Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Tome 2/Lettre T

(p. 401-413).
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TABLEAU. (Tubft. mafc.) On donne ce nom à tout ouvrage de peinture qui peut fe {déplacer, à la différence des ouvrages peinrs

fur les voûtes S
fur les murs. Il y a des tableaux

peints fur bois, fur toile, fur cuivre , fur étaim , & :c .,

TACHC. (Tubft. f-’m.) De= : parties de couleur cjui ne font pai r ;’.ccord a.-ec celles qui les avoifinenr , font tache au (ableaii. Rubens qui fondoit peu Tes couleiiis , qui fe con-enioit Ibuvent de les mettre les une ; à cô’é des autres , a quel<]ue(o s, dans Tes carnations, des par ies qui font tache quand on les regarde de trop près

Il arrive que d=s taches que l’on voit fur ■le ; murs reptéfenLen : , lur-tout auxyeux des artift’i., des têtes, des eT<prei]1ons fingaiièrei , des’figi-.res & : m me des grourpe^. Ces acci- _dens pe.ivent fourrir dea idées à des hommes cavablei d’en tirer par ie. Mais il femble trop foi. vent q,ie le ? pein res aient pris piur mo dèles de leur compoutlon les t.iches de quelque muraille ; on n’y voifcpas plus de médita’ ion fir ce que le fuje : aroic dû leur infpirer. (L)

TALENT (fubft. mafc.) On n’acquiert du talen’ que ’par le travail -, ma<s il faut , pour rendre ce travail fructueux, être fécondé par des difpolitions naturelles. Cependant l’art de la peinture a tant de parties différentes dont C.bacune. devroit fuffire à la gloire d’un artifte , que peu d’hommes peiit-être fe trou-Veroîent fans talent^ fi chacun fe livroit à la partie à laquelle il el appelle par la nature, &,fl le public éroir juftî,

’. Cette obfervation n’avoit pas échappé à M. Coch n. » Il doit vous être venu à Rome , » dit- il dans une de fes lettres à un jeune Sar art.fte, une penfce dont j’ai fonventété occupè pendant le fejour que j’y si fait : c’cfl : ».’que la peinture dont on nous fait à Paris » un phanrôme effrayant, vu toutes les qua-’lités qu’on exige dans le peintre, paroît » confldérablement moins difficile en Italie, »’ lorfqu’on obfei ve toutes les différentes ma-V nières des grand" maîtres, & même les » défauts ou l’abfence de beauté qu’on leur ’»■ pardonnoit -, il iemble qu’on auroit pu être S) quelqu’uri de ces maîtres , chacun fuivant a fon inclination. Si je ne puis être un Guide, Beaux- Ans. Jome II,

» diroit-on , je pourrois du moins être ua » Caravage , ou enfin un Valentin. Si l’om » n’exig-eoit pas un coloris plus précieux qup » fouvent on en voit dans les maîtres les plujB )’ t’ft mes , je pourrois me livrer tout entier à » l’etjde du deffin. Mais fi je fuis un Daniel » de Vol’erre, on dira que j’ignore ce que » c’eft que de peindre ; un Pietro da Cortona , » on me querellera fur mes licences ; un j-aul, » Veronèfe , on s’écriera que je ne fais pas » delfiner. Apprenons donc tout, fatif à ne j) favoir de tout qu’un peu. Je le répète ; ÎI )) ne fort de rien de crier contre fon fiècle ; » il faut fe foumettre , & faire le moins mai » qu’on pourra, n ,^

Mais il faut dire auffi qu’en fe foumettant au goût d’un fiècle blaze, on réunit toutes les parties à un degré médiocre ; que de toutes ces parties médiocres réfultent de médiocres o.ivrages , & pour l’artifte , un honneur médiocre qui ne lui furvivra pas. Les hommes i.iimortels font ceux qui ont excellé dans une partie. (L.)

Talent. Peintre à talent. C’eft ainfi qu’on appeUe un peintre qui réuffit dansplufieurs genres, fans avoir dans aucuns des fuc.cès émiaêns.

TAPACE^(fubft. marc.) Ce mot fignifie proprement un grand bruit, tel que le font dei enfans dans leurs jeux déford ;)nnés. Il eft fingulier que ce mot ait pafle dans la lanr g je des arts, Se qu’il y foit pris en bonne part. Je ne crois pa< ; que les Grec, a ent -jamais eu de mots, dans leur langue. fi riche, pour exprimer qu’il y a^oit du tapage dans les tablr-aut de Zeuxis, d’Apelle oa de Protogène. Raphaël auroit entendu dire avec pJaifir .qu’il y a/oit delà lageffe, du raifonnement , du génie dans fes tableaux ; mais je doute qu’il eût ete fl^’té d’entendre d’re qu’il y avoir du tnpage dans fon tableau d’Héliodore. Ce mot s’eli : introdiiit dans l’idiome artifle

quand les peintres^ou lieu de raifonner leurs conceptions , de ne rien admettre dans leurs ordonnances qui ne pût être adopté par la fagelTe, ont mis leur gloire principale à remplir leurs tableaux de .figures auxquelles ils affeâent de donner un mouvement défordonné èc qui feroient un grand tapage fi elles pour voient être animées. On dif auffi , en parlant Ê e e

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de femblables compofitîons , qu’elles font du fracas.

Il faut cependant avouer qu’il y a des fujets qui veulent produire ce qu’on appelle du tapage , du fracas dans la compofition ; telles lont les batailles, les baccharales , &c. Ces fujets doivent être admis entre ceux qui l’ont prcpoics aux artiftes ; mais ils ne font pas de ceux qui doivent être choifis de préférence , & il5 font fiibordonnés au grand genre de l’hifloire. La gloire de l’art eit de reprélenter la nature humaine dans fa beauté, & non dans l’ivrefTe ou dans la fureur. (L.) TAPER, (verbe ad.) Frapper de plufieurs coups, mais avec peu de violence. Les peintres ont adopté ce mot. Ils appellent un tableau tapé ^ celui qui efl : d’une exécution fi facile & li prompte , qu’il femble que l’artifte n’ait fait , pour le produire , que taper la toile de quelques coups de broffe. On dit d’un tableau qui fait Ion effet à une certaine diltan. e , & qui , de près , n’offre que des coups de pinceau donnés librement , qu’il n’-ell que tapé. Les premières efquiffes ne font ordinairement que tapées. Quand les coups de crayon ou de pinceau que le-vulgaire croiroit avoir été donn-és prefqu’au hafard , dévoilent aux connoiffeurs la fcience de l’artifte , on dit que l’ouvrage efl : favamment tapé. Quand l’artifte indique beaucoup avec peu de travail, on dit que ion ouvrage eft fpirituellement tapé. On le compare alors à l’homme d’efprit , qui dit beaucoup de chofes avec peu de paroles. ( L, ) T’A TER. (v. aa.) C’efl fadion d’un homme qui manque de fcience ou de pratique , qui eft incertain de ce qu^’il dciit mettre fur ]a toile, & qui n’opère qu’à tâtons, comme s’il éroit dans les ténèbres. Il ne peut de cette manière produire qu’un ouvrage peiné ; Ces travaux font fatigués, fes couleurs tourmentées ; on n’y reconnoît aucune des grâces que donne la facilité jointe au favoir. (L. ) TÂTONNER (v. neutre) fe dit des artiftes qui femblent , en opérant , tâtonner comme des aveugles.

