Encyclopédie méthodique/Physique/ACTIF

ACTIF, ſe dit de tout ce qui communique le mouvement à un autre ; dans ce ſens, actif eſt oppoſé à paſſif. [Newton prétend que la quantité de mouvement, dans l’univers, devroit toujours diminuer en vertu des choſes contraires, &c. ; de ſorte qu’il eſt néceſſaire qu’elle ſoit conſervée par certains principes actifs. Il met au nombre de ces principes actifs, la cauſe de la gravité ou l’attraction, & celle de la fermentation, & il ajoute qu’on voit peu de mouvemens dans l’univers, qui ne proviennent de ces principes. La cauſe de l’attraction toujours ſubſiſtante, & qui ne s’affoiblit point en s’exerçant, eſt, ſelon ce philoſophe, une reſſource perpétuelle d’action & de vie. Encore, pourroit-il arriver que les effets de cette vertu vinſſent à ſe combiner, de façon que le ſiſtême de l’univers ſe dérangeroit & qu’il demanderoit, ſelon Newton, une main qui y touchât, emendatricem manum deſideraret.] mouvement qu’un corps quelconque produit ou tend à produire dans un autre, c’eſt-à-dire, qu’il produiroit en effet, ſi un obſtacle ne l’en empêchoit : ainſi, il n’y a point, en phyſique, d’action ſans mouvement, ou ſans tendance au mouvement, & réciproquement tout effort ou tout mouvement, ſuppoſe néceſſairement une action.

Le terme d’action ſe prend tantôt pour l’effort ou le mouvement que fait un corps contre un autre corps, tantôt pour l’effet même qui réſulte de cet effort. Voyez Mouvement.

[En effet, dit d’Alembert, toute puiſſance n’eſt autre choſe qu’un corps qui eſt actuellement en mouvement, ou qui tend à ſe mouvoir, c’eſt-à-dire, qui ſe mouveroit ſi rien ne l’en empêchoit. Voyez Puissance. Or, dans un corps, ou actuellement mû, ou qui tend à ſe mouvoir, nous ne voyons clairement que le mouvement qu’il a, ou qu’il auroit, s’il n’y avoit point d’obſtacle : donc l’action d’un corps ne ſe manifeſte à nous que par ce mouvement : donc nous ne devons pas attacher une autre idée au mot d’action que celle d’un mouvement actuel, ou de ſimple tendance ; & c’eſt embrouiller cette idée que d’y joindre celle de je ne ſais quel être métaphyſique, qu’on imagine réſider dans le corps, & dont perſonne ne ſauroit avoir de notion claire & diſtincte. C’eſt à ce même mal-entendu qu’on doit la fameuſe queſtion des forces vives, qui, ſelon les apparences, n’auroit jamais été un objet de diſpute, ſi l’on avoit bien voulu obſerver que la ſeule notion préciſe & diſtincte qu’on puiſſe donner du mot de force, ſe réduit à ſon effet, c’eſt-à-dire, au mouvement qu’elle produit ou tend à produire. Voyez Force.

Quantité d’action, eſt le nom que donne M. de Maupertuis, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, 1744, & dans ceux de l’Académie de Berlin, 1746, au produit de la maſſe d’un corps par l’eſpace qu’il parcourt & par ſa vîteſſe. M. de Maupertuis a découvert cette loi générale, que dans les changemens qui ſe font dans l’état d’un corps, la quantité d’action néceſſaire pour produire ce changement, eſt la moindre qu’il eſt poſſible. Il a appliqué heureuſement ce principe à la recherche des lois de la réfraction, des lois du choc, des lois de l’équilibre, &c. & s’eſt même élevé à des conſéquences plus ſublimes ſur l’exiſtence d’un premier être. Les deux ouvrages de M. de Maupertuis que nous venons de citer, méritent toute l’attention des Philoſophes ; & nous les exhortons à cette lecture : ils y verront que l’auteur a ſu allier la métaphyſique des cauſes finales, (voyez Causes finales) avec les vérités fondamentales de la mécanique ; faire dépendre d’une même loi le choc des corps élaſtiques & celui des corps durs, qui juſqu’ici avoient eu des lois ſéparées, & réduire à un même principe les lois du mouvement & celles de l’équilibre.

