Epitome historiæ sacræ/Traduction suivie


Traduction par un agrégé des classes supérieures des lettres.
Librairie Hachette et Cie (p. 8-230).
EPITOME
HISTORIÆ SACRÆ.

I. Deus creavit cœlum et terram intra sex dies.

Primo die[1], fecit lucem. Secundo die, fecit firmamentum[2], quod vocavit cœlum.

Tertio die, coegit aquas in unum locum, et eduxit e terra plantas et arbores.

Quarto die, fecit solem et lunam et stellas.

Quinto die, aves quæ volitant in aere, et pisces qui natant in aquis.

Sexto die fecit omnia animantia, postremo hominem, et quievit die septimo.

II. Deus finxit corpus hominis e limo terræ, dedit illi animam viventem ; fecit illum ad similitudinem suam, et nominavit illum Adamum.

Deinde immisit soporem in Adamum, et detraxit unam e costis ejus dormientis.

I. Dieu créa le ciel et la terre en l’espace de six jours.

Le premier jour, il fit la lumière. Le second jour, il fit le firmament, qu’il appela le ciel.

Le troisième jour, il rassembla les eaux dans un même lieu, et fit sortir de la terre les plantes et les arbres.

Le quatrième jour, il fit le soleil, la lune et les étoiles.

Le cinquième jour, il fit les oiseaux qui volent dans l’air, et les poissons qui nagent dans les eaux.

Le sixième jour, il créa tous les animaux, l’homme le dernier ; puis il se reposa le septième jour.

II. Dieu forma le corps de l’homme du limon de la terre ; il lui donna une âme vivante ; il le fit à sa ressemblance, et le nomma Adam.

Puis, il envoya le sommeil à Adam, et lui déroba une de ses côtes tandis qu’il dormait. Ex ea formavit mulierem, quam dedit sociam Adamo ; sicque instituit matrimonium.

Nomen primae mulieris fuit Eva

III. Deus posuit Adamum et Evam in horto amœnissimo, qui solet appellari Paradisus[3] terrestris.

Ingens fluvius irrigabat hortum. Erant ibi omnes arbores jucundæ adspectu, et fructus gustu suaves. Inter eas, arbor scientiæ boni et mali.

Deus dixit homini : « Utere fructibus omnium arborum Paradisi, præter fructum arboris scientiæ boni et mali[4] ; nam, si comedas illum fructum, morieris. »

IV. Serpens, qui erat callidissimum omnium animantium, dixit mulieri : « Cur non comedis fructum istius arboris ? »

Mulier respondit : « Deus id prohibuit. Si tetigerimus illum, moriemur. »

« Minime, inquit serpens : non moriemini ; sed eritis similes Deo, scientes bonum et malum. »


Il en forma la femme, qu’il donna pour compagne à Adam, et ainsi il institua le mariage.

Le nom de la première femme, fut Ève.

III. Dieu plaça Adam et Ève dans un jardin délicieux, qu’on appelle Paradis terrestre.

Un grand fleuve arrosait ce jardin. Là se trouvaient tous le arbres qui réjouissent la vue, et dont les fruits sont doux au palais. Parmi ces arbres se trouvait l’arbre de la science du bien et du mal.

Dieu dit à l’homme : « Use des fruits de tous les arbres du Paradis, excepté le fruit de l’arbre de la science du bien et du mal ; car, si tu manges de ce fruit, tu mourras. »

IV. Le serpent, qui était le plus rusé de tous les animaux, dit à la femme : « Pourquoi ne manges-tu pas du fruit de cet arbre ? »

La femme répondit : « Dieu l’a défendu. Si nous y touchons, nous mourrons. »

« Non, dit le serpent, vous ne mourrez point ; mais vous serez semblables à Dieu, sachant le bien et le mal. » Mulier, decepta his verbis, decerpsit fructum et comedit ; deinde obtulit viro, qui pariter comedit.

V. Adamus, fugiens conspectum Dei, se abscondit. Deus vocavit illum : « Adame, Adame. »

Qui respondit : « Timui conspectum tuum, et abscondi me. »

« Cur times, inquit Deus, nisi quia comedisti fructum vetitum ? »

Adamus respondit : « Mulier, quam dedisti mihi sociam, porrexit mihi fructum istum ut ederem. »

Dominus[5] dixit mulieri, « Cur fecisti hoc ? » Quæ respondit : « Serpens me decepit. »

VI. Dominus dixit serpenti : « Quia decepisti mulierem, eris odiosus et exsecratus inter omnia animantia ; reptabis super pectus, et comedes terram.

« Inimicitiæ erunt inter te et mulierem ; ipsa olim conteret caput tuum. »

Dixit etiam mulieri : « Afficiam te multis malis ; paries liberos in dolore, et eris in potestate viri. »

VII : Deinde Deus dixit Adamo : « Quia gessisti morem uxori


La femme, trompée par ces paroles, cueillit le fruit et en mangea ; puis elle en offrit à son époux, qui en mangea comme elle.

V. Adam se cacha pour fuir la présence de Dieu. Dieu l’appela : « Adam ! Adam ! »

Adam répondit : « J’ai craint ta présence, et je me suis caché. »

« Pourquoi crains-tu, lui dit Dieu, si ce n’est que tu as mangé du fruit défendu ? »

Adam répondit : « La femme que tu m’as donnée pour compagne m’a offert de ce fruit, afin que j’en mangeasse. »

Le Seigneur dit à la femme : « Pourquoi as-tu fait cela ? » Elle répondit : « Le serpent m’a trompée. »

VI. Dieu dit au serpent : « Puisque tu as trompé la femme, tu seras odieux et exécré entre tous les animaux ; tu ramperas sur le ventre, et tu mangeras de la terre.

« Il y aura guerre entre toi et la femme ; elle-même un jour t’écrasera la tête. »

Il dit encore à la femme : « Je t’accablerai d’une foule de maux ; tu enfanteras avec douleur, et tu seras soumise à ton époux. »

VII. Ensuite Dieu dit à Adam : « Puisque tu as écouté ton épouse, tuae, habebis terram infestam ; ea fundet tibi spinas et carduos.

« Quæres ex ea victum cum multo labore, donec abeas in terram, e qua ortus es. »

Tum ejecit Adamum et Evam ex horto, ut ille coleret terram, et collocavit angelum[6], qui præferebat manu gladium igneum, ut custodiret aditum Paradisi.

VIII. Adamus habuit multos liberos, inter quos Caïnus et Abel numerantur. Hic fuit pastor, ille agricola.

Uterque obtulit dona Domino : Caïnus quidem fructus terræ ; Abel autem oves egregias[7].

Dona Abelis placuerunt Deo, non autem dona Caïni ; quod Caïnus ægre tulit.

Dominus dixit Caïno : « Cur invides fratri ? si recte facies, recipies mercedem ; sin autem male, lues pœnam peccati. »

IX. Caïnus non paruit Deo monenti. Dissimulans iram, dixit fratri suo : « Age[8], eamus deambulatum. »


la terre te sera ennemie ; elle produira pour toi des épines et des chardons.

« Tu lui arracheras ta nourriture à force de peines, jusqu’à ce que tu retournes dans la terre dont tu es sorti. »

Puis il chassa Adam et Ève du jardin, afin qu’Adam cultivât la terre, et il plaça un ange tenant dans la main un glaive de feu pour garder l’entrée du Paradis.

VIII. Adam eut beaucoup d’enfants, entre autres Caïn et Abel.

Celui-ci était pasteur, l’autre laboureur. Tous deux offrirent des dons au Seigneur : Caïn, des fruits de la terre ; Abel, des brebis de choix.

Les dons d’Abel plurent à Dieu, mais non ceux de Caïn ; et Caïn en fut irrité.

Le Seigneur dit à Caïn : « Pourquoi es-tu jaloux de ton frère ? Si tu fais le bien, tu en seras récompensé ; si tu fais le mal, tu porteras la peine de ta faute. »

IX. Caïn n’écouta point les avertissements de Dieu. Dissimulant son ressentiment, il dit à son frère : « Si tu le veux, allons nous promener ensemble. » Itaque una ambo abierunt foras, et quum essent in agro, Caïnus irruit in Abelem, et interfecit illum.

Deus dixit Caïno : « Ubi est tuus frater ? » Caïnus respondit : « Nescio. Num ego sum custos fratris mei ? »

X. Deus dixit Caïno : « Caïne, quid fecisti ? Sanguis fratris tui, quem ipse fudisti manu tua, clamat ad me.

« Infesta tibi erit terra, quæ bibit sanguinem Abelis ; quum colueris eam longo et duro labore, nullos feret fructus. Eris vagus in orbe terrarum. »

Caïnus, desperans veniam, fugit.

XI. Postquam numerus hominum crevit, omnia vitia invaluere. Quare offensus Deus statuit perdere hominum genus diluvio.

Attamen pepercit Noemo et liberis ejus, quia colebant virtutem.

Noemus, admonitus a Deo, exstruxit ingentem arcam in modum navis ; linivit eam bitumine, et in eam induxit par unum omnium avium et animantium.

XII. Postquam Noemus ipse ingressus est arcam cum

Ils sortirent donc tous les deux. Puis, lorsqu’ils furent dans la campagne, Caïn se jeta sur Abel, et le tua.

Dieu dit à Caïn : « Où est ton frère ? » Caïn répondit : « Je ne sais. Suis-je donc le gardien de mon frère ? »

X. Dieu dit à Caïn : « Caïn, qu’as-tu fait ? Le sang de ton frère, que tu as répandu de ta main, crie vers moi.

« La terre, qui a bu le sang d’Abel, te sera ennemie ; quand tu l’auras cultivée avec de longs et pénibles travaux, elle ne portera aucun fruit. Tu seras errant sur la surface de la terre. »

Caïn, n’espérant point de pardon, s’enfuit.

XI. Quand le nombre des hommes se fut accru, tous les vices se développèrent. Aussi, Dieu irrité résolut de détruire la race humaine par un déluge.

Toutefois, il épargna Noé et ses enfants, parce qu’ils pratiquaient la vertu.

Noé, averti par Dieu, construisit une grande arche en forme de vaisseau ; il l’enduisit de bitume, et y fit entrer un couple de toutes les espèces d’oiseaux et d’animaux.

XII. Lorsque Noé fut entré dans l’arche avec sa femme, ses trois conjuge, tribus filiis et totidem nuribus, aquæ maris et omnium fontium eruperunt.

Simul pluvia ingens cecidit per quadraginta dies et totidem noctes.

Aqua operuit universam terram, ita ut superaret quindecim cubitis altissimos montes.

Omnia absumpta sunt diluvio ; arca autem, sublevata aquis, fluitabat in alto.

XIII. Deus immisit ventum vehementem, et sensim aquæ imminutæ sunt.

Tandem, mense undecimo postquam diluvium cœperat, Noemus aperuit fenestram arcæ, et emisit corvum, qui non est reversus.

Deinde emisit columbam. Quum ea non invenisset locum ubi poneret pedem, reversa est ad Noemum, qui extendit manum, et intulit eam in arcam.

Columba rursum emissa attulit in ore suo ramum olivæ virentis, quo finis diluvii significabatur.

XIV. Noemus egressus est ex arca, postquam ibi inclusus

fils et ses trois brus, les eaux de la mer et de toutes les sources se débordèrent.

Un torrent de pluie tomba du ciel pendant quarante jours et quarante nuits.

L’eau couvrit toute la terre, et dépassa de quinze coudées les plus hautes montagnes.

Tout fut détruit par le déluge ; mais l’arche, soulevée par les eaux, flottait à la surface.

XIII. Dieu envoya un vent violent, et peu à peu les eaux baissèrent.

Enfin, onze mois après le commencement du déluge, Noé ouvrit la fenêtre de l’arche et lâcha un corbeau qui ne revint pas.

Ensuite il lâcha une colombe. Comme elle ne trouva point d’endroit où se poser, elle revint vers Noé, qui étendit la main et la fit rentrer dans l’arche.

La colombe, lâchée une seconde fois, rapporta dans son bec une branche verte d’olivier ; c’était le signe que le déluge avait cessé.

XIV. Noé sortit de l’arche où il avait été renfermé avec sa famille fuerat per annum totum ipse et familia ejus. Eduxit secum aves ceteraque animantia.

Tum erexit altare, et obtulit sacrificium Domino. Deus dixit illi : « Non delebo deinceps genus hominum. Ponam arcum meum in nubibus, et erit signum fœderis quod facio vobiscum.

« Quum obduxero nubes cœlo, arcus meus apparebit, et recordabor fœderis mei, nec unquam diluvium erit ad perdendum orbem terrarum. »

XV. Omnes gentes propagatæ sunt a filiis Noemi. Semus incoluit Asiam ; Chamus, Africam ; Japhetus, Europam.

Pœna diluvii non deterruit homines a vitiis ; sed brevi facti sunt pejores quam prius.

Obliti sunt Dei creatoris[9] ; adorabant solem, et lunam ; non verebantur parentes[10] ; dicebant mendacium ; faciebant fraudem, furtum, homicidium ; uno verbo, se contaminabant omnibus flagitiis.

XVI. Quidam tamen sancti viri coluerunt veram

pendant une année entière. Il fit sortir avec lui les oiseaux et les autres animaux.

Ensuite il dressa un autel, et offrit un sacrifice au Seigneur. Dieu lui dit : « Je ne détruirai plus jamais la race des hommes. Je placerai mon arc dans les nuées, et ce sera le signe de l’alliance que je fais avec vous.

« Quand j’aurai voilé le ciel de nuages, mon arc se montrera, et je me souviendrai de mon alliance, et jamais un déluge ne viendra dévaster la surface de la terre. »

XV. Toutes les nations durent leur origine aux fils de Noé. Sem habita l’Asie ; Cham, l’Afrique ; Japhet, l’Europe.

Le châtiment du déluge ne détourna pas les hommes de leurs vices ; bientôt même ils furent encore plus pervers qu’auparavant.

Ils oublièrent Dieu leur créateur ; ils adoraient le soleil et la lune ; ils ne respectaient point leurs parents ; ils proféraient le mensonge ; ils pratiquaient la fourberie, le vol, l’homicide ; en un mot, ils se souillaient de toutes les infamies.

XVI. Pourtant, quelques hommes de bien restèrent fidèles à la religionem et virtutem, inter quos fuit Abrahamus, e genere Semi.

Deus fecit fœdus cum illo his verbis : « Exi e domo paterna, desere patriam, et pete regionem quam daturus sum posteris tuis. Augebo te prole numerosa ; eris pater multarum gentium, ac per te omnes orbis nationes erunt bonis cumulatæ. Adspice cœlum ; dinumera stellas, si potes ; tua progenies eas æquabit numero. »

XVII. Abrahamus jam senuerat, et Sara ejus uxor erat sterilis.

Quibus tamen Deus promisit filium ex eis nasciturum.

« Habebis, inquit, filium ex Sara conjuge tua. »

Quod audiens Sara risit, nec statim adhibuit fidem promissis Dei, et idcirco reprehensa est a Deo.

Abrahamus autem credidit Deo pollicenti.

Et vero, uno post anno, filius natus est Abrahamo, qui vocavit eum Isaacum.

XVIII. Postquam Isaacus adolevit, Deus, tentans fidem

vraie religion et à la vertu. Parmi eux était Abraham, de la race de Sem.

Dieu fit alliance avec lui en ces termes : « Sors de la maison de ton père, abandonne ton pays, et cherche une contrée que je donnerai à tes descendants. Je t’enrichirai d’une postérité nombreuse ; tu seras le père d’une foule de peuples, et par toi toutes les nations du monde seront comblées de biens. Regarde le ciel ; compte les étoiles, si tu le peux ; ta postérité sera aussi nombreuse qu’elles. »

XVII. Abraham était devenu vieux, et Sara sa femme était stérile.

Cependant Dieu leur promit qu’un fils naîtrait d’eux.

« Tu auras un fils, lui dit-il, de Sara ton épouse. »

Sara l’entendit et se mit à rire ; elle n’ajouta pas foi sur-le-champ aux promesses de Dieu, et pour cela Dieu la réprimanda.

Abraham, au contraire, crut à la promesse de Dieu.

Un an plus tard, un fils naquit, en effet, à Abraham, qui l’appela Isaac.

XVIII. Lorsqu’Isaac fut grand, Dieu, roulant éprouver la foi Abrahami, dixit illi : « Abrahame, tolle filium tuum unicum quem amas, et immola eum mihi in monte quem ostendam tibi. »

Abrahamus non dubitavit parere Deo jubenti. Imposuit ligna Isaaco, ipse vero portabat ignem et gladium.

Quum iter facerent simul, Isaacus dixit patri : « Mi pater, ecce ligna et ignis ; sed ubinam est hostia immolanda ? » Cui Abrahamus : « Deus, inquit, sibi providebit hostiam[11], fili mi. »

XIX. Ubi pervenerunt ambo in locum designatum, Abrahamus exstruxit aram, disposuit ligna, alligavit Isaacum super struem lignorum, deinde arripuit gladium.