TEINTE, (fiibfl. fém. ) Les teintes fonr des couleurs mêlées entre elle* dans des proportions différentes , fuivant les nuances dont on a befoin. Elles fe forment de deux manières. On peut prendre au bout èa pinceaa des couleurs capitales dans la proportion convenable à la nuance que l’on veut produire ; on peut aulli arranger féparément fur la palette les diverfes nuances propres à l’objet que Pbn veut peindre. Ces mélanges de couleurs fe nomment teintes ait moment où le peintre T E î

les fait, & plus communément on les appelle tons quand ils font employés : ainfi le peintre fait des teintes violâtres pour une tête à laquelle il travaille, & le fpeflateur admire la juftefle & la vérité des tons violâtres qu’il a établis dans cette tête. Le favant artifte dont on va lire l’article Teinte, penfe autrement que nous fur l’emploi des mots teinte Se, ton, ( L. )

Teinte, terme de peinture qui fert a dé-s figner une petite portion de couleurs naturelles mélangées, pour imiter une partie des nuances diverfes que préfente la nature , foit que les teintes, ou petites portions de couleurs mélangées foiént fur la palette du peintre , foàt qu’il les ait difpofées iur fon tableau.

Ainfi on dit : avant que de peindre, il faut faire fes teintes ; Us teintes doivent être pofées avec bien de la jujlejfe ; noyez les teintes les unes dans les autres fans cependant les falir ; tel peintre vanmt infiniment fes teintes , tel autre les employait d’une manière fort fimple. Il y en a qui les font au bout du pinceau ^ fans mélanger les caideurs avec le couteau à couleur. Les teintes de Rubens font vives , lesteintes du Guide font fraîches. Le Corrége fondait bien fes teintes é-c. &c.

Voilà quelques exemples de l’emploi du mot teinte ; mais on en ufe fouvent d’une manière peu exafte dans les attehers , & c’efl : mal-àpropos qu’on y enfend dire voilà une teinte trop claire en parlant d’un ton dans un tableau , parce qus , quoique la teinte contienne en effet le degré de brun ou de clair néceffaire à l’ouvrage , le mot teinte ne doit s’entendre particulièrement que de ce qui eft relatif au coloris, Ainfi on àiroit très juftement f cette teinte eft trop bleue, ou trop verte, & c’eft avec moins de précifion , qu’on dit le tableau du déluge parlePouflin eft d’un fo/igris, il feroit mieux de dire d’une teinte générale grife, & à l’inverfe il ne faudroit pas dîre : Les fonds de Caravage font et une teinte noire ^ iL avan". cent autant que fes figures ; il faudroit fe fervir du mot ton & dire d’un ton trop noir , parce que le dernier mot eft fcul confacré à exprimer le degré de brun ou de clair, & que c’eft ce qui forme fa diftin£lion avec le mot teinte qui n’eft applicable qu’au coloris ( i ). Je fais que les artiftes ont été entraînés ^ (i) Je croit que les langue» n’ont jamais tort dans la bouche de ceux qui les fa lent bien ; qii’oa p. UEfouvmt trouver la raifon de ce qu : refTemble chez elles à de J^ bizarrerie j fc qu i ! eft facile de iuftifiet la nôtre de ce que, dans certaines occalîons , elle <.mp'o>e nfffireiii" ment les mots teinte &i fon. N’oyez !e fécond a.ticleTow, où la eaufe de c«( tifage ell dsfcutéé. (^o^c du Riia*leur, ) TEI

aettc confufioft par plufieurs écrivains ftjr l’art qui n’ont pas ufé de ces mots (elon leur véritable fignification : c’eft ainfi q’ue l’erreur à vieilli ’ & fubfifte encore.

Mais fi l’on confulte de Piles qui réuniffoit la juflreïïb des principes à la pureté du langage, on verra la précifion donc nous parlons feien établie.* Voici comment il s’exprime ; « h variété des teintes , à-peu-près dans le » même ton, employée fur une même figure , » & Ibuvent fur une même partie, ne contri- »■ bue pas peu à l’harmonie » : ( Traité du coloris).

Nous convenons encore que l’extrême liaifon qui fe trouve entre les teintes & les tons d’un tableau , fait qu’il y a fouvent peu de différence dans le fens de ces deux expreflicns , puifque la couleur locale d’un objet comme, par exemple, celle d’un maron , le fait détacher en brun, fur un fond clair ou de couleur claire éclairée, comme feroit un citron, & dans ce cas là on pourroit dire indifféremment : Ce maron fe détache par la vigueur de la teinte, ou par la vigueur du ton.

Il y a des objets qui font de même couleur & qui offrent une teince différente. On fait quil y a plufieurs fortes de blancs, de noirs, de citrons, &c. C’efl : ainfi que les eftampes des différents maîtres font de teintes diverfes , quoique toutes imprimées avec de l’encre de même forte. Le Boffuet de Drevet efl d’une teinte argentine, les ouvrages de Bolfwert font d’une teinte vigoureufe, les eflamprs en manière noire font en même tems d’une teinte chaude & fuave.

Tout ce que nous venons de dire tend à éclaircir la fignification du mot. , Il eft tcms de s’entretenir un peu des règles générales ^u’on peut pofer fur l’ufage des teintes. A leur . égard, comme par rapport aux autres parties de lart, les peintre ? ont adopté des manières exclufives , faute de bons principes , & de vues droites fur la nature. Les uns varient conflamment leurs teintes à l’infini ; d’autres ont une manière plus JImple 8c conftamment plus large. Cependant la nature nous dide la loi qu’on doit fuivre félon les diverfes circonftances des lumières qui éclairent les objets. S’ils font frappés d’une lumière vive, telle que l’efi : celle du foleil , ils e’n font fort emprégnés, les couleurs locales difparoiflent en partie, les petites formes perdent elles-même de leurs faillies , & les teintes, dans chaque maffe des difFérens objets, font peu variées, fi cen’eflpar la diverfité qu’y apportentles divers flans.

Si au contraire l’objet nlfl : pas éclairé fortement , les couleurs locales reprennent tout l^uT jeu .& les TEINTES fonc infiniment Viriées.

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La nature des objets détermine suffi fur le plus ou le moins de variété dans les teintes. Sur les corps polis & luifans, fufceptibles de la réflexion de tous les objets qui les entourent, on voit le modèle d’une infinité de teintes. Ainfi les draps de nature fort poreufe & qui abforbent la lumière, montrent moins de cette variété qjje les taffetas & les fatins qui, d’un tiflu plus dur & plus ferré, reflechiffent une grande quantité des rayons qui les entourent. De ces obfervations, il faudra conclure que bi&n loin d’adopter pour tous, lés ouvrages le même fyflême fur les teintes ,’ un homme à principe fent la néceflité d’en employer de différents dans le même tableau. Si la fcène eft en partie éclairée du foleil, lesrEiNTEs delà partie qui en efi : éclairée feront vives mais larges, & prefque égales, |jni !is que , dans le«  parties pr-ivée5 de la grars,ûen[umière , elles fea ront infiniment variées.

Quant aux principes de la pratique ils fe réduifent à peu de choie, & varient félon le genre de peinture. Pour l’huile, les teintes doivent être les plus fraîches & les plus vives qu’il foit poffible ; les huiles, la compofition métallique des couleurs les rendent fufceptibles de changement.

Les TEINTES, comme nous l’avons dit plus haut , doivent être pofées avec la plus grande juflefTe , afin qu’étant peu tourmentées fur le tableau par la main du peintre , elles en confervent plus de fraîcheur & de franchife. ’Les teintes de la détrempe & de la frefque, demandent une grande habitude, parce qu’en féchant , elles prennent des nuances très-différentes de celles qu’elles ont avec l’eau. {Aft ticle de M. Robin.)

TENDRE (adj.) On dit des couleurs tendres comme des couleurs dures , tk ces deux mots font oppofés entt’eux. lis ont été tranfportés métaphoriquement du fens du toucher à celui de la vue. Il femble que des couleurs douces & fuaves faffent fur les yeux le même eWet que des chofes délicates & tendres opèrent fur le taft. (L.)

