Escal-Vigor/Partie III/Chapitre I

Société dv Mercvre de France (p. 211-229).


TROISIÈME PARTIE
LA KERMESSE
DE LA SAINT OLFGAR


I

À la suite de cette explication suprême, le Dykgrave, à qui Blandine avait révélé une partie des manœuvres de Landrillon, celles dont elle n’avait pas été directement victime, mit le domestique à la porte. Le comte préférait affronter les pires conséquences de ce renvoi, plutôt que de continuer à respirer le même air que ce fourbe, et Blandine, entièrement acquise aux vues de son maître, ne redoutait plus le scandale dont le drôle l’avait toujours menacée.

Landrillon fut stupéfait de cette exécution inattendue.

Il croyait toucher au but, les tenir tous deux, Blandine et le comte, à sa merci ? Comment osaient-ils bien le chasser ?

Vrai, il n’en revenait pas.

Mais, quoique interloqué un moment, quand Kehlmark, l’ayant fait appeler, lui signifia ce congé à brûle-pourpoint, son effronterie reprit bientôt le dessus :

— Ouais, monsieur le comte, gouailla-t-il, vous croyez que nos relations vont en rester là ! Que nenni ! Vous n’aurez pas fini de sitôt avec moi. On sait beaucoup de choses, car on n’a pas eu les yeux et les oreilles en poche.

— Canaille ! fit Kehlmark en faisant baisser les yeux par un regard intrépide et loyal au coquin qui se flattait de l’intimider. Sortez ! Je me ris de vos complots ! Toutefois, apprenez qu’à la moindre diffamation qui nous viserait, moi ou les êtres qui me sont chers, je vous en rendrais responsable et vous ferais traîner devant les tribunaux…

Et comme le valet contractait les lèvres pour lancer quelque parole immonde, d’un geste Kehlmark le mit dehors, tête basse, en lui faisant rentrer l’injure dans la gorge.


Ayant fait ses paquets, Landrillon, blême de rage, ivre de vengeance, rejoignit Blandine, se flattant de se rabattre sur celle-ci et de la terroriser pour deux.

— C’est sérieux. On me déclare donc la guerre ? Gare à vous ! lui dit-il.

— Vous ferez ce que vous voudrez ! répondit Blandine, désormais aussi calme et rassurée que Kehlmark. Nous nous attendons à tout de votre part !

— Nous ! On s’est donc remis avec le… bougre. Soyons poli ! Pas dégoûtée la petite ! Nous allons le partager avec son… gamin. Pour être poli, toujours ! Ménage à trois ! Tous mes compliments !…

Ces insinuations ne lui arrachèrent même pas un tressaillement. Elle se borna à le considérer d’un air de mépris.

Cette impassibilité mit le comble à la stupéfaction du groom.

La coquine lui échappait. N’aurait-il plus aucun pouvoir sur elle ? Pour s’en assurer :

— Il ne s’agit pas de tout cela, reprit-il. Assez plaisanté ! Tu as souscrit un pacte avec moi. On me chasse ; tu me suivras. !

— Jamais !

— Comment dis-tu cela ? Tu es à moi… As-tu raconté à ton piteux seigneur que tu t’es poussé du plaisir avec moi ? Ou bien veux-tu que je l’en informe ?

— Il sait tout ! dit-elle.

Elle mentait à dessein pour parer toute attaque de la part de Landrillon. S’il parlait, le comte ne le croirait pas. La noble femme voulait que Kehlmark ignorât toujours jusqu’à quel point elle s’était sacrifiée pour son repos ; elle ne voulait point l’humilier, ou plutôt lui causer un éternel chagrin en lui prouvant combien elle l’avait aimé.

— Et malgré cela, il te reprend ! constata Landrillon. Pouah ! Vraiment vous êtes dignes l’un de l’autre… Ainsi tu l’aimes encore, ce décati, ce panné ?…

— Tu l’as dit. Et, si possible, plus que jamais…

— Tu m’appartiens. Je te veux, et sur-le-champ… Ne fût-ce qu’une dernière fois ?