Tum angelus clamavit de cœlo : « Abrahame, contine manum tuam : ne noceas puero. Jam fides tua mihi perspecta est, quum non peperceris filio tuo unico ; et ego favebo tibi : remunerabo splendide fidem tuam. »

Abrahamus respexit, et vidit arietem hærentem cornibus inter vepres, quem immolavit loco filii.

d’Abraham, lui dit : « Abraham, prends ton fils unique que tu chéris, et immole-le-moi sur la montagne que je te montrerai. »

Abraham n’hésita pas à obéir aux ordres de Dieu. Il chargea Isaac du bois ; lui-même portait le feu et le glaive.

Comme ils faisaient route ensemble, Isaac dit à son père : « Mon père, voici le bois et le feu ; mais où est la victime à immoler ? Abraham lui répondit : « Dieu se trouvera une victime, mon fils. »

XIX. Lorsqu’ils furent arrivés tous les deux à l’endroit désigné, Abraham éleva l’autel, disposa le bois, attacha Isaac sur le bûcher, puis saisit le glaive.

Alors un ange cria du haut du ciel : « Abraham, arrête ton bras : ne fais point de mal à l’enfant. Ta foi dès à présent m’est connue, puisque tu n’as pas épargné ton fils unique ; je te favoriserai, et je récompenserai magnifiquement ta foi. »

Abraham tourna la tête, et vit un bélier dont les cornes étaient embarrassées dans un buisson ; il l’immola à Dieu, à la place de son fils. XX. Postea Abrahamus misit servum suum Eliezerem ad cognatos suos qui erant in Mesopotamia, ut inde adduceret uxorem filio suo Isaaco.

Eliezer sumpsit decem camelos domini sui, et profectus est, portans secum munera magnifica, quibus donaret puellam destinatam Isaaco, et ejus parentes.

Ubi pervenit in Mesopotamiam, constitit cum camelis prope puteum aquæ ad vesperum, quo tempore mulieres solebant convenire ad hauriendam aquam.

XXI. Eliezer oravit Deum his verbis : « Domine, Deus[12] Abrahami, fac ut puella quæ dabit potum mihi petenti, ea sit quam Isaaco destinas. »

Ecce statim Rebecca virgo, eximia pulchritudine, prodiit gerens urnam humeris, quæ descendit ad puteum, et implevit urnam.

Tunc Eliezer, progressus obviam puellæ : « Da, inquit, potum mihi. » Cui Rebecca : « Bibe, ait, domine mi ; » et simul demisit urnam.

XX. Plus tard, Abraham envoya son serviteur Éliézer vers ceux de ses parents qui habitaient la Mésopotamie, pour qu’il ramenât une épouse à son fils Isaac.

Éliézer prit dix chameaux de son maître, et partit, emportant avec lui des présents magnifiques pour donner à la jeune fille destinée à Isaac, et à ses parents.

Lorsqu’il fut arrivé en Mésopotamie, il s’arrêta avec ses chameaux près d’un puits, sur le soir, à l’heure où les femmes venaient d’habitude pour puiser de l’eau.

XXI. Éliézer pria Dieu en ces termes : « Seigneur, Dieu d’Abraham, fais que la jeune fille qui me donnera à boire lorsque je le lui demanderai, soit telle que tu destines à Isaac. »

Au même instant, Rébecca, jeune fille d’une rare beauté, s’avança, portant une urne sur ses épaules ; elle descendit au puits, et remplit l’urne.

Éliézer vint à la rencontre de la jeune fille : « Donne-moi à boire, » lui dit-il. Rébecca répondit : « Bois mon seigneur. » Et en même temps elle pencha l’urne. Quum ille bibisset, Rebecca obtulit etiam aquam camelis. Hoc indicio cognovit Eliezer quod scire cupiebat.

XXII. Eliezer protulit inaures aureas et armillas, quas dedit Rebeccæ: tum interrogavit illam cujus esset filia, num in domo patris esset locus ad commorandum.

Cui Rebecca respondit: « Ego sum filia Bathuelis. Avus meus est frater Abrahami. Est domi locus ad commorandum amplissimus; est etiam plurimum fœni et palearum ad usum camelorum.»

Quod audiens, Eliezer egit gratias Deo, qui tribuisset iter prosperum sibi.

XXXIII. Rebecca properavit domum, et narravit matri suæ ea quæ sibi contigerant.

Labanus, frater Rebeccæ, quum audivisset sororem narrantem, adivit hominem qui stabat ad fontem cum camelis, et compellans eum: «Ingredere, inquit, domine mi. Cur stas foris? Paravi hospitium tibi, et locum camelis.»

Quand il eut bu, Rébecca offrit aussi de l’eau aux chameaux. Éliézer reconnut à ce signe ce qu’il désirait savoir.

XXII. Éliézer sortit des boucles d’oreilles et des bracelets d’or, qu’il donna à Rébecca, puis il lui demanda de qui elle était fille, et s’il y avait place dans la maison de son père pour y séjourner.

Rébecca répondit : « Je suis fille de Bathuel ; mon grand-père est frère d’Abraham. Nous avons à la maison un vaste logement pour recevoir un hôte ; nous avons aussi en abondance du foin et de la paille pour nourrir des chameaux. »

À ces mots, Éliézer rendit grâces à Dieu, qui lui avait accordé un heureux voyage.

XXIII. Rébecca se hâta de rentrer à la maison, et raconta à sa mère ce qui lui était arrivé.

Lorsque Laban, le frère de Rébecca, eut entendu le récit de sa sœur, il alla trouver l’homme qui se tenait avec des chameaux auprès de la fontaine, et lui adressant la parole : « Entre, lui dit-il, mon seigneur. Pourquoi restes-tu dehors ? J’ai préparé un logement pour toi et une place pour tes chameaux. » Dein deduxit eum domum, eique cibum apposuit.

XXIV. Continuo Eliezer exposuit parentibus Rebeccæ causam itineris suscepti, rogavitque ut annuerent postulationi suæ.

Qui responderunt : « Ita voluntas Dei fert ; nec possumus Deo obsistere. En Rebecca ; proficiscatur tecum, nuptura[13] Isaaco. »

Tum Eliezer deprompsit vasa aurea et argentea, vestesque pretiosas, quas dedit Rebeccæ ; obtulit etiam munera matri ejus et fratri, et inierunt convivium.

XXV. Postridie Eliezer, surgens mane, dixit parentibus Rebeccæ : « Herus meus me exspectat ; dimittite me, ut redeam ad illum. »

Qui responderunt : « Vocemus puellam, et percontemur ejus sententiam. »

Quum Rebecca venisset, sciscitati sunt an vellet discedere cum homine. « Volo, » inquit illa.

Dimiserunt ergo Rebeccam et nutricem illius, precantes ei omnia prospera.

XXVI. Isaacus forte tunc deambulabat rure[14] ; vidit camelos

Puis, il le fit entrer dans la maison, et lui servit à manger.

XXIV. Sans plus tarder, Éliézer exposa aux parents de Rébecca le motif du voyage qu’il avait entrepris, et les pria d’accueillir sa demande.

Ils lui répondirent : « C’est la volonté de Dieu, et nous ne pouvons résister à Dieu. Voici Rébecca ; qu’elle parte avec toi pour épouser Isaac. »

Alors Éliézer tira des vases d’or et d’argent et de riches étoffes, qu’il donna à Rébecca ; il offrit aussi des présents à sa mère et à son frère ; puis on commença le repas.

XXV. Le lendemain, Eliézer se leva de bonne heure, et dit aux parents de Rébecca : « Mon maître m’attend ; laissez-moi partir, afin que je retourne vers lui. »

Ils répondirent : « Appelons la jeune fille, et sachons ce qu’elle pense. »

Quand Rébecca fut venue, ils lui demandèrent si elle voulait partir avec Éliézer : « Je le veux, » dit-elle.

Ils laissèrent donc partir Rébecca et sa nourrice, lui souhaitant toutes sorte de prospérités.

XXVI. Par hasard, Isaac se promenait dans la campagne, quand venientes. Simul Rebecca, conspicata virum deambulantem, desiluit e camelo, et interrogavit Eliezerem : « Quis est ille vir ? »

Eliezer respondit : « Ipse est herus meus. » Illa statim operuit se pallio.

Eliezer narravit Isaaco omnia quæ fecerat.

Isaacus introduxit Rebeccam in tabernaculum matris suæ, et lenitus est dolor quem capiebat ex morte matris.

XXVII. Rebecca edidit uno partu duos filios, Esaüm et Jacobum. Qui prior editus est pilosus erat, alter vero lenis. Ille fuit venator strenuus, hic autem placidus et simplex moribus.

Quadam die, quum Jacobus sibi paravisset pulmentum ex lentibus, venit Esaüs fessus de via, et dixit fratri : « Da mihi hoc pulmentum, nam redeo rure examinatus lassitudine. »

Cui Jacobus : « Dabo, si concedas mihi jus primogeniti. »

il vit s’avancer des chameaux. Rébecca, de son côté, apercevant un homme qui se promenait, descendit de son chameau, et dit à Éliézer : « Qui est cet homme ? »

Éliézer répondit : « C’est mon maître lui-même. » Aussitôt elle se couvrit de son manteau.

Éliézer raconta à Isaac tout ce qu’il avait fait.

Isaac fit entrer Rébecca dans la tente de sa mère, et le chagrin qu’il ressentait de la mort de sa mère fut adouci.

XXVII. Rébecca mit au monde deux fils à la fois, Ésaü et Jacob.

Celui qui naquit le premier était couvert de poils ; l’autre avait la peau unie. Le premier fut un chasseur actif ; l’autre, un homme doux et simple de mœurs.

Un jour que Jacob s’était préparé un plat de lentilles, Ésaü arriva, las d’avoir marché, et dit à son frère : « Donne-moi ce plat, car je reviens de la campagne, épuisé de fatigue. »

Jacob lui répondit : « Je te le donnerai, si tu me cèdes ton droit d’aînesse. »

« Je le ferai volontiers, » dit Ésaü. — « Jure-le donc, » dit Jacob.

Ésaü jura, et vendit son droit.

XXVIII. Isaac, qui avait le goût de la chasse, aimait Ésaü ; mais Jacob était plus cher à Rébecca.

Isaac, déjà vieux et devenu aveugle, appela Ésaü. « Prends, lui dit-il, ton carquois, ton arc et tes flèches ; apporte et prépare-moi un mets de ta chasse, afin que je le mange, et qu’avant de mourir je te souhaite toutes sortes de prospérités. »

Ésaü partit donc pour la chasse.

XXIX. Rébecca avait entendu les paroles d’Isaac ; elle appela Jacob et lui dit : « Apporte-moi deux chevreaux ; je ferai un mets que ton père aime beaucoup. Tu le lui serviras, et il te donnera sa bénédiction. »

Jacob répondit : « Je ne l’oserais, ma mère. Ésaü est couvert de poils, tandis que mon corps est uni. Si mon père me touche, il s’indignera contre moi. Ainsi je m’attirerai à la fois du malheur et le courroux de mon père au lieu de sa bienveillance. »

XXX. Rébecca insista : « Ne crains pas, dit-elle, mon fils ; s’il en arrive mal, je prends tout sur moi. Pour toi, n’hésite pas à faire ce que je t’ordonne. »

Jacob s’en alla donc, et apporta à sa mère deux chevreaux. Celle-ci prépara au vieillard le mets qu’elle savait être agréable à son palais. Ensuite, elle revêtit Jacob des habits de son frère ; elle ajusta une peau de chevreau à ses mains et à son cou.

« Va, dit-elle, trouver ton père, et offre-lui le mets qu’il désire. »

XXXI. Jacob apporta à son père le mets que sa mère avait préparé.

Isaac lui dit : « Qui es-tu ? » Jacob répondit : « Je suis Ésaü, ton premier-né. J’ai fait ce que tu as ordonné, mon père ; lève-toi, et mange de ma chasse. »

« Comment, dit Isaac, as-tu pu trouver sitôt ce qu’il fallait ? — « Je l’ai trouvé, mon père ; Dieu l’a voulu ainsi. »

« Es-tu bien Ésaü mon premier-né ? reprit Isaac. Viens plus près de moi que je te touche. »

Jacob s’approcha de son père, qui dit : « C’est la voix de Jacob, mais ce sont bien les mains d’Ésaü. »

XXXII. Isaac, ayant embrassé Jacob, le préféra à son frère, et lui attribua tous les avantages du premier-né.

Bientôt Ésaü revint de la chasse, et offrit lui-même à son père le mets qu’il avait préparé.

Isaac, étonné, dit : « Qui donc est celui qui tout à l’heure m’a apporté un mets, et à qui j’ai souhaité tous les biens, comme à mon premier-né ? »

À ces mots, Ésaü jeta un grand cri et remplit toute la maison de gémissements.

XXXIII. Ésaü, enflammé de colère, menaçait Jacob de la mort.

Rébecca, sa mère, craignant pour son fils chéri, lui dit : « Fuis, mon fils, va trouver ton oncle Laban, et demeure auprès de lui jusqu’à ce que la colère de ton frère s’apaise. »

Jacob prit congé de son père et de sa mère, et partit pour la Mésopotamie.

Chemin faisant, il arriva à un endroit où, fatigué de la marche, il passa la nuit. Il mit une pierre sous sa tête et s’endormit.

XXXIV. Il vit en songe une échelle qui, appuyée sur la terre, allait jusqu’au ciel, et des anges de Dieu qui montaient et descendaient. Il entendit le Seigneur qui lui disait : « Je suis le Dieu de ton père. Je donnerai à toi et à tes descendants la terre sur laquelle tu reposes. Ne crains rien ; je te protégerai ; je serai ton gardien partout où tu iras, je te ramènerai dans ta patrie, et par toi toutes les nations de la terre seront comblées de biens. »

Jacob s’éveilla et adora le Seigneur.

XXXV. Jacob, poursuivant sa route, arriva en Mésopotamie. Il vit trois troupeaux de brebis couchés près d’un puits ; car les troupeaux avaient coutume de s’abreuver de l’eau de ce puits. L’ouverture du puits était fermée par une grosse pierre.

Jacob s’approcha et dit aux pasteurs : « Frères, d’où êtes-vous ? » Ils répondirent : « De la ville d’Haran. »

Il leur demanda encore : « Connaissez-vous Laban ? — « Nous le connaissons, » répondirent-ils. — « Se porte-t-il bien ? » — « Oui, disent-ils. Voici sa fille Rachel qui vient avec son troupeau. »

XXXVI. Tandis que Jacob s’entretenait avec les pasteurs, Rachel, fille de Laban, vint avec le troupeau de son père, qu’elle faisait paître elle-même.

Dès que Jacob vit sa parente, il ôta la pierre de l’ouverture du puits. « Je suis, dit-il, le fils de Rébecca. » Et il l’embrassa.

Rachel se hâta de porter la nouvelle à son père, qui reconnut le fils de sa sœur, et lui donna Rachel en mariage.

XXXVII. Jacob demeura longtemps chez Laban. Rendant son séjour, il augmenta considérablement son bien et s’enrichit.

Longtemps après, averti par Dieu, il retourna dans sa patrie.

Il redoutait le courroux de son frère, et, pour apaiser son cœur, il se fit précéder de messagers chargés de lui offrir des présents.

Ésaü s’adoucit et accourut au-devant de son frère ; il se jeta à son cou, l’embrassa en pleurant, et ne lui fit aucun mal.

XXXVIII. Jacob eut douze fils, parmi lesquels fut Joseph. Son père le préférait à tous ses autres enfants, parce qu’il l’avait engendré dans sa vieillesse. Il lui avait donné une robe tissue de fils de diverses couleurs.

Pour cette raison, Joseph était haï de ses frères, surtout lorsqu’il leur eut raconté un double songe, qui présageait sa grandeur future.

Leur haine était si forte, qu’ils ne pouvaient s’entretenir amicalement avec lui.

XXXIX. Or, tels étaient les songes de Joseph : « Nous attachions ensemble des gerbes dans un champ. Voilà que ma gerbe se levait et se tenait droite ; les vôtres étaient autour d’elle et l’adoraient.

« Puis, je vis en songe le soleil, la lune et onze étoiles qui m’adoraient. »

Ses frères lui répondirent : « Que signifient ces songes ? Est-ce que tu seras notre roi ? Est-ce que nous serons soumis à ton pouvoir ? » Ses frères donc étaient jaloux de lui ; mais son père considérait la chose sans rien dire.

XL. Un jour que les frères de Joseph faisaient paître leurs troupeaux au loin, Joseph était resté à la maison. Jacob l’envoya vers ses frères, pour savoir comment ils se trouvaient.

Quand ils virent Joseph qui s’approchait, ils formèrent le dessein de le tuer. « Voici, disaient-ils, le songeur qui arrive. Tuons-le et jetons-le dans un puits. Nous dirons à notre père : Une bête féroce a dévoré Joseph. Alors on verra à quoi lui servent ses songes. »

XLI. Ruben, qui était l’aîné, détournait ses frères d’un si grand crime.

« Renoncez, disait-il, à tuer cet enfant ; c’est notre frère. Descendez-le plutôt dans cette fosse. »

Son intention était de tirer Joseph de leurs mains, de le faire sortir de la fosse et de le reconduire à son père.