TENDREMENT (adv,) Peindre ten-

drement , c’efl peindre d’une manière fuave & moëlleulé. Ce mot ne femble pouvoir s’a-ppliquer qu’à des effets doux : ainfi je ne crois pas qu’on puiffe dire d’un tableau peint moèlleufsment, mais fier d’effet, qu’il eft peint tendrement. ( L. )

TENDRESSE( fubfl.^fem. ) Comme on dit peindre tendrement , on dit aulïï peindre avec tendrejje. On peur auffi opérer avec tendrejfe , dans la fculpcure & dans la gravure. L’Andromède du Puget a été faite avec cen^^ E e e ij

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drejfe ,’& au contraire les ftatuaires Florentins ont été fujets à opérer dutement. Le burin de Drevet avoit de la temirejfe, celui de Balcchou en manquoic. (L. )

TERME (fubfl :. marc.) On donne le nom de termes à des ftatces dont la partie inférieure fe termine dans la ferme d’un obclifque renyerfé , ce qui s’appolle gaine, Certe forme a été empruntée des anciens Hermès , & rappelle à l’enfance de l’art , au temps où pour représenter une figure 4’iiomme on fe contentoic de mettre une* tête , ou même une pierre ronde , iur un poteau. Les termes font ordinairement defirkiés à la décoratio-n des jardins. On les place aufli quelquefois fous des entablemens, & ils font l’effet des caryatides. Le terme marin cft celui qui fe termine en queue de poiflbn, au lieu de fe terrr^er en gaine. (L.) TERMINER {y. ad.) Ce mot n’a pas un autre fens dans la langue des arts que dai^s le langage ordinaire. Il fignifie porter un ouvrage à la perfeâion que l’artifte efl capable de lui donner. Il efb , à cet égard , fynonyme ie. finir. Ceoendant on ne peut pas toujours employer indifféremment ces deux verbes. On dit finir à l’excès & on ne dit pas terminer à l’excès. On dit aufli : Il faut finir cela davantage, & on ne peut pas dire : Il faut terminer cez davantage. Le participe fini prend une fignification fubilrantive ; on dit un fini précieux, un /mi exceflif, un beau fini , & on ne dit pas un terminé beau, excellif, précieux. Voyez l’article Finir. (L). - TERRAIN (fubfl. mafc.)Ce mot efl confacré au payfage. Voyez l’article Paysage. TERRASSE, (fubfl. fém.) Voyez ce qui en eft dit à l’article Paysage.

TÊTE. ( fubfl. fém. ) C’efl celle de toutes les extrémités à laquelle les artilles doivent mettre le plus de choix & d’étude , parce que les regards fe portent d’abord fur la tête , qu’elle efl : le principal fiège de la beauté, & ; que c’efl fur elle que fe peignent les plus foibles ivuances des affeftions de l’ame. Voyez C9 qui a été extrait de Winckelmann fur la tête, dans la première partie de VHifioire de la Scidpture , premier article Scuipturï. La forme ovale que décrit la tête ne doit être ni trop courte, ni trop allongée -, elle ne doit fe terminer d’une manière aiguë , ni dans fa partie fupérieure , ni dan, ? fa partie inféineure.

Les petites têtes ont de l’élégance & de la noblefle -, les greffes têtes de la pefanteur. Gemnie l’œil fe fert fur-toat de la propgrtio.n de la fef ?~~pour mefurer les autres parties &a corps, fi elle efl greffe, le corps renfermera moins de fois la mefure de la-tt^e, & fera court. Si au contraire la tête elt petite , le refle de la figure contiendra un plus grand nombre de mefures de la tête-, 8c par confequent la figure entière fera grande & élégante. Lyfippe qui s’occupa fur-tout de l’élégance & de la grâce,, fit les têc :s plus petites que fes prédéceffeurs , & cette circonflance parut affez importante, pour que le fouvenir ert ait été confacré par les anciens hiftoriens ds l’art.

Un grand front efl : un témoignage des infultes du temps, puifque la nature a coutume de prodiguer-ies cheveux au jeune âge. On voit par les ouvrages des anciens poè’res & par rinfpeciion des têtes antiques, que les Grecs eftimnient les petits fronts. Ils vouloient que la forme, ni trop plate, ni trop relevée, en fût arrondie dauct-uLcri : des deux côtés ; ce qui n’arrive pas quand les tempes font dégarnies de cheveux , défaut que les modernes ont quelquefois érigé en beauté.

Les anciens paroiffent avoir donné la préférence aux cheveux blonds. Ces cheveux conviennent bien aux figures qui reprofcntent le jeune âge, & fur-tout aux divin-tés célèbres pat leur jeuneffe inaltérable , telles qu’Apollon , Bacchus , Vénus , Hebé. Des cheveux noirs pjurroient donner de la fierté aux têtes de Junon & de Pallas. Les peintres peuvent ai-" mer les cheveux blonds & ceux que les "anciens appcJloient dores , parce qu’ils ont une tçinte jaune plus ou moins forte. Ces fortes de cheveux fe marient doucement avec la couleur d’une belle peau. Cependant les cheveuK bruns qui fe détachent fièrement fur la peau. Se en relèvent l’éclat, peuvent aufli produire de beaux effets de peinture. Les cheveux châtains , les cheveux cendrés tiennent le milieu entre les cheveux blonds & les cheveux bruns, & les peintres ne doivent pas négliger l’ufage de ces variétés.

Les fourcils , fans trop d’épaiffeur, décrivent un arc médiocrement tendu , & ne doivent être ni’ trop écartés , ni trop rapprochés l’un de l’autre. Les modernes , ou du moins les François, aiment les yeux à fleur de tête ; les anciens les enfonçoler.t fous l’os qui fert de fupport au (burêil ; ils confidéroient l’œil avec fon enchâffement , com.me farmant une des grandes parties , une des parties capiiales de Iztête, & ils donnoîent à cette partie 1» plus de grandeur qu’il étoir poflible, par le principe qu’ils’ s’étorent fait d’agran-dif ies-gratides formes. Les modeyies paroiffent confidérer l’œil d’une manière ifolée tk indépendarnraent de Ton enchâffement, ce qui efl urie ^c vite manière devoir la nature. L’çeil ifolé n’ell £{u*unQ î

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petite partie de la tête. L’aftifle qui voit la nature en graml , la faifit dans fes grandei parties, &z c’efl . dans ces grandes parties qu’il cherche enluite les détails. Si l’œii i’enfonce modérément fous l’os qui lui Tert : de toît , l’effet efc plus grand , parce que l’ombre artée par cet os ell plus grande elle-même. es 5eux médiocrement ouverts & : allongée ont beaucoup de douceur ; ils conviennent â Vénus : ceux qui font très-ouverts ont de la fierté ; on les attribue à Junon. "-Les plus belles joues l’ont arrondies : l’unité n’en doit être interrompue , ni par la trop forte éminence des es qu’on appelle pommettes , ni par ces trous qu’on appelle fofiettes. Les joues enfoncées font la marque d’une natirre foufFrante & dépourvue d’embonpoint. L’enfoncement modéré des joues peut fervir à désigner une longue douleur.

■Les oreilles ne doi’en : pa- être trop’grandes ; elles s’arrondiîfent , & : décrivent des formes variées qui méritent une étude particulière. Les Grecs faifoient décrire au nez une ligne droite & : continue avec celle du front ; ils refpeûoient l’unité dans cotte partie , & l’unité efl : interrompue par les détails qu’on peut y ajourer. On doit imiter à cet égard la pratique des Grecs, au moins pour le’-, téies idéaies, réfervant les_ détails individuels pour les figi :res qui ne s’élèvent pas jufqu’à la nature divine ou héroïque : encore , dans le grand ftyle , fera-t-on bien de s’écarter fort peu de la manière des anciens , puifqu’elle a plus de grandeur. Il ell a’fe de reconno’itre que, dans les têtes qui ne l’ont pas des portrait ?, ifs" Te" font attachés à la nature confidé_ré-c’en général , faifant abllraftion de tout ce qui n’appartient qu’à la nature individuelle. Cette grande manière d’obferver la figure humaine mérite d’être adoptée dans le genre de l’hifloire ; elle élève ce genre à la hauteur de la poëiîe fublime. Si l'on fe propofe d'e>:primer quelques unes des vérités de la nature individuelle , on peut obfcrver que les nez modérément aq’uilins ont«de la nobleffe ; que les nez fort faillans , fort.appîatis, très-longs , très-cowrts font défeflueux , & ne doivent être repréfèntés que d-ins ce qu’on appelle la peinture de genre , qui ne s’élève pas au-delTus de la nature commune.

