris par cœur, plutôt selon le sens que selon les paroles.

8. On reconnoîtra sans doute par expérience que cette maniere d’apprendre aux enfans à lire, & l’ordre que l’on y observe, sont le moien le plus naturel, le plus commode, & le plus propre pour avancer promptement les enfans, pour leur former le jugement, & pour leur apprendre à lire correctement.


Chapitre VIII.
Quelques observations à faire faire aux enfans
dans la lecture pour les y
perfectionner
.


LEs Maîtres et les Maitresses pour perfectionner les enfans dans la lecture, doivent leur apprendre les accens qui sont marqués sur les mots, & certaines figures qui se rencontrent souvent dans les livres. Comme ce sont des signes de quelque chose, qui servent à la prononciation, ou à l’intelligence de ce qu’on lit, il faut que les enfans en soient instruits.

Il y en a de differentes sortes, 1. Les accens, 2. Les apostrophes, 3. Les cedilles, 4. Les virgules, 5. Les points & virgules, 6. Les deux points, 7. Le point simple, 8. Le point admiratif, 9. Le point interrogant, 10. La barre de liaison, 11. La parenthese.

Il faut bien faire distinguer & remarquer aux enfans toutes ces figures, lorsqu’on leur apprend à lire.

1. Les accens sont de petites notes qui marquent le ton & l’inflexion de la voix.

Il y en a trois, sçavoir, l’accent aigu, l’accent grave, & l’accent circonflexe.

L’accent aigu est une petite broche qui descend de la droite à la gauche, & le grave en est une qui descend de la gauche à la droite.

L’accent aigu est fait de cette sorte ( ´ ) & lorsqu’il se rencontre sur une syllabe, il faut élever la voix & la prononcer d’un ton aigu & peser dessus, comme il paroît par ces deux mots. Dóminus, verité, on éleve la voix sur la premiére syllabe de Dóminus, & on pese sur la derniere syllabe de verité, en prononçant l’é : on ne prononce point de même les dernieres syllabes de ces mots une bonne école, parce qu’il n’y a point d’accent aigu dessus.

On éleve d’un ton aigu la premiere syllabe de ces mots, éleve, école, parce qu’elle est marquée d’un accent aigu ; mais on n’éleve pas la premiere syllabe de ceux-ci, demander, secret, regarder, parce qu’elle n’a point cet accent.

L’accent grave est opposé à l’aigu & il est fait de cette maniére ( ` ) il est marqué sur ces mots François, , , à, & sur ceux-ci en Latin, longè, malè, & semblables : cet accent ne change rien à la prononciation, ni en Latin, ni en François.

L’accent circonflexe que l’on appelle autrement dans le Latin & dans le François un chevron brisé, est composé de l’aigu & du grave joints ensemble de cette maniere ( ^ ) la syllabe qui en est marquée doit être allongée dans la prononciation, si elle n’est pas la derniere du mot, comme il paroît par ces mots, Maître, être, tête, fête, accoûtumer ; il faut même dans les mots suivans allonger la derniere syllabe, parce qu’elle en est marquée, plutôt, qu’il aimât, qu’il dît, qu’il fît, & autres semblables.

2. L’apostrophe est une petite virgule qui se met entre deux mots au-dessus en cette maniere ( ) pour marquer que l’on a retranché une voielle qui ne se prononce point, comme il paroît par ces mots, j’aime, qu’il, l’ame, entr’autres, au lieu de dire, je aime, que il, la ame, entre autres.

3. La cedille est un petit ( c ) renversé, ou une virgule dont voici la figure ( ¸ ) on la met au-dessous du ( c ) lorsqu’on veut y donner le son d’une ( s ) forte avant les voielles, a, o, & u, comme par exemple glaçon, maçon, deça, car on prononceroit le ( c ) en ces mots d’un ton plus fort, si cette figure ne se rencontroit pas dessous, comme en ceux-ci, contre, cure, caché. La cedille se met encore le long des mots sont tirés de quelques Auteurs.

4. La virgule est un petit ( c ) renversé & se fait ainsi ( , ) pour marquer la division des parties d’une periode ; & il faut y faire une petit pause.

5. Lorsqu’il se rencontre un point & une virgule de cette sorte ( ; ) cela marque une pause plus grande que quand la virgule est seule.

6. Les deux points ainsi marqués ( : ) Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/345 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/346 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/347 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/348 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/349 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/350 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/351 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/352 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/353 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/354 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/355 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/356 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/357 Page:Hervé le Poitevin - Essai d'une école chrétienne, 1724.pdf/358 noms substantifs qui se suivent dans le discours, parce que le second dépend du premier.

Exemple, dans la phrase suivante, je lisois un livre de pieté, ces mots livre de pieté sont deux noms substantifs qui se suivent : or si en lisant cette phrase je fais la moindre pause entre ces mots, livre de pieté, l’auditeur comprendra que je veux seulement lui faire entendre que je lisois un livre ; au lieu que mon intention est de lui dire que je lisois un livre de pieté : ainsi dans ce cas il ne comprendroit pas d’abord ma pensée.


Chapitre XI.

§. 3.

Regles particulieres pour bien lire le François.


QUand on commence à montrer la lecture Françoise aux enfans, il faut leur en faire connoître peu à peu les difficultez.

1. La premiere chose qu’il faut leur faire entendre, c’est qu’un a joint à un i, ou la diphtongue ai, se prononce comme un ê ouvert : par exemple, faire comme fêre, Maitre comme Mêtre. C'est en quoi on fait plus de fautes : on la prononce presque toujours comme un é masculin ou fermé ou accentué. Pour connoître la difference de la prononciation de l’ê ouvert & de l’é masculin ou accentué, il faut se mettre devant un miroir, & en prononçant le mot suivant, honnêteté, remarquer la differente figure de la bouche dans la prononciation du premier ê qui est un ê ouvert, & du dernier qui est un é masculin ou fermé ou accentué, on verra qu’on ouvre la bouche et le gosier en prononçant l’ê ouvert, et qu’on n’ouvre ni l’un ni l’autre en prononçant l’é masculin ou fermé, ou accentué. La diphtongue au se prononce, comme un o : par exemple pauvre, comme pôvre.

2. Quand une voielle se sépare d’avec une autre qui y est jointe, il y a ordinairement deux petits points sur la derniere, comme haïr est distingué de haine :

3. l’é masculin ou fermé, ou accentué, se prononce comme en Latin ; & il est marqué d’un petit accent aigu au-dessus, comme bonté, vérité.

4. L’e feminin ou muet se prononce sans aucun son, comme docte, fable.

5. L’e avant un u adoucit le son de l’u comme docteur.

6. Quand e se rencontre au commencement du mot, il se prononce comme un é masculin, ou fermé, comme dans élargir.

7. Quand l’e est au milieu du mot & que le mot est tiré du Latin comme bénéfice on le fait aussi entendre : pour lors cet é est marqué d’un accent aigu ; sinon il n’a point de son, comme cacheter.

8. quand é se trouve avant m, ou n, il faut le prononcer comme un a, comme emporter, encre.

9. Quand un e muet ou feminin est à la fin d'un mot, & que le mot suivant commence par une voielle, l’e qui est à la fin du premier mot ne sert de rien, & de deux mots il faut n’en faire qu’un en le prononçant, comme belle ame, on prononce bell’ame.

10. Quand ent est à la fin d’un verbe, il faut le prononcer comme s’il y avoit point de nt, ils chantent comme chante. La même chose s’observe quand ent se rencontre après la double voielle oi, ils parloient, on prononce ce mot comme ils parloit, en allongeant la derniere syllabe, quand le mot suivant commence par une consonne. De cette regle sont exceptés les mots qui finissent en oient, quand après oient il suit un mot qui commence par une voielle, comme, les enfans chantoient après lui.

11. La syllabe in doit se prononcer comme elle est écrite, insensible, inconstant, & il ne faut pas y ajouter un a dans la prononciation, comme ainsensible, ainconstant.

12. Le c se prononce comme un s, quand il y a une petite virgule dessous, comme limaçon.

13. g avant n, se prononce doucement, comme mignon.

14. i avant deux ll, les adoucit comme vieille, fille.

15. s entre deux voielles se prononce comme z aisément. L’s au bout du mot ne se prononce pas quand le mot suivant commence par une consonne, comme, les bons Peres : mais quand le mot suivant commence par une voielle, il faut prononcer l’s comme un z. Par exemple, bonnes ames, comme bonne z’ames.

16. Le t de même ne se prononce point avant une consonne : il parloit de Jean, il faut dire comme s’il y avoit, il parloi, sans t : & s’il suit une voielle, comme, il disoit à Pierre, il faut prononcer le t.

Quand l’s est au milieu du mot avant une autre consonne, quelques fois il ne faut point la prononcer comme teste, il faut dire tête, & quelquefois on la prononce, comme attester.

ti avant une voielle se prononce comme si, action comme acsion.

Le relatif François que ou qui, quoiqu'il s’écrive avec un u se prononce comme s’il n’y avoit pas d’u. Quand suit la même regle, on le prononce comme s’il y avoit qant.

Quand nt se trouve à la fin d’un mot qui est un nom ou un adverbe, il faut le prononcer, comme tourment, doucement : s’il suit une voielle il faut faire entendre le t : s’il suit une consonne, on ne le prononce point.