En effet, ces paroles les amenèrent à une résolution plus douce.

XLII. Dès que Joseph arriva près de ses frères, ils lui ôtèrent la robe dont il était revêtu, et le jetèrent dans la fosse.

Puis, comme ils s’étaient assis pour prendre leur repas, ils aperçurent des marchands qui se rendaient en Égypte, avec des chameaux chargés de parfums de toutes sortes.

Il leur vint à l’esprit de vendre Joseph à ces marchands.

Ceux-ci achetèrent Joseph pour vingt pièces d’argent, et l’emmenèrent en Égypte.

XLIII. Alors les frères de Joseph trempèrent sa robe dans le sang d’un chevreau qu’ils avaient tué, et l’envoyèrent à leur père, avec ces paroles : « Nous avons trouvé cette robe ; vois si c’est la robe de ton fils. »

Quand le père l’eut reconnue, il s’écria : « C’est la robe de mon fils ; une bête cruelle a dévoré Joseph. » Puis il déchira ses habits et revêtit un cilice.

Tous ses enfants vinrent auprès de lui pour adoucir la douleur de leur père. Mais Jacob ne voulut point recevoir de consolation, et dit : « Je descendrai, accablé de chagrin, dans le tombeau de mon fils. »

XLIV. L’Égyptien Putiphar acheta Joseph des marchands.

Dieu favorisa Putiphar à cause de Joseph. Tout lui réussissait.

Aussi Joseph était traité avec bonté par son maître, qui le mît à la tête de sa maison.

Joseph administrait donc les biens de Putiphar : tout se faisait d’après sa volonté, et Putiphar ne prenait souci d’aucune affaire.

XLV. Joseph était d’une remarquable beauté. La femme de Putiphar le sollicitait au crime.

Mais Joseph ne voulait point écouter cette femme perverse.

Un jour, elle saisit le bord de son manteau ; Joseph laissa le manteau dans ses mains, et s’enfuit.

Cette femme irritée appela ses esclaves, et accusa Joseph auprès de son époux, qui, trop crédule, le fit jeter en prison.

XLVI. Dans la même prison se trouvaient deux officiers du roi Pharaon, le chef des échansons, et le chef des panetiers.

Tous deux eurent la même nuit un songe envoyé par le ciel.

Joseph s’étant approché d’eux le matin, et les ayant trouvés plus tristes que de coutume, leur demanda quelle était la cause de leur chagrin.

Ils répondirent : « Nous avons eu un songe, et il n’y a personne qui puisse nous l’interpréter.

« N’appartient-il pas à Dieu seul, dit Joseph, de connaître l’avenir ? Dites-moi vos songes. »

XLVII. Alors le premier raconta ainsi à Joseph le songe qu’il avait eu : « J’ai vu dans mon sommeil une vigne qui avait trois branches ; peu à peu elle produisit des bourgeons ; puis, des fleurs sortirent, et les raisins mûrissaient.

« J’exprimais le jus des raisins dans la coupe de Pharaon, et je la lui présentais. »

« Aie bon courage, dit Joseph ; dans trois jours Pharaon te rétablira dans ton ancienne dignité ; je te prie de te souvenir de moi. »

XLVIII. L’autre ainsi raconta son songe à Joseph :

« Je portais sur ma tête trois corbeilles remplies de ces mets que font les panetiers. Mais voilà que des oiseaux voltigeaient autour des corbeilles et mangeaient les mets. »

Joseph lui dit : « Voici l’interprétation de ce songe : Les trois corbeilles sont trois jours, après lesquels Pharaon te fera frapper de la hache et attacher à un poteau où les oiseaux se repaîtront de ta chair. »

XLIX. Le troisième jour, qui était le jour de la naissance de Pharaon, il fallut préparer un splendide repas.

Alors le roi se souvint de ses officiers qui étaient en prison.

Il rendit sa charge au grand échanson ; mais il fit frapper l’autre de la hache et le fit attacher à un poteau. Ainsi le songe fut confirmé par l événement.

Cependant le grand échanson oublia Joseph, et ne se souvint pas du service qu’il lui avait rendu.

L. Deux ans plus tard, le roi lui-même eut un songe.

Il lui semblait être sur les bords du Nil ; et voilà que sept vaches grasses sortaient du fleuve et paissaient dans un marais.

Puis, sept autres vaches maigres sortirent du même fleuve et dévorèrent les premières.

Pharaon s’éveilla, puis se rendormit, et eut un autre songe. Sept épis pleins croissaient sur une seule tige ; autant d’épis vides sortaient au-dessous, et ruinaient les épis pleins.

LI. Dès qu’il fit jour, Pharaon troublé manda tous les interprètes de l’Égypte, et leur raconta le songe ; mais personne ne pouvait l’expliquer.

Alors le grand échanson dit au roi : « J’avoue ma faute ; lorsque j’étais en prison avec le grand panetier, nous eûmes tous deux un songe la même nuit.

« Il se trouvait là un jeune Hébreu qui nous expliqua habilement nos songes ; car l’événement a confirmé son interprétation. »

LII. Le roi fit venir Joseph, et lui raconta ses deux songes. Alors Joseph dit à Pharaon : « Les deux songes annoncent une seule et même chose.

« Les sept vaches grasses et les sept épis pleins sont sept années d’abondance qui vont venir ; les sept vaches maigres et les sept épis vides sont autant d’années de famine qui suivront les années d’abondance.

« Ainsi, ô roi, place à la tête de toute l’Égypte un homme sage et actif, qui mette en réserve dans les greniers publics une partie des récoltes, et qui la conserve avec vigilance comme une ressource pour la famine à venir. »

LIII. Le conseil plut au roi. Il dit donc à Joseph : « Y a-t-il en Égypte quelqu’un de plus sage que toi ? Personne assurément ne s’acquittera mieux de cet emploi. Allons, je te remets le soin de mon royaume. »

Puis il ôta son anneau de sa main et le passa au doigt de Joseph ; il le revêtit d’un habit de lin, lui mit au cou un collier d’or, et le fit asseoir à côté de lui sur son char.

Joseph avait trente ans lorsqu’il reçut du roi la souveraine puissance.

LIV. Joseph parcourut toutes les contrées de l’Égypte, et, pendant les sept années d’abondance, amassa une quantité considérable de blé.

Une disette de sept années vint ensuite, et la famine pesa sur l’univers entier.

Alors les Égyptiens, pressés par le besoin, vinrent trouver le roi et lui demander des vivres.

Pharaon les renvoyait à Joseph. Celui-ci ouvrit les greniers, et vendit du blé aux Égyptiens.

LV. On venait aussi en foule des autres pays en Égypte pour acheter des vivres.

Jacob, pressé par la même nécessité, y envoya ses fils.

Les frères de Joseph partirent donc ; mais leur père retint à la maison le plus jeune, qui s’appelait Benjamin.

Il craignait qu’il ne lui arrivât malheur dans le voyage.

Benjamin était né de la même mère que Joseph, et, pour cette raison, était beaucoup plus aimé de son père que ses autres frères.

LVI. Les dix frères, dès qu’ils furent en présence de Joseph, s’inclinèrent pour le saluer.

Joseph les reconnut, mais ne fut point reconnu d’eux.

Il ne voulut pas leur révéler aussitôt qui il était, mais il les interrogea comme des étrangers : « D’où venez-vous, et quelles sont vos intentions ? »

Ils répondirent : « Nous sommes partis du pays de Chanaan pour acheter du blé. »

« Il n’en est point ainsi, dit Joseph, mais vous êtes venus ici dans des intentions hostiles : vous voulez reconnaître nos villes et les endroits peu fortifiés de l’Égypte. »

« Nullement, reprirent-ils ; nous ne méditons rien de mal. Nous sommes douze frères. Le plus jeune a été retenu à la maison par notre père ; un autre n’existe plus. »

LVII. Ce qui tourmentait Joseph, c’est que Benjamin n’était pas avec les autres.

C’est pourquoi il leur dit : « Je verrai si vous m’avez dit la vérité. Qu’un de vous reste auprès de moi comme otage, jusqu’à ce que votre jeune frère soit amené ici. Vous autres, partez avec votre blé. »

Alors les frères de Joseph se dirent l’un à l’autre : « Nous souffrons ceci justement. Nous avons été cruels envers notre frère ; nous portons maintenant la peine de ce crime. »

Ils croyaient que Joseph ne comprenait pas ces paroles, parce qu’il s’entretenait avec eux à l’aide d’un interprète.

Joseph se détourna un instant, et pleura.

LVIII. Joseph fit remplir de blé les sacs de ses frères, et fit remettre à l’ouverture des sacs l’argent qu’ils avaient apporté ; il leur fit encore donner des provisions pour leur route.

Puis il les congédia, à l’exception de Siméon qu’il retint en otage.

Les frères de Joseph partirent, et, lorsqu’ils furent arrivés chez leur père, ils lui racontèrent tout ce qui leur était arrivé.

Quand ils ouvrirent les sacs pour répandre le blé, ils furent étonnés de retrouver leur argent.

LIX. Jacob, apprenant que le gouverneur de l’Égypte demandait Benjamin, se plaignit en gémissant.

« Vous m’avez privé de mes enfants ; Joseph est mort ; Siméon est retenu en Égypte ; vous voulez emmener Benjamin. »

« C’est sur moi que retombent tous ces maux. Je ne laisserai pas partir Benjamin ; car, s’il lui arrive malheur pendant le voyage, je ne pourrai lui survivre, mais le chagrin me tuera. »

LX. Quand les vivres qu’ils avaient apportés furent consommés, Jacob dit à ses fils : « Retournez en Égypte pour acheter des vivres. » Ils répondirent : « Nous ne pouvons nous rendre auprès du gouverneur d’Égypte sans Benjamin ; car c’est lui-même qui nous a ordonné de l’amener. »

« Pourquoi, dit le père, avez-vous parlé de votre plus jeune frère ? »

« C’est lui qui nous a demandé si notre père vivait encore, si nous avions un autre frère. Nous avons répondu à ses questions ; nous ne pouvions prévoir qu’il nous dirait : Amenez ici votre frère. »

LXI. Alors Judas, l’un des fils de Jacob, dit à son père : «  Confie-moi l’enfant ; je le prends sous ma protection ; je le garderai, je te le ramènerai ; sinon, toute la faute retombera sur moi. Si tu avais consenti tout de suite à le laisser partir, nous serions déjà de retour de ce second voyage. » Le père, enfin persuadé, consentit : « Puisque cela est nécessaire, dît-il, que Benjamin parte avec vous. Portez au gouverneur des présents et le double du prix, de peur que le premier argent ne vous ait été rendu par méprise. »

LXII. On annonça à Joseph que les mêmes hommes étaient arrivés, et que leur jeune frère était avec eux.

Joseph donna ordre de les introduire chez lui et de préparer un magnifique repas.

Ceux-ci craignaient qu’on ne les accusât au sujet de l’argent qu’ils avaient retrouvé dans leurs sacs ; aussi s’excusèrent-ils auprès de l’intendant de Joseph.

« Nous sommes déjà venus ici, dirent-ils. De retour dans notre maison, nous avons trouvé dans nos sacs le prix du blé. Nous ne savons par quel hasard cela s’est fait ; mais nous rapportons la même somme. »

L’intendant leur répondit : « Soyez sans inquiétude. » Puis il amena près d’eux Siméon, qui avait été retenu.

LXIII. Bientôt Joseph entra dans l’appartement où l’attendaient ses frères ; ceux-ci le saluèrent et lui offrirent des présents.

Joseph leur rendit le salut avec bonté : « Votre vieux père, leur demanda-t-il, est-il en bonne santé ? Vit-il toujours ? »

« Notre père est en bonne santé, répondirent-ils ; il vit toujours. »

Joseph, jetant les yeux sur Benjamin, dit : « C’est là votre jeune frère, qui était resté à la maison auprès de son père ? » Puis il ajouta : « Que Dieu te soit propice, mon fils ; » et il se hâta de sortir, parce que son cœur était ému, et que ses larmes jaillissaient.

LXIV. Joseph revint, après s’être lavé le visage ; il se contint, et donna ordre de servir le repas. Puis il distribua de la nourriture à chacun de ses frères, mais la part de Benjamin était cinq fois plus grosse que celle des autres. Le repas terminé, Joseph charge son intendant de remplir leurs sacs de blé, d’y remettre leur argent, et en outre de cacher sa coupe d’argent dans le sac de Benjamin.

L’intendant exécuta ces ordres avec soin.

LXV. Les frères de Joseph s’étaient mis en route, et n’étaient pas encore éloignés de la ville.

Alors Joseph appela l’intendant de sa maison et lui dit : « Poursuis ces hommes, et, quand tu les auras rejoints, dis-leur : « Pourquoi avez-vous payé le bienfait par l’injure ? »

« Vous avez dérobé la coupe d’argent dont se sert mon maître ; vous avez manqué à la probité. »

L’intendant accomplit les instructions de Joseph : il courut en hâte vers eux ; il leur reprocha le vol ; il leur remontra l’indignité de cette action.

LXVI. Les frères de Joseph répondirent à l’intendant : « Un tel crime est bien loin de nous. Nous avons, comme tu le sais toi-même, rapporté de bonne foi l’argent que nous avions trouvé dans nos sacs ; tant s’en faut que nous ayons volé la coupe de ton maître. Que celui de nous sur qui on trouvera l’objet dérobé soit puni de mort. »

Aussitôt ils déposent leurs sacs et les ouvrent. L’intendant les fouille et trouve la coupe dans le sac de Benjamin.

LXVII. Les frères de Joseph, accablés de chagrin, retournent à la ville.

Amenés auprès de Joseph, ils se jetèrent à ses pieds. « Comment leur dit-il, avez-vous pu commettre ce crime ? »

Judas répondit : « Je l’avoue, la chose est manifeste, nous ne pouvons alléguer aucune excuse, et nous n’osons ni demander ni espérer notre pardon ; nous serons tous tes esclaves. »

« Nullement, dit Joseph ; mais celui entre les mains duquel on a trouvé la coupe sera mon esclave ; pour vous, retournez en liberté auprès de votre père. »

LXVIII. Alors Judas, s’approchant de Joseph : « Je t’en conjure, mon seigneur, dit-il, écoute-moi avec indulgence. Notre père aime tendrement cet enfant. Il ne voulait pas d’abord le laisser partir. Je n’ai pu obtenir cela de lui qu’après avoir promis qu’il serait à l’abri de tout danger. Si nous revenons sans l’enfant auprès de notre père, il mourra de chagrin.

« Je te prie et je te conjure de laisser partir cet enfant et de me réduire en servitude à sa place. Je prends sur moi et je subirai la peine qu’il a méritée. »

LXIX. Cependant Joseph pouvait à peine se contenir ; c’est pourquoi il ordonna aux Égyptiens qui étaient là de se retirer.

Alors, pleurant, il dit à haute voix : « Je suis Joseph. Est-ce que mon père vit encore ? »

Ses frères, interdits par l’excès de la crainte, ne pouvaient lui répondre.

« Avancez vers moi, leur dit-il avec amitié ; je suis Joseph, votre frère, que vous avez vendu à des marchands qui se rendaient en Égypte. Ne craignez rien : cela a été un effet de la providence de Dieu, qui voulait que je veillasse à votre salut. »

LXX. Ayant ainsi parlé, Joseph embrassa son frère Benjamin et l’arrosa de ses larmes.

Puis il embrassa aussi en pleurant ses autres frères. Alors seulement ceux-ci lui parlèrent avec confiance.

« Allez, leur dit Joseph, allez vite trouver mon père ; annoncez-lui que son fils est vivant et qu’il est en faveur auprès du roi Pharaon. Persuadez-lui de venir s’établir en Égypte avec toute sa famille. »

LXXI. Le bruit de l’arrivée des frères de Joseph parvint aux oreilles du roi ; il leur donna des présents pour les porter à leur père, et y joignit ces recommandations : « Amenez ici votre père avec toute sa famille ; ne vous embarrassez point de vos meubles, car je vous fournirai de tout ce dont vous aurez besoin, et toutes les richesses de l’Égypte seront à vous. »

Il envoya aussi des chars pour transporter le vieillard, les petits enfants et les femmes.

LXXII. Les frères de Joseph retournèrent en toute hâte auprès de leur père, lui annoncèrent que Joseph était vivant, et qu’il était à la tête de toute l’Égypte.

À cette nouvelle, Jacob, comme s’il s’éveillait d’un profond sommeil, resta frappé de stupeur, et d’abord il ne voulait pas ajouter foi au récit de ses fils. Mais, lorsqu’il eut vu les chariots et les présents que lui envoyait Joseph, il revint à lui et dit : « Je suis assez content, si mon Joseph vit encore. J’irai et je le verrai avant de mourir. »

LXXIII. Jacob partit avec ses fils et ses petits-fils, arriva en Égypte et envoya Judas à Joseph pour le prévenir de son arrivée.