C’eft un défaut à la bouche d’être trop grande , c’en eft un d’être trop petite : les lèvres ne doivent être ni plates , ni fort épaiffes ; l’inférieure eft plus épaiiTe que la fupéïieure. Ce n’eft que dans des fituations violentes , qu’on repréfente la bouche fort ouverte : il eft même rare qu’elle le foit affez pour laifler appercevoîr les dents ; quoique cela puilTe être agréable quand J’expreffion l’autorife.

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le menton qui termine la face s’ctrondit agréablement ; il la dégrade d’une manière ridicule s’il s’allonge en pointe ; il n’eft pas moins défeflueux quand il eft trop court. Cet article eft peut-êne trop long. Il efl inutile àf ceux qui feront une étude particulière delà tête ; il ne l’eft pas moins à ceux qui ne la feront pas. {//^^inckelmann , Hijl. de l’an. ) ’ .

THEATRAL, (adj.) Quand les arts de peinture & de fculpture ion : exercés chez une nation qui a le go^ le plus vif pour les re«  préfentations théâtrales , & qui fe livre chaque jour au plaifir de ces repréfentations, il doit arriver qu’elles prendront de l’influence fur ces arts , & que les ariiftes , au lieu d’étudier la nature elle-même , le contenteront d’imiter les comédiens. Alors les ouvrages da l’art feront des imitations non de ce que font les hommes dans telle action, dans telle affeélion ; m.ais de ce que font les imitateurs de ces affeclions & de ces aûions. Si ces imitateurs, c’eft-à-dire les ccmédiens , fe livrent à de fauffes conventions au lieu de faifir & de fuivre la nature ; s’ils mettent une afreflation étudiée à la place des attitudes, des mouveraens , des geftes que la nature infpire aux hommei fuivant les allions qu’ils font , ou les affections dont ils font pénétrés, les ^rtiftes s’éloigneront des vérités de la nature , & adopteront tous les vices des modèles qu’ils fe font chcifis. Ces vices ont affefié l’art en France plus que dans tout autre pays, parce que la capitale de la France a des fpeflacles journaliers , & qu’aucun peuple n’eft plus avide de fpeâacles que celui de Paris.

Il s’eft donc formé dans la peinture un ftylé faux, qu’on a nommé ûye théâtral. Les cornpofitions n’ont plus reprefenté Thiftoire, mais des fcênes de théâtre. Les attitudes, les geftes, les expreffions des perfonnages , ont été ceux : des comédiens, & l’art a été d’autant plus dégradé , que fes ouvrages n’ont plus ’été que des imiiatioAs imparfaites d’imitations elles-mêmes défeétueufes. Comme les aéleurs tragiques s’éto’ent ridiculement écartés de la nature , le3 peintres, en les copiant , .s’en écartèrent encore davantage , par la raifon que les copiftes exagèrent toujours les vices de leurs originaux ; tk : ils furent imités par les ftatuaires, ( L. ) TIMIDE, (adj.) L’apparence delà timidité déplaît même dans un bon ouvrage ; on veut qu’au mérite d’être bien fait, il joigne celui de paroître avoir été fait hardiment. On eft devenu- fi’ difficile, qu’on exige que l’artifte joigne -aux qualités qui forment îe vrai talent , celles qui dépendent de la main , comms '^oS

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l’aifance du trait , de la touche , du pinceau. (L.)

TOILE, (fubft. fém. ) On n’a pas de preuve que ies artiftes de l’antiquité aient peint fur toile avant le règne de Néron. Depuis la renaiflance des arts , on a longtemps peint fur le bois , ou le cuivre. La toile enfin a été plus généralement adoptée. Certains peintres ont préféré les coiles fines ; d’autres des toiles fort groffières ou des coutils. Le choix, à cet égard, doit être fubordonné au goût de l’artî !j|p & à fa manière d’opérer. ( L, )

TON, (fubft. mafc. ) Ce mot, applicable dans la langue françoife à une infinité d’idées liiétaphyfiques, lorfqu’on veut en exprimer la nature ou le degré, a, dans I’art , un fens général Ik un fens fpécial.

Nous avons dit que i’ufage du mot to« étoit fort étendu : en effet , on dit , le ton de la bonne compagnie , le ton du fryle , le ton àzns la manière de s’exprimer, 8c fur-tout le tan dans la musique ; art où ce mot paroît être propre : il ne femble applicable à toute autre idée que dans le fens figuré.

C’efl : ainfi que , dans I’art , on dit généralement parlant : Cette ejlampe ejl d’un beau TON, d’un TON vigoureux , fuave, chaud , argentin, fourd, lourd, &c. Ce tableau ejl dun ton ferme, clair, brun, rouge , gris, &c. &c. On dit : Il faut hauffer le ton de cet ouvrage , pour exprimer la néceflité d’en rendre les couleurs plus vives , & encore mieux , celle d’en rendre les maffes plus décidées , & les objets plus faillans.

Mais, comme nous l’avons dit dans l’article Teinte , l’emploi fpécial du mot ton, efl d’exprimer les degrés de clair ou de brun. Couleur du même ton , dit un petit vocabulaire à la fuite du poëme de Dufrefnoy, c’ejîà-di-e , couleur qui n’ejl ni plus claire ni plus hrune.

Dans les teintes d’un objet, il doit donc y en avoir qui foient de difFérens tons, pour ^es difFérens degrés de clair ou de brun. Les tons- d’un ouvrage tiennent à l’art du clair-obfcur : airfi ils doivent être étudiés dans la gravure , dans les delTins & dans tous les genres de peinture, avec la même exaflitude : ce n’eft que par la connoiffance des TONS , l’arr de les manager, de les appliquer avec précifion , que l’on peut mettre chaque partie d’un ouvrage à fa vraie place , donner du corps aux objets , & faire avancer ou fuir ceux qui doivent paroître près ou loin de la vue. "Voyez le mot Teinte. ( Article de M, Ro Bi N.)

TON

ToM. Ce mst vient du verbe grec «ifWçj je tends. Le ton e&. la tenfion, l’intenfité ou d’une couleur, ou d’un efïét de clair-obfcur. Il paroît , par un paffage de Pline , que les Grecs entendoient ordinairement par le mot Tocor , ton dans la peinture , ce que nous ap pelions la couleur propre de l’objet. Il dit que le ton eft autre choie que l’éclat , & qu’il fe trouve entre la partie frappée de la plus vive lumière & l’ombre. L. 35 , c, 5. Il feroit plus précis de dire, entre la pl«S vive ! lum.ière & la demi-teinte.

Le mot ton, relativement au olair-obfcur, exprime l’intenfité de l’effet dans la nature ou dans un ouvrage de l’art : relativement au, coloris , il exprime l’intenfité d’une couleur, j ou celle de toutes les couleurs en général’ qui font employées dans un ouvrage. Ainfl , quand on dit d’une eflampe, ou d’un deffini dans lequel on n’a fait ufage que du noir &i du blanc , que le ton en efl foible ou vigoureux , on entend que ce mélange du noir & du blanc y eft porté à un fort ou foibk : degré d’intenlité. Comme une couleur , ou linj mélange de plufieurs couleurs, & ce qu’on appelle une teinte , peut avoir plus ou moins d’iii-, tenfité ; cette couleur , ou ce mélange prendl le nom de ton quand on le confidère relativement à cette intenfité, Ainfi les couleurs mélangées , lorfqu’on les confidère relativement à leur mélange , prennent le nom de teintes confidérées relativement à leur intenfité, elles prennent celui de ton.