Quand e se trouve avant une m ou une n seule, il ne faut point le prononcer comme a, mais comme e ; combien, on ne dit point combian.

Ph se prononce comme f, Philosophie, comme Filosofie.

Quand il se trouve dans un mot François deux consonnes de la même espece comme deux mm, deux nn, deux cc, deux rr, deux ss, il ne faut en prononcer qu’une, comme dans ces mots, comme, honnête, consonne, dans lesquels il y a deux mm, ou deux nn, il faut prononcer come, home, honête, en retranchant la premiere m & la premiere n, & ainsi des autres. Cette regle est presque generale si ce n’est dans les mots accès, succès, succession, & très peu d’autres, où il faut prononcer les deux cc.

Dans tous les mots qui se terminent par une consonne, quand le mot suivant commence par une voielle, il faut prononcer & faire sonner la consonne qui finit le premier mot. Exemple, chanter agréablement, avancer à grand pas, il faut prononcer fortement les r qui finissent les mots chanter, avancer, & ne pas prononcer chanté agréablement, avancé à grands pas : pour bien prononcer les consonnes qui finissent le premier mot, il faut les joindre à la voielle qui commence le mot suivant.

Exemple, dans ces mots, aimer éperduement, consentir avec peine, ravir injstement. Il faut prononcer les r qui finissent ces trois mots, aimer, consentir, ravir parce qu'ils sont tout trois suivis d'autres mots qui commencent par des voielles : & pour observer exactement cette regle, lisez, aimé réperdument, consenti ravec peine, ravi rinjustement.

Au contraire quand un mot & particulierement les verbes finissent par une consonne & que le mot suivant commence par une consonne, il ne faut jamais prononcer la consonne qui finit le premier mot. Il ne faut donc point prononcer les r dans les trois mots suivans. Regarder de travers, avancer davantage, chanter mal ; mais il faut lire, regardé de travers, avancé davantage, chanté mal, comme s'il n'y avoit point d'r.

Il y a des mots exceptez de cette regle, ausquels la derniere consonne est essentielle, & qu'on ne peut par conséquent supprimer, quand ils seroient suivis de mots qui commencent par une consonne, comme sont ces mots, main, car, bec, bouillon, &c.

Pour éviter la rudesse de la prononciation, on a établie (l'Elision) qui n'est autre chose que la suppression de la premiere des deux voielles qui se suivent, comme il paroit dans les articles qu'on joint aux mots, dont ils sont articles.

Exemple, l'étude, l'armée sont composez chacun de deux mots, le esprit, la armée : or pour ôter la rudesse de cette prononciation, on fait en les prononçant une Elision, c'est-à-dire, la suppression de e dans le mot le, de a dans le mot la, & par cette suppression vous lisez & prononcez l'esprit comme si ce n'étoit qu'un seul mot, & l'armée de la même maniere.

Il faut remarquer que l'Elision ne se fait que des a, & des e : les trois autres voielles ne la souffrent point.

Chapitre XII.
§. 4.
Regles particulieres pour bien lire le Latin.

Avant que d'apprendre aux enfans à lire le Latin, il est à propos qu'ils sçachent lire le François.

Il y a des regles à observer dans la lecture du Latin comme dans celle du François. En voici quelques-unes.

1. Toutes les lettres se prononcent entiérement dans le Latin : on dit Pater noster.

2. Quand il se trouve dans un mot Latin deux consonnes de la même espece comme deux cc deux rr deux ss il faut les prononcer toutes deux. Ainsi lisez & prononcez ces mots, Peccavi, peccata, surrexit, dissipare, qui tollis, &c. en faisant sonner les deux cc, les deux rr, les deux ss, les deux ll.

3. L’e est toujours masculin ou fermé. On dit bonté en François, & Domine en Latin.

4. Le mot qui se prononce sans u en François ; on dit qi : mais l’u se prononce en Latin : on dit qui comme si l’on disoit cui en François.

5. Ce mot quod se prononce sans u ; on dit qod.

6. Le ch se prononce comme le c rude ; on dit charitas, ca.

7. le g est rude au milieu des mots, comme Agnus, Magnificat.

8. Les autres lettre se prononcent comme dans le François.

Il y a un Alphabet Latin, comme il y en a un François, par où il faut faire commencer les enfans à syllaber & à lire le Latin.

Il y en a qui prononcent mal les mots Latins qui commencent par la syllabe men : il y ajoutent un i après l'e, ils prononcent tous ces mots, mentes, mendax, mentiris, comme s'ils étoient écrits ainsi, meintes, meindax, meintiris, & comme on prononce ce mot François, (main) au lieu qu'il faut prononcer la premiere syllabe des mots mentes, mendax, mentiris, comme on prononce la derniere syllabe du mot Latin, (Amen.)

Dans les mots qui commencent par les lettres omn, il y en a qui prononcent omn comme s'il y avoit oumn. Exemple, omnipotens, ils lisent comme s'il y avoit oumnipotens. Le moien d’éviter cette faute est de séparer o de mn, de faire de o une syllabe & de joindre mn à i qui est la lettre suivante, comme il est écrit ici, o-mnipotens.

Ils prononcent le monosyllabe non, comme s’il y avoit noum ; il faut faire tomber le son sur l’o : quand ce mot est suivi d’une voielle, il faut détacher la derniere n, & la joindre au mot suivant, ainsi que les autres monosyllabes comme mon, son.

Exemple, non me derelinquas, Domine, non in æternum irasgaris servo tuo infideli. Et en François, j’ai vû mon ami dans son Hôtel.

Dans la lecture des mots Latins qui se terminent en (um) il faut prononcer l’u comme un (o). Exemple, dans cette phrase Credo in unum Deum, on prononce ces deux mots comme s’ils étoient écrits ainsi, unom Deom.

Il faut prononcer ferme les consonnes qui commencent les mots François ou Latins : beaucoup de personnes y manquent. C’est cette prononciation ferme qui caracterise les mots & qui les rend très intelligibles. Exemple, dans les mots suivans, frapper, poursuivre, reprendre, ferire, peccare, misericors, il faut prononcer ferme f, p, r, m, qui commencent ces mots ; très souvent on ne les prononce qu’à moitié, & quelquefois point du tout.

Les Maîtres et les Maitresses doivent avec discretion & par ordres, & non tout à coup, faire entendre à leurs Ecoliers ou à leurs Ecolieres les difficultez de la lecture Françoise & Latine, à chacun selon la portée de son esprit : mais il faut commencer par les principales & ainsi avancer par ordre, à mesure qu’ils avanceront dans la lecture Françoise & Latine.


Chapitre XIII.

Regles generales à observer dans la lecture du François & du Latin, pour éviter les fautes principales & les plus ordinaires que l’on y fait.


Il faut avant toutes choses se bien mettre dans l’esprit, que celui qui lit est comme un copiste ; que le livre qu’il lit est un original qu’il copie en lisant ; & enfin que la prononciation du lecteur doit produire sur les oreilles de l’auditeur, le même effet que les caracteres du livre produisent sur ses yeux.

Or comme une copie est d’autant plus parfaite, qu’elle ressemble mieux à l’original dont elle est la copie, il faut être exact à observer ce qui est marqué dans le livre qu’on lit, & faire ensorte que tous les traits de cet original soient representez dans la copie qu’on en tire, c’est-à-dire, dans la lecture qu’on en fait. Ainsi, 1. puisqu’il y a dans les livres des termes ou des mots à exprimer, 2. Des accens à observer, 3. Des tons de voix à donner à chaque partie du discours, 4. Des pauses à faire, qui sont autant de traits de ces originaux, qu’il faut exprimer dans les copies qu’on en fait ; les Maîtres & les Maitresses auront un grand soin, en apprenant à lire aux enfans, de leur faire pratiquer toutes ces choses dans l’exercice actuel de la lecture du François & du Latin, qu’ils font dans les Ecoles. Pour s’acquiter de cet important devoir,

1. Ils en permettront jamais que les enfans en lisant augmentent ou diminuent le nombre des lettres des syllabes, & des mots ; mais ils les leur feront prononcer si distinctement, que l’auditeur puisse entendre les lettres, distinguer tous les mots les uns des autres, & compter les syllabes qui composent chaque mot : & pour cela ils leur feront ouvrir la bouche, desserrer les dents, & prononcer les mots d'une voix claire & ferme.

On peche souvent contre cette regle, particulierement quand il se trouve plusieurs monosyllabes de suite. Exemple, si je ne m'étois pas souvenu, on fait souvent en lisant ou en parlant un seul mot des trois premiers, qu'il faut prononcer distinctement & séparément, si, je, ne.

Ils prendront garde qu'ils ne coupent jamais les mots, quelque longs qu'ils soient, pour en faire deux d'un seul. Par exemple, que dans ces deux mots, l'un François & l'autre Latin précipitation, ils ne disent précipi & ensuite tation, sapientissimus, sapien puis tissimus.

Ils veilleront aussi à ce qu'ils ne joignent point un mot, ou une partie d'un mot, au mot ou à une partie du mot suivant. Pour ne pas observer cette regle on estropie les mots, qui cessent par-là d'être François ou Latins, & par conséquent ne sont plus intelligibles.

