L’Éden (p. 71-87).


CHEZ MAX


Et elle alla chez Max.

Elle y alla, le cœur chargé de joie, mais aussi de tourment. N’était-ce pas vers le précipice qu’elle se dirigeait ?

Elle n’aurait pas reculé ni rebroussé chemin cependant.

Le sort en était jeté.

Elle allait offrir son corps à Max, son corps de vierge, elle souffrirait de ses blessures, des morsures des égratignures, comme une courtisane, et plus vicieuse qu’une courtisane, elle se dévêtirait ou se laisserait dévêtir, abdiquant cette pudeur qui est naturelle aux jeunes filles de son âge et de sa condition.

Aux passants qui la regardaient avec convoitise, elle avait envie de dire : « Je m’en vais me faire battre ! »

Les passants, s’ils avaient su, se seraient exclamés : « Quelle est cette insensée ? »

On voyait bien à sa démarche, rapide et ferme, qu’elle conduisait ses pas vers un lieu où l’amour l’attendait. Mais cet amour était un vice triomphant, auquel beaucoup ne peuvent résister.

Son émotion fut grande lorsqu’elle se trouva devant la porte de l’immeuble où habitait Max. Elle savait l’étage et ne demanda aucun renseignement à la concierge. Et Max lui ouvrit.

Il l’introduisit dans une petite pièce qui était son bureau et son salon à la fois. Des livres, des statues, des tableaux partout. C’était arrangé avec goût et coquetterie.

Il la fit asseoir et lui dit : « Merci d’être venue, Lucette. Vous êtes la première qui franchissez ce seuil. »

— Je n’ai pas hésité à me rendre chez vous, mon ami… Je ne sais plus d’ailleurs si j’ai eu tort ou raison, mais je savais que je viendrais, et qu’aucune force au monde ne m’en aurait empêchée.

— C’est flatteur pour moi… je vous en remercie.

— Je sens que c’est de la folie…

— De la folie, non.

— Si Max, une jeune fille qui ose cela.

— Vous êtes libre de vos actes.

— On peut blâmer mes actes.

— Qui, on ? Personne ne saura et c’est ce qui rend délicieuse notre intimité.

— Je ne veux pas savoir comment vous me jugez.

— Je ne vous juge pas…

— Je vous aime tant que vous pourrez m’aimer.

— Et si je ne vous aimais pas ?

— Vous ne seriez pas ici, et vous ne m’auriez pas menti.

— Je suis votre esclave, je vous obéis, j’ai peur de vous, mais vous êtes là, ça me suffit, je n’ai plus qu’à fermer les yeux et qu’à accepter la pénitence de ma faute.

— Une passion

— Une passion, oui.

Assis à ses côtés, il mettait ses mains dans les siennes, et elle s’abandonnait sans résistance. Il embrassait ce visage… ces yeux qu’elle fermait, cette bouche offerte aux baisers qu’il lui donnait.

— C’est trop de bonheur, Max, mon Max…

Elle était dans ses bras, frémissante.

Des désirs les affolaient.

— Venez, Lucette, venez… lui commanda-t-il d’une voix sourde.

Elle se leva et le suivit dans sa chambre qu’il ferma brusquement.

— J’ai peur… j’ai peur… que faites-vous ?

Il s’était jeté sur elle et arrachait ses vêtements. Elle ne résistait pas. Il découvrit sa gorge, sa gorge qui haletait sous la poussée de son cœur… cette gorge que les deux seins partageaient, des seins de forme pure, et fermes sous la caresse des doigts.

Il la déshabillait fébrilement… et peu à peu apparaissaient à ses yeux les beautés de ce corps.

Il fit glisser la robe et la jupe, et desserra le pantalon soyeux qu’il fit tomber à ses pieds. En chemise froissée, elle était là à ses pieds frissonnante.

— Oh ! Max ! Max ! que faisons-nous ?

— Lucette ! vous êtes admirable…

Et tandis qu’elle fermait les yeux, il enleva le dernier voile. Elle était nue entre ses bras. Et il embrassait ce corps idéal que les vierges jalouses conservent pour leur premier amant. Il la contemplait et la brisait déjà de son étreinte.