On ne doit donc pas être étonné que I’ufage ait permis de dire affez indifféremment teinte , ou ton. Un tableau eft d’une teintt gr fe , parce que le mélange des couleurs dont il efl : compofé forme une teinte générale grife : il eft d’un ton gris, parce que l’intenfité de l’effet général n’y eft pas porté au deffus du gris. On voit , par cet exemple , que la teinte générale d’un ouvrage forme fon ton général , & que fi cette teinte eft jaunâtre , l’intenfité de l’effet dans le tout-enfemble , ou ce qu’on appelle le ton, fera jaunâtre. Un ouvrage eft d’un ton vigoureux, parce qu’il eflt rendu à une grande vigueur d’effet ; & il eftj en même temps d’une teinte vigoureufe, pareej que cette vigueur d’effet eft produite par le| mélange des couleurs dont le peintre a faîtj ufage. L’artifte a compofé -fur fa palette, ouj au bout de fon pinceau, des teintes vigoureufes,i d’oii il a dû réfulter que fon tableau s’efl monté à un ton vigoureux. (L.)

TOPOGRAPHIE (fubft. fem.) Ce mot emprunté du grec , fignifie peinture d’un lieu : G’eft la repréfentation fidèle, on pourroit dire le portrait , d’un temple , d’^un édifice ^ d’un port , d’une partie de la campagne. Le T O R

)e !ntfe quî adopte ce genre fa nomme topo’ graphe. Mais ces mots ne font point ulités dans la langue des artifles, & les ouvrages de ce gente fe nomment des vues. On les nomme aufli des perfpectives, quand ils repréfentent des intérieurs d’édifices ou des vues Fuyantes, telles que des allées d’arbres, desr gorges de montagnes , &c. Le mot topogravhie eft particulièrement conlacré à l’art de HrelTer des cartes topographiques. Elles font linfi nommées , parce qu’on ne fe contente pas d’y indiquer, comme dans les cartes géographiques, les rivières, les villes, les villages, es montagnes : mais qu’on y défigne avec "oin la fuuation des chemins, des buiffons , lies monticules , des ruiffeaux , &c. Ces cartes ont fort utiles aux militaires. (L.) I TORSE, (fubft. mafc.) C’eft le nom que ■es artiftes donnent à dej ftatues mutilées dont 1 ne refte que le tronc. Toutes les perfonnes ([ui font familières avec les arts , connoifTent e fameux torfe antique, que l’on regarde crame un précieux fragment de la figure l’un Hercule. » Le torfe du Belvédère eft f ; entièrement idéal, dit Jlengs , & l’on y ) trouve toutes les beautés des autres fiatues , • jointes à la plus parfaite variété Se à une . touche imperceptible. Les méplats n’y font |i fenfibles qu’en comparaifon des parties plus I rondes, & les formes rondes qu’en compa-

! railbn des méplats : les angles font plus petits 

que les méplats & que les parties ron- 1 des, & ne pourroient fe diftinguer fans les

petites faillies dont ils font compofés. ( L.) 

TOUR, (fubft. mafc.) Ce mot n’appartient is fpécialement à l’art. 11 s’y employé , jmme dans le ftvle familier , lorfqu’on dit : jette figure a un bon tour ; cette compofition

! un bon tour ; il faut tâcher de donner un 

eilleur tour à cette partie. Le tour de cette ’jure eft roide, n’eft pas naturel, Sic. (L.) ITOURMENTER. (v. aa. ) Tourmenter un iodèle, c’eft lui faire tenir une pofe à la-’lelle fe prêtent difficilement la ftrufture Se s refforts du corps humain , & qui , par jinféquent, le met a a. ^ène. Tourmenter une Jjure , c’eft lui donner une attitude, unmoutiment qui n’eft pas dans la nature, & qu’on ii pourtoit faire prendre à un modèle vivant. lourmencer la couleur, c’eft l’employer avec certitude, brouiller les teintes au lieu de ^ fondre, remettre les unes au deffus des ^tres des couleurs qui , par leur mélange, fe pifent mutuellement , les fatiguer par des uvemens de pinceau maladroitement répé-

enfin , c’eft tout ce qui eft contraire à la

inœuyre d’uji pinceau faci^e , adroit & af-T O U


furé. Une compofition tourmente’e , eft celle à laquelle on affede de donner beaucoup plus dg mouvement que le fujet n’en exige , & même qu’il n’en permet. Enfin , on tourmente les contours quand on leur fait décrire des lignes exagérées que la nature défavoue. (L). TOUT-ENSEMBLE, (fubft. compofé. ) Venfemble fe dit fur -tout d’un feul objet ; Venfemble d’une figure , cette figure n’eft pas enj’emble , ou eft bien enfemble ; cette tête eft d’un bel enfemble. Le tout-enfemble fe dit de . la compofition entière , quoique le mot enfemble foit auffi employé dans ce fens. Il faut facrifier les détails qui feroient capables de nuire au tout- enfemble. Des objets qui ont de la beauté , conliderésféparément, peuvent nuire au tout - enfemble. Il ne fuffit pas d’étudier chaque partie de fon fujet , il faut en embrafler le toui-enfemble. On peut être capable de bien traiter des parties ifolées, & ne l’être pas de concevoir un tout enfemble. Quelquefois de beaux effets, des eftets brillans j détruifent l’accord du tout-enfemble. Il en eft de même de la couleur ; les tons qu’elle produit : doivent être ménagés relativement au tout’ enfemble.

Quand on employé le mot enfemble pour indiquer le tout-enfemble , c’eft-à-dire la totalité de l’ouvrage , il faut fouvent en déterminer le fens pour qu’il fe rapporte évidemment & fans équivoque à cette topalité. On dit alors S ! enfemble du tableau , du fujet , de la compofition. (L. )

TOUCHE (fubft. fem.) TOUCHER.

( V. acl. ) On dit touche hardie., touche fine ^ fpirituelle .1 lourde., légè : e &c.^ On dit auffi toucher avecfentiment les chairs ^ avec vérité les étoffes , avec efprit le payfige-y avec fierté les animaiix & même la nature morte.

Ces deux manières de s’exprimer ont des fignifications affez différentes que je vais effayer d’expcfer.

La touche eft une manière de défigner dans les arts d.i deffin & : de la peinture certains accidens, certaines circonftances de l’apparence vifible des corps ; accidens & circonftances occafionnés par leur nature , par leurs pofitions ou par leurs mouvemens.

Lorfque le delfinateur place la touche, lorfqu’il ? L prononce , qu’il l’appuyé., c’eft parce qu’alors il eft frappé plus particulièrement, plus eîipreirément de l’effet que produifent quelques uns des accidens ou des circonftances dont j’ai parlé.

Dans l’imitation que l’artifte fait d’une figure humaine, fi la touche qu’il employé eft déterminée par les feules courbures du contour ios

T O U

qui font que certains endroits de ce contour t>ii du trait font privés de lumière & fe delfinent en ombre, il n’y a rien qui ait rapport aux impreflions de l’ame & à.l’cxpreffion des paffions qui-infpirent cependant les ufages les plus fpirituels & les plus intéreffans de la touche.