2. Ils leur feront prononcer ce qu'ils lisent selon les différens accens marqués dans le Chapitre 8. de cette derniere partie n. 1.

3. Ils leur feront aussi donner à chaque partie du discours le ton de voix qui y convient, & qui y est propre, ainsi qu'il est expliqué dans le même endroit, n. 8, 9. & 11.

4. Il leur feront observer exactement les ponctuations, c'est-à-dire qu'ils leur feront faire les pauses aux virgules & aux points, comme il est marqué dans le même Chapitre, n. 4, 5, 6, & 7. & ils les avertiront qu'il ne faut jamais s'arrêter ni faire de pause, qu'il n'y ait des points ou des virgules.

Il y a peu de personnes qui soient fidéles à ces deux regles : ce qui met une étrange obscurité dans la lecture, en coupant les sens, si on fait une pause hors de saison ; ou de la confusion, quand on ne fait pas de pause où elle est nécessaire. Il arrive de-là que le lecteur ne se fait point entendre, & qu'il ne s'entend pas lui-même.

Pour ne point tomber dans ces inconveniens il faut quand on lit haut, ne point prononcer un mot qu'on n'ait déja lû le mot suivant, pour connoître s'ils ont de la relation & de la dépendance l'un de l'autre ; auquel cas il faudroit les joindre de près, & ne les pas lier s'ils n'en ont point ; & voir s'il est à propos de prendre un ton final, ou non.

Les Maîtres & les Maitresses doivent se rendre attentifs de la vûe & de l'oreille, pour remarquer quand les enfans qu'ils font lire manquent contre ces regles, pour les reprendre, ou pour les leur faire observer. S'ils ne prennent ces précautions à leur égard sur ce point, ils ne liront jamais bien. C’est encore un moien de les disposer à ne point confondre le sens du discours, à en distinguer exactement les parties, & à écrire correctement.

Chapitre XIV.
De l’Ecriture.

Il faut encore apprendre à écrire aux enfans, aussi-tôt qu’ils en sont capables ; cela les desennuie dans l’Ecole, & les empêche de perdre le tems. Car un enfant ne peut être appliqué à lire pendant tout le tems de l’Ecole. Il est à propos que les petits & les grands écrivent ; cela contribue au bon ordre d’une Ecole ; car pendant que les petits écrivent, les grands lisent ; & pendant que les grands écrivent, les petits lisent leurs leçon.

Les Maîtres & les Maitresses doivent avoir un grand soin de se per fectionner, le plus qu’il leur est possible, dans l’art de bien écrire , apprendre à bien former les lettres & les liaisons dans leurs Exemplaires, & sçavoir bien les regles de l’orthographe qui est en usage, afin de pouvoir corriger les fautes que les enfans font en écrivant.

S’ils ne se sentent pas assez forts pour montrer eux-mêmes à bien écrire, ils se serviront d’éxemples imprimées, ou de celles qui font faites à la main. Les exemples ne s’écriront point sur le papier des enfans, mais sur des bandes de papier que l’on changera de jour en jour. Les exemples le donneront, 1. des lettres, 1. des syllabes, 3. des mots, 4. des Sentences ou Maximes tirées de l’Ecriture Sainte.

L’alphabet ne se donnera pas tout d’un coup , il suffira de donner deux ou trois lettres, ensuite six, & après, on donnera tout l’alphabet. Il faut commencer par donner pour exemple, des oo, & des ii : dans la suite on donnera des aa, ensuite des ff, des mm, & des nn, qui sont des lettres initiales, desquelles sont formées presque toutes les autres : par exemple, d’un o avec un i on en fait un a. L’o a du raport avec le b, le c, le d, l’e : l’f est une lettre initiale qui sert avec l’o à faire le g, &c. L’m & l’n sont aussi initiales, & elles entrent dans la plus part des mots, &c.

On doit faire toûjours dans le commencement les lettres assez grosses & assez grandes, parce qu’elles s’apprennent plus aisément & forment mieux la main, & qu’on diminue toujours assez son écriture, quand dans la suite on écrit plus vite.

Les Maîtres & les Maitresses auront soin de préparer les exemples des enfans : pour les commençans, des exemples de lettres, d’autres de syllabes, d’autres de mots, d’autres de lignes, selon la capacité des enfans : ce qu’ils feront dès le matin ou le soir avec la leçon.

Ils montrent d’abord aux enfans qui commencent à écrire, à bien tenir leur plume, sçavoir, à trois doigts qui sont le pouce, le second, & celui du milieu, lesquels doivent être étendus. Les deux autres doigts ne doivent toucher sur le papier que jusqu’à leur première jointure : il faut que les trois doigts qui tiennent la plume ne touchent pas, mais qu’ils soient peu éloignés des deux de dessous, sur lesquels la main est légèrement soutenue, afin qu’ils demeurent libres pour faire les traits passant sur & sous le corps de l’écriture. Ils leur recommandent, 1. De tenir net & droit leur papier, qu’ils leur réglent pour les premieres fois ; 2. De prendre l’ancre comme il faut, en trempant seulement le bout de la plume ; & quand il y en a trop, la secouant légérement dans le cornet, ou ancrier, & jamais à terre, 3. De leur faire tenir le corps de telle maniere, qu’il ne soit ni trop panché sur le papier, ni trop droit ; mais dans une situation agréable & commode, 4. Qu’ils aient le corps droit devant le papier, n’inclinant ni à droite ni à gauche, mais seulement baissant médiocrement la tête & les épaules vers l’écriture, le bras gauche posé à son aise sur la table, de telle maniere que le corps soit entiérement appuié, afin de soulager le bras droit, qui par ce moien demeure plus libre pour bien écrire. Le bras droit ne doit porter sur la table que jusqu’au milieu de l’intervalle qu’il y a depuis le bout des doigts jusqu’au coude ; & l’estomach doit être légérement appuié sur la table.

Après ces instructions generales on donne le c & l’o pour éxemple. Il faut prendre garde de ne les pas attacher les premiers jours à bien faire leurs lettres, autant qu’à les former, à bien tenir leur plume, leur papier, & leur corps.

Il ne faut point leur donner d’autres lettres les trois ou quatre premiers jours, afin qu’ils s’occupent entiérement à garder les regles précédentes, ausquelles on les accoutemera aisément, en leur tenant d’abord la main ; puis les laissant faire seuls, & écrire souvent droit sur les lignes c & o ; à cause que former ces lettres, il faut mouvoir également les doigts qui tiennent la plume.

Le maniement de la plume doit se faire de maniere qu’elle ne soit ni trop ni trop peu serrée entre les doigts, quand on écrit.

La plume ne doit poser sur le papier que médiocrement : & cette médiocrité sera gardée, si on n’en force pas le bec en appuiant trop dessus ; mais si elle produit ou forme les traits naturellement, à quoi contribue beaucoup la pesanteur réglée de la main, donc le poids ne doit pas être tout à fait sur le papier, mais elle doit être un peu soulagée, afin de mieux couler & écrire plus légérement.

Le quatriéme & le cinquiéme doigts qui sont dessous, doivent couler & glisser sur le papier, à mesure que la main avance en écrivant.

Les enfans étant accoutumez à bien tenir le corps & la plume, comme on vient de le marquer, il faut leur montrer à bien former les lettres de l’Alphabet, & par où on doit commencer ; quand il faut lever la plume, & quand il ne faut pas la lever ; de ce qu’il faut faire tout d’un trait.

Après les lettres communes il faut leur donner les lettres majuscules qui se mettent au commencement des articles, ou des noms propres ; ensuite on doit leur donner les syllabes, ou les mots d’une syllabe comme, il, tôt, mort, cour, vingt, &c. & les exerçer à bien tirer leurs liaisons, en soulageant un peu la plume.

Après les exemples des syllabes, il faut leur donner des exemples de mots entiers les plus courts, comme de deux syllabes d’abord, puis de plus longs.

Ensuite quand on leur donnera des lettres, ou des syllabes ou des mots, il faut leur faire autant de lignes de chaque lettre, syllabe, ou mot, qu’il y en aura dans l’exemple, & même les leur faire recommencer.

Quand ils seront bien exercez dans ces sortes d’exemples, il faut leur donner en exemple, une ligne, puis deux, & ensuite trois, dont la premiere sera de lettres majuscules.

Les Maîtres & les Maitresses auront soin de corriger les exemples des enfans, leur marquant par un petit trait de plume les principales fautes qu’ils ont faites. Il suffit quand ils commencent, de leur faire remarquer deux ou trois fautes seulement : car leur en marquer d’avantage c’est les embarasser : cela fait qu’ils oublient tout, & ne retiennent rien, à moins qu’on ne leur fasse répéter aussi-tôt, ce qu’on leur aura dit, pour voir s’ils l’ont retenu.

Les enfans un peu avancez pourront aisément écrire deux pages par jour, une le matin, & l’autre le soir. Pour ceux qui ne font que commencer ou qui sont peu avancez, il suffira pour-eux de faire six lignes, ou tout au plus, la moitié de leur exemple le matin, & le reste après midi : Il est plus avantageux aux enfans d’en faire peu & de le bien faire, que d’en faire beaucoup & de ne faire rien qui vaille, comme il n’arrive que trop souvent.