— Plus jamais ; je suis libre et me ris désormais de toutes tes entreprises !


Landrillon fut tellement pris au dépourvu par cette volte-face et maté par l’air désespérément résolu des maîtres de l’Escal-Vigor, qu’au dehors il n’osa donner suite à sa conspiration et divulguer ce qu’il avait vu ou, tout au moins, parler de ce qu’il soupçonnait.

Au village, il prétendit avoir quitté l’Escal-Vigor de son propre gré afin de s’établir, et comme, du château, on ne démentit point cette version, cet événement inopiné ne donna point lieu à trop de commérages.

N’osant encore rompre ouvertement en visière à son ancien maître, il entreprit d’entamer sa popularité.

Ainsi il fit une cour assidue à Claudie, que sa luronnerie égrillarde avait toujours amusée, et il flatta l’amour-propre du fermier des Pèlerins. Rebuté par Blandine, il jetait son dévolu sur la riche héritière de la ferme, mais ce caprice nouveau il le mettrait au service de la haine inextinguible qu’il portait désormais à la maîtresse du Dykgrave, une de ces haines qui représentent l’aberration de l’amour. Car il s’était repris à désirer follement la femme qui lui échappait et qui l’avait joué. Elle le frustrait, elle le volait, elle le spoliait.

Landrillon parut aussi aux offices, aux prêches de Dom Balthus. Il s’insinua dans les grâces de la femme du pasteur et des deux vieilles filles, les sœurs du fermier des Pèlerins.

L’ancien valet n’osait encore agir ouvertement, mais il déchaînerait un terrible orage contre Kehlmark, sa concubine et leur mignon. Leur fierté, leur audace le passaient : « Vrai, ils en ont de l’aplomb et un toupet ! Concilier des mœurs pareilles avec de la dignité ! Il ne leur manque plus que de tirer gloire de leur ignominie ! »

Le gaillard ne se savait point si bon devin. Il se croyait le droit de mépriser profondément son ancien maître. Les mille gredineries auxquelles, troupier vendu de corps et d’âme, absolu prostitué, il s’était livré durant son temps de bagne militaire ne représentaient que bagatelles ne tirant pas à conséquence. De tout temps, le vice a condamné l’amour vrai, et les Kehlmark ont été la réhabilitation des Landrillon. La turbe préférera toujours Barrabas à Jésus.

Pour commencer, Landrillon s’appliquerait à détacher Michel Govaertz du châtelain de l’Escal-Vigor, à refroidir le bel enthousiasme du père et de la fille, à chauffer la rancune de la virago contre Blandine, puis à incriminer vaguement les rapports de Guidon et de Kehlmark :

— À votre place, se hasarda-t-il à dire un jour à Michel et à Claudie, je ne laisserais pas le jeune Guidon au château. Le faux ménage du comte et de cette chipie est un mauvais exemple pour un jeune homme !

À leur sourire étonné, il comprit qu’il faisait fausse route et n’insista point.

Landrillon n’aurait pu fournir la preuve des scandaleuses imputations qu’il brûlait de formuler contre le maître de l’Escal-Vigor. Dire qu’un instant le fourbe s’était flatté de produire Blandine contre lui !

Prévenu, averti, le comte se tiendrait à quatre, n’aurait garde de se livrer, de se compromettre, de tomber dans un traquenard. Il sauvait parfaitement les apparences.

La présence de Guidon au château se justifiait sous tous les rapports. Loin de s’en séparer, le comte venait de se l’attacher comme secrétaire.

Un instant, Thibaut songea à suborner des témoins, à corrompre les manouvriers de Klaarvatsch, les cinq hercules que le comte employait aux corvées du château et qui posaient dans son atelier. Mais ces gars simples et rudes étaient fous de leur patron et eussent assommé l’ennemi dès le premier mot qu’il leur eût touché de son plan. Il fallait ruser, les prendre, les gagner d’une autre façon et peu à peu sans brusquer les choses.