Le premier mémoire où M. de Maupertuis a donné l’idée de ſon principe, eſt du 15 avril 1744 ; & à la fin de la même année, M. le Profeſſeur Euler publia ſon excellent livre : Methodus inveniendi lineas curvas maximi vel minimi proprietate gaudentes. Dans le ſupplément qui y avoit été ajouté, cet illuſtre géomètre démontre que dans les trajectoires que des corps décrivent par des forces centrales, la vîteſſe multipliée par l’élément de la courbe, fait toujours un minimum. Ce théorème eſt une belle application du principe de M. de Maupertuis au mouvement des planètes.

Par le mémoire du 15 avril 1744, que nous venons de citer, on voit que les réflexions de M. de Maupertuis ſur les lois de la réfraction, l’ont conduit au théorème dont il s’agit. On fait le principe que M. de Fermat, & après lui M. Leibnitz, ont employé pour expliquer les lois de la réfraction. Ces grands géomètres ont prétendu qu’un corpuſcule de lumière qui va d’un point à un autre, en traverſant deux milieux différens, dans chacun deſquels il a une vîteſſe différente, doit y aller dans le temps le plus court qu’il eſt poſſible : & d’après ce principe, ils ont démontré géométriquement que ce corpuſcule ne doit pas aller d’un point à l’autre en ligne droite, mais qu’étant arrivé ſur la ſurface qui ſépare les deux milieux, il doit changer de direction, de manière que le ſinus de ſon incidence ſoit au ſinus de ſa réfraction, comme ſa vîteſſe dans ce premier milieu eſt à ſa vîteſſe dans le ſecond ; d’où ils ont déduit la loi ſi connue du rapport conſtant des ſinus. Voyez Sinus, Réfraction, &c.

Cette explication, quoique fort ingénieuſe, eſt ſujette à une grande difficulté, c’eſt qu’il faudroit que le corpuſcule s’approchât de la perpendiculaire dans les milieux où ſa vîteſſe eſt moindre, & qui par conſéquent lui réſiſtent davantage : ce qui paroît contraire à toutes les explications mécaniques qu’on a données juſqu’à préſent de la réfraction des corps, & en particulier de la réfraction de la lumière.

L’explication, entr’autres, qu’a imaginée M. Newton, la plus ſatisfaiſante de toutes celles qui ont été données juſqu’ici, rend parfaitement raiſon du rapport conſtant des ſinus, en attribuant la réfraction des rayons à la force attractive des milieux ; d’où il s’enſuit que les milieux plus denſes, dont l’attraction eſt plus forte, doivent approcher le rayon de la perpendiculaire ; ce qui eſt, en effet, confirmé par l’expérience. Or, l’attraction du milieu ne ſauroit approcher le rayon de la perpendiculaire ſans augmenter ſa vîteſſe, comme on peut le démontrer aiſément : ainſi, ſuivant M. Newton, la réfraction doit ſe faire en s’approchant de la perpendiculaire lorſque la vîteſſe augmente ; ce qui eſt contraire à la loi de MM. Fermat & Leibnitz.

M. de Maupertuis a cherché à concilier l’explication de M. Newton avec les principes métaphyſiques. Au lieu de ſuppoſer avec MM. de Fermat & Leibnitz, qu’un corpuſcule de lumière va d’un point à un autre dans le plus court temps poſſible, il ſuppoſe qu’un corpuſcule de lumière va d’un point à un autre, de manière que la quantité d’action ſoit la moindre qu’il eſt poſſible. Cette quantité d’action, dit-il, eſt la vraie dépenſe que la nature ménage. Par ce principe philoſophique, il trouve que non-ſeulement les ſinus ſont en raiſon conſtante, mais qu’ils ſont en raiſon inverſe des vîteſſes, (ce qui s’accorde avec l’explication de M. Newton,) & non pas en raiſon directe, comme le prétendoient MM. de Fermat & Leibnitz.