— Je ne suis pas votre amant, Lucette, je suis votre maître. Je vous aime… je vous aime…

— Battez-moi, châtiez ce corps qui ne m’appartiens plus.

Mais le désir d’un homme ne peut se raisonner. L’amour la faisait triomphante et plus sauvage, et plus hardie, et plus lascive.

— Que tes mains fassent leur œuvre, qu’elles violentent et labourent de leurs ongles cette chair qui, après avoir eu tant de plaisir, demande de la souffrance.

« Frappe, Max, frappe… je mérite tes coups et je sais que [tu] m’aimeras plus ardemment, car tu as besoin de flageller une victime… »

Elle était étendue, pantelante, dans l’attente des voluptés du martyre. Max sentait sa victoire décisive. L’amour de flageller le rendait plus maître de lui-même.

C’était en effet un triomphe que d’avoir devant lui la vierge nue, sa cible.

Et ses mains se levèrent. Sur Lucette, elles s’abattirent, frappant le dos, les reins, les fesses… Déjà la chair rougissait par place. Mais cela ne suffisait plus à son besoin de violences.

Il alla chercher le fouet, car le fouet seul, est la plus belle arme du flagellant.

— Oh ! Max, qu’allez-vous faire de moi ?

— Une Sainte Thérèse, répondit-il en riant.

Il la laissa se reposer des premières souffrances qu’elle avait supportées.

Puis, il lui dit : « Lucette, ce n’est rien encore, auprès de ceci. »

Et de sa petite cravache, il la cingla. Il la cingla lentement, sans souci de ses cris.

Il ne voulait pas user de trop de brutalité car la jeune fille n’aurait pu peut-être supporter cette voluptueuse punition.

Il savait, en artiste, flageller les épaules et les fesses, et le faisant il éprouvait lui-même d’intenses sensations d’orgueil et de plaisir.

Il n’entamait pas la chair, il blessait la peau qui se boursouflait de sang.

Lucette se tordait sous les coups, râlant déjà et l’écho de sa douleur retentissait en elle sous une forme agréable, car la douleur enfante le bonheur.

Elle se rapprochait de ces saints, de ces fakirs, de ces derviches qui demandent cette délicieuse souffrance où la volupté la plus idéale se trouve unie aux plus atroces douleurs.

Elle éprouva de violentes sensations de plaisir.

Elle est bien sous la domination complète de son ami, possédée de cette sorte d’algophilie que définit ainsi Krafft-Ebing : « Une perversion particulière de la vie sexuelle psychique qui consiste dans le fait que l’individu est, dans ses pensées et dans ses sentiments sexuels, obsédé par l’idée d’être soumis absolument et sans condition à une personne de sexe opposé, d’être traité par elle d’une manière hautaine, au point de subir des humiliations, voire même des tortures. » Chez les mystiques, l’algophilie est fréquente.

Pour parvenir à de telles extases, il faut qu’un amour magnifique brûle la chair et le cœur et les fasse communier dans la même ardeur à souffrir.

Dans tous les temps et dans tous les pays, les martyrs de la volupté ont laissé dans l’Histoire des pages pittoresques dont on doute parfois de la véracité, tellement les souffrances racontées sont excentriques et, disons-le, surhumaines.

On s’immole par passion amoureuse, cette passion étant devenue peu à peu ou très vite de la pure folie.

Non point folie des sens, mais folie de souffrir, folie de se livrer entièrement à des mains barbares. L’amour insensé fait vibrer ces êtres qui ne redoutent pas les pires cruautés mais qui, au contraire, les implorent.

Abélard flagellait Héloïse et Héloïse fut, à en croire les biographes, une amoureuse des plus exaltées. Elle acceptait les fustigations comme elle acceptait les caresses, avec l’enthousiasme de celles qui se sont données pour toujours et qui ne veulent être que des victimes heureuses de l’être, ne puisant leur joie, joie intense pour elles, que dans la douleur physique provoquée par la brutalité de l’être aimé.