Il se borna pour le quart d’heure à circonvenir ceux de Klaarvatsch qui ne travaillaient pas à demeure au château, les plastiques marins, les comparses des jeux athlétiques et des tournois décoratifs, les personnages des sortes de « masques » et tableaux vivants composés par le Dykgrave.

Landrillon les indisposa graduellement contre les cinq privilégiés et surtout contre le petit favori, les grands rôles de ces mascarades, comme les appelait le valet, d’ailleurs rigoureusement exclu, pour cause de trivialité, de ces intermèdes esthétiques. Les figurants finissaient par convenir avec Landrillon que l’ascendant de Guidon Govaertz, ce petit morveux encore imberbe, sur le Dykgrave était par trop considérable. Indisposés contre le page, ils ne tarderaient point, calculait ce machiavel du fumier, à voir de moins bon œil, le châtelain.

D’autre part, l’ancien domestique, qui avait ouvert une sorte de tourne-bride entre le parc de l’Escal-Vigor et le village de Zoudbertinge, attirait l’attention ombrageuse des notables sur le trop d’intérêt témoigné par Henry aux va-nu-pieds de Klaarvatsch, au rebut de l’île smaragdine.

Landrillon voyait souvent Balthus Bomberg à présent. Il se bornait à l’entretenir du faux ménage de Blandine et du comte, mais sans lui faire entrevoir encore une irrégularité morale autrement choquante, énorme.

Le dominé, qui se cassait la tête pour renverser et perdre le Dykgrave, ne se fût jamais arrêté, même en imagination, à une arme si maléfique que celle dont Landrillon comptait se servir. Ah la terrible explosion ! Si cette mine-là éclatait un jour, les pires chenapans devraient lâcher l’indigne favori ! Pas un homme honnête dans l’île ne tendrait encore la main au réprouvé.

— Comment faire, mon cher monsieur Landrillon, demandait, en attendant, le curé à son nouvel allié, pour exorciser, pour retourner ces fanatiques, pour les détacher de cet ensorceleur, de ce corrupteur ?…

— Oui, oui, corrupteur n’est pas trop dur ! l’interrompait Landrillon, avec un rire en dedans qui eût donné à supposer bien des choses à un autre qu’à ce pasteur rigoriste mais borné.

— Notez, protestait celui-ci, que je n’en veux pas à ce mauvais noble, mais que je suis uniquement entraîné par mon zèle pour la religion, les bonnes mœurs et la cause du bien !…

— Pour bien faire, mon révérend Monsieur, reprenait Landrillon, avec sa mine chafouine, il nous faudrait découvrir chez le comte de Kehlmark une transgression qui heurterait un préjugé terrible et en quelque sorte indéracinable dans notre ordre social et chrétien ; vous comprenez ce que je veux dire, une abomination qui crierait non seulement vengeance au ciel, mais aux pécheurs les moins timorés…

— Oui, mais qui nous fournira la preuve d’un forfait de ce genre ! soupirait Bomberg.

— Patience, mon révérend Monsieur, patience ! nasillait cauteleusement le mauvais domestique.


Bomberg tenait ses supérieurs ecclésiastiques au courant de la tournure plus favorable que prenaient leurs affaires.

Continuellement entreprise par Landrillon, Claudie commençait à s’impatienter des lenteurs et des temporisations du comte de Kehlmark. Ce qui contribuait à l’irriter, c’est que dans le pays les prétendants évincés ne se gênaient point pour se moquer d’elle et même la chansonner dans les cabarets. Landrillon lui faisait accroire que Blandine tenait encore le Dykgrave. Aussi la pataude en voulait-elle de plus en plus à l’intendante, à cette pimpesouée. Tout aussi réservé qu’avec Bomberg, Landrillon n’avait garde de mettre déjà la véhémente paysanne sur la véritable piste. « Ah nous en verrons de drôles le jour où la Claudie saura toute la vérité ! Y en aura-t-il de la casse ! » songeait le trigaud en se frottant les mains et en riant sous cape.