Aussitôt Joseph s’avança au-devant de son père. Dès qu’il l’aperçut, il se jeta à son cou, et l’embrassa en mêlant ses larmes aux siennes.

« J’ai assez vécu, dit Jacob ; maintenant je mourrai content, puisqu’il m’a été donné de jouir de ta vue, et puisque je te laisse après moi. »

LXXIV. Joseph alla trouver Pharaon, et lui apprit que son père était arrivé ; il présenta aussi cinq de ses frères au roi.

Celui-ci leur demanda quelle était leur occupation. Ils répondirent qu’ils étaient pasteurs.

Le roi dit à Joseph : « Tu es maître de l’Égypte. Aie soin que ton père et tes frères habitent dans la meilleure contrée ; et, s’il en est parmi eux qui soient actifs et laborieux, confie-leur le soin de mes troupeaux. »

LXXV. Joseph conduisit aussi son père chez Pharaon ; quand Jacob eut salué le roi, celui-ci lui demanda quel âge il avait.

Jacob répondit au roi : « J’ai vécu cent trente ans, et je n’ai pas atteint l’heureuse vieillesse de mes ancêtres. » Puis, après avoir fait des souhaits en faveur du roi, il prit congé de lui.

Joseph établit son père et ses frères dans la meilleure contrée de l’Égypte, et leur fournit toutes choses en abondance.

LXXVI. Jacob vécut encore dix-sept ans après son établissement en Égypte.

Dès qu’il sentit sa mort approcher, il fit venir Joseph et lui dit : « Si tu m’aimes, jure de faire ce que je vais te demander, de ne pas m’ensevelir en Égypte, mais de transporter mon corps loin de ce pays, et de l’enfermer dans le tombeau de mes ancêtres. »

« Je ferai ce que tu ordonnes, mon père, » dit Joseph.

« Jure-moi donc, reprit Jacob, que tu ne manqueras pas de le faire. »

Joseph répéta le serment que lui dictait son père.

LXXVII. Joseph amena à son père ses deux fils, Manassès et Éphraïm. Il plaça Manassès, qui était l’aîné, à la droite du vieillard, et Éphraïm, qui était le plus jeune, à sa gauche.

Mais Jacob, croisant les mains, plaça la droite sur Éphraïm, la gauche sur Manassès, et les bénit tous les deux à la fois.

Joseph le remarqua, et le souffrit avec peine ; il essaya de changer les mains de son père.

Mais le père résista, et dit à Joseph : « Je sais, mon fils, je sais que celui-ci est l’aîné, et celui-là le plus jeune ; j’ai agi à dessein. »

C’est ainsi que Jacob préféra Éphraïm à Manassès.

LXXVIII. Dès que Joseph vit son père mort, il se jeta sur lui en versant des larmes, l’embrassa et le pleura longtemps.

Ensuite il ordonna aux médecins d’embaumer le corps ; et lui-même, accompagné de ses frères et d’une foule d’Égyptiens, transporta son père dans le pays de Chanaan.

Là, ils firent les funérailles avec de grands gémissements, et ensevelirent le corps dans le caveau où reposait Abraham et Isaac ; puis ils retournèrent en Égypte.

LXXIX. Après la mort de leur père, les frères de Joseph craignaient qu’il ne vengeât l’injure qu’il avait reçue. Ils envoyèrent donc vers lui, le suppliant au nom de leur père d’oublier et de leur pardonner le passé.

Joseph leur répondit : « Vous n’avez rien à craindre. Vous avez agi méchamment envers moi ; mais Dieu a changé le mal en bien ; je vous nourrirai, vous et vos familles. » Il les consola longuement, et s’entretint doucement avec eux.

LXXX. Joseph vécut cent dix ans, et, comme sa mort approchait, il convoqua ses frères, et les avertit qu’il allait mourir.

« Je meurs, leur dit-il. Dieu ne vous abandonnera pas, mais il sera votre appui ; il vous fera sortir un jour de l’Égypte, et vous mènera dans le pays qu’il a promis à nos pères. Je vous prie et vous conjure d’y transporter mes os. »

Puis il mourut paisiblement. Son corps fut embaumé et déposé dans un cercueil.

LXXXI. Cependant les descendants de Jacob, ou les Hébreux, se multiplièrent d’une manière étonnante, et leur nombre, qui croissait chaque jour, inspirait de la crainte aux Égyptiens.

Un nouveau roi monta sur le trône ; il n’avait pas vu Joseph, et ne se souvenait pas de ses services.

Pour anéantir les Hébreux, il les accablait d’abord de travaux pénibles ; ensuite, il ordonna même de jeter dans le fleuve tous leurs enfants nouvellement nés.

LXXXII. Une femme israélite mit au monde un fils, et, comme elle le voyait plein de beauté, elle voulut le sauver.

Elle le cacha pendant trois mois ; mais, comme elle ne pouvait le tenir caché plus longtemps, elle prit une corbeille de jonc qu’elle enduisit de bitume et de poix.

Puis elle y plaça l’enfant, et l’exposa au milieu des roseaux, sur le bord du fleuve.

Elle avait avec elle une compagne, la sœur de l’enfant ; elle lui ordonna de rester à quelque distance, pour voir ce qui arriverait.

LXXXIII. Bientôt la fille de Pharaon vint au fleuve pour se baigner. Elle aperçut une corbeille arrêtée dans les roseaux ; elle y envoya une de ses suivantes.

Ayant ouvert la corbeille, elle vit un petit enfant qui criait, et elle eut pitié de lui : « C’est, dit-elle, un enfant des Hébreux. »

À ce moment, la sœur de l’enfant s’approcha et lui dit : « Veux-tu que je fasse venir une femme israélite pour nourrir ce petit enfant ? » Et elle appela sa mère.

La fille de Pharaon lui donna l’enfant à nourrir et lui promit une récompense.

Ainsi la mère nourrit l’enfant, et, quand il fut grand, le rendit à la fille de Pharaon ; celle-ci l’adopta et l’appela Moïse, c’est-à-dire sauvé des eaux.

LXXXIV. Moïse, déjà vieux, alla trouver Pharaon, par l’ordre de Dieu, et, au nom du Seigneur, lui ordonna de laisser partir les Hébreux.

Ce roi impie refusa d’obéir aux ordres de Dieu. Moïse, pour vaincre l’obstination de Pharaon, fit paraître plusieurs prodiges effrayants qu’on appelle les plaies d’Égypte.

Comme Pharaon n’en persistait pas moins dans sa résolution, Dieu fit périr son fils aîné et tous les fils aînés des Égyptiens.

Enfin, vaincu par la crainte, le roi obéit, et donna aux Hébreux la permission de partir.

LXXXV. Les Hébreux partirent d’Égypte au nombre de six cent mille, sans compter les petits enfants et le menu peuple.

À leur sortie, une colonne de nuée les précédait pendant le jour, et une colonne de feu pendant la nuit, pour les guider dans leur route ; et jamais, pendant quarante années, cette colonne ne les quitta.

Au bout de quelques jours, la multitude des Hébreux arriva au bord de la mer Rouge et y établit son camp.

LXXXVI. Bientôt le roi se repentit d’avoir laissé partir tant de milliers d’hommes, et, rassemblant une armée considérable, il se mit à leur poursuite.

Les Hébreux, se voyant d’un côté arrêtés par la mer, de l’autre, pressés par Pharaon avec toutes ses troupes, furent saisis d’une profonde terreur.

Alors Dieu dit à Moïse : « Étends ta main droite sur la mer, et sépare les eaux, afin qu’elles offrent aux Hébreux un chemin sec par où ils puissent passer. »

LXXXVII. Moïse fit ce que Dieu lui avait ordonné. Comme il tenait sa main étendue sur la mer, les eaux se séparèrent, et, s’enflant, restèrent suspendues des deux côtés.

Un vent violent s’éleva, et dessécha le lit de la mer.

Alors les Hébreux entrèrent dans la mer qui était à sec ; car l’eau s’élevait comme un mur à leur droite et à leur gauche.

Le roi d’Égypte, qui poursuivait les Hébreux, n’hésita pas à entrer avec toute son armée dans le passage que présentait la mer.

LXXXVIII. Tandis que les Égyptiens s’avançaient au milieu de la mer, le Seigneur renversa leurs chars et abattit leurs cavaliers.

Les Égyptiens, frappés de terreur, prirent la fuite, et Dieu dit à Moïse : « Étends de nouveau la main sur la mer, afin que les eaux reviennent à leur place. »

Moïse obéit, et aussitôt les eaux, reprenant leur cours, engloutirent les Égyptiens, leurs chars et leurs cavaliers.

L’armée entière de Pharaon périt au milieu des flots ; pas un n’échappa pour porter la nouvelle d’un si grand désastre.

C’est ainsi que Dieu délivra les Hébreux de l’injuste servitude des Égyptiens.

LXXXIX. Les Hébreux, après avoir traversé la mer Rouge, marchèrent longtemps dans un vaste désert.

Le pain manquait ; mais Dieu lui-même les nourrit : pendant quarante ans tomba du ciel une nourriture qu’ils appelèrent manne.

Cette nourriture avait un goût de farine mêlée de miel.

Parfois aussi l’eau manqua. Mais, sur l’ordre de Dieu, Moïse frappait un rocher de sa baguette ; et aussitôt jaillissaient des fontaines d’eau douce.

XC. Trois mois après leur sortie d’Égypte, les Hébreux arrivèrent au mont Sinaï.

Là, Dieu leur donna sa loi avec un appareil effrayant.

D’abord on entendit le tonnerre, la foudre brilla ; un nuage épais couvrait la montagne, et le son des trompettes éclatait avec fracas.

Le peuple se tenait debout, tremblant de crainte, au pied de la montagne fumante.

Dieu parlait sur la montagne du sein d’un nuage, au milieu des éclairs et du tonnerre.

XCI. Voici les paroles que Dieu prononça : « Je suis le Seigneur qui vous ai tirés de la servitude des Égyptiens.

« Vous n’aurez point de Dieux étrangers ; je suis le seul Dieu, et il n’en est point d’autre que moi.

« Vous n’emploierez point témérairement et en vain le nom de votre Dieu.

« Vous ne ferez nulle œuvre le jour du sabbat. Honorez votre père et votre mère. Vous ne tuerez point ; vous ne serez point adultères.

« Vous ne commettrez point de larcin ; vous ne direz point de faux témoignage contre votre prochain ; vous ne convoiterez point le bien d’autrui. »

XCII. Moïse, averti par Dieu, ordonna de faire un tabernacle avec des peaux et des étoffes très-précieuses, de plus une arche d’alliance revêtue d’or pur, dans laquelle il déposa les tables de la loi divine.

Lorsque ses yeux découvraient déjà la terre promise par Dieu, il mourut, cet homme si admirable par sa sagesse et par toutes ses autres vertus.

Le peuple le pleura pendant trente jours.

Josué succéda à Moïse qui l’avait lui-même désigné avant de mourir.

XCIII. Pour que les Hébreux entrassent dans la terre promise, il fallait traverser le Jourdain ; or ils n’avaient point de vaisseaux, et le fleuve, qui coulait alors à pleins bords, n’était pas guéable.

Dieu vint à leur secours, Josué fit porter en avant l’arche d’alliance que suivit le peuple.

À l’approche de l’arche, les eaux qui coulaient d’en haut restèrent immobiles comme un mur ; celles qui étaient au-dessous descendirent, et laissèrent le lit à sec.

XCIV. Les Hébreux s’avancèrent à travers le lit desséché et atteignirent la rive opposée.

Alors les eaux reprirent leur ancienne place.

Josué fit dresser douze pierres enlevées du milieu du fleuve, pour être un monument éternel de leur passage.

Il dit aux Hébreux : « Si vos fils vous demandent un jour ce que signifie cet amas de pierres, vous leur répondrez : « Nous avons traversé à pied sec le Jourdain que voici. Ces pierres ont été placées pour conserver éternellement le souvenir de ce fait, et pour enseigner combien grande est la puissance de Dieu. »

XCV. Il y avait dans ces lieux une ville du nom de Jéricho, défendue par des tours et par de puissantes murailles, et qui ne pouvait facilement ni être prise, ni même être assiégée.

Josué, comptant sur le secours divin, n’attaqua point cette ville par les armes et par la force.

Il fit porter l’arche autour des murs, ordonnant aux prêtres de marcher devant et de sonner de la trompette.

Quand l’arche eut fait sept fois le tour de la ville, les murailles et les tours s’écroulèrent tout à coup.

La ville fut prise et pillée.

XCVI. Les rois de Chanaan réunirent leurs forces pour marcher contre les Hébreux.

Mais Dieu dit à Josué : « Ne les crains pas ; la victoire sera à toi. »

Josué les attaqua donc avec une vive ardeur, et, saisis d’une épouvante subite, ils s’enfuirent.

Alors tomba sur eux une pluie de pierres qui en tua un grand nombre.

Mais comme le jour allait finir et que l’affaire n’était pas encore terminée, Josué ordonna au soleil de s’arrêter ; et le soleil s’arrêta et fit durer le jour jusqu’à ce que l’armée ennemie fût détruite.

XCVII. Josué, vainqueur de tous les peuples de la Palestine, établit les Hébreux dans le pays qui leur était destiné, partagea entre les tribus les terres et les villes conquises, puis mourut.

Après lui, le souverain pouvoir passa à des juges, parmi lesquels se distinguèrent Gédéon, Samson et Samuel.

La fortune des Hébreux varia ensuite avec leurs mœurs. Ils péchèrent souvent envers Dieu. Alors, privés de la protection divine, ils étaient vaincue par leurs ennemis. Toutes les fois que, revenant à Dieu, ils implorèrent son secours, Dieu apaisé les délivra.

XCVIII. Les Hébreux, harcelés par les Madianites, demandèrent du secours à Dieu. Dieu écouta leurs prières.

Un ange apparut à Gédéon : « Le Seigneur est avec toi, lui dit-il, homme plein de courage. »

Gédéon répondit : « Si Dieu est avec nous, pourquoi sommes-nous accablés par une dure servitude ? »

L’ange dit : « Aie confiance ; tu délivreras ton peuple de la servitude des Madianites. »

D’abord Gédéon ne voulait pas se charger d’un si pesant fardeau ; mais, rassuré par un double miracle, il ne refusa plus.

XCIX. Après avoir rassemblé une armée, Gédéon se mit en marche avec trente-deux mille hommes, et assit son camp vis-à-vis le camp de l’ennemi.

Or l’armée des Madianites était presque innombrable ; car le roi des Amalécites s’était joint à eux.

Cependant Dieu dit à Gédéon : « Tu n’as pas besoin de tant de milliers d’hommes ; renvoie tout ton monde, et garde seulement trois cents hommes, pour qu’ils ne puissent pas attribuer la victoire à leur courage, et non à la puissance divine. »

C. Gédéon partagea ses trois cents hommes en trois troupes ; il leur donna des trompettes et des bouteilles de terre cuite dans lesquelles étaient des lampes allumées.

Ceux-ci, pénétrant au milieu de la nuit dans le camp ennemi, se mirent à sonner de la trompette et à heurter les bouteilles les unes contre les autres.

Les Madianites, entendant le bruit des trompettes et voyant les lampes, se troublèrent et, prenant honteusement la fuite, se dispersèrent de tous côtés.

Enfin ils tournèrent leurs armes contre eux-mêmes, et s’égorgèrent mutuellement.

Gédéon poursuivit les rois ennemis, les saisit, et les mit à mort.

CI. Tandis que les Hébreux étaient au pouvoir des Philistins et persécutés par eux, Samson, qui devait un jour punir les ennemis, vint au monde.

Sa mère avait été longtemps stérile ; mais un ange du Seigneur lui apparut, et lui prédit qu’elle enfanterait un fils qui rendrait un jour la liberté à ses concitoyens.

Elle mit au monde un fils, et elle lui donna le nom de Samson.

L’enfant grandit. Ses cheveux ne furent jamais coupés ; il ne but ni vin ni boisson de dattes. Il fut d’une force incroyable ; il tua de sa main un lion qui venait à lui.

CII. Samson devenu grand fit essuyer aux Philistins une foule de calamités. Il prit trois cents renards, leur attacha à la queue des torches allumées, puis les lâcha dans les champs des ennemis.

Par hasard la moisson était mûre alors, et l’incendie fut facile.

Tous les blés, les vignes et les oliviers furent brûlés, et Samson ne cessa de tourmenter par des fléaux divers cette nation ennemie.

Livré aux Philistins, il rompit les liens dont il avait été garrotté, et, saisissant une mâchoire d’âne, avec cette arme que le hasard lui avait offerte, il renversa mille ennemis.

CIII. Un jour Samson entra dans une ville des Philistins, où il paraissait vouloir passer la nuit.

Les Philistins, saisissant cette occasion, donnèrent ordre de fermer les portes, afin que personne ne pût sortir.