Il eſt ſingulier que tant de philoſophes qui ont écrit ſur la réfraction, n’ayent pas imaginé une manière ſi ſimple de concilier la métaphyſique avec la mécanique ; il ne falloit pour cela que faire un aſſez léger changement au calcul fondé ſur le principe de M. de Fermat. En effet, ſuivant ce principe, le temps, c’eſt-à-dire, l’eſpace diviſé par la vîteſſe, doit être un minimum ; de ſorte que ſi l’on appelle l’eſpace parcouru dans le premier milieu avec la vîteſſe , & l’eſpace parcouru dans le ſecond milieu avec la vîteſſe , on aura à un minimum, c’eſt-à-dire . Or il eſt facile de voir que les ſinus d’incidence & de réfraction ſont entr’eux comme d’, à  ; d’où il s’enſuit que ces ſinus ſont en raiſon directe des vîteſſes , & c’eſt ce que prétend M. de Fermat. Mais pour que ces ſinus fuſſent en raiſon inverſe des vîteſſes, il n’y auroit qu’à ſuppoſer  ; ce qui donne à un minimum : & c’eſt le principe de M. de Maupertuis. Voyez Minimum.

On peut voir dans les mémoires de l’Académie de Berlin, que nous avons déjà cités, toutes les autres applications qu’il a faites de ce même principe, qu’on doit regarder comme un des plus généraux de la mécanique.

Quelque parti qu’on prenne ſur la métaphyſique qui lui ſert de baſe, ainſi que ſur la notion que M. de Maupertuis a donnée de la quantité d’action, il n’en ſera pas moins vrai que le produit de l’eſpace par la vîteſſe eſt un minimum dans les lois les plus générales de la nature. Cette vérité géométrique due à M. de Maupertuis, ſubſiſtera toujours ; & on pourra, ſi l’on veut, ne prendre le mot de quantité d’action, que pour une manière abrégée d’exprimer le produit de l’eſpace par la vîteſſe.]

Action musculaire. C’eſt le mouvement d’un muſcle qui produit, ou fait effort pour produire l’effet auquel la nature l’a deſtiné. En général, le muſcle a deux ſortes de mouvement, celui de contraction par lequel il s’accourcit, & celui d’extenſion par lequel il s’alonge. Tous les mouvemens du corps des animaux s’exécutent par cette double action muſculaire. On y a ajouté un troiſième mouvement nommé tonique, qui a lieu lorſque pluſieurs muſcles ; agiſſant de concert, tiennent une partie tendue ſans néanmoins la mouvoir ; comme il arrive lorſque les quatre muſcles droits de l’œil le tirent également & en même temps contre le fond de l’orbite pour le faire regarder fixement un objet.

Les mouvemens produits par l’action muſculaire ſont ſimples ou compoſés ; les premiers ſe font en haut ou en bas, devant ou derrière, à droite ou à gauche, & ils ne dépendent que d’un ſeul muſcle. Les ſeconds, c’eſt-à-dire les compoſés, réſultent de l’action ſimultanée ou ſucceſſive de pluſieurs muſcles, comme lorſqu’on tourne les bras en rond.

On remarque généralement que dans l’action, le muſcle qui l’a produit ſe gonfle en ſe raccourciſſant, & que, par cette contraction, une des deux parties attachée à ſon extrémité, ſe meut.

La cauſe qui produit l’action muſculaire, n’eſt pas encore connue ; les ſavans ont imaginé un grand nombre d’opinions ; les principales ſont les ſuivantes : La première l’attribue à l’influx des eſprits animaux ; la ſeconde, à celui du ſang ; la troiſième, à la combinaiſon des deux premières ; la quatrième, au reſſort des fibres qui compoſent les muſcles ; la cinquième, au concours du fluide nerveux & du ſang artériel. Ces objets ſont étrangers à la phyſique proprement dite, & appartiennent à la phyſiologie. Nous renvoyons donc entièrement à la partie de l’encyclopédie qui en traite. Nous terminerons ſeulement cet article, en ajoutant qu’on a diſtingué trois eſpèces de mouvemens qui réſultent de l’action, ou contraction muſculaire ; ſavoir, les mouvemens volontaires qui dépendent entièrement de notre volonté, tels que ceux des pieds, des mains, des yeux, de la langue, &c. Les mouvemens mécaniques qui ne dépendent aucunement de la volonté comme le mouvement du cœur, celui de l’eſtomac, des inteſtins, &c. Les mouvemens mixtes dont l’exiſtence ne dépend pas de nous, mais peuvent être ſeulement modifiés par la volonté, c’eſt-à-dire, augmentés ou diminués, accélérés ou retardés, & même ſuſpendus durant quelques inſtans. C’eſt ce qu’on peut exécuter dans la reſpiration ; on peut faire des inſpirations & des expirations plus ou moins fortes, plus ou moins réitérées, durant un intervalle de tems donné.