Il jubilait à l’avance, savourait, recuisait sa vengeance, aiguisait voluptueusement l’arme décisive, la repassant sur la pierre, ne voulant frapper qu’à coup sûr et en toute sécurité pour lui.

Claudie, pourtant, ne renonçait point à son grand projet. Elle conquerrait Kehlmark sur sa pâle rivale.

La voyant toujours si férue du Dykgrave, Landrillon, à qui sa haine vigilante tenait lieu de vertu divinatoire, commença par lui révéler la gêne financière du comte, puis il prédit la déconfiture du grand seigneur et même son prochain départ.

Contre l’attente du valet, Claudie, assez surprise, ne s’en montra pourtant que plus portée pour le gentilhomme ruiné. Elle se réjouit presque de cette débâcle, car elle se flattait de prendre le comte sinon par l’amour, du moins par l’argent. À partir de ce moment, elle caressa même un petit projet, infaillible à son sens, dont elle ne souffla mot à personne.

Si Kehlmark était ruiné ou à peu près, Claudie se trouvait assez riche pour deux. Puis, restaient toujours le titre de comtesse, le prestige attaché à l’Escal-Vigor ! Les Govaertz se sentaient de taille à pouvoir redorer le blason des Kehlmark.

En attendant, Claudie entrait en apparence dans le mouvement de désapprobation entretenu et attisé par Landrillon contre le Dykgrave, et semblait même encourager ostensiblement les poursuites du larbin.

Dans la paroisse, les lurons ne se gênèrent point pour dire que, dépitée de ne pouvoir décrocher la couronne comtale, elle s’était rabattue sur la livrée.

Il entrait dans la tactique personnelle de Claudie, d’isoler complètement le Dykgrave, de lui mettre tout Smaragdis à dos ; puis, lorsqu’il serait réduit à quia, elle lui apparaîtrait comme une providence. Elle brouillerait même Kehlmark avec le bourgmestre, et lui reprendrait le jeune Guidon.

Déjà Kehlmark avait donné sa démission de Dykgrave ; il renonçait aussi aux présidences des confréries et des sociétés d’agrément ; il se désintéressait de la vie collective. Plus de largesses, plus de fêtes. Il n’en fallut pas plus pour lui faire perdre les deux tiers de sa popularité.

Claudie s’était réconciliée avec les deux sœurs de son père, à l’insu de celui-ci. Autorisées, instiguées par leur nièce, elles forcèrent leur frère à mettre les pouces : « Tu rompras avec le maître de l’Escal-Vigor, ou tu nous feras déshériter ta chère Claudie ! »

Govaertz se serait peut-être rebiffé, mais il n’avait pas le droit de compromettre l’avenir de ses enfants. Claudie vint à la rescousse et déclara ne plus vouloir devenir comtesse. En outre, elle attaqua son père par la vanité. Depuis que le comte était revenu au pays, lui, Michel Govaertz, ne comptait plus pour rien. Il n’était plus bourgmestre que de nom.

Govaertz finit par se jeter dans les bras du dominé.

Ce fut un événement lorsque le père et la fille rentrèrent à l’église.

Le pasteur tonna avec plus de virulence que jamais contre le châtelain et sa concubine. Durant l’office, Claudie contemplait, avec une curiosité avide, les fresques représentant le martyre de saint Olfgar.

En se rapatriant avec Bomberg, le bourgmestre se brouillait infailliblement avec Kehlmark. Govaertz, toujours conseillé par sa fille, accentua cette rupture, en rappelant le jeune Guidon. Mais, sur ces entrefaites, celui-ci avait atteint sa majorité, et il fit à son père, l’accueil qu’il avait fait autrefois à la démarche du dominé.

Cette insubordination du gamin surprit Claudie, mais sans lui donner autrement à réfléchir.

Quant aux hôtes de l’Escal-Vigor, ils ne vivaient plus que pour eux-mêmes. Depuis le renvoi de Landrillon, Kehlmark avait cessé ses visites aux Pèlerins. C’est ce qui avait même déterminé Claudie à lui faire la guerre.