Pendant toute la nuit, ils attendaient en silence, pour tuer Samson le matin, lorsqu’il sortirait.

Mais Samson se leva au milieu de la nuit, et se rendit à la porte de la ville. La trouvant fermée, il l’enleva sur ses épaules avec les poteaux et les verrons, et la transporta au sommet d’une montagne voisine.

CIV. Enfin les Philistins, qui ne pouvaient s’emparer de Samson, corrompirent sa femme par une somme d’argent pour qu’elle trahît son mari.

Celle-ci persuada à Samson de lui faire connaître la cause de cette vigueur extraordinaire ; et, lorsqu’elle sut que ses forces étaient dans ses cheveux, elle lui rasa la tête pendant son sommeil, et le livra ainsi aux Philistins.

Ceux-ci lui crevèrent les yeux, l’enchaînèrent, le jetèrent en prison, et en firent longtemps un jouet.

Mais avec le temps les cheveux qui avaient été coupés grandirent, et avec eux la force revint à Samson. Bientôt, sûr d’avoir recouvré sa vigueur, il attendit le moment d’une juste vengeance.

CV. Les Philistins avaient coutume, dans leurs jours de fête, de faire paraître Samson comme pour ajouter à la pompe publique, et d’insulter à leur captif.

Un jour qu’on célébrait un festin public, ils ordonnent d’amener Samson.

La maison dans laquelle tout le peuple et les principaux des Philistins se trouvaient à table était soutenue par deux colonnes d’un prodigieuse hauteur.

On amène Samson, et on le place entre les deux colonnes.

Samson, profitant de l’occasion, ébranla les colonnes, et tous les assistants furent écrasés sous les ruines de la maison ; Samson lui-même périt avec les ennemis, mais non sans vengeance.

CVI. Du temps qu’Héli était grand prêtre, Samuel naquit. Sa mère l’amena au prêtre et l’offrit au Seigneur pour le servir dans les sacrifices.

L’enfant, doué d’une noble nature, grandissait et était cher à Dieu et aux hommes. Sa mère, à certaines époques, lui apportait une petite tunique qu’elle avait faite elle-même.

Cependant Héli avait des fils de mœurs si perverses qu’ils détournaient le peuple d’honorer Dieu ; et jamais leur père ne les reprit assez sévèrement.

Aussi Dieu était irrité et contre les enfants et contre le père.

CVII. Une nuit, comme Héli était couché dans son lit, le Seigneur appela Samuel ; celui-ci pensant que le grand prêtre le demandait, accourut et dit : « Me voici ; car tu m’as appelé. »

Héli répondit : « Je ne t’ai point appelé, mon fils ; retourne dans ton lit. » Et cela arriva une seconde, puis une troisième fois.

Enfin Samuel, averti par le prêtre, répondit à Dieu qui rappelait : « Parle, Seigneur ; ton serviteur écoute. »

Alors Dieu dit à Samuel : « J’accablerai la maison d’Héli de malheurs tels, que personne ne pourra en entendre parler sans que les oreilles lui en tintent, parce qu’il a été pour ses enfants faible jusqu’à l’excès, et qu’il a supporté leurs vices avec trop de patience. »

CVIII. Un sommeil plus profond s’empara ensuite de Samuel, qui dormit jusqu’au matin.

Dès que le jour parut, il se leva de son lit et ouvrit la porte du tabernacle comme il avait coutume de le faire ; or il craignait de révéler au prêtre les paroles de Dieu.

Héli s’adressant à lui : « Je t’en prie, t’en conjure, lui dit-il, révèle-moi ce que Dieu t’a dit ; et prends garde de me rien cacher de ce que tu as entendu. »

Samuel obéit à cet ordre, et lui redit toutes les paroles du Seigneur. « Il est le Seigneur, dit Héli ; qu’il fasse ce qu’il voudra. »

CIX. Peu de temps après, une guerre s’éleva entre les Philistins et les Hébreux.

Les Hébreux portent l’arche sur le champ de bataille, et avec elle s’avancent les fils du prêtre. Mais parce que Dieu était irrité contre eux, l’arche leur fut plus funeste qu’utile.

Les Hébreux furent vaincus, les fils du prêtre tués, l’arche même fut prise.

Héli, à la nouvelle d’un si grand désastre, se laissa tomber de son siége, se brisa la tête, et mourut.

CX. Samuel fut le dernier juge des Hébreux, et il administra leurs affaires au sein d’une paix profonde et d’une continuelle tranquillité.

Comme il était déjà vieux, et que ses fils s’éloignaient des mœurs paternelles, le peuple, avide de nouveauté, lui demanda un roi.

D’abord Samuel en dissuada les Hébreux, et essaya de les détourner de ce projet ; mais ils persistèrent dans leur résolution.

Samuel, averti par Dieu, accéda donc à leur demande, et sacra Saül roi.

Saül était d’une haute taille, d’une remarquable beauté, et la dignité de sa personne répondait à merveille à la dignité royale.

CXI. Les Philistins firent une irruption sur le territoire des Hébreux.

Saül marcha donc contre eux, et établit son camp près de Galgala, ville célèbre de ce pays.

Or Samuel avait ordonné qu’on l’attendît durant sept jours, et qu’on n’engageât pas l’action avec les ennemis avant qu’il fût venu offrir un sacrifice à Dieu.

Le septième jour, comme Samuel tardait, et que le peuple, fatigué d’attendre, se dispersait, Saül lui-même fit le sacrifice à la place du prêtre.

À peine le sacrifice était-il accompli, que Samuel arriva et blâma vivement le roi de s’être arrogé témérairement une fonction qui n’appartenait qu’aux prêtres.

CXII. Comme les Hébreux étaient pressés par les Philistins, le fils de Saül, Jonathas, conçut et exécuta un hardi projet.

Accompagné seulement de son écuyer, il entra dans le camp ennemi, tua une vingtaine de Philistins, frappa toute l’armée de terreur.

Les Philistins troublés commencèrent à ne plus garder leurs rangs, à ne plus exécuter les ordres et à chercher leur salut dans la fuite.

Saül s’en aperçut, fit sortir ses troupes du camp, et, poursuivant l’ennemi en fuite, remporta une brillante victoire.

CXIII. Tandis que Saül poursuivait les Philistins, il avait ordonné que personne ne prît de nourriture avant qu’on eût achevé les ennemis, jurant de punir de mort quiconque transgresserait sa défense.

Jonathas n’était pas présent alors, et n’avait pas entendu l’ordre du roi.

Il arriva que l’armée eut à traverser une forêt où se trouvait du miel sauvage en abondance.

Jonathas, ignorant l’ordre de son père, étendit une baguette qu’il tenait à la main, la trempa dans le miel et l’approcha de sa bouche.

Quand le roi l’apprit, il voulait qu’on frappât son fils de mort ; mais le service que venait de rendre le jeune homme le tira du danger, et le peuple ne souffrit pas qu’on le traînât au supplice.

CXIV. Plus tard, Saül, sur l’ordre de Dieu, porta la guerre chez les Amalécites. D’abord il obtint des succès ; les ennemis furent taillés en pièces et leur roi fait prisonnier.

Mais ensuite Saül offensa Dieu gravement. Dieu avait défendu qu’on détournât rien des dépouilles de l’ennemi. Or, après la défaite des Amalécites, Saül garda une partie du butin.

C’est pourquoi Dieu rejeta Saül, et David, jeune encore, de la tribu de Juda, fut choisi à sa place et oint par Samuel.

CXV. Après que Saül eut méprisé les ordres de Dieu, l’esprit malin s’empara de lui, et il entrait souvent en fureur.

Ses courtisans lui conseillèrent d’appeler quelqu’un qui sût jouer de la harpe, pour charmer son esprit malade.

On fit venir David, qui possédait cet art, et qui, à cause de ce talent, compta parmi les officiers du roi.

Aussitôt que l’esprit malin saisissait Saül, David jouait de la harpe, et la fureur du roi s’apaisait.

CXVI. Ensuite survint une guerre avec les Philistins. Comme les deux armées étaient en présence, un Philistin du nom de Goliath, homme d’une taille prodigieuse, sortit des rangs, et à plusieurs reprises provoqua l’un des Hébreux à un combat singulier.

Il était revêtu d’une cotte d’armes ; il avait aux jambes des jambarts d’airain ; un casque d’airain couvrait sa tête, et un bouclier d’airain protégeait ses épaules.

Saül offrit de magnifiques récompenses, et même la main de sa fille, à quiconque rapporterait les dépouilles de celui qui lançait le défi.

Mais personne n’osait s’avancer contre lui ; et Goliath, prodiguant l’outrage et la raillerie, reprochait aux Hébreux leur lâcheté.

CXVII. David, ému de l’affront fait à son peuple, s’offrit de lui-même à combattre.

On le conduisit auprès de Saül, qui, considérant son âge, craignait l’issue du combat.

« Tu ne pourras, lui dit-il, jeune comme tu l’es, combattre un homme si robuste. »

« Ne crains rien, ô roi, répondit David. Quand je faisais paître les brebis de mon père, un lion se jeta sur le troupeau, et saisit une brebis. Je le poursuivis, je le tuai et j’arrachai la brebis de sa gueule. Je tuai de même un ours. Dieu, qui m’a défendu du lion et de l’ours, me défendra encore de ce Philistin. » — « Va donc, dit Saül, avec cette confiance. Dieu te soit en aide. »

CXVIII. Saül voulut ajuster lui-même ses armes au jeune homme ; il lui mit son casque sur la tête, lui couvrit la poitrine de sa cuirasse, lui ceignit les flancs de son épée.

Mais David, embarrassé de ces armes auxquelles il n’était pas accoutumé, pouvait à peine marcher.

Il déposa donc ce fardeau incommode ; il prit un bâton de berger, dont il avait l’habitude de se servir, et une fronde avec cinq pierres dans sa panetière. Ainsi armé, il marcha contre le Philistin.

CXIX. Goliath, qui s’avançait du côté opposé, s’écria dès qu’il vit le jeune homme : « Me prends-tu pour un chien, toi qui viens m’attaquer avec un bâton ? »

David lui répondit : « Tu viens à moi avec une épée, une pique et un bouclier ; mais moi, je viens au nom du Seigneur des armées, que tu as osé outrager.

Alors, lançant une pierre de sa fronde, il frappa le Philistin au front, le renversa à terre, puis, s’élançant sur lui, arracha l’épée à son ennemi abattu, et lui coupa la tête.

Les Philistins, effrayés par cet événement, prirent la fuite et abandonnèrent la victoire aux Hébreux.

CXX. Lorsque David revint, on alla au-devant de lui. Les Hébreux félicitent le vainqueur et le reconduisent à la fille ; les femmes mêmes sortent de leurs maisons, et chantent ses louanges au son du tambour.

Cette faveur déclarée du peuple alluma la jalousie de Saül, qui se montra désormais malveillant pour David, et ne le regarda plus d’un œil favorable. Son fils Jonathas conçut des sentiments tout autres. Admirant la valeur de David, il s’attacha à lui d’une affection singulière, et lui fit présent de son baudrier, de son arc et de son épée.

CXXI. Saül avait promis au vainqueur la main de sa fille ; mais il ne tint point sa promesse, et proposa une condition nouvelle : il fallait que David tuât cent Philistins.

Le roi jaloux agissait ainsi dans un mauvais dessein ; il espérait que l’audacieux jeune homme se ferait aisément tuer. Mais il fut trompé dans son espoir.

David, après avoir tué deux cents Philistins, revint sans blessure, et reçut alors la fille du roi en mariage.

CXXII. La haine de Saül, enflammée par la jalousie, croissait de jour en jour ; ce n’était déjà plus en secret, mais ouvertement, qu’il préparait la mort de David.

Deux fois il essaya de le percer de sa lance ; mais David en se détournant évita le coup mortel.

Saül ordonna à Jonathas de faire périr David ; mais Jonathas ne voulut pas exécuter l’ordre cruel de son père ; il alla même jusqu’à le conjurer en pleurant de renoncer à un si injuste dessein.

Enfin Saül envoya des soldats pour massacrer David dans sa maison, sous les yeux de sa femme. Mais celle-ci fit descendre son époux par une fenêtre, et le déroba ainsi au danger.

CXXIII. Lorsque David vit que l’âme de Saül était implacable, il s’éloigna de la cour, et s’en alla dans une solitude.

Saül le poursuivit ; mais, protégé par Dieu, David échappa aux mains de son ennemi, et lui-même plus d’une fois sauva les jours de Saül.

Il y avait dans un désert une caverne béante, d’une immense profondeur ; David s’y tenait caché avec ses compagnons dans la partie la plus reculée.

Par hasard, Saül entra seul dans la caverne, ne vit pas ceux qui s’y cachaient, et, accablé de sommeil, il s’endormit.

Les compagnons de David l’engageaient à saisir cette occasion de faire mourir Saül ; mais David ne voulut point tuer son ennemi, bien qu’il pût le faire impunément.

CXXIV. La guerre avec les Philistins se ralluma; Saül marcha contre eux avec une armée.

On livra bataille, et les Hébreux furent mis en déroute. Trois fils du roi périrent sur le champ de bataille. Saül lui-même tomba de cheval, et, pour ne pas venir vivant au pouvoir des ennemis, il se fit percer le flanc par un de ses compagnons.

Le roi mort, tous les Hébreux prirent la fuite, et, ce jour-là, les Philistins remportèrent une brillante victoire.

CXXV. David, à la nouvelle de la mort de Saül, versa des larmes il maudit les montagnes de Gelboé, où ce meurtre avait été commis. Pour le punir d’avoir attenté à la majesté royale, il donna ordre de faire périr celui qui se vantait d’avoir tué Saül et qui lui avait apporté les insignes du roi.

Il témoigna sa reconnaissance aux habitants de la ville de Jabé, pour avoir enseveli les corps de Saül et de ses fils.

Exemple vraiment admirable d’une véritable et sincère affection envers un ennemi.

CXXVI. Après que David fut monté sur le trône, il se souilla de deux crimes affreux.

Il aima une femme du nom de Bethsabée, et la poussa au crime.

Le mari de cette femme, nommé Urie, homme d’un grand courage, était alors au camp, et servait sa patrie avec honneur.

David ordonna de le placer un jour de bataille en face de l’ennemi, dans un poste défavorable, et le fit ainsi mourir.

Mais Dieu envoya un prophète à David pour l’avertir et lui annoncer qu’il subirait la peine de son crime.

CXXVII. Le prophète parla ainsi à David : « Il y avait dans la même ville deux hommes. L’un était riche, et entretenait de nombreux troupeaux de bœufs, de chèvres et de brebis ; l’autre n’avait rien qu’une brebis qu’il avait achetée lui-même et qu’il nourrissait avec soin dans sa maison.

« Un hôte vint chez l’homme riche, et, comme il fallait lui préparer un repas, le riche, pour épargner ses brebis, fit enlever de force la brebis du pauvre, et la donna à manger à son hôte.

« C’est à toi, ô roi, de juger cette action. »

CXXVIII. Le roi indigné répondit : « Qui que ce soit, il a méchamment agi ; il rendra quatre brebis pour celle qu’il a enlevée. »

Alors le prophète, parlant sans détour : « C’est toi, dit-il, qui es cet homme. Dieu t’a comblé de tous les biens : il t’a fait roi ; il t’a sauvé de la colère de Saül ; il t’a donné une demeure royale, de royales richesses.

« Pourquoi donc as-tu enlevé la femme d’Urie ? Pourquoi as-tu fait tuer par le glaive des ennemis un innocent, un homme qui combattait pour toi ? »

David, touché de ces paroles du prophète, reconnut et confessa sa faute.

« Dieu, lui dit le prophète, te pardonne ton péché. Cependant le fils qui t’est né mourra. »

CXXIX. Bientôt l’enfant tomba gravement malade. Pendant sept jours, David fut dans une grande affliction, se privant de nourriture et priant.

Le septième jour, l’enfant mourut ; et les serviteurs n’osaient l’annoncer au roi.

Quand David les vit parler bas entre eux, il comprit la vérité, c’est-à-dire que l’enfant était mort.

Alors, bannissant son affliction, il ordonna qu’on lui servit à manger, et dit à ses courtisans étonnés : « Tant que l’enfant était malade, je jeûnais et je priais, espérant que Dieu pourrait s’apaiser. Mais maintenant qu’il est mort, pourquoi m’affliger inutilement ? Pourrai-je le rappeler à la vie ? »

CXXX. À cette douleur vint se joindre une autre douleur. Absalon, fils de David, aspira au trône de son père, et, soulevant une multitude insensée, se révolta contre lui.

Dès que David en fut instruit, il sortit de Jérusalem, craignant que, s’il y restait, Absalon ne vînt avec une armée assiéger la ville royale, et ne la dévastât par le fer et par le feu.

Il sortit donc avec ceux de ses sujets qui étaient restés dans la devoir, et gravit la montagne des Oliviers, pleurant, les pieds nus et la tête voilée.