Chapitre XV.

De l’orthographe & de la ponctuation.


LEs Maîtres & les Maitresses d’Ecole doivent d’abord avertir les enfans qui lisent, de prendre garde comment les mots sont écrits.

Quand ils sçavent médiocrement écrire, qu’ils vont droit sans régler, à quoi on doit les accoutumer insensiblement, leur défendant de régler, sinon deux lignes pour dresser leur écriture ;

Il faut leur faire transcrire quelques pages d’un livre, où l’orthographe soit bien observée, leur recommandant de ne rien omettre de ce qu’ils trouveront marqué, soit point, soit virgule, soit accent, ou lettres majuscules, &c. & même de bien former leur écriture.

Outre cela, on leur fera une leçon particulière de l’orthographe, qui consiste à leur demander comment s'écrivent tels & tels mots, commençant par les plus faciles. Ensuite on leur dicte ce qu'ils ont transcrit, & enfin on leur fait transcrire les leçons qu'ils doivent apprendre par cœur, comme celles du Catechisme du Diocêse ou de celui des Dimanches & des Fêtes, les Sentences ou les Maximes tirées de l'Ecriture Sainte.

Pour ce qui est de la ponctuation, comme on a parlé du nom & de la figure des points dans cette derniere partie au Chapitre VIII. n. 4. & suivans, je me contente de dire ici qu'il est à propos d'instruire les enfans de l'usage qu'ils doivent en faire, pour leur apprendre à écrire d'une maniere sensée & intelligible, comme on doit parler ; car l'écriture est l'image de la parole : or comme personne ne parle sans faire quelques pauses, il faut de même en écrivant marquer dans le discours les caracteres qui sont établis pour faire observer ces choses, par ceux qui doivent le lire ; sans quoi ils ne pourroient en entendre le sens qu'avec peine. Ces caracteres sont le point . les deux points : le point & la virgule ; la virgule , la parenthese ( ) le point interrogant ? & le point admiratif !

Comme le discours est un enchainement de périodes, les périodes ont aussi un autre enchainement, qui lie leurs parties, lesquelles toutes ensemble rendent un sens parfait d'une perfection particuliere : ce sens particulier & parfait dans le discours se marque à la fin par un point seul, qui est interrogant, s'il y a dans la periode une interrogation ; ou admiratif, si elle renferme quelque admiration ; ou un point simple, s'il n'y a ni interrogation ni admiration dans la période. Les deux points marquent un sens moins achevé que quand le point est seul, & qu'il faut faire une moindre pause en lisant mais plus grande que quand il y a un point & une virgule ensemble & enfin la virgule marque la moindre de toutes les pauses.

la parenthese renferme un discours séparé du sens de la période.

Chapitre XVI.
Des leçons qu'on doit donner à apprendre aux enfans.

Il y a deux sortes de leçons qu'on doit donner à l'Ecole aux enfans la premiere est celle qu'ils doivent lire, la seconde est celle qu'ils doivent apprendre par cœur. Il faut leur marquer celle qu'ils doivent lire à l'Ecole, & leur recommander de la préparer, avant que de la lire au Maître ou à la Maitresse.

On leur donnera la seconde leçon à apprendre à la maison, & on la donnera à tous ceux qui en seront capables, dont il faut avoir soin de cultiver la mémoire en leur faisant apprendre par cœur le plus de choses qu’on peut. En effet comme d’un côté l’esprit des enfans n’est pas alors capable de produire beaucoup de choses de lui-même, & que de l’autre ils ont d'ordinaire la memoire fort bonne, il n’y a presque que cette faculté de leur ame que l’on puisse exercer utilement. Cette leçon pour les plus petits enfans consistera en deux ou trois demandes du Catechisme, & pour les plus grands en deux ou trois Maximes Chrétiennes, ou en quelque acte de vertu de l’exercice du Chrétien, pour le matin, pendant la journée & pour le soir : cette leçon se dira avant la priere.

Si les enfans ne peuvent pas apprendre cette leçon chez-eux, les Maîtres & les Maitresses auront soin qu’ils l’apprennent à l’Ecole, après avoir satisfait aux autres devoirs de l’Ecole, ou auparavant.

Sur tout ils leur feront apprendre pendant la semaine la leçon du Catechisme du Diocêse ou de celui des Dimanches & Fêtes, que le Catechiste ou les Catechistes des Paroisses de ces enfans auront marquée le Dimanche ou la Fête précédente, et qu’ils expliqueront & feront répéter le Dimanche ou la Fête suivante.

Il seroit bon qu’ils donnassent aux plus sages & aux plus avancez de leurs enfans, d’autres Ecoliers moins capables, pour leur faire apprendre la leçon qu’on leur aura marquée, & pour leur faire répéter en public ce qu’ils auront appris en particulier.

Rien ne seroit plus capable d’exciter les enfans à apprendre ces leçon que de les leur faire répéter deux deux, l’un faisant les demandes & l’autre y répondant ; & cela comme en disputant, ainsi qu’il se pratique dans les Colleges par raport aux leçons de Latin. L’expérience fait connoître que cette conduite soulage beaucoup les Catechistes, qu’elle anime les enfans à apprendre les leçons qu’on leur a marquées, & qu’ils les retiennent mieux.

Les Maîtres & les Maitresses qui montreront à écrire aux enfans, leur donneront des Maximes Chrétiennes pour exemples, & ils les obligeront à les apprendre par cœur tous les jours, & à les répéter toutes le Samedi au soir.

Ces maximes ou Sentences tirées de l’Ecriture Sainte qu’on fait écrire & apprendre aux enfans, leur serviront de préservatif contre les maximes du monde, & leur apprendront à vivre chrétiennement. C’est pour cela qu’il a été ordonné aux Professeurs de l’Université de Paris de donner & de faire apprendre tous les jours à leurs Ecoliers des Sentences tirées de l’Ecriture Sainte. Monsieur Gonteau ci-devant Chantre & Chanoine de l’Eglise Métropolitaine de Paris, Collateur & Directeur des petites Ecoles de la Ville, Faux-bourgs & bourgs & Banlieuë de Paris, a fait aussi un Reglement pour obliger les Maîtres & les Maitresses d’Ecole à faire apprendre tous les jours à leurs Ecoliers ou Ecolieres deux Maximes de l’Ecriture Sainte, & à leur faire répéter à la fin de chaque semaine, toutes les Maximes qu’ils auront apprises pendant la semaine. Ces Sentences ou Maximes ont comme des semences qu’on jette dans ces terres spirituelles, qui ne manqueront point de germer & de produire du fruit dans leur tems. Les Maîtres & les Maitresses pourront prendre ces Maximes & ces Sentences dans les Instructions de la Morale Chrétienne contenues dans les Chapitres 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. & 18. de la quatriéme partie de cet ouvrage.


Chapitre XVII.

Moiens dont les Maîtres & les Maitresses doivent le servir dans l’exercice de leur ministere, pour pouvoir réussir dans l’instruction, & dans l’éducation qu’ils donnent aux enfans qui leur sont confiez, le châtiment & la récompense.

§. 1.

Du châtiment & de la récompense des
enfans dans les Ecoles, en general
.


COmme les enfans ne font pas assez raisonnables pour reconnoître le besoin qu’ils ont d’apprendre, de se corriger de leurs fautes, & d’avancer dans la vertu, il faut prendre les moiens propres pour les porter à s’acquiter de ces devoirs, & pour leur faire embrasser la peine & le travail qui s’y trouvent. Or les moiens dont on doit se servir pour cela, sont les récompenses qu’il faut proposer aux uns pour les animer à bien faire, & les punitions dont il faut intimider les autres pour les retirer de leur paresse. Il faut récompenser les diligens, & punir les paresseux : c’est la conduite que doivent garder les Maîtres & les Maitresses d’Ecole dans l’éxercice de leur ministere, ou pour faire avancer les enfans dans la science, ou pour les corriger de leurs fautes, ou pour procurer leur avancement dans la vertu.

Le grand point de prudence est d’emploier à propos ces moiens, & de s’en servir avec succès. C’est de quoi les Maîtres & les Maitresses feront une étude particulière pour ne pas s’y méprendre : & pour cela après s’être appliquez à bien connoître le naturel de leurs enfans, bien distinguer leur caractere, & à approfondir ce qu’ils ont de bon & de mauvais, ils agiront à leur égard selon leur differentes dispositions. Par la conduite qu’ils garderont & l’expérience qu’ils en feront, ils se rendront sçavans dans ce point de discipline si nécessaire & si important dans le gouvernement des Ecoles pour le bien des enfans.