Hors de lui, elles ne connaissaient rien. Lucette est ainsi.

Rivée à la chaîne de l’esclavage elle sait ne pouvoir et ne devoir jamais la rompre, quoi qu’il advienne. Elle est sous le joug. Son bonheur est tangible. Elle le possède. Elle ne veut pas le perdre.

Que lui importe ce qui n’est pas Max, et son amour, et leur amour ; tout se brise devant sa volonté de rester sa servante, son amie obéissante, docile, assujettie à ses moindres caprices, à ses ordres, aussi extravagants qu’ils soient.

Elle aime. Or, l’amour crée le malheur et produit la mort comme il crée la félicité et embellit la vie.

D’aucuns diront qu’ils ne comprennent point le sacrifice d’une existence pour des tortures continuelles, d’où le plaisir de l’amour est exclu, mais les joies les plus exactes sont celles qu’on recherche et qu’on goûte.

Telle femme désirera de pures caresses et des paroles douces et qui s’indignera si son mari où son amant les lui refuse ; telle autre, au contraire, ne se plaira que dans les jeux féroces et étranges dont la flagellation est un exemple.

Le sentiment peut subsister quand même malgré qu’il soit bousculé par la matérialité d’un châtiment voulu ou non. La faiblesse et la force unies provoquent l’amour naturel.

L’esclave ne déteste pas toujours son maître.

C’est plutôt le maître qui n’aime pas l’esclave ou qui, pour elle ou pour lui, a de l’indifférence.

Quand on a de la haine, du mépris, du dégoût pour l’homme à qui l’on est attachée, il n’est point impossible de le fuir et de le quitter.

Si l’on reste à ses côtés, c’est qu’on l’aime sans doute.

Ce n’est pas le plus souvent la peur qui retient, c’est cette sorte d’envoûtement dont on ne sait définir la nature et qui est si puissant, qu’on mourrait plutôt que de n’en plus subir l’influence.

Lucette est une de ces possédées dont le mysticisme vicieux s’accorde avec la mâle domination de celui qui, dès l’adolescence lui imposa sa volonté et à qui elle n’a le droit et l’idée de refuser ce qu’il propose ou de se soustraire à ce qu’il ordonne.

C’est Thérèse d’Avila qui a dit : « Telle est parfois l’intensité de la souffrance qu’elle fait perdre le sentiment. Ce sont les suprêmes angoisses du trépas ; mais il y a dans cette agonie de la souffrance un si grand bonheur que je ne sais à quoi le comparer. C’est un martyre ineffable à la fois de douleur et de délice. »

Et chez ceux dont une passion humaine provoque cette soif de douleur, le vice s’orne de beauté et de grandeur. L’abnégation est toujours admirable, même lorsqu’elle a pris naissance aux sources mêmes de la volupté.

Lucette est une amoureuse étrange qui se rapproche de ces mystiques par l’exaltation de ses pensées, et elle oublie, aux instants où, dévêtue, elle se livre à la flagellation, l’indécence et l’immoralité dans laquelle elle semble se complaire.

Elle ne ressent que le plaisir d’être battue sans réfléchir à la honte de cette servitude.

Elle dit : « Je t’aime », alors qu’elle reçoit le fouet.

Elle répète ces mots sublimes qu’on exprime qu’à certains moment d’aberration mentale. L’amour seul explique cela. L’élément physique de la douleur tend à disparaître, tandis que l’élément psychique est exalté dans le sens du plaisir.

— Ô amour ! ô amour infini ! s’écriait Élisabeth de Genton.

— Mon amour, mon ami, mon amant ! criait Lucette dans ses sanglots.

Max partageait sa folie de l’instant et ne s’arrêtait de fouetter que pour recommencer plus fort et plus vite.

Si vive était cette douleur, qu’elle lui arrachait de faibles soupirs.

Cet indicible martyre lui faisait goûter en même temps les plus suaves délices.

Aussi elle ne pouvait en désirer la fin ni trouver de bonheur hors de cet amour.