Si la touche eft marquée par l’artiffe d’après le fentinxent qu’il a du jufte mouvement~^e la figure qu’il delfine ou qu’il peint, elle peut-être Cpirituelle , fine ; elle peut avoir pour faut de faire fentir la grâce ou la force , d’après l’impreflion qu’en a l’arcille. Ce n’eft pas encore !à tout- à- fait ce qu’on nomme couche d’exprelîion ; mais fl le delfii^ateur ou ie peinire f.rononùe ii : appuyé la touche infpiré par l’on imagination qui lu ; reprufenie fortement les accidens que prodjifenr Tur les apparences des corps les grandes painons, ou fi mieux encore , il prononce cet e touche d’après la nature même, alors la touche elt cci.e qu’on appelle touche des grands maires. C’eft le figne in ;mirabio qu’ils imfr’ment à leurs ouvrag ?s, fl^^e qui les fait reconnoître & qui les diftingi.e des copies qu’on en fair . La touche a pi-js ordinaireinent & plus fréquemmenc lieu, lorlqu’ n deiline ou qu’on peint la tê ;e, que dans la reprélen.a ion d>i relte de la figure. Il y en a dei.x railVin :. principales. Prem.èrement , les rrairs du vii’age expriment par beaucoup plus de moyens Ô> ; ibnt l’obiei bien plus habitiiel ie i’acrention de ceux qui obierven :, que les aiine- parties du corps. Les hommes s’expr msntei ; .s’entendent par les regards , ik. les yeux é.anr en poirelFion d’êire les m.roirs de l’amp, c’eft fur eux que le porte l’acten.ion , comme auffi c’oft dans la promptitude & le caractère de leurs mouvemens qu’on comprend j.lus vice oc plus expreliivement la penl’ee. La bouche qui n’eft pas éloignée des yeux eft m.ie par i ;ne infini :é de mufcles qui en modifiant let expreifions. Le nez, le front , les joues accordent leurs mouvemens à ceux des yeux & de la bouche , 5 ; cette réunion de fignes rend en effet la tête le principal organe de l’exprellion , & par conféquen- i’objet oii l’artifte place , prononce , appuyé la touche avec plus ou moins d’energe.

L’ne féconde raifon qui fait que la t-e s’arroge prefque exclufivement, furtout chez les modernes, lepri.ilége d’exprimer, c’eft que, hors les mains, toutes les autres parties étant cou vertes, nous ne pouvons ni bien obferver , ni par conféquent, regarder con.me aulFi importances les expreflions dont toutes les parties du corps font fuicep’.ib !e>.

Cependant comme la nature le>a rendues fjfceptibles chaci-ne à fa manière, de concourir à- l’exprefiîon, ciUoite que tout le mainiien d’un homme contribue à faire conno’itre i’im-T O U

preflion de fon ame & que les extrémités fur-’ tout, comme les mains & les pieds, ont auffi une allez grande variété de mouvemens, il arrive que la négligence qu’on a trop fouvent de connoître bien leur langage, rend les figures froides dans toute l’habitude du corps, tandis que la touche^ quelquefois exagérée, indique dans les tètes un excès de palTion Plus !a touche eft donc énergique, furlevifage d’un homme pafîiunné, plus, ii les autres partie^ ne partagent pas autant qu elles le doivent cette paflion , plus , d :s-je, la figure doit être dans une lone contrariété avec eiie-même ; cette contrariété, fans qu’on s’en rende bien com-’te. dé.ruit ou affoiblit beaucoup l’effet qu’i.n s’eft efforcé de produire. Les habiles pantomimes on doit rappellerroiiV vent les peintres à cet art, qui iè rapproche plus qu’aucun autre de celui qu’ils pratiquent). ie.> habiles pantomimes font coiifi’ler la perreclion de leur.^ imiia’.ionî dans ce poinr Aulîi e célèbre Ga^’ick , qui excelloit dans l’art de l’iniitaiion théà raie , voyant un comédien contrefaire un himaie ivre avec beaucoup de vé- ! rite, par rindeierminaiion des regards, par le délbrdre de fes tiaits & l’embarras de fa paroles lui difoit, obfervanr que le refte de la figure na répondoir pas à ces expreflions : u Mon amiJ » ta tête eft véritabiemînt ivre ; mais tes n mains, tes doigts, te^ pieds, te^ jambes , ton. n curps font plein de raifon. »

Je parloii, de l’inconvénient qui réfilte dt ce que la tête s’attribue trop erolufiremein toute l’exprelTion. Il en eft une fuite qui dor frapper tous ceux qui y réfléchirent un moment c’eft que, par ià , l’idée de iabeaute lé trouvi infeiifiblement réduire parmi" nous ( j’en excepte les artifte^) aux for.ties dttS t aits, abitraâioi raite de leurs rarports & de leu.-s proportion ! rela’ives avec tout le refte de la figure ; ci qui autorife la diverfiré des opinions à cei égart à réduit la beauté à être une forte d’objet à( fan „j e.

Pour revenir à la touche & en donner, s’i ’ fe peut, l’arplication la plus fer.fible, je dot dire que ce qu’on nomme le trait eft une ligm qu’on peut fuppolèr éii ;ale dans toute fon éten due^ & : à l’aide de laquelle on trace la figun des corps, pour en faire la repréfentation pa le deflin ou la peinture. ’

Si l’on s’en tient à défigner cette forme pa un tra t égal, il n’eft rien dans cette manière d’opérer qu’on puiffe nommer la. touche, D^ même fi , en peignant, on marque par une couleur uniforme les fermes d’un corps , cette peinture fera une forte d’enluminure qui n’offrira n caraflère , ni f oz/tÂe -, mai !; fl, en dirigeant crayon, l’artifte fait attention aux accidensparti cul icrs que produit le clair-obfcur fur des objet éclairés & de relief j fi, à l’occafioii de ce acciden

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accîdens ou effets obfervés , îl appuyé le crayon davantage dans certains endroits , en rompant par-là l’uniformité du trait ; fi enfin ce trait alors le trouve plus marqué, par-tout oii le deffinateur a voulu exprimer les eft’ets de l’omble, alors il a employé ce qu’on appelle généralement la touche qui commence à donner du caraflère à ion dellin.

Paflbns plus avant : fi une figure, que je fuppole dans une pofirion parfaitement tranquille & n’éprouvant aucune imprelTion marquée, donne cependant lieu à fa’.re fentir par la touche, les courbures des contours & les accidens habituels que produifent les articulations, à combien plus forte railbn le deflinateur ou le peintre ne fera-t-il pas invité à marquer plus fenfiblement cette touche^ lorfque des mouvemens plus caraftérifés rendront les accidens des contours plus, lenfibles ? Alors, t, plus excitée , fa main docile & prompte fuit avec juftefle l’impreflion qu’il reçoit & qu’il veut tranfmettre dans fon ouvrage ; s’il appuie la main pour rendre la trace du craypn plus fignificative ; s’il en obtient cet effet ians maigreur & : fans féchereffe , il fait de la touche un des ufages les plus importans & qui appartiennent de plus près à la partie fpirituelle de l’art.

On voit par ces détails , que la touche n’eft en aucune manière arbitraire , qu’elle n’efl pas du reflbrt de ce qu’on appelle improprement le goût , comme fe le perfuadent trop fouvent les jeunes artifbes, qui imitent fans réflexion les modèles qu’on leur donne, ou ceux qui , fous le nom de connoijfeurs , n’ont que de très fuperficielles lumières. Il relie à parler à ceuic qui veulent être inftruits plus profondément de la mefure qu’on doit garder dans l’ufage de .touche. Il faut fe reprélénter ici que la touche , telle que nous venons de la défigner , eft à la fois un figne imitatif , tiré de la nature , & un figne communicatif de la manière dont l’artifle a vu & fenti , en. faifant fon in^tation.

La touche , pour peu qu’elle pafle la jufta mefure , penche à être un figne , plutôt qu’une imitation précife ; & l’on eft d’autant plus autoriÊ à faire cette obfervation , qu’à la rigueur, cette mefure jufle n’èxifte peut-être dans aucune repréfentation.

Premièrement, parce que la îOMcAe étant un effet inftantané de l’impreQîon que reffent le peintre, ou le deffinateur, elle eft fufceptible des variétés de l’imagination. Secondement , parce que , pour que la mefure exafte dans laquelle doit fe renfermer , la touche , pût être énoncée précifément , il faudroit avoir égard à la diftance précife où étoit l’objet qu’on a imité , pour fe placer à Beaux-Ans, Jomé IL

T OU

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une diftance exaâement proportionnelle re l’imitation ; ce qui ne peut avoir l.ieu par rap port à la première condition & moins encond à la féconde , puifque chacun approche d’ue deffin à fa fantaifie feule, pour le confidérer, & qu’il eft bien rare qu’on fe fixe, pour le regarder, ainfi qu’un tableau, à la diftance qui doit faire paroître la touche dans la jufte mefure qu’elle devroit avoir. Aulfi le plus fouvent , par toutes ces raifons , la touche des deffins iurtour, eft-elle exagérée , foit par l’effet du fentlment qui l’a infpirée, foit par 1 effet de l’habitude qu’on a contraSée ou du peu d’importance qu’on met dans cette mefure.