CXXXI. Dans sa fuite, il rencontra un homme du sang de Saül, qui s’appelait Séméi, et qui se mit à insulter et à poursuivre de pierres David et ses compagnons.

Ceux-ci, remplis d’indignation, voulaient punir cet outrage, et décapiter l’insolent qui les insultait.

Mais David les contint : « Laissez, dit-il, cet homme m’injurier. Peut-être Dieu, apaisé par les maux que je souffre, aura-t-il pitié de moi, et me relèvera-t-il de rabaissement où je suis. »

Les compagnons du roi, admirant cette incroyable patience, eurent peine à obéir à ses ordres.

CXXXII. Absalon, après le départ de son père, entra à Jérusalem, où il séjourna quelque temps. Ce fut ce qui sauva David ; car pendant ce temps il leva des troupes et se prépara à la guerre.

Déjà Absalon était arrivé avec son armée, et on allait en venir aux mains. Les compagnons du roi lui conseillèrent de ne pas assister à la bataille.

David mit donc Joab à la tête de ses troupes, et se retira dans une ville voisine.

Mais en partant il recommanda à Joab et aux autres chefs d’épargner Absalon, et de lui conserver son fils sain et sauf.

CXXXIII. On combattit de part et d’autre avec acharnement ; mais, par la faveur de Dieu, la victoire resta à David.

Les soldats d’Absalon tournèrent le dos ; vingt-deux mille d’entre eux restèrent sur le champ de bataille.

Absalon fuyait, monté sur un mulet ; or il avait une chevelure longue et épaisse. Tandis qu’emporté par une course précipitée il passe sous un chêne touffu, ses cheveux s’embarrassent dans les branches, auxquelles il reste suspendu ; le mulet continue sa course sans s’arrêter.

CXXXIV. Un soldat vit Absalon suspendu, mais n’osa pas porter la main sur lui, et vint l’annoncer à Joab, qui lui dit avec reproche : « Tu aurais dû tuer ce jeune impie. »

« Mais, répondit le soldat, j’étais présent quand le roi te recommanda d’épargner son fils. »

« Pourtant je ne l’épargnerai point, » dit Joah ; et aussitôt il prit trois lances, qu’il enfonça dans la poitrine d’Absalon.

Absalon, suspendu au chêne, était encore palpitant ; les écuyers de Joab l’achevèrent en le perçant de coups redoublés.

CXXXV. Cependant David se tenait à la porte de la ville, attendant l’issue du combat, inquiet surtout du salut de son fils.

Lorsqu’on lui annonça la défaite des ennemis et la mort d’Absalon, non-seulement il ne se réjouit pas de la victoire qu’il avait remportée, mais il conçut une vive douleur de la mort de son fils.

Accablé de chagrin, il se promenait dans son appartement, et laissait à chaque instant échapper ces mots : « Mon fils Absalon, Absalon mon fils ! plût à Dieu que je fusse mort à ta place, Absalon mon fils, mon fiis Absalon ! »

CXXXVI. David fit ensuite plusieurs guerres avec succès contre les Philistins, et, après avoir réglé les affaires au dehors et à l’intérieur, il passa le reste de sa vie dans une paix florissante.

Comme il était déjà avancé en âge et que sa santé était chancelante, il désigna Salomon pour hériter de son trône.

Salomon, sacré par le grand prêtre, fut appelé roi du vivant de son père.

David donna à son fils les conseils les plus utiles pour l’administration de son royaume, et mourut.

CXXXVII. Dieu chérissait Salomon. Il lui apparut pendant son sommeil, et lui donna la permission de choisir ce qu’il voudrait.

Salomon ne demanda que la sagesse, estimant tout le reste de peu de prix.

Dieu en fut si charmé, qu’il lui accorda plus qu’il n’avait demandé ; car il donna à Salomon une rare sagesse, et ajouta à ce don les richesses et la gloire, que le roi n’avait pas demandées.

CXXXVIII. Peu de temps après, Salomon donna une preuve de la sagesse que Dieu lui avait accordée.

Deux femmes habitaient dans la même maison. Toutes deux en même temps mirent au monde un fils. Au bout de trois jours, l’un des deux enfants mourut la nuit. La mère déroba l’enfant de l’autre femme pendant son sommeil, et mit à la place son fils mort.

Une violente querelle s’éleva entre les deux femmes, et l’affaire fut portée devant Salomon.

CXXXIX. La question était difficile et fort obscure, car il n’y avait pas de témoin.

Le roi, voulant découvrir la vérité cachée : « Qu’on partage, dit-il, l’enfant qui fait le sujet de la dispute, et qu’on en donne la moitié à chacune de ces femmes.

La fausse mère accepta le jugement ; mais l’autre s’écria : « Ô roi, qu’on ne tue pas l’enfant, je t’en conjure ; j’aime mieux que celle-ci l’ait tout entier. »

« L’affaire est évidente, dit le roi ; voici la véritable mère de l’enfant. » Et il le lui adjugea.

Tous admirèrent la rare sagacité du roi.

CXL. Salomon fit bâtir à Jérusalem un temple d’un immense travail. L’or, l’argent, les pierres précieuses y brillaient de toute parts. On plaça dans ce temple l’arche d’alliance.

Les rois voisins, sur une si grande réputation de sagesse, se lièrent d’amitié avec Salomon, et firent alliance avec lui.

La reine de Saba, désireuse de le voir, sortit des frontières de son royaume, et vint à Jérusalem.

Salomon régnait au sein de la paix la plus profonde, nageant dans les richesses et les délices.

CXLI. Dans la suite, Salomon se donna à la volupté, et, comme rien n’est si ennemi de la vertu que la volupté, il perdit sa sagesse.

Les femmes étrangères dont il s’éprit l’entraînèrent dans sa vieillesse aux cérémonies des païens.

Dieu irrité lui annonça que, pour le punir, la plus considérable partie de son royaume serait enlevée à son fils et donnée à un esclave ; ce qui s’accomplit.

CXLII. À Salomon succéda son fils Roboam. Celui-ci renversa par sa folie le trône déjà ébranlé par la faute de son père.

Salomon avait frappé le peuple d’impôts fort lourds. Le peuple, qui ne pouvait supporter ce fardeau, demanda qu’il fût allégé.

Les vieillards conseillaient au roi de donner satisfaction au peuple, mais les jeunes gens l’en détournaient.

Roboam, écoutant les avis de ceux de son âge, répondit au peuple avec dureté, et repoussa sa demande.

CXLIII. Une sédition s’éleva. Dix tribus se détachèrent de Roboam, et se donnèrent pour roi Jéroboam, de la tribu d’Éphraïm. Deux tribus seulement restèrent fidèles, c’étaient la tribu de Juda et celle de Benjamin.

Ainsi deux royaumes furent formés d’un seul : le royaume de Juda et celui d’Israël.

Jéroboam, pour faire perdre à son peuple l’habitude d’aller à Jérusalem, lui donna une religion particulière, et offrit de faux Dieux à son adoration.

CXLIV. Le royaume d’Israël ne dura pas longtemps, parce que tous ses rois, jusqu’au dernier, furent impies.

Dieu leur envoya souvent des prophètes pour les avertir et les ramener au vrai culte. Mais, loin d’obéir aux avertissements des prophètes, ils leur firent endurer les outrages, les tortures, la mort.

Dieu irrité les mit au pouvoir de leurs ennemis. Ils furent vaincus par le roi des Assyriens, qui fit les dix tribus captives, et les transporta en Assyrie.

CXLV. Parmi les captifs qui furent emmenés en Assyrie, se trouvait Tobie.

Celui-ci, dès l’âge le plus tendre, observait religieusement la loi divine.

Enfant, il ne faisait pourtant rien qui fût d’un enfant.

Enfin, lorsque tous allaient visiter les veaux d’or que le roi d’Israël, Jéroboam, avait fait faire et avait offerts à l’adoration du peuple, lui seul fuyait la compagnie de tous ; mais il se rendait au temple du Seigneur, et là il adorait le Seigneur.

CXLVI. Tobie devenu grand prit une épouse et eut un fils qu’il instruisit dès son enfance à craindre Dieu et à s’abstenir de tout péché.

Emmené en captivité, il conserva toujours la même piété envers Dieu, partageant chaque jour avec les compagnons de son exil toutes les ressources qu’il pouvait avoir, et les exhortant par ses avertissements salutaires à rendre hommage à Dieu.

Il prêta avec la plus grande bonté à un certain Gabélus, qui se trouvait dans le besoin, dix talents que le roi lui avait donnés.

CXLVII. Dans la suite, un nouveau roi monta sur le trône d’Assyrie ; ennemi des Israélites, il les persécutait, les faisait périr, et défendait de leur donner la sépulture.

Dans cette calamité, Tobie visitait ses frères, consolant les malheureux, aidant les pauvres de ses biens et ensevelissant les morts.

Le roi en fut instruit ; il ordonna de mettre Tobie à mort, et de confisquer tous ses biens.

Mais Tobie se cacha avec sa femme et son fils, et échappa ainsi à la colère du roi.

CXLVIII. Un jour de fête, comme il avait préparé chez lui un excellent repas, il envoya son fils inviter à dîner quelques-uns de ses compagnons.

Son fils revint, et lui annonça que le cadavre d’un Israélite était étendu sur la place publique.

Tobie s’élançant aussitôt apporta secrètement le corps dans sa maison, pour l’ensevelir pendant la nuit.

Ses amis le détournaient de l’accomplissement de ce devoir ; mais Tobie, qui craignait Dieu plus que le roi, n’en continua pas moins.

CXLIX. Tobie s’était fatigué en remplissant son devoir accoutumé ; il se coucha contre un mur et s’endormit. Par hasard, de la fiente chaude tomba d’un nid d’hirondelles sur ses yeux tandis qu’il dormait, et il en devint aveugle.

Dieu permit que ce malheur le frappât, afin qu’il fût un modèle illustre de patience, proposé à l’imitation de la postérité.

Car Tobie supporta si patiemment la perte de sa vue, que jamais personne ne l’entendit se plaindre, et qu’il ne fut pas moins fidèle au culte de Dieu.

CL. La femme de Tobie gagnait, en tissant de la toile, de quoi se procurer les choses nécessaires à la vie. Un jour, elle rapporta à la maison un chevreau qu’elle avait acheté du prix de son travail quotidien.

Tobie entendit bêler le chevreau, et, craignant qu’il n’eût été dérobé, il dit à sa femme : « Prends garde que ce chevreau n’ait été volé à quelqu’un ; rends-le à son maître ; car il nous est défendu de vivre de rapine. » Tant cet homme juste avait en horreur toute injustice !

CLI. Tobie, croyant sa mort prochaine, appela son fils. « Écoute, mon fils, lui dit-il, les paroles d’un père qui te chérit, et qu’elles restent profondément gravées dans ta mémoire, afin que tu arranges sagement ta vie.

« Pense chaque jour à Dieu ; garde-toi de pécher jamais envers lui et de négliger ses préceptes.

« Aie pitié des pauvres, pour que Dieu ait pitié de toi ; autant que tu le pourras, sois bienfaisant et libéral. Donne beaucoup, si tu disposes de grandes richesses ; si tu as peu, donne peu, mais de bon cœur ; car la bienfaisance sauve l’homme d’une mort éternelle.

« Évite l’orgueil, et ne le laisse se glisser ni dans ton âme ni dans tes discours.

CLII. « Ne fais pas aux autres, mon fils, ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît. Si quelqu’un a travaillé pour toi, donne-lui sur-le-champ son salaire. Demande toujours conseil à l’homme sage. Ne fais pas alliance avec les méchants.

« Quand je serai sorti de cette vie, ensevelis mon corps. Honore ta mère, te souvenant des maux qu’elle a soufferts tandis qu’elle te portait dans son sein ; et, lorsqu’elle-même sera arrivée à son dernier jour, dépose-la à côté de moi dans le même tombeau.

CLIII. « Je t’avertis aussi, mon fils, que j’ai prêté dix talents d’argent à Gabélus, qui demeure aujourd’hui à Ragès, ville de la Médie. »

Le jeune homme répondit à son père : « Je ferai tout comme tu me l’ordonnes, mon père. Mais je ne sais comment je pourrai recouvrer cet argent de Gabélus ; car nous ne nous connaissons ni l’un ni autre, et je ne sais par quel chemin on va en Médie. »

« J’ai, reprit Tobie le père, un billet de Gabélus ; quand tu le lui auras montré, il te rendra aussitôt l’argent ; mais cherche un homme sûr pour te guider dans ton voyage. »

CLIV. Tobie sortit, et trouva un jeune homme qui était debout et tout équipé pour voyager ; ne sachant pas qu’il était un ange de Dieu, il le salua.

« D’où es-tu, bon jeune homme ? » — « Je suis, répondit l’autre, un des Israélites. »

« Connais-tu, dit Tobie, le chemin qui conduit en Médie ? »

« Je le connais, et j’ai souvent reçu l’hospitalité chez Gabélus, qui habite dans ce pays. »

Tobie joyeux va tout redire à son père, qui fait appeler le jeune homme et lui demande s’il veut être le compagnon de son fils et faire la route avec lui, lui promettant une récompense. Le jeune homme répondit qu’il le voulait bien.

Ainsi, Tobie dit adieu à ses parents, tous deux se mirent en route et le chien les suivit.

CLV. Après le départ de Tobie, sa mère se mit à pleurer et à se plaindre amèrement de ce que son mari avait laissé partir leur fils.

« Pourquoi nous as-tu privés de la consolation de notre vieillesse ? Il valait mieux nous passer de cet argent que tu envoies réclamer par notre fils ; c’était assez pour nous qu’il nous fût donné de jouir de la présence de notre enfant. »

Son mari lui répondit : « Ne pleure pas ; notre fils arrivera sain et sauf en Médie, et reviendra sain et sauf auprès de nous. Dieu enverra un ange pour rendre son voyage heureux. »

La femme se tut, apaisée par ces paroles.

CLVI. Cependant Tobie et l’ange arrivèrent aux bords du Tigre ; et au moment où le jeune homme s’en approchait pour se laver les pieds, un poisson s’élança comme pour le dévorer.

À son aspect, Tobie effrayé s’écria : « Seigneur, il se jette sur moi. » L’ange lui dit : « Saisis-le et tire-le à toi. »

Le poisson, tiré sur le bord, se débattit quelque temps, puis expira.

Alors l’ange ordonna à Tobie de mettre de côté le fiel du poisson, comme un remède salutaire ; puis ils firent cuire une partie de la chair pour la manger en chemin.

CLVII. Ils approchaient d’une ville qu’on appelait Ecbatane, Tobie dit à l’ange : « Chez qui veux-tu que nous descendions dans cette ville ? »

L’ange répondit : « Il y a ici un de tes parents, qui se nomme Raguel. Il nous donnera l’hospitalité. Il a une fille unique ; il faut que tu la prennes pour femme. Demande-la à son père, et je ne doute pas qu’il n’accueille ta demande avec plaisir ; car Dieu te destine cet hymen, et tous les biens de Raguel te reviendront par droit d’héritage. »

CLVIII. Raguel les reçut avec joie, et, après avoir regardé Tobie, il dit à sa femme : « Comme ce jeune homme ressemble à mon parent ! »

Puis, se tournant vers ses hôtes : « D’où êtes-vous, bons jeunes gens ? » Ils répondirent : « Nous sommes des Israélites de la ville de Ninive. » — « Connaissez-vous Tobie ? » — « Nous le connaissons. » Alors Raguel se mit à combler Tobie de louanges. L’ange l’interrompit : « Ce Tobie dont tu parles, dit-il, est le père de celui-ci. » Raguel embrassa le jeune homme, et lui dit : « Je te félicite, mon enfant, d’être le fils du meilleur des hommes. » La femme et la fille de Raguel fondirent en larmes.

CLIX. Raguel ordonna d’apprêter le repas. Comme il invitait ses hôtes à se mettre à table : « Je ne mangerai point, dit Tobie, je ne boirai point, que tu ne m’aies d’abord accordé ta fille. »

Raguel répondit : « Dieu a sans doute entendu mes prières, et vous a amenés ici pour que ma fille épousât son parent. Sois donc certain que je te la donnerai aujourd’hui même pour épouse. »

Ils prirent du papier, et firent le contrat de mariage ; puis, louant Dieu, ils se mirent à table.

CLX. Raguel supplia Tobie de rester quinze jours chez lui. Tobie se rendit à son désir, et pria l’ange d’aller seul trouver Gabélus pour recevoir de lui l’argent dû à son père.

L’ange prit des chameaux, se rendit en toute hâte à Ragès, remit à Gabélus son billet, reçut de lui l’argent qui lui avait été prêté, et l’amena aux noces de Tobie.

CLXI. Cependant Tobie le père était inquiet et tourmenté de ce que son fils tardait à revenir : « Pourquoi mon fil tarde-t-il tant ? disait-il dans son chagrin. Peut-être Gabélus est-il mort et n’y a-t-il personne pour lui rendre cet argent. Je suis vivement affligé qu’il soit loin de nous. » Puis il se mit à pleurer avec son épouse.