De plus comme la charité doit être le principe & l’ame de l’emploi des Maîtres & des Maitresses d’Ecole, elle doit les rendre tellement maîtres d’eux-mêmes par une continuelle mortification de leurs passions & de leur humeur, qu’ils puissent posséder leurs ames par la patience, prendre toutes sortes de formes à l’égard des enfans, & diversifier leur conduite selon la diversité de leurs esprits & de leur caractere, se réglant toujours sur les dispositions qu’ils y remarquent, dans la vue de les mener à Dieu par l’instruction & par l’éducation chrétienne, de les perfectionner dans l’une & dans l’autre, par la voie du châtiment à l’égard des uns, & de la récompense à l'égard des autres ; évitant avec soin les deux extremitez, qui sont une trop grande douceur. Car s'il faut que les enfans aiment leurs Maîtres & leurs Maitresses, qu'ils se plaisent à l'Ecole & aux éxercices qui s'y font, il faut aussi qu'ils respectent & qu'ils craignent leurs Maîtres & leurs Maitresses, dont la pensée seule doit leur inspirer un air serieux & la modestie ; & la crainte qu'ils ont d'eux, doit les retenir dans les bornes de leur devoir envers Dieu, envers le prochain & envers eux-mêmes ; ou les porter à y rentrer, si par malheur ils en étoient sortis.

De ces principes il est facile de conclure l'obligation que les Maîtres et les Maitresses ont d'emploier le châtiment & la récompense dans leurs Ecoles à l'égard des enfans dont ils sont chargez, soit pour leur procurer l'instruction, soit pour leur donner une éducation chrétienne.

Chapitre XVIII.
§. 2.
De la correction & du châtiment des enfans dans les Ecoles.

Rien n'est plus admirable ni en même tems plus instructif, que ce que le Saint-Esprit nous apprend dans l'Ecriture Sainte, touchant la correction & le châtiment des enfans. Il nous dit dans les proverbes, chapitre 29. v. 15. que la verge & la correction donne de la sagesse, & que l'enfant qui est abandonné à sa volonté & à qui on souffre tout, couvrira sa mere de confusion, c'est-à-dire, qu'il deshonorera la famille, & qu'il sera la confusion de son pere & de sa mere par la vie scandaleuse qu'il menera, & par les châtimens publics qu'il s'attirera. Il dit encore au même livre, chapitre 23. v. 13 & v. 14. qu’il ne faut point épargner la verge à l’enfant, & que si on le frappe avec la verge il n’en mourra point, mais que l’on délivrera son ame de l’enfer. Et au chapitre 22. v. 15. du même livre, il dit que la folie est liée au cœur de l'enfant, de que la verge de la discipline l’en chassera. Au chapitre 13. v. 24. il dit que celui qui épargne la verge à son enfant, le hait ; & qu’au contraire celui-là l’aime, qui s’applique à le corriger ; ou selon le texte hebreu, à le châtier avant qu’il ait pris de mauvais plis. Enfin, il dit au chapitre 29. v. 17 corrigez votre fils, & il vous consolera, & il deviendra les delices de votre ame.

Ecoutez ceci, dit S. Chrysostome en parlant aux peres & aux meres : Elevez vos enfans avec un grand soin dans la discipline & la correction du Seigneur ; ne leur pardonnez rien sous prétexte de leur enfance, conservez les sur tout dans une grande retenue. Avertissez-les, corrigez-les, intimidez-les, menacez-les, & s’il est besoin faites leur ressentir les effets de ces menaces. Homelie 9. sur la 1. à Timoth. chap. 3.

Cet admirable Docteur si zêlé pour l’éducation de la jeunesse, recommande encore dans un autre endroit aux peres & aux meres la correction de leurs enfans comme un devoir indispensable, & leur apporte sur ce sujet l’éxemple terrible du grand Prêtre Heli qui périt si malheureusement, non pour n’avoir pas corrigé les enfans, mais pour ne l’avoir pas fait avec assez de sévérité. Les autres Peres de l’Eglise tiennent sur cette matiere à peu près le même langage, qu’il seroit trop long de rapporter.

La raison de la sévérité de cette conduite à l’égard des enfans, est que la plûpart sont incapables de raison, & par conséquent de se porter à leur devoir par jugement & par amour. Souvent de cent enfans à peine en trouvera-t-on quatre on cinq à qui le châtiment ne soit pas nécessaire. Si donc les Maîtres & les Maitresses ne châtient pas, ce ne sera que confusion & desordre dans leurs Ecoles. Bien loin qu’ils fassent aimer la vérité & la pieté aux enfans, l’amour du libertinage & du divertissement, les passions criminelles conformes à leur penchant & à leur tempérament, les entraineront indubitablement dans toutes sortes de vices. C’est le moien de tout perdre. Il n’y a rien de plus corrompu, & dont on doive plus desespérer, qu’une troupe d’enfans sans joug & sans discipline.

Mais afin que le châtiment ait un bon effet, & que les enfans en profitent, & que les oracles du Saint-Esprit que l’on vient de rapporter, se vérifient, il faut que les Maîtres & les Maitresses y contribuent de leur côté, par la maniere dont ils s’y prennent en les corrigeant & en les châtiant. Il n’omettront donc rien de ce qui est nécessaire pour le faire avec succez ; & pour cela ils observeront les regles de conduite suivantes, qui renferment ce qu’il faut éviter & ce qu’il faut pratiquer dans le châtiment des enfans.


Chapitre XIX.

Ce qu’il faut éviter dans le châtiment
des enfans dans les Ecoles.
.

1. LEs Maîtres & les Maitresses ne doivent jamais châtier leurs enfans sans une juste raison ; rien ne révolte tant les enfans que de se voir châtier sans sujet.

2. Ils doivent bien se donner de garde de châtier avec excez, & de sortir des bornes d’une juste modération ; & pour cela

3. Ils ne doivent jamais châtier par caprice, par humeur, par passion, par emportement, ni par ressentiment, soit à l’Eglise, soit à l’Ecole : quand ils le font, c’est ce qui gâte tout, ce qui rend les enfans incorrigibles, ce qui les irrite, ce qui aigrit les peres & les meres, & qui rend inutiles tous les soins & tous les travaux des Maîtres & des Maitresses.

4. Ils n’useront jamais de mots injurieux & outrageans ; & ils éviteront de parler toujours avec menaces & en colere. Enfin, ils banniront dans l’éxercice de leur emploi toute aigreur, tout emportement, toute crierie, tout reproche des défauts d’âge, de corps ou d’esprit de leurs enfans, tous les termes qui sentent l’injure. Quelque tort que les enfans paroissent avoir, les injures, les outrages, &c. ne sont jamais de saison ils les aigrissent sans les corriger, & leur donnent plus d’aversion pour ceux ou celles qui les en chargent, que pour les fautes qu’ils ont faites.

5. Ils doivent extrêmement craindre d’accoutumer les enfans aux coups, cela leur bouche l’esprit, & fait qu’ils n’apprennent rien : cela les endurcit, plutôt que de les faire rentrer dans leur devoir.

6. Ils ne doivent point avoir sans celle recours à la verge ni à la ferule, pour une infinité d’inadvertences ou de manquemens qui ne sont point des péchez, & qui n’y conduisent point directement : il faut chercher d’autres remedes à ces petits inconveniens ; ce qu’ils peuvent faire par beaucoup de petites adresses, par des manieres humiliantes, par de certaines privations, par un air & par un ton sévére, même par un silence affecté.

7. S’ils relevent tout jusqu’aux moindres fautes, & s’ils châtient les enfans à tout moment, leur sévérité & leur éxactitude deviennent inutile les & peuvent beaucoup aliener & prévenir les peres & les meres, & les enfans, exciter du scandale, d’écrier les Ecoles, rendre les véritez qu’on y enseigne odieuses ; ce qui est directement opposé à la fin qu’ils doivent se proposer uniquement dans leur emploi, qui est de former les enfans dans la pieté & dans la religion.


Chapitre XX.

§. 4.

Ce qui il faut observer dans le châtiment
des enfans.
.


IL y a des Maîtres & des Maitresses qui ont le don de se faire craindre, sans frapper, par la seule parole ou par un air sérieux & grave ; & ils se font aimer sans se familiariser trop, & sans rire avec les enfans. Voila par où il faudroit commencer pour corriger les enfans.

1. Les avertir d’abord serieusement de leur devoir & de leurs fautes ; leur faire sentir ensuite la justice & la raison de ce qu’on exige d’eux, & la grandeur de leurs fautes, & les conséquences qu’elles peuvent avoir : si cela ne suffit pas

2. Il faut leur imposer des penitences humiliantes & mortifiantes, proportionnées & opposées à leurs fautes, comme de les faire mettre à genoux, de les y faire rester pendant du tems, de leur faire baiser la terre, de les faire mettre aux dernieres places de la Classe, de leur donner à apprendre quelque leçon extraordinaire. Ces sortes de pénitences mortifient quelquefois plus les enfans que les plus grands châtimens : il faut que les punitions piquent l’amour propre, & humilient l’orgueil.

3. Si ces moiens ne sont pas capables de les corriger, il faut en venir à un châtiment plus rigoureux, mais par degrez : le servir d’abord de verges pour les frapper sur une main puis sur les deux ; les faire mettre en état, comme si on vouloit leur donner le fouet, se contenter après cela de leur faire baiser les verges pour la premiere fois, & leur protester que s’ils ne se corrigent, on leur donnera le fouet.

4 . Il faut épuiser tous les châtimens avant que d’en venir au fouet, & n’user de ce dernier qu’avec beaucoup de circonspection & de modération, pour ne pas exceder, ni bleser les enfans, pour garder les regles de la modestie, & ne pas offenser la pudeur, se donnant de garde en les fouettant de les exposer nuds devant les autres ; & pour cela les fouetter dans quelque lieu particulier, ou faire tourner les autres enfans d’un autre côté.

