Encyclopédie méthodique/Physique/ACCROISSEMENT

ACCROISSEMENT ; par ce terme on entend l’augmentation naturelle qu’acquièrent ſucceſſivement les ſubſtances des trois règnes de la nature, des règnes minéral, végétal & animal. Les corps non organiques, tels que les minéraux, prennent leur accroiſſement, ſeulement par juxta-poſition, c’eſt-à-dire, par l’effet d’une cauſe qui leur applique, par ſucceſſion de temps, de nouvelles portions de matière, ſemblables à celles dont ils étoient d’abord compoſés. Suppoſons un morceau de pierre déjà formé, & concevons-le comme un noyau placé au milieu d’une eau chargée d’une matière terreuſe de la même nature que la pierre dont nous venons de parler. Au bout de quelque tems, on verra que l’évaporation, par exemple, ayant diminué le volume de l’eau, la matière terreuſe, ayant augmenté de denſité, par le rapprochement des parties, s’eſt précipitée, ou eſt tombée ſur le noyau pierreux, a formé une couche additionnelle ; une ſeconde couche, ſurvenue après ; une troiſième de même, & ainſi de ſuite, augmenteront ſucceſſivement la première maſſe par de nouvelles maſſes placées près & autour des anciennes, c’eſt-à-dire, par une juxta-poſition de parties. L’inſpection ſeule des couches de minéraux de différentes claſſes, conſidérées en grand ou en petit, eſt ſuffiſante pour convaincre de cette vérité. Si nous jetons un coup-d’œil général ſur le globe de la terre, nous verrons par-tout (à moins que des cauſes particulières n’aient altéré & modifié les effets) des couches de terres ſemblables ou de différentes terres placées les unes au-deſſus des autres, les pierres en grand formées par des lits ſuperpoſés les uns ſur les autres ; les filons de minéraux qui ſont formés par des couches de diverſes denſités & de différente compoſition. Si nous examinons des objets particuliers, nous obſerverons que les ſtalachtes & les ſtalagmites, ſi communes dans les grottes & les cavités de la terre, ſont formées par une ſérie de couches additionnelles, de ſpath calcaire ou d’albâtre gypſeux, &c. ; nous verrons des géodes ferrugineuſes ou de différentes ſortes, être compoſées de couches concentriques de nature ſemblable ; divers corps feuilletés de différentes manières, &c. ; par-tout nous retrouverons des preuves de l’accroiſſement des minéraux par juxta-poſition.

C’eſt en vain qu’un ſavant (Tournefort) a prétendu que les minéraux, & ſur-tout les pierres, croiſſoient par intus-ſuſception, cette idée à laquelle l’imagination a pu d’abord ſourire, n’a aucun fondement ; elle eſt victorieuſement réfutée, par la ſimple inſpection des minéraux ; jamais on n’a aperçu dans eux aucune marque de vaiſſeau & d’une organiſation quelconque. Leur accroiſſement n’eſt pas borné juſqu’à un maximum de perfection ; après lequel ils décroiſſent ; leur augmentation eſt ſans bornes, comme la cauſe qui le produit.

Les corps organiſés, ſoit végétaux, ſoit animaux, ont chacun des ſiſtêmes d’organes & de vaiſſeaux pleins de divers fluides, par l’action deſquels leur développement naturel ſe fait ſucceſſivement, juſqu’à ce qu’il atteigne un point de perfection où ils reſtent pendant quelque temps ſtationnaires, & après lequel ils rétrogradent & décroiſſent par ſucceſſion de temps, juſqu’à leur entière deſtruction : l’accroiſſement qui ſe fait de cette manière, eſt appelé accroiſſement par intus-ſuſception.

Le premier & le plus bel exemple qu’on puiſſe apporter, eſt le tableau de l’accroiſſement du corps de l’homme : on peut le conſidérer d’un coup-d’œil rapide, depuis le premier inſtant de la conception juſqu’à l’âge viril, en obſervant le développement graduel des organes ; & depuis cette époque juſqu’à celle de ſon entière deſtruction, parcourir ainſi ſucceſſivement les divers anneaux de cette chaîne aſcendante & de cette chaîne deſcendante, que nous avons chaque jour ſous les yeux, ſans y faire une attention ſuffiſante. On ſent bien que cet objet appartient plûtôt à l’anatomie, à la phyſiologie & à l’économie animale qu’à la phyſique ; auſſi, renverrons-nous au dictionnaire particulier de l’encyclopédie qui traite ex profeſſo de cet objet, parce qu’un extrait ſeroit inſuffiſant pour ceux qui voudroient connoître cette matière, & un long article ne ſeroit ici qu’une répétition inutile d’un objet qui eſt étranger à la phyſique proprement dite. On peut encore conſulter ſur ce ſujet, dans l’ouvrage de M. de Buffon, l’article de l’homme.

Tout ce qu’on établit ſur le corps animal doit être dit des végétaux ; ils ſont organiſés comme les animaux, ils ont des ſolides, des fluides ; ceux-ci circulent ou oſcillent dans les premiers ; ils ſe diſtribuent dans tout le ſiſtême vaſculaire ; ceux-là augmentent progreſſivement de volume par un développement graduel, & leur accroiſſement ſe fait également par intus-ſuſception. Les végétaux, depuis qu’ils ſortent de leur graine, ou de l’œuf végétal dans lequel ils ont été primordialement renfermés, éprouvent un accroiſſement ſucceſſif juſqu’au maximum de leur perfection, après lequel ils décroiſſent proportionnellement. Ils ont beſoin, comme les animaux, de réparer continuellement, par le ſecours de fluides nourriciers, les déperditions journalières que la tranſpiration leur occaſionne, & cette nourriture ou quantité additionnelle eſt priſe intérieurement, & leur eſt aſſimilée par une force active & vitale qui la transforme en leur ſubſtance. Ainſi, l’accroiſſement des animaux & des végétaux ſe fait de la même manière. Voyez l’article Analogie des végétaux avec les animaux.