Encyclopédie méthodique/Physique/ABSOLU

ABSOLU, mouvement abſolu. Par le terme de mouvement, on entend le paſſage d’un lieu dans un autre. Le mouvement abſolu ne peut être connu, ſi on ne conſidère le lieu en lui-même, & celui-ci eſt abſolu ou relatif comme le mouvement. Le lieu abſolu eſt le lieu premier des corps, lieu qu’on doit, quel qu’il ſoit, conſidérer comme immobile ; car ſi ce lieu eſt conçu comme tranſporté avec le mobile, on ne pourra avoir aucune idée du mouvement. Ce lieu peut être, ſelon les uns, l’immenſité de Dieu, ſelon d’autres, un vaſte eſpace qui en diffère, & qui eſt propre à recevoir tous les corps, ſoit qu’il exiſte réellement comme tel, ſoit qu’il ne ſoit qu’un être abſtrait. Ce lieu abſolu ayant une ſorte d’étendue, & comprenant pluſieurs parties, on conçoit facilement qu’un mobile qui eſt ſucceſſivement tranſporté d’une partie à l’autre de ce lieu abſolu, eſt ſoumis à un mouvement abſolu & indépendant de notre penſée. C’eſt la manière la plus ſimple & la plus facile de ſe former une idée du mouvement abſolu.

Le lieu relatif n’eſt autre choſe que la ſuite & l’arrangement des corps qui nous environnent ; & le mouvement relatif doit être conſidéré par rapport à ces corps ambians ; c’eſt le tranſport du mobile du voiſinage de quelques corps environnans vers celui d’autres corps, dont il étoit d’abord plus éloigné. Ce mouvement relatif peut être réel ou apparent. Il eſt réel, lorſque le mobile, en changeant ainſi de lieu relatif, change encore de lieu abſolu, & correſpond ſucceſſivement à différentes parties du lieu abſolu. Le mouvement relatif n’eſt qu’apparent, lorſque le mobile conſtamment a la même partie d’un lieu abſolu, quoiqu’il ne ſe trouve plus dans le voiſinage des mêmes corps environnans où on l’avoit d’abord ſuppoſé. Afin d’éclaircir ces vérités par des exemples, nous dirons que le mouvement d’un homme aſſis dans un bateau, que le courant de l’eau entraîne, eſt premièrement abſolu, puiſqu’il correſpond à différentes parties de l’eſpace ou lieu abſolu ; qu’il eſt encore relatif & réel, puiſqu’il fait parcourir au mobile une ſuite de corps environnans, s’approchant ſucceſſivement des uns, & s’éloignant, dans le même rapport, d’autres dont il étoit d’abord plus proche. Mais ſi on ſuppoſe que cet homme, au lieu d’être aſſis, ſe meuve de la proue à la poupe avec une vîteſſe égale à celle du bateau qui eſt porté par le vent, ou par un courant en ſens contraire, alors cet homme a un mouvement qui n’eſt point abſolu ni réel, mais ſeulement apparent & relatif aux différentes parties du bateau ; il a paſſé de la proue à la poupe ; mais il n’a pas changé réellement de place dans le lieu abſolu, puiſqu’il ſe trouve en effet dans le même point du lieu abſolu, & conſéquemment dans le même point, reſpectivement aux autres corps environnans qui étoient en repos. On pourra donc regarder comme vrai ce paradoxe, qu’un corps peut ſe mouvoir très-vîte, parcourir un eſpace, & néanmoins être dans un repos abſolu, ou n’avoir pas réellement changé de place. Voyez les articles Mouvement & Relatif.