5 . Quand ils sont obligez de châtier les enfans, ils doivent le faire avec une sainte colere, réglée par la raison & par la religion, par un zêle dépouillé de toute passion ; en un mot se conduire en cette rencontre d’une maniere à leur faire connoître, à leur persuader, & même à leur faire sentir qu’on n’a en vue que leur amendement, leur avancement dans la science & dans la pieté, le bon ordre de l’Ecole, & le bien des autres Ecoliers, ausquels ces exemples de sévérité sont salutaires : car l’enfant deviendra plus sage, dit Salomon, par le châtiment du coupable, & de celui qui lui donne mauvais exemple. Prov. 21. 11.

6. Il seroit à propos de diversifier les punitions, & de châtier tantôt d’une maniere, & tantôt d’une autre ; car, afin que le châtiment fort utile, il doit être toujours nouveau, parce qu’il doit être sensible.

7. Il faut proportionner le châtiment à la faute des enfans, à leur caractere, &c. Faisant ensorte que ce remede soit opposé au mal qu’on veut corriger.

8. Emploier les châtimens que l’on juge les plus sensibles aux enfans, ou pour la douleur, ou pour la confusion : ce qui attaque le foible d’un enfant, est quelquefois pour lui un rude châtiment.

9. Les grandes fautes doivent être sévérement punies, sur tout celles qui sont contre la religion & les bonnes mœurs, doivent être punies sans miséricorde.

10. Il faut châtier avec sévérité & une sainte rigueur, les menteurs, les infames, les jureurs, les voleurs, les calomniateurs, les emportés, les insolens, les aggresseurs, les médisans, les orgueilleux, les rebelles, les desobéïssans à leurs peres & à leurs meres, les libertins.

11. Il faut ne point pardonner, mais punir sans miséricorde trois fautes d’une malice noire, la desobéïssance opiniatre, le mensonge réitéré & soutenu, & l’irréverence habituelle dans les Eglises.

12. Pour ce qui est des fautes d’inadvertence, d’ignorance ou de fragilité, il semble raisonnable d’user de quelque indulgence : mais il y a encore une certaine aversion du travail qu’il faut combattre puissamment, comme une des plus grandes dispositions à la corruption des mœurs.

13. Pour les fautes commises dans l’Ecole, si elles sont legéres, comme une petite paresse, causer, badiner, &c. on peut les punir par quelque humiliation, comme en faisant baiser la terre, ou mettre à genoux : que si ces fautes ne sont pas volontaires & sont des suites de l’enfance, il faut se contenter d’en avertir ceux qui y tombent.

14. Si un enfant est d’un esprit & d’une humeur intraitable & porté au mal, & que la douceur le gâte, on doit user à son égard d’une sévérité entremêlée de marques de bonté, le châtier de tems en tems & d’une maniére à lui faire sentir son mal plutôt que le ressentiment & la passion du Maître ou de la Maitresse que la charité doit avoir modérée : il faut le traiter d’une maniere à le convaincre qu’on ne sçait ce que c’est que flâter & approuver le mal, lorsqu’un enfant ne veut pas le quitter ; & qu’on sçait encore autant pardonner, condescendre, & même récompenser, lorsqu’un enfant s’humilie, qu’il reconnoît ses fautes, qu’il s’en accuse le premier, qu’il se soumet à tout, ou même qu’il change de conduite : mais il faut que ce soit toujours l’amour de Dieu qui soit le premier mobile de cette conduite ainsi diversifiée : car l’humeur, l’emportement & le ressentiment gâtent tout.

15. Examiner de tems en tems les points de négligence ; & quand le nombre auquel on a attaché le châtiment, est accompli, on doit punir, ou faire racheter la punition par autant de points de diligence.

16. S’il est permis à quelque Maître de recevoir chez-lui des filles pour les instruire, si quelqu’une d’elles mérite punition, il avertira sa mere, ou si elle n’en a point, celle qui lui tient lieu de mere, de lui faire la correction, se donnant bien de garde de prendre jamais cette liberté à leur égard.


Chapitre XXI.

§. 5.

De la récompense des enfans dans les
Ecoles
.


S’Il y a des enfans qu’il faut châtier & conduire avec sévérité, il y en a qu’il faut traiter avec douceur & récompenser. En effet, si un enfant est bien né, doux & sincere, pourquoi n’avoir pas de la bonté pour lui, & ne le pas conduire avec douceur ? Il est juste aussi de le récompenser, s’il fait son devoir, & de lui faire de tems en tems quelque petit present, pour l’animer à s’en bien acquiter, & à avancer dans la science & dans la pieté : mais il faut que ce soit l’amour de Jesus-Christ qui presse les Maîtres & les Maitresses d’en user ainsi, & non pas un amour humain & charnel, qui est le poison de la charité, & qui ne fait que des idolatres, de ceux dont on veut être aimé.

Ils éviteront d’user envers les enfans d’aucune caresse : sensuelle, soit en les touchant, soit en les baisant. Flâtez votre fils, dit le Saint-Esprit, & il vous causera de grandes fraieurs ; jouez avec-lui, & il vous attristera. Ne vous amusez point à rire avec lui, de peur que vous n’en aiez de la douleur. Eccli. 30. 9.

Il faut donc remarquer avec soin les enfans qui sont sages, réglés dans leur conduite, assidus à l’Ecole, appliqués à leurs devoirs, & les distinguer des enfans paresseux, sans application, déréglés. On en fera deux listes, & on y donnera à chacun les notes qu’il aura méritées. On en rendra compte à Monsieur le Curé, & à celui qui est chargé par Monseigneur l’Evêque Diocesain, du soin des Ecoles du Diocese, lorsqu’ils les visiteront. Mais tout cela se fera sans prévention, sans préférence, & sans passion : Ces remarques sont nécessaires pour les prix, & les récompenses qui se donnent aux enfans dans les Ecoles.

On doit éxaminer de tems en tems les points de diligence ; & quand le nombre auquel on a attaché une récompense est accompli, il faut être fidéle à la donner.

Proposer aux enfans de petites récompenses pour les engager à retenir ce qu’on leur apprend, & comme dit S. Jérôme, les gagner par de petits présens & par les choses qu’ils estiment d’avantage.

Destiner pour chaque Classe tous les mois un prix pour la lecture, un pour l’écriture, un pour le Catechisme du Diocêse, ou pour celui des Dimanches & des Fêtes : le donner à l’enfant qui l’aura mérité, en lisant ou en écrivant mieux, ou qui aura appris plus de leçons de Catechisme, plus de Maximes tirées de l’Ecriture, ou qui les aura recitées avec moins de fautes. Ces prix ou ces récompenses honoraires sont de petits Livres, des Chapelets, des Images signées pour leur sauver le fouet, une, ou deux, ou trois fois. Il faut excepter néanmoins les fautes commises dans l’Eglise, la desobéïssance à la maison, le larcin, l’impureté qui sont des cas irrémissibles.

Il faut donner les places les plus honorables à ceux qui font le mieux, aux plus diligens, aux plus sages.


CHAPITRE XXII.

De l’Ecole Dominicale.


IL ne sera pas hors de propos en finissant cet ouvrage, de dire quelque chose d’une sorte d’Ecole qu’on appelle Dominicale, dont Monsieur Demia Directeur General des Ecoles du Diocêse de Lyon, parle dans son Tresor Clerical, & dont je me contente de faire un précis sur ce sujet, on entend par une Ecole Dominicale, une Assemblée de personnes pieuses qui se fait les Dimanches & les Fêtes dans un lieu commode de la Paroisse, sous l’autorité & avec la permission de leur Pasteur, pour s’y occuper saintement avant ou après les heures du Service public.

Les personnes qui composent cette Assemblée sont des garçons ou des hommes seulement ; ou des filles & des femmes seulement qui s’unissent & qui s’assemblent séparement dans ces jours, les uns dans l’Ecole des garçons, les autres dans l’Ecole des filles. C’est à M. le Curé à élire, à choisir ou agréer les personnes qui doivent présider dans ces Assemblées, qui doivent être les plus exemplaires, les plus retenus, les plus instruits, les plus spirituels de la Paroisse, qui soient déjà avancées en âge.

Il seroit difficile d’exprimer de quelle utilité, pour ne pas dire de quelle nécessité est cette sorte d’Ecole dans une Paroisse. 1. Elle y empêche beaucoup de desordres ; 2. elle y procure beaucoup de bien.

Les desordres qu’elle empêche sont les jeux excessifs, les danses, les débauches, la fréquentation des cabarets, les dissolutions soit publiques, soit particulieres, qui sont d’autant plus criminelles que l’on devroit santifier ces jours par de saintes & de pieuses actions.