Ainsi que les maris qui vivent sous la domination de leur femme, ainsi que les amants qui vivent sous celle de leurs maîtresses, Lucette était déjà dans un état de servitude sexuelle. Elle atteignait maintenant à l’apogée de cette servitude, car elle tenait à lui, elle abdiquait toute liberté, toute pudeur, chassait tout remords, se livrait aux mille désirs de ce tyran adoré.

Elle comprenait que pour le conserver, pour qu’il ne l’abandonnât point, ainsi meurtrie, il fallait qu’elle restât là, sous la cravache, sans révolte.

De révolte elle n’en pouvait avoir puisqu’elle-même désirait, implorait le supplice, la torture dont elle ressentait, à cause de son amour insensé, une incomparable jouissance.

Et lui l’aimait de la voir ainsi obéissante. Et s’il la battait, c’était par passion vicieuse autant que par amoureuse affection.

Ses regards ne pouvaient se détacher de ce corps brisé, marqué de taches rouges presque violettes.

Lui le premier il avait martyrisé cette femme si jolie, si harmonieuse et si pure. Mais il ne voulut pas prolonger ce supplice. Il jeta loin de lui le fouet et s’approcha de sa victime.

— Mon amie, que vous étiez belle !

— Je souffre… je souffre… mais c’est de la souffrance que j’aime, car je vous aime.

Sur ce lit, étendue, elle semblait anéantie.

La réaction la faisait s’évanouir peu à peu, car durant que les mains et le fouet faisaient leur œuvre, la surexcitation de ses nerfs lui avait permis de vivre les longs instants de la fustigation.

 

Il l’aidait à se rhabiller, car elle-même n’eût pu le faire tant elle était endolorie.

— Regrettez-vous cette journée ?

— Je ne regrette rien, Max…

— Ah ! vous regardez l’instrument qui vient de vaincre pour toujours vos rebellions…

« Ce n’est pas la verge du bouleau flexible qui laisse sur la chair de terribles traces. Mais il suffit ce fouet pour corriger la jolie fille que vous êtes.

— Vous me trouvez jolie ?

— Vous le savez, Lucette, je n’ai pas besoin de vous le répéter. Ce n’est pas votre visage que j’admire le plus, c’est votre corps charmant, vos formes si parfaites qui méritent d’être battues tant elles provoquent de désirs.

« Ah ! je souhaite que nos querelles soient nombreuses, afin qu’il me soit, à chaque fois, permis de châtier votre insolence, vos refus, vos injures peut-être et d’assouvir ma colère et ma rage.

— Il ne sera pas besoin, mon amour, que nous nous fâchions pour donner un but à votre châtiment que vous voulez si souvent m’infliger, car, vous ne l’ignorez pas, que ce soit dans le désaccord ou dans la plus parfaite entente, je suis la première à implorer, aujourd’hui plus qu’hier, demain plus que jamais, de si cruelles et de si grandes violences.

« Vous avez eu des trésors que j’aurais cru conserver plus longtemps.

— C’est moi qui ai osé relever vos jupes et fesser ce gentil derrière d’enfant…

— Oh ! ne me parlez pas ainsi.

— C’est moi qui, un soir, sous votre balcon, ai vu…

…une Lucette toute nue…

…Et c’est de ce soir-là que j’ai eu le désir de la cingler du haut en bas, cette nudité.

— Taisez-vous.

— Vous me détestiez autrefois, dites-le… de vous avoir troussée si témérairement. Mais vous ne connaissiez pas Max…

— Non, je ne me doutais pas que épouvante et ma honte pourraient se changer en amour.

Tout en parlant, elle s’était assise sur ses genoux, en pantalon… Elle inclinait sa tête sur l’épaule de son ami et lui la serrait dans ses bras.

— Vous devriez rester ainsi toujours…

— Égoïste !

— À portée de mes mains…

— Égoïste, répéta-t-elle.