Au refte ce défaut , fou vent inappréciable, produit fréquemment un effet qui plaît , lorfqu’on fe prête aux conventions établies , par rapport à certaines parties de l’art ; car la touche , regardée comme figne de l’expreffion, frappe plutôt & plus fortement, lorfqu’elle eft exagérée avec art, que lorfqu’elle eft plus timide & plus foiblement écrite. Il eSi vrai que , dans l’imitation peinte, îa touche eft plus affujettie à la mefure qu’elle doit avoir , parce que fon exagération nuiroic trop fenfiblement à la vérité de la couleur Se quelquefois à l’accord ; auffi cette exagération n’eft-elle admife que dans le petit, ou dans le» peintures qui ne vifent pas à un fini précieux. Ce que j’ai dit jufqu’ici de la touche a rapport à celle qui caradérife principalement les apparences du corps humain.

Il eft une autre acception de ce terme quî deviendra plus fenfible , en l’obfervant dans le verbe qui en dérive. Ceft le verbe toucher^ qui , en peinture , a unefignification qui diffère de celle du mot touche.

Lorfqu’en effet on dit : Ce peintre touche parfaitement bien les chairs , les étoffes , le payfage , les arbres , les terreins , les plantes, les eaux, les acceffbires, on entend parler de fa manière phyfique d’appliquer la couleur qui doit reprélénter ces objets.

Toucher, dans cette acception , embraffe , îl eft vrai , le fens qui appartient plus particulièrement au mot touche ; mais il y joint la pratique particulière à l’artifle & furtout le maniement de la broffe & du pinceau. Le maniement de la broffe ou du pinceau fert non-feulement à appliquer , à étendre , à mêler les couleurs , mais beaucoup plus encore à défigner aux yeux la nature des objets, leur fubftance & leurs accidens. La manière d’appliquer la couleur fur la toile , de l’étendre dans un fens ou dans un autre , laiffe des impreffions qui , ayant certains rapports avec l’apparence de l’objet qu’on peint , contribuent à rappeller plus fenfiblçment fon idée.

F ff ^■lO

T O U

Le toucher , qui efl : alors la manière d’ap- -, pliquer la couleur, devient donc un moyen de défigner les objets , différent du trait 8c de la couleur, prife en elle-même.

Ce moyen , ainfi que la touche dans certaines circonftances , tendroit, comme on le voit , à fa rapprocher de ce que j’ai appelle figne ; aufll faut-il obfcrver que l’imitation ne pouvant jamais arriver à une perfe£lion de repréfentation des objets naturels , s’aide de «eut ce qui peut fuppléeràce qui lui manque. La peinture n’eft pas une complette imitation ; mais une imitation feinte. Elle n’imite pas le relief, elle feint feulement de l’imiter ; différente en cela de la fculpture, qui , abilraSion faite de la couleur, imite d’une ma • ^ mière palpable , les formes des objets de fes repréfentations. D’après ce que je viens de dire du fecours que tire l’artifte du maniement de la couleur , ou du toucher, on doit fentrr pourquoi , fi l’on s’approche plus qu’il ne faut de certains tableaux , les objets qui y font repréfentés, & qui failbient une illufion fatisfaifante , perdent tout-à-coup ce mérite. C’eft donc le plus fouvent de l’art de feindre la repréfentation des objets , par tous les fecours de l’induftrie, que les peintres s’occupent ; & c’efl en fuivant cette route vraiment libérale , c’eft-à-dire , libre & ingénieufe , qu’ils parviennent au grand mérite de leur art , plutôt qu’en fe dirigeant péniblement à une vérité minutieufe qui borne d’autant plus leur carrière , qu’il eft abfolument impoflible d’égaler en cela la nature. Cette diftinftion peut être appliquée à tous les grands genres des arts libéraux , dans l’éloquence, dans la poëfie, comme dans la muficjue, l’architeûure même & la peinture. C’éft du génie que les artiflres apprennent ces moyens magiques de rappeller , plutôt que d’imiter , ou plutôt de copier minutieufement. Un mot interrompu , un filence , parle plus éloquemment, que les paroles qu’ils fuppléent ne pourroient faire. Voyez de près les chairs que peignoient Ruhens , Rembrandt & tant d’autres grands maîtres : voyez du même point leurs étoffes , leurs arbres , leurs terreins ; vous n’appercevez plus que les fignes magiques qu’ils ont employés , c’eft-à-dire , les traces marquées du maniement de leur brofle , leur touche ifintueWc, leurs teintes favantes , placées fans être fondues, mais doat la diflance doit unir & : mêler les nuances. Je crois en avoir dit affèz fur cet ob- ^ jet , pour faire penfer davantage les efprits inflruits " des- arts , & même ceux qui cherchent à s’en inflruire. Lès artiftes me comprendront fans doute plus facilement que les derniers dont je parle , mais cet inconvénient eft inévitable , îorfqu’iJ s’agit d’ex-T O U

plîquer des détails , dont la pratique eft l€ corps-, & l’intelligence, l’ame. Les jeunes artiftes pourront , à l’aide dêr quelques-unes de ces notions, même en cherchant à les critiquer, s’ils ne les croyent pas juftes , perdre au moins quelques opinions fauffes , qui fe trouvent établies dans les atte^ liers fur la véritable nature de ce qu’on appelle touche & toucher , 8c fur les fecours que le génie trouve pour ftippléer à ce qui manque à l’art. Ils fauront mieux , en vérifiant fi j’ai penfé jufte, ce qu’ils penfent eux-mêmes, lorfqu’ils employent la touche , qu’alors ils placeront avec plus de précifion & avec plus de mefure , & qu’ils ne prodigueront pas , comme un agrément arbitraire , qui ne dépend que de leur feul caprice. ( Article de M. ^A T E i E T. )

Touche. L’arrondifTement des objets, d’où naiffent le relief & l’illufion , dégénéreroient en manière lourde , s’il n’étoit affaifonné de touches caractériftiques. Ces touches donnent l’ame aux êtres même inanimés ; mais fi elles n’étoient portées avec un ménagement convenable , l’ouvrage ne préfentej-oit que des effets maniérés & : faux.

Les touches doivent être variées. Elles fe» ront légères , délicates , fermes , hardies , fières , moëlleufes , folides ou fpirituelles , non- feulement félon la nature du corps où elles feront adaptées , mais encore félon le plan que l’objet occupe dans le tableau , & relativement à la diflance d’où la machine pittorefque doit être envifagé.e. On donne les touches en portant une couleur vierge, d’une manière franche, fur la partie deflinée à la recevoir. Dans les endroits les plus faillans, la brolTe hardie placera une couleur épaiffe ; dans ceux qui le font moins, le pinceau écrafé laiifera une couleur plate & nettement fondue. Dans les tournans, ainfi que dans les ombres, les touches ào’xM&rxt être peu fréquentes & peufenfibles. Elles ne font, le plus fouvent, qu’un trait de pinceau lpiri< tuellement lâché pour ranimer un contour , ou pour caraflérifer une fineffe d’une manière prefque imperceptible.

Mais fur-tout que les touches ne foient ja4 mais au préjudice de la maffe. On doit con- ; lulter attentivement la nature d’un ppint de diflance convenable pour ne pas y être trompé : elles y font pour ceux qui favent les appercevoir. Le génie les difcerne , l’intelligenca les évalue, c’efl le goût qui les place. {E» trait du Traité de Peinture de Dasdré Bar-DON, )

TRACER (v. aa.) Faire le trait d’um figure ou d’uae compoiition( Les artiftes, au lieu T R A

de dire qu’ils tracent une figure, dîfent plu^ tôt qu’ils en font le traie : au lieu de dire qu’une figure ou une compofition n’ell encore que tracée, ils difent qu’elle n’efl encore

! qu’au firtiple trait. Ainfi le mot tracer siï moins 

I un terme de l’arc, qu’un mot de la langue I commune, qu’on employé quelquefois en parf lant de l’art, mais dont les artiftes font peu l d’ulage. (L.)