Les biens qu’elle procure font qu’elle retire de ces desordres & qu’elle éloigne des lieux & des compagnies dangereuses, & qu’elle donne occasion d’apprendre à prier & à servir Dieu, à se bien comporter dans sa famille, & à s’instruire des autres devoirs du Chrétien. Il est à propos que Messieurs les Curez fassent connoître dans leurs Prônes que la principale fin de ces Assemblées est de procurer la gloire de Dieu & le salut des ames, de santifier les Dimanches & les Fêtes que les Chrétiens ne doivent pas passer dans un repos oisif & sterile comme les Juifs, ni en des occupations vaines, dangereuses ou criminelles comme les gens du monde, mais dans un repos de pieté & d'application à Dieu & à son salut, & comme les premiers Chrétiens dans la priere, le chant des Hymnes, des Cantiques spirituels, la lecture des bons livres, la fréquentation des Sacremens, la visite des malades, les pieuses instructions & la pratique des bonnes œuvres & des vertus Chrétiennes ; & qu’ainsi on doit être ravi de passer un peu de tems dans les exercices de ces saintes Assemblées, au milieu desquelles se trouve Jesus-Christ, quand elles sont faites en son nom. Il est bon de ranimer de tems en tems le zele des peuples pour ces sortes d’Assemblées.

On partage le tems de l’Ecole Dominicale en plusieurs exercices qui sont tout-à-fait propres à santifier, à instruire & à édifier ceux ou celles qui la composent, comme on va le voir dans l’ordre suivant qui doit s’y observer.

1. On commence l’Assemblée par la priere du matin pour apprendre à tous à la bien faire, & pour leur inspirer le desir de prier tous ensemble dans leur famille.

2. On lit ensuite la vie des Saints ou quelque livre de pieté que M. le Curé aura marqué : on entremêle cette lecture de reflexions.

3. On chante ensuite quelque Hymne ou un Cantique Spirituel.

4. On fait après une répetition du Catéchisme des Dimanches & des Fêtes, de la conduite pour la Confession & pour la Communion. Il y a plusieurs choses dans cet Essai d’une Ecole Chrétienne, qui pourront servir pour ces lectures comme les instructions familieres de la Morale Chrétienne contenuë dans la quatriéme page 104. & les suivantes.

5. On fait de tems en tems quelqu’Oraison jaculatoire, comme quand l’horloge sonne ou qu’on tourne le sablier.

6. On propose une pratique spirituelle pour la semaine & quelques Oraisons jaculatoires ; pour les dire souvent pendant la journée, on les repete deux ou trois fois tous ensemble avant que de sortir.

7. Chaque mois on propose un Saint ou une Sainte à imiter & invoquer.

8. On termine l’Assemblée par la priere du soir & l’examen de conscience.

9. On se retire en silence & en recueillement pensant à ce qu’on a appris & entendu dans l’Assemblée. Un chacun fait part dans sa famille de ce qu’il a retenu d’instructif & d’édifiant.


Fautes à corriger.


P
ag. 113, lig. 10. la, lisez les.

Pag. 129, ligne 6. quelle, lisez Elle.

Pag. 191, lig. 9. exterieurement, lisez entierement.

Pag. 193, lig. 13. cette, lisez la.

Pag. 195, lig. 16, après le Pere, ajoutez Celeste.

Pag. 206, ligne derniere effacez, que je parle, ajoûtez après souveraine, à qui j’ai l’honneur de parler.

Pag. 224, lig. derniere, faites la même chose.

Pag. 236, lig. 9 ajoûtez après le mot cela, chez Philippe-Nicolas Lottin, Imprimeur de cet Essai. TABLE

DES CHAPITRES,

PREMIERE PARTIE.

Des Ecoles en general. Chap. ï. 1 ~\E l’excellence, de l’u-

tili té y & delà nècejfité des Ecoles Chrétiennes. page ï

Ch. II. Etablijfement des Ecoles Chrétiennes fait par l’Eg H fi 9 . j

Ch. III. Etablijfement des Ecoles Chrétiennes autorifé par les Rots. jj

SECONDE PARTIE.

Précautions qu J il faut prendre avant que de s’engager dans l'emploi de Maître ou de Maitrefle d’Ecole.

Chap. I. T\ E la vocatbn d la con-

duite des Ecoles. zo Ch. II. Marques de vocation a la conduite des Ecoles. 24

Ch. ÏIE Comment on peut connaître si on eft appellé à la conduite des Eco¬ les. 28 Ch. IV. Quelques autres précau¬ tions particulières a prendre , avant que de s'engager dans l'emploi de Maître ou de Maitrejfe d'Ecole . j,

TROISIEME PARTIE.

HEg ËHraHHBSH % 8 i. ^^'3 * *\

Sentimens que les Maîtres & les Maitrefles d’Ecole doivent avoir de leur emploi.

Chap. I. 7 ^Stime que les Maîtres & J—j les Maitrejfes d'Ecole doivent concevoir de leur emploi. 37 §. i. Premier motif d’eftime. Ils font les Maîtres & les Maitrejfes des enfans qui leur font confiés , la-même.

Ch. II. §. x. Second motif d’efti¬ me de l’emploi des Maîtres 8c des Maitreffes d’Ecole. Ils font comme les Anges Gardiens des enfans dont ils ont la conduite . 41

Ch. III. L’amour que les Maîtres & les Maitrejfes d’Ecole doivent avoir four leur emploi. 4f

Ch. IV. §. 1. Zèle que les Maî- tret & l es Maitrejfes d’Ecole doivent avoir pour l'exercice de leur emploi.

Ch. V. §. i. Zêle admirable que de grands hommes ont eu pour la conduite des Ecoles. 53

QUATRIÉME PARTIE.

Principaux devoirs des Maîtres & des Maitresses d’Ecole dans l’éxercice de leur emploi.

Chap. I. §. i. Devoirs des Maitres & des Maitresses d'Ecole par raport à leur conduite particulière. 60

Ch. II. §. 2. Quelques regles de conduite que les Maîtres & les Maitresses d'Ecole doivent observer. 65

Ch. III. Devoirs generaux des Maîtres & des Maitresses d'Ecole par raport à leurs écoliers & à leurs écolieres. 71

Ch. IV. Devoirs particuliers des Maîtres & des Maitresses d'Ecole à l'égard des enfans qui leur font confiés. 84

§. i. Education Chrétienne qu'ils doiDent leur donner. la même

Ch. V. §. i. De l’inJlruEHon f am U

liere de In Doctrine ùhretienne 3 oh du Catechifne^qùe les Maîtres & les Mai¬ trejfes doivent faire aux enfans dans les Ecoles. 99

Ch. VI. §. 3. TnflruBions familières fur la A-iorale Chrétienne que les Moi¬ tiés & les Maitrejfes d’Ecole peuvent faire a leurs écoliers & a leurs écolieres, 1. par raport d Dieu. 104

Ch. VII. Seconde inftruction familière sur la Morale Chrétienne, que les Maîtres & les Maitresses d'Ecole peu¬ vent faire d leurs éco'iers ou d leurs écolieres 3 par raport d eux-mêmes com¬ me hommes. 115

Ch. VIII. InftruÜions familières^ ftr la Morale Chrétienne 3 que Us Maîtres & les Maitrejfes d’Ecole peuvent faire d leurs écoliers & d ’eurs écoliers , par raport d eux-mêmes comme enfans d A- dam. 122

Ch. IX. Instruction familière sur la Morale Chrétienne , que les Maîtres if les Maitrejfes d’Ecole peuvent faire à leurs écoliers & à leurs écolieres, par raport à eux-mêmes comme Chrétiens. 128

Ch. X. Instruction sur la Sainteté Chrétienne en general, que les Maîtres & les Maitresses d’Ecole peuvent faire à leurs écoliers & à leurs écolieres. 137

Ch. XI. 1. Instruction sur la fuite du péché en general, que les Maîtres & les Maitresses d’Ecole peuvent faire à leurs écoliers & à leurs écolieres. 140

Ch. XII. Instruction sur ce qui peut porter au péché, soit intérieurement soit extérieurement. 143

I. De la Chair. la même

II. Du Démon. 145

III. Du Monde. la même

Ch. XIII. Instruction sur la fuite du péché en particulier. 148

I. De l’Orgueil. la même

II. De l’Avarice. 150

III. De l’Impureté. la même

IV. De l’Envie. 152

V. De la Gourmandise. la même

VI. De la Colere. 154

VII. De la Paresse. 155 Ch. XIV. Instruction sur les pechez de pensées, de desirs, & de paroles. 157

Ch. XV. Instruction familière sur la pratique de la vertu, que les Maîtres & les Maitresses peuvent faire à leurs écoliers & a leurs écolieres. 162.

