NOTES SUR L’ISCHA[1]



..... Le Ciel fit les femmes
Pour corriger le levain de nos âmes,
Pour adoucir nos chagrins, nos humeurs,
Pour nous calmer, pour nous rendre meilleurs.

Voltaire, Nanine, acte III, scène 5.


Page 29. — « C’est une chose inouïe dans toute la Bible, qu’aucun autre que Dieu ait parlé de lui-même en nombre pluriel : Faisons l’homme. »

Dans plusieurs endroits de la Bible, la Divinité parle au pluriel. Les libertins concluront, peut-être, que les Juifs croyaient à plusieurs dieux. Ils appuieront leurs raisonnements audacieux sur ce qu’en divers endroits des Saintes Écritures, il est question de dieux particuliers à chaque peuple, dont l’existence est à peine contestée, et qui, n’étant qu’inférieurs en force à l’Éternel des armées, étaient obligés de lui céder les nations qu’ils protégeaient. Les explications forcées que plusieurs docteurs ont données de ces passages, sont malheureusement plus propres à favoriser cette doctrine dangereuse, qu’à démontrer celle à laquelle il est ordonné de croire. Il était réservé à saint Augustin d’éclaircir cette difficulté : « Elohe, dit-il, est le pluriel masculin d’Elohim, Dieu, juge ; on le trouve souvent ainsi au pluriel dans la Bible, tandis que le verbe, le pronom et l’adjectif restèrent au singulier. Dans la Genèse, on dit Elohe bara, les Dieux créa ; ce qui peut s’entendre des trois personnes. » Il est donc évident que toutes les fois qu’on trouve dans les livres canoniques le nom de Dieu au pluriel, loin d’y voir une faute d’orthographe judaïque, ou la preuve de l’ignorance des copistes, on doit y reconnaître le plus profond des mystères, celui de la très-sainte Trinité. Le Saint-Esprit, par une faveur insigne et particulière, le manifesta au peuple élu, au moyen de l’une des ingénieuses énigmes qu’il sait employer si à propos.

N’est-il pas déplorable qu’un poëte corrupteur nous eût déjà révélé, en vers burlesques, la vérité qui a coûté de si profondes recherches au révérend Père de Châteaubriant, et qu’il soit parvenu à ridiculiser, aux yeux des impies, le père, ancêtre majestueux des temps, en mettant dans sa bouche les paroles mêmes de Moïse et du célèbre auteur du Génie du Christianisme ?

(Tiré de Lamuel, ou le Livre du Seigneur.)[2]


Page 35. — « La première personne à laquelle Jésus-Christ se montra après sa résurrection, fut Marie-Madeleine. »

Rien dans l’antiquité n’approcha jamais de cette consolante doctrine de ramener à l’honneur par le repentir. Régénérée par la pénitence, une chrétienne, quelque grande que soit la faute qu’elle a commise, si elle s’en repent, est aussitôt purifiée et rendue à sa première considération. Aussi, il y a au ciel, pour une brebis égarée qui revient au bercail de l’Église, beaucoup plus de joie que pour dix saints qui n’ont jamais péché.

La vie de Marie-Madeleine nous en offre le plus frappant exemple et confirme nos réflexions. Après avoir mené une vie libertine et débauchée, et vendu, comme les vestales de l’Opéra, des cordons verts aux libertins de Jérusalem, un jour qu’elle savait que Jésus-Christ était allé dîner chez le Phariséen Simon, touchée sans doute par un mouvement de curiosité si naturelle à son sexe, ou peut-être par un caprice de vertu, ou, ce qui est plus probable, par le délabrement d’une santé usée dans les débauches, Madeleine pénètre dans la salle du repas et s’y jette, avec une sainte impudence, aux pieds du Sauveur, les embrasse, les baise, les parfume, les arrose de ses larmes, et les essuie de ses cheveux.

Alors, témoin de cette scène attendrissante, et supposant dans son orgueil que les dérèglements de cette femme ne sont point connus à son convié, parce que, au lieu de rejeter, il accueille l’hommage impur de cette prostituée, l’incrédule Phariséen doute témérairement de la puissance du divin prophète, et reste confondu lorsqu’il entend Jésus dire à cette courtisane qu’il préfère son ardent amour à la tiédeur de ceux qui ne l’aiment que du bout des lèvres, et qu’il lui pardonne ses péchés, parce qu’elle a beaucoup aimé[3].

Admirable et touchant modèle de conversion ! Elle nous fait voir, disent les saints Pères, que la pécheresse la plus noire devient blanche comme neige devant Dieu, lorsque l’humilité sanctionne sa pénitence… et, comme dit quelque part l’impie Boufflers, se sauve ainsi du grand feu que Dieu a fait là-bas pour ceux qui ne vont pas là-haut…

  1. Mot hébreu qui veut dire femme.
  2. De Bory de Saint-Vincent. Liège et Paris, 1816, in-18.
  3. Saint Luc, chap. VIII, v. 36 à 50.