— Cela vaut une gifle, répondit Max… et, desserrant l’étreinte, il fit mine de défaire le pantalon…

— Oh ! non ! Oh ! non ! s’exclama Lucette en riant…

Et le jeu leur plaisait… Elle s’était levée et courait dans la chambre… se cachait dans les grands rideaux… ou se réfugiait derrière les meubles.

Mais Max la rattrapa vite.

— Oh ! l’indisciplinée ! on lui donnera une correction… la prochaine fois…

Ils riaient…

— Ah ! je les tiens, s’exclama-t-il.

— N’y touchez pas, elles sont blessées.

Et il gifla comme il l’avait promis, les deux fesses tremblantes qui, par l’entrebâillement du pantalon, apparaissaient dans toute leur rose splendeur.

 

Lorsqu’ils se séparèrent, ils se promirent de se revoir le plus souvent possible, puisqu’ils étaient libres l’un et l’autre.

— Adieu, ami.

— Adieu, Lucette.

Elle s’aperçut alors qu’elle souffrait, à ne pouvoir marcher, des suites de sa flagellation.

Elle n’était plus, comme chez Max, dans cet état d’exaltation qui mêlait ses souffrances avec la surprise et la joie. C’est pourquoi elle ressentait maintenant plus vivement ses blessures. Dans le vertige qui la possédait, elle ne pouvait rassembler ses pensées. Les heures qu’elle venait de vivre se gravaient dans sa mémoire, comme s’étaient gravées celles vécue auparavant dans de semblables circonstances. Elle avait non pas honte d’elle-même, mais elle était tourmentée d’obscures craintes dont elle n’aurait pu exprimer la raison.

Le souvenir de l’être aimé la poursuivait partout, ne la quittait pas un instant.

La séparation lui était pénible, il lui semblait que Max l’oublierait durant l’absence ou l’oublierait un jour et ce doute la torturait, et cela devenait l’horrible cauchemar auquel elle ne pouvait soustraire sa pensée.

Malade, un peu démente, elle subissait les affres d’une jalousie naissante, d’une cruelle obsession. Lorsqu’elle vit son corps meurtri, marqué de coups, strié de raies rougeâtres, elle frémit.

— Comment ai-je pu endurer tant de cruauté ?

Elle se remémorait toute la scène qui venait de se dérouler chez Max. Elle avait été battue. Et cela, c’était l’amour, le plaisir, la volupté qu’entretiendraient, dès ce jour, les colères et les justices du fouet, des verges et des mains triomphantes.

Au-delà de l’amour, il existait cette autre jouissance inexprimable d’intensité que toutes les femmes, esclaves de l’amant, implorent et réclament : la flagellation.

Elle n’est plus une jeune fille sans expérience et dont l’existence monotone masque et déforme ce qui peut régner d’idéal par le monde, elle est une femme qui vibre.

Mais sa mélancolie s’augmente d’être isolée, loin de celui qui lui est si cher… elle voudrait ne pas le quitter, à présent qu’elle sait ne pouvoir plus vivre sans lui, et le sentir à ses côtés, entendre sa voix, lui raconter ses tourments, ses espoirs et ses peine, lui demander une protection dont elle a tant besoin, depuis que sur la terre elle est seule et sans avenir.

Mais cela ne se peut, et elle en éprouve une amertume qu’à son âge on n’éprouve pas d’ordinaire.

Son âge : vingt ans. Vingt ans blessés par de cruels plaisir que tout à coup elle a goûtés.

— Là-bas que fait Max ?

Elle songe à lui. Mais lui songe aussi à elle. S’il a de la vanité de sa victoire, il ne l’exagère pas, car cette victoire lui fut facile en somme. Lui-même est désemparé et mélancolique maintenant que Lucette n’est plus là.

Il se demande cependant : « Dans quelle aventure sommes-nous engagés ? »

Mais la nuit qui est venue apaise ses réflexions amères.

Il va et vient, dans cette chambre qui fut témoin de leurs jeux amoureux et sauvages, comme un amant jaloux qui cherche à battre celle dont il ne reste que le souvenir et la trace de son corps sur un lit défait.