L’affliction de la mère surtout ne pouvait être adoucie par aucune consolation. Elle sortait chaque jour de la maison, et parcourait les routes par lesquelles elle espérait que son fils reviendrait, pour le voir venir de loin, si cela était possible.

CLXII. Les quinze jours écoulés, Raguel voulut retenir Tobie. Mais Tobie lui dit : « Je t’en prie, laisse-moi partir au plus vite ; tu sais que mes parents se tourmentent maintenant à cause de moi. »

Enfin son beau-père le laissa partir, et il retourna vers son père avec sa femme.

En route, l’ange lui dit : « Dès que tu seras entré dans ta maison, adore Dieu, et, après avoir embrassé ton père, frotte-lui les yeux du fiel de poisson que tu as gardé ; ses yeux se guériront alors, et ton père joyeux verra le ciel et toi. »

CLXIII. Tandis que Tobie approchait de la ville, sa mère était assise, comme d’habitude, sur le sommet d’une montagne d’où elle pouvait découvrir au loin. Elle l’aperçut qui s’avançait, et courut l’annoncer à son époux.

Alors le chien, qui avait fait le voyage avec Tobie, prit les devants, et arrivant comme un messager, il flattait son maître avec sa queue.

Aussitôt le père se lève, essaye de courir d’un pas chancelant, et, donnant la main à son serviteur, s’avance au-devant de son fils. Il l’embrasse et tous deux versent des larmes de joie.

CLXIV. Après que tous deux eurent adoré Dieu et lui eurent rendu grâce, ils s’assirent. Tobie frotta les yeux de son père avec le fiel du poisson ; au bout d’une demi-heure environ, une taie, semblable à la pellicule d’un œuf, sortit des yeux de Tobie. Son fils la saisit, la tira, et Tobie recouvra aussitôt la vue.

Tous alors pleins de joie louaient Dieu. Les parents de Tobie vinrent aussi le féliciter de tous les biens que Dieu lui avait accordés.

CLXV. Tobie raconta à ses parents les services qu’il avait reçus de ce guide qu’il croyait être un homme. Ils lui offrirent donc la moitié de l’argent qu’il avait rapporté avec Tobie.

Alors il leur dit : « Je suis l’ange Raphaël, l’un des sept anges qui se tiennent debout devant Dieu. Le Seigneur m’a envoyé pour te guérir. Maintenant, il est temps que je retourne auprès de celui qui m’a envoyé. Pour vous, rendez à Dieu les actions de grâces que vous lui devez. »

À ces mots, il se déroba à leurs regards, et ne reparut plus.

CLXVI. Tobie, après avoir recouvré la vue, vécut encore quarante-deux ans. Quand sa mort fut proche, il appela son fils, et lui recommanda de persévérer dans la crainte du Seigneur. Puis il goûta doucement le repos de la mort.

Son père étant mort, Tobie le fils se rendit auprès de son beau-père Raguel, et l’entoura de soins de toute sorte.

Enfin, arrivé à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, il quitta la vie à son tour. Tous ses enfants et ses petits-enfants, fidèles aux vertus de la famille, furent également chers et agréables à Dieu et aux hommes.

CLXVII. Jusqu’ici, j’ai raconté en peu de mots les faits qui regardent le royaume d’Israël ; je retiens maintenant aux rois de Juda dont je me suis éloigné.

Abias succéda à son père Roboam ; il ne régna que trois ans et laissa le trône à son fils Asa.

Asa fut agréable à Dieu par sa piété ; il renversa les autels des fausses divinités, et chassa les impies de son royaume.

Dieu, pour cette raison, lui accorda une paix assez longue. Plus tard cependant Asa fit la guerre aux Israélites, les vainquit et remporta sur eux un butin considérable.

CLXVIII. Après la mort de son père, Josaphat monta sur le trône et fut un adorateur fidèle de Dieu. Aussi Dieu le combla de gloire et de richesses.

Cependant Josaphat fit alliance avec Achab, le roi impie des Israélites. Cette alliance lui fut fatale. Les deux rois, avec leurs troupes réunies, combattirent contre le roi de Syrie. Achab fut tué dans la bataille ; peu s’en fallut que Josaphat ne périt aussi, et il ne se tira pas du danger sans le secours divin. Nous devons apprendre par là combien la société des méchants est dangereuse.

CLXIX. Joram succéda à son père Josaphat ; mais il dégénéra de la piété paternelle. Il épousa Athalie, fille de l’impie Achab, et ressembla plus à son beau-père qu’à son père. Il fut emporté par une maladie cruelle que Dieu lui avait envoyée.

Après lui, Ochosias, son fils, prit possession du trône, qu’il n’occupa pas longtemps ; car, poussé au vice par l’exemple de son exécrable mère, il périt misérablement.

CLXX. Ochosias mort, sa mère anéantit la race royale, et s’empara de la couronne. Un seul des fils d’Ochosias, nommé Joas, fut sauvé du massacre général, et caché dans le temple avec sa nourrice.

Le pontife Joïada le nourrit et l’éleva secrètement dans le temple. Au bout de huit ans environ, il présenta l’enfant royal aux officiers et au peuple, et, après avoir fait mourir Athalie, le rétablit sur le trône.

CLXXI. Tant que Joas suivit les conseils de Joïada, il fut un exact observateur du culte divin ; il orna le temple à grands frais.

Mais, après la mort de Joïada, corrompu par les flatteries de ses courtisans, il se porta aux vices, et abandonna la vraie religion.

Oublieux du bien fuit qu’il avait reçu de Joïada, il fit lapider « on fils qui lui adressait de sages remontrances.

Lui-même, peu de temps après, tué dans son fit par ses sujets, fut privé de la sépulture royale.

CLXXII. À la mort de Joas, la couronne passa à son fils Amasias. Celui-ci attaqua l’Idumée avec des troupes considérables, qu’il avait réunies à grands frais. Mais un prophète lui conseilla de compter plutôt sur le secours divin que sur le nombre de ses soldats.

Renvoyant donc une partie de ses troupes, il combattit l’ennemi avec une poignée de soldats, et remporta une brillante victoire.

Enorgueilli de son triomphe, il abandonna Dieu, et, après avoir perdu son armée, il fut fait prisonnier par le roi de Samarie, qu’il avait témérairement attaqué.

CLXXIII. Osias fut le fils et le successeur d’Amasias. Avec l’aide de Dieu, il dompta les Philistins et vainquit les Arabes.

Dans la suite, l’orgueil pénétra dans son âme. Il s’arrogea les fonctions des prêtres. Il osa offrir de l’encens à Dieu, ce qui n’était permis qu’aux prêtres seuls ; et, comme il n’obéit point aux avertissements du pontife, il fut saisi de cette maladie honteuse qu’on appelle lèpre.

Il fut forcé ainsi d’abandonner l’administration du royaume à son fils Joathas, qui le gouverna sagement.

CLXXIV. Achab, fils de Joathas, fut impie envers Dieu, et adora les divinités des païens. Bientôt la cité elle-même suivit l’exemple de son roi.

Haï de Dieu pour ce motif, il essuya une grande défaite de la part des rois de Samarie et de Syrie ; mais le malheur ne le rappela pas à de meilleurs sentiments.

Il n’eut pas honte de demander du secours aux Assyriens et d’envoyer en présent à leur roi de l’or et de l’argent enlevé du temple. Le roi des Assyriens vint, et d’abord il tailla en pièces les ennemis de celui qui l’avait appelé, mais ensuite il dévasta aussi le royaume de son allié.

CLXXV. Ézéchias se distingua par une rare piété. Dès qu’il prit possession du trône, après avoir exhorté le peuple et les prêtres, il purifia la ville des superstitions de son père, orna le temple, rétablit les cérémonies qui depuis longtemps avaient été négligées.

Il ne montra pas moins de courage pour faire la guerre que de piété pour défendre la religion. Il écrasa les Philistins dans plusieurs combats, et délivra les Hébreux des tributs qu’ils payaient aux Assyriens.

CLXXVI. À la même époque, Ézéchias tomba gravement malade. Le prophète Isaïe lui ayant annoncé que le terme de ses jours était arrivé, le roi pria Dieu en pleurant de ne point lui ôter la vie.

Dieu, touché de ses prières et de ses larmes, lui accorda encore quinze années d’existence, et, pour lui confirmer cette promesse, l’ombre du soleil, sur la demande du roi, rétrograda de dix lignes sur son cadran.

Trois jours après, Ézéchaas rétabli se rendit an temple.

CLXXVII. Le roi des Assyriens déclara la guerre à Ézéchias. Il assiégea Jérusalem menaçant de détruire la ville, si les habitants ne cherchaient leur salut dans une prompte soumission.

Dans cette conjoncture, Isaïe rassura Ézéchias, en lui promettant que le secours divin ne lui ferait pas défaut, et que le siége serait bientôt levé.

Et en effet, la nuit suivante, un ange de Dieu fit périr cent quatre-vingt-cinq mille ennemis. Le roi des Assyriens s’enfuit tout tremblant dans sa patrie, où bientôt il fut tué par ses fils.

CLXXVIII. Ézéchias, délivré d’un si grand péril, passa le reste de ses jours dans la paix la plus profonde. Tout lui réussissait, parce qu’il était favorisé de Dieu. Lui-même, enchaîné par tant de bienfaits divins, persévéra fidèlement dans sa piété ; il mit tout son espoir dans l’appui de Dieu ; il appliqua toujours son esprit aux choses qui plaisaient à Dieu.

Il régna vingt-neuf ans, au bout desquels il mourut d’une mort paisible. Le peuple le pleura, et son corps fut placé au milieu des tombeaux des rois ses aïeux, mais dans un endroit plus élevé.

CLXXIX. À Ézéchias succéda Manassès, fils impie d’un père pieux. Il abandonna le culte du vrai Dieu pour adorer les fausses divinités.

À son impiété se joignit la cruauté. Quand le prophète Isaïe lui eut annoncé la colère divine, le roi, outré de fureur, fit couper le prophète avec une scie de bois.

Dieu vengea bientôt la mort de son prophète ; Manassès, vaincu et pris par les Assyriens, fut jeté dans les fers.

Là, instruit par le malheur, il demanda humblement à Dieu le pardon de ses crimes, et l’obtint. Rétabli sur son trône, il honora Dieu avec piété.

CLXXX. Amon, fils de Manassès, imita l’impiété de son père, mais non son repentir.

Il ne régna que deux ans, et fut tué par les siens dans son palais.

Il eut pour successeur Josias, homme saint et religieux. Adonné dès son enfance à la vertu, Josias ramena le peuple au culte légitime.

Mais dans la suite sa confiance téméraire le perdit : il conduisit une armée contre les Égyptiens, et, bien que Dieu l’eût averti de ne point engager le combat, il livra une bataille rangée. L’issue en fut malheureuse, et il reçut une blessure dont il mourut peu de jours après.

CLXXXI. Josias laissa trois fils en mourant. Joachas, l’un d’eux, ne régna que trois mois. Il fut fait prisonnier à la guerre par le roi des Assyriens.

Jéchonias succéda à Joachas ; sous son règne, Nabuchodonosor, roi des Babyloniens, prit Jérusalem, et transporta les habitants à Babylone, ne laissant que la vile populace, à la tête de laquelle il plaça Sédécias, dernier roi.

Sédécias s’étant révolté, Nabuchodonosor revint, détruisit la ville, brûla le temple, fit crever les yeux à Sédécias et le fit jeter ensuite en prison.

CLXXXII. Parmi les captifs qui avaient été amenés à Babylone furent choisis de jeunes garçons d’une remarquable beauté. Daniel, Ananias, Misaël et Azarias. Ils étaient élevés avec beaucoup d’autres dans le palais même, afin que plus tard ils se tinssent auprès de la table du roi pour le servir.

Nabuchodonosor avait ordonné, pour qu’ils eussent un meilleur visage, qu’on les nourrît des mêmes mets que lui. Ces nobles enfants ne voulurent pas manger des mets profanes, parce que la loi le défendait, mais seulement des légumes. Et pourtant ils devinrent plus forts et plus gras que tous les autres enfants avec lesquels on les nourrissait.

CLXXXIII. Nabuchodonosor se fit élever une statue d’or, et ordonna que tous l’adorassent, annonçant qu’il punirait de mort quiconque n’obéirait pas.

Ananias, Misaël et Azarias aimèrent mieux mourir que de rendre à une statue un honneur qui n’était dû qu’à Dieu seul.

Le roi irrité les fit jeter, revêtus de leurs robes et chargés de chaînes, dans une fournaise ardente. Mais les flammes ne leur firent aucun mal ; le feu ne brûla pas leurs corps, n’altéra même pas leurs habits ; il fit tomber seulement les chaînes qui les garrottaient, et ils purent sans danger marcher au milieu de la fournaise.

CLXXXIV. Daniel, grâce à sa rare prudence, jouissait d’un grand crédit auprès du roi ; aussi était-il détesté des courtisans, qui lui tendaient des embûches, ils conseillèrent au roi de défendre par un édit que pendant trente jours on adorât personne autre que lui.

Daniel n’obéit pas à cet ordre impie mais chaque jour il priait Dieu, comme il avait coutume de le faire auparavant.

Les courtisans, qui l’épiaient, l’accusèrent, et le roi fut forcé d’exposer aux lions un homme qui lui était cher : ainsi le voulait la loi.

Mais les bêtes épargnèrent Daniel ; et le roi, touché de ce miracle, fit dévorer par les lions les accusateurs eux-mêmes.

CLXXXV. Mardochée, l’un des captifs, délivra les Juifs d’un grand péril. Il avait élevé la fille de son frère, Esther, qui avait perdu son père et sa mère.

Le roi Assuérus avait épousé Esther, qu’il chérissait tendrement.

Il y avait alors un courtisan du nom d’Aman qui avait du crédit auprès du roi, et qui, fier de la faveur royale, voulait qu’on l’adorât. Mardochée, en s’y refusant, avait allumé contre lui dans le cœur d’Aman une haine terrible.

Aman, pour se venger de son ennemi, résolut de perdre toute la nation des Juifs, et obtint dans ce but un édit du roi Assuérus.

CLXXXVI. Dès que cet édit cruel fut arrivé aux oreilles de Mardochée, aussitôt, déchirant ses habits, il se vêtit d’un sac, et, couvert de cendres, se rendit au palais qu’il remplit de ses plaintes.

Esther entendit des gémissements et demanda ce que cela signifiait. Lorsqu’elle sut que Mardochée et tous les Juifs étaient condamnés à mourir, après avoir invoqué Dieu, elle alla trouver le roi pour conjurer la ruine de sa nation. Toutefois, elle n’expliqua pas tout d’abord l’affaire au roi, mais elle l’invita à un festin.

CLXXXVII. Assuérus s’y rendit avec Aman ; et, comme il se montrait d’une humeur gaie, Esther suppliante se jeta à ses pieds.

Le roi promit de ne rien lui refuser, quand bien même elle lui demanderait la moitié de son royaume.

« Ô roi, dit Esther, je te demande mon salut et celui de ma nation ; car ce cruel Aman nous a dévoués à la mort. »

Assuérus fut vivement ému, et, apprenant qu’Aman avait fait préparer une croix pour Mardochée, il y fit attacher Aman lui-même.

CLXXXVIII. La captivité de Babylone dura soixante et dix ans, comme Dieu l’avait prédit. Quand ce temps fut écoulé, Cyrus, roi de Perse, vainqueur du roi des Babyloniens, permit aux Juifs de retourner dans leur patrie et de relever le temple ; il leur fit même rendre les vases sacrés que Nabuchodonosor avait enlevés.

Les Juifs, sous la conduite de Zorobabel, retournèrent à Jérusalem, et jetèrent les fondations d’un nouveau temple. Mais la construction en fut longtemps interrompue, parce que les nations voisines s’y opposaient.

CLXXXIX. De retour dans leur patrie, les Juifs, après avoir organisé l’administration de leur ville, n’eurent plus de rois ; le pouvoir fut entre les mains des pontifes. Cependant ils payèrent des tributs aux Perses d’abord, puis aux Grecs, lorsque Darius eut été vaincu par Alexandre.

Ils ne s’écartèrent plus jamais dans la suite de la religion de leurs ancêtres, et pourtant ils furent persécutés à ce sujet par plusieurs rois, et surtout par Antiochus, roi de Syrie. C’est cette partie de l’histoire des Juifs qui nous reste à raconter.

CXC. Antiochus, roi de Syrie, entreprit de détruire la loi sacrée des Juifs. Il ordonna que tous, renonçant aux institutions de leurs aïeux, vécussent suivant le rite des païens. Il éleva des autels aux faux Dieux dans toute la Judée ; il arracha tous les ornements du temple de Jérusalem ; il fit brûler les livres sacrés ; il accabla de supplices inouïs ceux qui résistaient à ses ordres ; il dépeupla la ville par d’innombrables massacres ; et, craignant que les Hébreux écrasés partant de maux ne se révoltassent, il mit garnison dans la citadelle.

