Encyclopédie méthodique/Logique et métaphysique/Tome I/H

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H.


HARMONIE PRÉÉTABLIE, (Métaphys.) on appelle harmonie préétablie Thypothèse dettinée à expliquer le commerce qui régne entre Tarne ôc le corps. C’est M. Léibnitz qui l’a mise dans tout son jour ; car bien— des philosophes ont pensé avant lui que se corps n’agit pas fur Famé, ni Famé fur le corps. On peut lire là-dessus tout le ij chap. de la XL partie du VI. livre de la recherche de ìa vérité. Spinosa dit dans son Ethique, partie III, prop. i. Nec corpus mentem ad ccgitaniam, nec mens corput ad motum., neque ad quittem, neque ad aliud determinare valet. Ce pas une fois fait, ôc la communication coupée, si je puisjainsi dire, entre les deux substances, il n’étoit pas bien ditficile d’imaginer {’harmonie préétablie. IIyaíurtout un passage dans Geulincs (Ethic.traâ. i. n°. 7.), qui dérobe à Léibnitz presque toute la gloire de Tinvention

; fi tant est que ce soit une 

gloire d’avoir inventé un système en bute à autant de difficulté que Test celui-là. Voici en peu de mots en quoi consiste ce fystême. L’ame n’influe point fur le corps, ni le corps fur Tame, Dieu n’ex ; ite point non plus les sensations dans Famé, ni ne produit point les mouvcmens dans

! e corps. L’ame a une force intrinsèque Ôc essentielle 

de représenter Tunivers, suivant la position de son corpc. C’est en quoi consiíte son elience. Le corps est une machine faite de telle façon, que ses mouvemens suivent toujours les 1epresentations de Tame. Chacune de ces deux substances a le principe Scia source de ses mutations en soi-même. Chacune agit pour soi ôc de soi. Mais Dieu ayant prévu ce que l’ame penseroit dans ce monde, ôc ce qu’elle voudroit librement suivant la position du corps, a tellement accommodé le corps a Tame, qu’il y a un ? harmonie exacte ôc constante entre les sensations de Tameôc les mouvemens du corps. Ainsi Tame de Virgile produisoit TEnéide, ôc fa main écrivoit f Enéide, (ans que cette main obéît en aucune façon à Tir.tention de l’auteur ; mais Dieu avoit réglé de tout temps que Tame de Virgile seroit des vers, ÔC qu’une main attachée au corps de Virgile les mettroit par écrit. En un mot, M. Léibnitz regarde l’ame ôc le corps comme deux automates qui sont montés de façon qu’ils se rencontrent exaótement dans leurs mouvemens. Figurez-vous un vaisseau qui, fans avoir aucun sentiment ni aucune connoissance, ôc fans être dirigé par aucun être ciéé ou incréé, ait la vertu de se mouvoir de lui-même si à propos qu’i ; ait toujours se vent favorable, qu’il évite ks courans ôc les écueils, qu’il jette Tancre où il le faut, qu’U sc retire dans un havre précisément lorsque cela est nécessaire.’ Supposez qu’un tel vaisseau vogue de cette façon plusieurs années de fuite ; toujours tourné ôc situé comméil le faut être, eu égard aux changemens de Tair ôc aux différentes situations des mers & des terres, vous conviendrez que Tinfinité de Dieu n’est pas trop grande pour communiquera un vaisseau une telle faculté. Ce que.M. Léibnitz suppose de la machine du corps humain est plus admirable encore. Appliquons à la personne de César son système ; il faudra dire que le corps de César exerça de telle sorte sa vertu motrice, que depuis fa naissance jusqu’à sa mort, il suivit un progrés continuel’de changemens, qui répondoient dans la dernière exactitude aux changemens perpétuels d’une certaine ame ^ui ne táifoit aucune impression fur lui. II faut dire que la règle selon laquelle cet ; e faculté du corps de César devoit produire ses actes, étoit telle, qu’il seroit allé au sénat un tel jour, à une telle heure, qu’il y auroit prononcé telles ôc telles paroles, quand même il auroit pluà Dieu d’anéantir Tame de César le lendemain qu’elle fut créée. II faut dire que cette vertu motrice se changeoit ôc se modifioit ponctue’lement selon ía volubilité des pensées de cet esprit ambitieux. Un force aveugle se peut elle modifier si à propos en conséquence dune impression communiquée tr’nte ou quarante ans auparavant, qui n’a jamais été renouvelle depuis, ôc qui est abandonnéeàelle-même, fans qu’elle ait jamais connoissance de fa leçon l Ce qui augmente la difficulté, est qu’une machine humaine contient un nombre presqu’infini d’organes, ôc qu’elle est continuellement exposée au choc des corps qui [’environnent, ôc qui, par une diversité innombrable d’ébranlemens, excitent en elle mille sortes de modifications. Le moyen de comprendre qu’il n’arrive jamais de changement dans ente harmonie préétablie, ôc qu’elle aille toujours son train pendant la plus longue vie des hommes, nonobstant les variétés infinies de Faction réciproque de tant d’organes les uns fur les autres ; environnés de toutes parts d’une infinité de corpuscules , hntôt froids, tantôt chauds, tantôt secs, tantôt humides, toujours actifs, toujours picotant les nerfs. J’accorr derai que la multiplicité des organes ôc des agens extérieurs soient un instrument nécessaire de la variété presqu’infinie des changemens du corps humain ; mais cette variété pourra— t-c Ile avoir la justesse donr on a besoin ici ? ne troublera-telle jamais la correspondance de ces changemens ôc de ceux de Tame ? C’est ce qui paroit impossible. Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/518 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/519 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/520 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/521 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/522 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/523 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/524 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/525