Ch. XVI. Instruction sur les vertus Cardinales & Morales. 166

I. De la Temperance. la même

II. De la Prudence. 169

III. De la Justice. 171

IV. De la Force. 173

Ch. XVII. 1. Instruction familière sur la Morale Chrétienne, que les Maîtres & les Maitresses d’Ecole peuvent faire a leurs écoliers & d leurs écolieres, par raport au prochain. 177

Ch. XVIII. Instruction familière sur la Morale Chrétienne, que les Maîtres & les Maitresses d'Ecole peuvent faire à leurs enfans, par raport à leurs Peres & à leurs Meres. 183

Ch. XIX. Quelques sujets particuliers dont il est important d'instruire les enfans dans les Ecoles, pour les former dans dans la vie chrétienne. 186

De l'exercice journalier du Chrétien. la même

Ch. XX. De la Priere. 192

Ch. XXI. Maniere de former les enfans dans l'exercice de la priere. 196

I. De la Priere vocale. la même

II. De la Priere du Cœur. 199

Ch. XXII. Prières qu'il est à propos d'apprendre aux enfans dans les Ecoles, & de les accoutumer à faire dans les tems marqués. 205

Prières pour le Matin. la même

Priere qu’on dit le matin, à midi & le soir. 212

Ch. XXIII. Prieres pendant la journée. 214

Ch. XXIV. Continuation des prières pendant la journée. 218

Ch. XXV. Prieres pour le Soir. 224

Ch. XXVI. Du service Divin. 230

Ch. XXVII. Des Sacremens. 235

Ch XXVIII. De l'esprit de Religion qu’il faut inspirer aux enfans dans les Ecoles. 244 Ch. XXIX. Du chant des Pseaumes y des Hymnes & des Cantiques Spirituels. 250

Ch. XXX. Devoirs des Maîtres & des Maitresses d’Ecole à l'égard de leurs Supérieurs. 256

Ch. XXXI. De la visite des Ecoles. 260

CINQUIÉME PARTIE.

Discipline qui doit être observée dans les Ecoles Chrétiennes.

Chap. I. Conduite des Maîtres & des Maitresses pour établir on conserver une discipline exacte dans leurs Ecoles. 266

Ch. II. Quelques réglés de prudence que les Maîtres & les Maitresses doivent garder, pour établir ou conserver la discipline dans leurs Ecoles. 268

Ch. III. De l’exactitude des enfans à garder la discipline de l’Ecole 1. pour devenir de bons Chrétiens. 276

Ch. IV. De l’éxactitude des enfans à garder la discipline de l’Ecole, pour devenir de bons Ecoliers. 282

Ch. V. Les parens des enfans doivent aussi contribuer à maintenir & à soutenir la discipline établie dans les Ecoles. 284


VI. ET DERN. PARTIE.

Chap. I. ORdre qui doit être gardé dans les Ecoles Chrétiennes. 291

Ch. II. Distinction des Classes, ou leçons qui se font dans les Ecoles. 297

Ch. III. Il faut commencer a enseigner aux enfans à prier & à lire en François, & ensuite en Latin. 302

Ch. IV. Méthode pour faire l’Ecole. 306

Ch. V. Méthode pour apprendre à lire. 311

Méthode pour apprendre à connaître les lettres. la même

Ch. VI. Méthode pour apprendre à appeller ou à épeller & à syllaber. 315

Ch. VIT. Méthode pour apprendre à assembler les syllabes & pour en former des mots. 318

Ch. VIII. Quelques observations à faire faire aux enfans dans la lecture, pour les y perfectionner. 322

Ch. IX. Essai pour apprendre aux enfans à lire le François. 330

§. 1. Des principaux termes de la langue Françoise, dont il est à propos d’insrtuire les enfans dans les Ecoles, pour leur apprendre à bien lire le François. la même

Ch. X. §. 1. Application des principes qui viennent d’être exposez, pour éviter les principales fautes qu’on fait souvent dans la lecture Françoise. 357

Ch. XI. §.3. Regles particulieres pour bien lire le François. 341

Ch. XII. §. 4. Regles particulieres pour bien lire le Latin. 350

Ch. XIII. Réglés generales à observer dans la lecture du François & du Latin, pour éviter les fautes principales & les plus ordinaires que l’on y fait. 355

Ch. XIV. De l’écriture. 360

Ch. XV. De l’orthographe & de la ponctuation. 369

Ch. XYI. Des leçons qu’on doit donner à apprendre aux enfant. 371

Ch. XVII. Moiens dont les Maîtres & la Maitresses doivent se servir dans l’exercice de leur ministere, pour pouvoir réussir dans l’instruction & dans l’éducation qu’ils donnent aux enfans qui leur sont confiez, le châtiment & la récompense. 377

§. 1. Du châtiment & de la récompense des enfans dans les Ecoles, en general. la-même

Ch. XVIII. §. 2. De la correction & du châtiment des enfans dans les Ecoles. 381

Ch. XIX. §. 3. Ce qu’il faut éviter dans le châtiment des enfans dans les Ecoles. 385

Ch. XX. §. 4. Ce qu’il faut observer dans le châtiment des enfans. 388

Ch. XXI. §. 5. De la récompense des enfans dans les Ecoles. 395

Ch. XXII. De l’Ecole Dominicale. 399

Fin la Table des Chapitres.

PRIVILEGE GENERAL.


LOUIS par la grâce de Dieu Roi de France & de Navarre, à nos Amez & Feaux Conseillers les gens tenans nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand-Conseil, Prévôt de Paris, Baillifs, Senechaux, leurs Lieutenans Civils & autres nos Justiciers qu’il appartiendra, Salut. Notre bien-amé Philippe-Nicolas Lottin Libraire & Imprimeur à Paris Nous ayant fait remontrer, qu’il lui avoir été mis en main un Essai d’une Ecole Chrétienne, ou manière d’instruire & d’élever chrétiennement les Enfans dans les Ecoles, qu’il souhaitteroit imprimer ou faire imprimer & donner au Public, s’il Nous plaisoit lui accorder nos Lettres de Privilege sur ce nécessaires ; A ces Causes, Voulant traitter favorablement ledit Exposant, Nous lui avons permis & permettons par ces Presentes, de faire imprimer ledit Livre en tels volumes, forme, marge, caractere, conjointement ou séparément, & autant de fois que bon lui semblera, & de le vendre, faire vendre & debiter par tout notre Royaume pendant le tems de huit années consécutives, à compter du jour de la datte desdites Presentes ; faisons défenses à toutes Personnes de quelque qualité & condition qu’elles soient, d’en introduire d’Impression étrangere dans aucun lieu de notre obéïssance ; comme aussi à tous Libraires, Imprimeurs, & autres, d’imprimer, faire imprimer, vendre, faire vendre, débiter ni contrefaire ledit Livre en tout ni en partie, ni d’en faire aucuns extraits sous quelque prétexte que ce soit, d’augmentation correction, changement de titre, ou autrement ; sans la permission expresse & par écrit dudit Exposant ou de ceux qui auront droit de lui, à peine de confiscation des Exemplaires contrefaits, de quinze cens livres d’amende contre chacun des Contrevenans, dont un tiers à nous, un tiers à l’Hôtel-Dieu de Paris, l’autre tiers audit Exposant, & de tous dépens, dommages & intérêts ; à la charge que ces Presentes seront enregistrées tout au long, sur le Registre de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris, & ce dans trois mois de la datte d’icelles ; que l’Impression de ce Livre sera faite dans notre Royaume & non ailleurs, en bon Papier & en beaux Caracteres, conformément aux Reglemens de la Librairie ; & qu’avant que de l’exposer en vente, le Manuscrit ou Imprimé qui aura servi de copie à l’Impression dudit Livre, sera remis dans le même état où l’Aprobation y aura été donnée, es mains de notre très-cher & feal Chevalier, Garde des Sceaux de France, le sieur Fleuri au d’Armenonvilie ; & qu’il en sera ensuite remis deux exemplaires dans nôtre Bibliothèque publique, un dans celle de nôtre Château du Louvre, & un dans celle de nôtre dit très-cher & feal Chevalier, Garde des Sceaux de France, le sieur Fleuriau d’Armenonville ; le tout à peine de nullité des Presentes, du contenu desquelles vous Mandons & Enjoignons de faire jouir l’Exposant ou ses ayans cause, pleinement & paisiblement, sans souffrir qu’il leur soit fait aucun trouble ou empêchemens. Voulons que la copie desdits Presentes, qui sera Imprimée tout au long, au commencement ou à la fin dudit Livre, soit tenue pour dûement signifiée, & qu’aux Copies Collationnées par l’un de nos amez & feaux Conseillers & Secretaires, foi soit ajoûtée comme à l’Original ; Commandons au premier nôtre Huissier ou Sergent de faire pour l’éxécution d’icelles, tous Actes requis & nécessaires, sans demander autre permission, & nonobstant Clameur de Haro, Charte Normande, & Lettres à ce contraires ; Car tel est nôtre plaisir. Donné à Paris le vingt-troisiéme jour du mois de Novembre, l’an de grâce mil sept cens vingt-trois, & de nôtre regne le neuvième. Par le Roi en son Conseil, Carpot.

Registré sur le Registre V. de la Chambre Royale des Libraires & Imprimeurs de Paris, n°. 724. fol. 423. Conformément aux anciens Reglemens, confirmés par celui du 28. Fevrier 1723. A Paris le 12. Janvier 1724. Signé, Ballard, Syndic.

  1. S. Paul. aux Coloss. 4. 17.
  2. Aux Rom. 11. 13.
  3. Aux Thess. 2. 12.
  4. Aux Philp. 1, 27.
  5. Timoth. 4. 14.
  6. Aux Rom. 15. 30.
  7. S. Luc 1. 74 & 75.
  8. Nombr. 23. 10.
  9. Aux Coloss. 1. 9.
  10. Aux Rom. 12. 2.
  11. Aux Coloss. 1. 10. & 11.
  12. Eccles. 7, 25.
  13. S. Luc. 9. 23.