CXCI. Beaucoup de Juifs, pour éviter le péril, abandonnèrent leur patrie ; beaucoup affrontèrent la mort plutôt que de s’écarter de la loi divine.

La constance du vieil Éléazar fut admirable. On lui tenait la bouche ouverte pour le forcer à manger de la chair de porc interdite aux Juifs par la loi.

Mais le courageux vieillard rejetait avec indignation cette nourriture défendue. Comme on le conduisait au supplice pour ce fait, ses amis l’engageaient à manger d’autre chair qu’ils avaient apportée, et à feindre ainsi d’obéir au roi pour éviter la mort.

CXCII. Éléazar ne voulut point consentir à la mauvaise action qu’on lui conseillait. « Cette feinte, dit-il, ne convient pas à notre âge. Il ne sera pas dit que j’aie donné aux jeunes gens un exemple funeste. Mieux vaut cent fois mourir que d’aller, pour jouir de quelques heures de vie, imprimer à mon nom une tache d’ignominie. Si je suivais votre conseil, j’éviterais, il est vrai, les supplices que me préparent les hommes, mais je n’échapperais point à la colère divine. »

Ayant ainsi parlé, il subit courageusement la mort, et acquit une gloire immortelle.

CXCIII. 1. Une femme, avec ses sept fils, suivit le noble exemple d’Éléazar.

On les arrêta tous ensemble et on les frappa de verges, pour les contraindre à pécher ; mais aucune violence ne put les faire manquer à la loi divine. L’aîné déclara que ses frères et lui étaient prêts à mourir plutôt que de commettre une faute.

Le roi, irrité, fit allumer le feu sous des chaudières d’airain ; puis il ordonna de couper la langue à celui qui avait parlé, de lui arracher la peau de la tête, de lui couper l’extrémité des pieds et des mains, et de faire griller dans une chaudière son corps mutilé.

2. Tous les autres frères assistaient avec leur mère à ce triste spectacle, et s’exhortaient l’un l’autre à supporter courageusement la mort.

On saisit alors le second, et, quand on lui eut enlevé la peau de la tête avec les cheveux, on lui demanda s’il voulait manger de la chair qu’on lui présentait ; il refusa de le faire. On lui coupa donc les membres, et on le jeta dans une chaudière ardente.

Au moment de rendre le dernier soupir, il se tourna vers le roi : « Tu nous arraches cette vie, s’écria-t-il ; mais Dieu nous la rendra quand nous l’aurons perdue, parce que nous la sacrifions pour sa loi. »

Après lui, on tortura le troisième de la même manière. Il présenta sa langue à couper à celui qui la lui demandait, et, tendant les mains, il dit : « Je méprise aujourd’hui à cause de Dieu ces membres que j’ai reçus de lui, parce que j’espère qu’ils me seront rendus. »

3. Le roi et tous les assistants admiraient le courage de ce jeune homme, qui comptait pour rien la plus cruelle souffrance.

Quand il fut mort, on fit périr le quatrième par le même supplice. Comme il allait expirer, il s’écria : « Nous devons souhaiter d’être mis à mort, puisque cette mort que nous subissons pour la loi divine sera suivie de l’immortalité. »

Tandis que le cinquième était torturé par les bourreaux, il parla ainsi : « Tu abuses, ô roi, de ton pouvoir. Tu crois sans doute que nous sommes abandonnés de Dieu et privés de tout secours, et c’est ce qui fait que tu nous accables de maux sans nombre ; mais bientôt toi-même tu sentiras l’étendue de la puissance divine. »

4. Le sixième endura avec la même constance les coups et les tourments ; près d’y succomber, il adressa au roi ces paroles : « Ne te fais point illusion et ne te glorifie point de nos souffrances. C’est à cause de nos fautes que nous endurons tout ceci ; mais bientôt nous rentrerons en grâce avec Dieu, tandis que toi tu seras sévèrement puni de ton orgueil et de ta cruauté. »

Un seul des sept frères restait, le plus jeune. Antiochus chercha à le séduire pour lui faire abandonner la loi divine, lui promettant qu’il serait riche et heureux. Mais l’enfant ne se laissait toucher ni par les menaces ni par les promesses

5. C’est pourquoi le roi exhorta la mère à conseiller à son fils de se soumettre. Celle-ci se jouant du tyran cruel, parla en ces termes à son enfant : « Aie pitié, mon fils, aie pitié de ta malheureuse mère qui t’a porté dans son sein, et qui après ta naissance t’a nourri de son lait. Ne dégénère point de la vertu de tes frères ; ne crains point ce bourreau. Crains Dieu seul, regarde Dieu seul, de qui tu recevras ta récompense. »

Fortifié par ces paroles, l’enfant s’écria : « Je n’obéis point au roi, mais à la loi. » Puis se tournant vers Antiochus : « Pour toi, scélérat, tu n’éviteras pas la colère de Dieu tout-puissant. Un jour viendra où, frappé par lui et vaincu par la douleur, tu confesseras que tu n’es qu’un homme. Si notre nation n’avait péché envers Dieu, nous ne serions jamais tombés dans de tels malheurs. Mais bientôt Dieu, apaisé par mon sang et par le sang de mes frères, se réconciliera avec notre peuple ; et à nous, pour cette mort endurée avec courage, il nous donnera la vie éternelle. »

6. Alors Antiochus, indigné de ce qu’on s’était joué de lui, sévit contre l’enfant plus cruellement encore que contre ses frères, et le fit périr par un supplice inouï.

Enfin il couronna le meurtre des sept frères par celui de la mère. Cette femme admirable, digne d’une éternelle mémoire, après avoir soutenu du regard et de la voix ses fils qui luttaient contre les tortures, après les avoir vus périr d’un cœur ferme, subit elle-même une mort cruelle, et mêla son sang au sang de ses fils.

CXCIV. Il y avait alors à Jérusalem un prêtre du nom de Mathathias, père de cinq fils, Judas, Jonathas, Siméon, Éléazar et Jean. Ils quittèrent la ville tous ensemble, pour ne pas être témoins des maux qui l’affligeaient, et se retirèrent dans une solitude.

Là se réunirent en foule les hommes qui avaient à cœur les lois divines, et bientôt leur nombre fut égal à celui d’une armée régulière.

Alors, sous la conduite de Mathathias, ils résolurent de délivrer leur patrie par les armes, et de défendre la religion. Ils renversèrent les autels élevés de toutes parts aux fausses divinités, et rétablirent le culte négligé du vrai Dieu.

CXCV. Cependant Mathathias mourut, et en mourant il mit à la tête de l’armée son fils Judas, qui fut appelé Machabée.

Celui-ci continua avec vigueur la guerre commencée par son père. Il remplit avec honneur toutes les fonctions d’un excellent capitaine. Fort de l’appui divin qu’il avait invoqué, il prit des forteresses et mit garnison dans des villes ; il vainquit Apollonius, l’un des généraux d’Antiochus, le tua de sa main dans la mêlée, et lui enleva son épée, qu’il porta ensuite dans les combats.

CXCVI. Antiochus, à la nouvelle de la défaite d’Apollonius, fut enflammé de colère. Il donna ordre à Lysias de dévaster la Judée, et d’anéantir la nation tout entière.

Lysias envoya contre les Juifs Nicanor et Gorgias, avec quarante mille fantassins et sept mille cavaliers. Ceux-ci vinrent camper non loin de Jérusalem.

Judas, qui mettait tout son espoir en Dieu, n’hésita pas à livrer bataille avec trois mille hommes. Avec cette poignée de soldats, il écrasa les troupes du roi, et s’empara d’un butin considérable.

CXCVII. Cette défaite fut annoncée à Lysias, qui, pensant qu’elle était due à la faute des généraux résolut de se mettre lui-même à la tête de l’armée. Il vint en Judée avec soixante-cinq mille hommes.

Judas n’avait que dix mille hommes ; il marcha cependant contre Lysias, et, après avoir invoqué le secours divin, il en vint aux mains avec l’ennemi.

Il tua cinq mille hommes de l’armée de Lysias, et remplit les autres d’une telle épouvante, qu’ils prirent la fuite.

CXCVIII. Vainqueur des ennemis, Judas songea à rétablir le culte divin. Il rentra triomphant à Jérusalem, qui offrait un triste spectacle.

Les portes du temple avaient été brûlées, l’autel souillé ; des broussailles avaient poussé sous les portiques, comme dans un bois.

Judas purifia tout, fit de nouvelles portes, éleva un autel nouveau, dont la consécration fut faite au milieu du concours immense de tout le peuple, au son des trompettes ; et il fut décrété que, pour perpétuer la mémoire de ce fait, on célébrerait tous les ans une fête solennelle.

CXCIX. Les nations voisines, soulevées à cause du rétablissement du temple, portèrent la guerre chez les Juifs. Judas Machabée combattit contre elles. Dans cette bataille, Dieu se montra ouvertement le protecteur de Judas ; car, pendant le combat, cinq guerriers apparurent, remarquables par leurs chevaux et par leur valeur ; deux d’entre eux, se plaçant aux deux côtés de Judas, le préservaient de tout danger, et lançaient contre les ennemis des traits et des foudres. Ceux-ci, troublés à la fois par les yeux et par l’esprit, perdirent vingt-cinq mille hommes.

CC. Antiochus apprit que ses généraux avaient été vaincus par Judas Machabée, et, transporté de fureur, il se rendit en toute hâte en Judée, pour venger par la ruine de la nation et de la ville la défaite qu’il avait essuyée.

Mais il fut pris subitement d’une douleur d’entrailles envoyée par Dieu. Comme il n’en pressait pas moins sa marche, il tomba lourdement de son char. Cette chute terrible acheva d’abattre son corps malade. Ses membres corrompus fourmillaient de vers, et répandaient au loin une puanteur insupportable à l’armée et au malade lui-même.

CCI. Antiochus, vaincu par la violence de la douleur, revint enfin à la saine raison ; il reconnut qu’il était mortel ; et, se souvenant des maux dont il avait accablé les Juifs, il confessa ouvertement qu’il portait la peine de ses crimes. Il promit de rendre les Juifs florissants et heureux.

Mais, comme c’était la crainte de la mort, et non un sincère repentir, qui lui arrachait ces aveux, ce roi impie et homicide ne fléchit point la miséricorde divine, et, sa maladie empirant d’heure en heure, il mourut misérablement.

CCII. À Antiochus succéda son fils, qui reçut le nom d’Eupator. Héritier de la haine de son père contre les Juifs, il envoya contre eux Lysias, qui, déjà vaincu par Judas, brûlait de laver cet affront.

Judas eut recours, comme il le faisait toujours, à la protection divine, et pria le Seigneur d’envoyer un ange pour protéger son peuple.

Puis, ayant pris les armes, il s’avança avec les siens à la rencontre de l’ennemi. Alors parut devant l’armée des Juifs un cavalier vêtu d’une robe blanche et d’armes d’or, brandissant une pique.

Encouragés par ce prodige, les Hébreux se précipitèrent comme des lions sur les ennemis, et couchèrent à terre onze mille fantassins et seize cents cavaliers.

CCIII. Le roi Eupator rassembla lui-même toutes les forces de son royaume pour écraser Judas Machabée. Il entra donc en Judée avec cent mille fantassins et vingt mille cavaliers.

Devant l’armée marchaient des éléphants, redoutables par la masse énorme de leur corps et par leur cri horrible. Sur chacune de ces bêtes était placée une tour de bois, d’où combattaient des soldats armés.

Mais Judas, qui comptait plutôt sur la puissance divine que sur le nombre de ses soldats, ne fut pas ému de cet appareil de guerre effrayant, il fondit sur la partie du camp où se trouvait la tente du roi, et, après avoir tué quatre mille hommes, dispersa cette armée considérable.

CCIV. Ce combat fut mémorable par la bravoure et par la mort d’Éléazar.

Éléazar avait vu un éléphant plus gros que les autres, et couvert de caparaçons royaux. Pensant qu’il portait le roi, il se dévoua pour le salut commun : il s’élança vers l’éléphant à travers les ennemis, se glissa sous son ventre, le perça de coups redoublés, le tua, et mourut lui-même, écrasé par le poids de l’animal abattu.

CCV. Démétrius, s’étant emparé du royaume de Syrie, envoya Nicanor contre les Juifs. Cet impie, étendant la main vers le temple, osa menacer de raser la maison de Dieu.

Judas et ses soldats, quoique en petit nombre, luttèrent contre lui, combattant avec le bras, mais priant Dieu avec le cœur.

Ils anéantirent complétement l’armée du roi. Nicanor lui-même fut trouvé parmi les cadavres des ennemis. Judas lui coupa la tête, qu’il fit porter à Jérusalem, et ordonna de suspendre et de clouer au temple sa main criminelle.

CCVI. Bientôt une seconde bataille fut livrée à Bacchide, l’un des lieutenants de Démétrius. Cette rencontre fut fatale aux Juifs ; comme ils avaient perdu leur confiance en Dieu, ils laissèrent abattre leur courage, et se dispersèrent de tous côtés.

Judas, avec huit cents hommes seulement, soutint le choc des ennemis ; il mit même en déroute la partie de l’armée qui lui faisait face ; mais, entouré par la multitude, il fut percé de traits. On vit par le deuil qui accompagna ses funérailles combien il était cher au peuple. Ses concitoyens le pleurèrent longtemps.

CCVII. Jonathas fut mis à la place de Judas. Jaloux d’imiter le courage de son frère, il vainquit Bacchide dans plusieurs combats, et le força à demander la paix.

Cependant Alexandre, qui prétendait être fils d’Antiochus, tua le roi Démétrius. Il fit alliance avec Jonathas, lui fit présent d’une robe de pourpre, et resta toujours fidèle à la foi jurée. Ainsi, tant qu’Alexandre demeura sur le trône, la Judée fut tranquille. Mais bientôt Jonathas fut tué par un certain Triphon, qui lui tendit des embûches.

CCVIII. Le souverain pouvoir fut remis à Simon, frère de Jonathas. Il fit à son frère de magnifiques funérailles, et ne régna pas longtemps ; lui-même périt sous les coups d’un gendre perfide.

Jean, surnommé Hircan, succéda à Simon, son frère ; il mourut au bout d’un an, et laissa pour héritier son fils Aristobule. Celui-ci, le premier de tous depuis la captivité, prit le nom de roi, et mit un diadème sur sa tête.

CCIX. À la mort d’Aristobule, son fils Alexandre monta sur le trône. Il mourut sans avoir rien fait de remarquable. Il laissa deux fils, qui se disputèrent le sceptre avec acharnement.

À l’occasion de cette querelle, Pompée, général du peuple romain, vint en Judée, sous prétexte de rétablir entre les deux frères la bonne harmonie, mais en réalité pour ajouter une province à l’empire romain. Il rendit la Judée tributaire de Rome.

Peu de temps après, un étranger, Hérode, envahit le royaume de Judée. Ce fut le premier roi que les Juifs eurent d’une autre nation, et, sous son règne, le Christ naquit, comme les prophètes l’avaient prédit.

  1. Primo die. Dies, masculin ou féminin au singulier, est toujours masculin au pluriel.
  2. Firmamentum. Ce mot ne se trouve que dans les auteurs chrétiens, il se dit proprement de la voûte étoilée.
  3. Paradisus (du grec παράδεισος) signifie proprement jardin, puis, dans les auteurs chrétiens, tant grecs que latins, paradis, séjour de béatitude ; ainsi : Être reçu après sa mort au paradis, c’est-à-dire au ciel.
  4. Arboris scientiæ boni et mali de l’arbre de la science du bien et du mal. Il y a dans cette fin de phrase trois génitifs qui dépendent l’un de l’autre, ce qui n’est pas dans les habitudes des bons auteurs latins.
  5. Dominus signifie proprement maître ; ce n’est que chez les auteurs chrétiens qu’il signifie le Seigneur, Dieu.
  6. Angelum. Ce mot vient du grec, et veut dire messager ; les auteurs chrétiens l’emploient pour désigner les messagers de Dieu, les anges.
  7. Egregius, qui signifie de choix, d’élite, est formé des deux mots e grege.
  8. Age est la 2e pers. sing. de l’impératif de ago ; agis, fais, va ; il s’emploie souvent, comme ici, en manière d’interjection : çà, eh bien, allons.
  9. Chez les bons auteurs, creator ne s’emploie pas sans complément : creator rerum (Lucrèce) ; creator hujus urbis (Cicéron).
  10. Parentes. Ce mot ne désigne que le père et la mère, et non pas, comme notre mot parents, tous les membres de la famille.
  11. Sibi providebit hostiam se trouve dans la Vulgate, mais ne nous semble pas latin. On dit seulement : Sibi providere, veiller à ses intérêts, à ses besoins ; aliquid providere, faire provision de quelque chose.
  12. Deus. Le vocatif de ce mot est semblable au nominatif.
  13. Nuptura. Nubere se dit exclusivement de la femme qui prend un mari.
  14. Rure. On dit également bien ruri.