Kehlmark, de nouveau transfiguré, avait repris tout son courage et sa belle philosophie.

Durant la période de ses déchirantes explications avec Blandine, il était retombé dans ses humeurs sombres ; à présent il s’était reconquis, il répudiait ses dernières attaches chrétiennes ; il se croyait, mieux qu’un révolté, un apôtre ; c’est lui qui prendrait l’offensive et qui jugerait ses juges.

En attendant l’occasion d’entrer en scène, il s’armait de lectures, compilait des documents, réunissait dans l’histoire et la littérature des exemples illustres et apologétiques.

Certes, le médecin consulté autrefois par Mme de Kehlmark, ne supposait point à quel genre d’apostolat se serait livré celui dont il prévoyait le génie et l’exceptionnelle destinée…


À quel moment Landrillon s’avisa-t-il de faire part secrètement à Bomberg, et seulement à celui-ci, des présomptions majeures à établir contre la conduite du comte ? Probablement le jour où Claudie lui donna à entendre qu’elle en tenait encore profondément pour Kehlmark.

Au premier mot que le dominé apprit de l’aberration passionnelle de son ennemi, il feignit une sorte de douleur scandalisée et de commisération professionnelle. Au fond il exultait ! Mais comment exploiter ce bienheureux opprobre contre le comte ? Il n’y avait pas de preuves. Et en eût-on tenu, qu’il eût fallu se résoudre à publier la honte du jeune Govaertz ! Les deux alliés convinrent d’attendre encore une occasion opportune. Qui sait peut-être, parviendrait-on à retourner un jour le petit dévoyé contre son exécrable naufrageur ?

En attendant, la popularité du Dykgrave continuant à baisser, Landrillon se remettrait à « travailler », avec quelque espoir de succès, ces rôdeurs de Klaarvatsch dont le comte avait fait si longtemps son entourage de prédilection et dont les plus rogues demeuraient encore à son service.

— Comment n’ai-je pas deviné tout cela, plus tôt ! songea Bomberg après le départ du délateur, en se frappant la tête. Triple buse que je suis ! Mais tout aurait dû m’avertir, me donner l’intuition de ces horreurs ! Les parents de ce libertin ne s’étaient-ils pas aimés à un excès qui crie vengeance au ciel ! Ne vivant que pour eux-mêmes, pour eux deux ; limitant la raison d’être de l’univers à leur exclusive dualité corporelle et morale, dans leur monstrueux égoïsme ils n’avaient même pas voulu avoir d’enfants, tant ils craignaient de se distraire l’un de l’autre !

Le dominé avait été renseigné sur cette particularité par son prédécesseur. Henry n’était même né que par hasard, après plusieurs années de ce mariage dénaturé.

D’ailleurs, à l’époque déjà lointaine où Henry de Kehlmark se bourrelait la conscience à cause de son inversion, ayant appris par son aïeule à quel excès ses parents s’étaient adorés, il attribuait cette anomalie au regret impie que les siens durent éprouver lors de sa conception.

Sans doute s’en étaient-ils voulu d’avoir mis au monde un être qui s’introduirait en tiers dans leur tendresse. Le jeune comte s’imagina longtemps avoir été engendré sous l’empire de cette maternelle rancune. Ce sentiment d’aversion n’avait pas persisté chez cette femme aimante. Henry en avait eu la preuve. Néanmoins il demeura persuadé, jusqu’au jour de son complet affranchissement moral, que l’enfant procréé sous l’influence d’une antipathie devait fatalement être bouleversé aussi dans ses affinités et rendre à la femme en général la répugnance que lui avait un moment témoignée sa mère.

Telle était encore la conviction de Bomberg.

Mais à présent, Henry était revenu au sentiment de sa dignité, de son autonomie et de sa conscience.

Avec Guidon et Blandine, il se sentait de force à créer la religion de l’amour absolu, aussi bien homo qu’hétérogénique.

Il s’exaltait comme un confesseur à la veille d’un départ pour une mission impérieuse, fatale.