TRAIT (fubfl-. mafc.) Le trait eft la ligne î qui termine une figure quelconque. Faire un iJ trait, c’eft tracer les lignes que décrit une figure fur ce qui lui fert de fond. Pofez un vafe I fur une table contre une muraille ; tracez en- ( fuite fur un papier une ligne qui enveloppe la

partie de la muraille qui vous eft cachée par

le vale ; fi votre opération eft bien faite , vous aurez le trait de ce vafe avec la même ’ jufteffe , que fi vous vous étiez fervi d’un poin- ■ çon pour en fuivre la terminaifon & la tracer ’ fur la muraille elle-même.

Ce n’eft point par des traits, mais par la couleur, que des objets fe détachent les uns J fur les autres dans la nature. Ainfi le peintre,

! imitateur de la nature , ne fait un trait que 

j pour fe rendre raifon des formes ; mais il ne

laiffe pas fubfifter ce trait, & en peignant ,

c’eft auOl par la couleur qu’il détache les objets qu’il imite. Dans les deflins qui ne font pas extrêmement terminés & dont l’effet efl : plutôt indiqué que rendu , on laiffe fubfifter e trait, fur-tout dans les parties qu’on ne détache par fur un fond obfcur. Quand les deflins font finis au point de n’avoir plusbelbin de traits, ce font moins des deflins que des peintures monochromes , des camayeux.

Comme les anciens artiftes des écoles Romaine & Florentine étoient moins peintres que deflinateurs, ils annoncoient fouventla terminaifon des formes par un trait bien prononcé. Quoiqu’il n’y ait point de traits dans la nature , il y a quelquefois, dans l’art , beaucoup de fentiment & de goût à prononcer fortement le trait de quelque partie , à tracer & abandonner quelques portions de contours ; mais ces traits, pris & laifles, doivent être regardes comme des touches. Ces pratiques, fpirituelles ou favantes, laiffent fubfifter le principe, que les terminaifons des objets en peinture ne doivent pas être annoncées par des traits. (L. )

TRAITER, (v. aft.) Ce mot fort ufiré dans la langue des arts, y reçoit à peu près la fi- ^nification du verbe faire. Une figure bien $raitée eft une figure bien faîte. Une compofition bien traitée, eft celle dans laquelle on a bien fuîvi les convenances du fujet. Une draperie bien traitéf^ eft celle qui eft corn-T R A ^11

pofée & rendue (avamment. On dît qu’un peintre fait bien ces différentes parties de l’art. On dit d’un peintre qu’il traite bien les têtes , les cheveux, la barbe, les chairs, les extrémités, les draperies, les accefibires, les effets ; mais on ne dit pas qu’il traite bien la couleur ou le coloris, (L-)

TRANCHER ( ce verbe eft neutre dans la langue des arts). Des couleurs tranchent les unes fur les autres, quand l’artifte ne conduit pas des unes aux autres par des nuances. Les lumières tranchent fur les ombres, & les ombres fur les lumières, quand on néglige de conduire des unes aux autres- par des paffages doux & : imperceptibles. On dit que des couleurs font tranchantes , quand elles tranchent fur celles qui les avoifinent, quand elles ne fe marient pas, ne fe fondent pas, ne s’uniffent pas tendrement avec elles. On dit que les ombres font tranchantes , quand elles fuccèdent durement aux lumières , fans en être féparées par des demiteintes. Quelquefois des couleurs tranchantes i des ombres, des lumières tranchantes , àonnent de la fierté aux effets. C’eft à l’art du peintre de les ménager avec goût , de ne les employer qu’à propos , de les empêcher de nuire a l’accord de l’ouvrage , comme il eft de l’arc du muficien de ménager & de fauver les diffonances. (L. )

TRANSPARENT, (adj.) Ce mot, dans

l’art de peindre , s’applique aux couleurs naturelles , & aux couleurs artificielles. Par rapport aux premières, il fert à diftinguerles couleurs lourdes & terreftres de celles qui font légères & aériennes. Ainfi on dit : La laque, les fiils de grains , font des couleurs TRANSPARENTES ", les ochres , les bruns-rouges, la terre d’ombre ne font pas transparentes. Quant à la féconde fignification du mot transparent, elle n’eft relative, dans la pratique , qu’à des couleurs fines, légères , qui îaiflent voir les premières teintes que le peintre a placées fous es glacis. Dans ce fens, iî n’exprime que l’effet, dont l’ufage à^s glacis eft le moyen : comme dans cette phrafe : C"< ?/Z pat des glacis que Kuhens rend fes couleurs tranfparentes. Tout ce qui tient à la pratique dans l’art d’employer des couleurs transparentes, a été expolé dans le mot Glacis , auquel nous renvoyons le lefieur. Nous ne pouvons faire un plus grand éloge des couleurs tranfparentes , qu’en citant les plus beaux tableaux des écoles Vénitienne & Flamande. C’eft-là qu’on trouve les plus puifians témoignages en faveur des charmes de ia F f f ij

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T R A

tranfparencè des teintes dans l’art de colorier. i, Article de M. RoBiN.)

TRANSPARENT, Çfuiifl :. mafc. ) Dans l’art des décorations en peinture, le tranfpa-Tent produit pendant la nuit un des plus piquans effets qui puiflent naître d’une vive lumière réunie à l’emploi des plus éclatantes couleurs.

On fait des tranfparens fur des toiles fines , des papiers appelles Serpente , & fur des lafTetas.

Nous donnerons les procédés de les exéuter, dans le Didionnaire de Pratique ; & «ous ne dédaignerons jamaiS’ de traiter de cet art, qui, fur le théâtre, partage avec celui de faire des tableaux, plufieurs des difficultés & ,des honneurs , attachés aux talens du peintre. {^Article de M. Robin.)

TRAVAIL, (fubft. mafc.) Ce mot_ fe -prend pour toutes les parties de l’exécution. XJn beau travail eft dans la peinture un beau maniement de pinceau ; dans la gravure, un teau maniement de pointe ou de burin ; dans le deflin , un beau maniement de crayon. On dit que le travail d’un ouvrage eft facile , fpirituel , peiné , lourd , léger , gracieux , agréable, grand, fier, petit, mefquin. Voyez les znicles Exécution , iFaire f Fait, Manœuvre.

Le mot Travail s’employe fouvent au pluriel , quand il eft queftion de gravure. On dit ; Les travaux de cette eflampe font maigres , nourris , moux , fermes , égratignés , moelleux. Il y^a de beaux 8c iavuns travaux dans la fameufe tête de l’homme à la grande barbe par Corneille Wiflcher. Les travaux de -Maffon ont fouvent de la bizarrerie, (L.) TRAVAILLER, (v. n. ) Ce mot s’emploie dans la langue des arts , au même fens que dans la langue ordinaire. A cet égard , il n’appartient pas fpécialement à l’idiome des artiftes, & ne doit pas avoir place dans ce Diflionnaire. Nous n’avons pas befoin d’apprendre à nos lefleurs que l’on dit d’un artifte qu’il travaille à un tableau , à une ftatue , comme on dit d’un menuifier qu’il travaille à une table , ou d’un pijè’tc dramatique, qu’il travaille à une tragédie.

Mais le mot travailler fe prend dans un fens particulier à l’art, quand on dit que les cout Jeurs travaillent. Cela fignifie qu’avec le temps elles changent de ton , que les bleus noiriflent , que les blancs jauniffent, que certaines couleurs s’évaporent. Pour prévenir , autant qu’il eft pofTible , ces aceidens , il faut que Tartifte connoifle bien les matériaux qu’il employé j &|refîet^de| l’huile &jdu temps fur ï R I

les différentes couleurs. Il ne fuffit pas qu’il ait cette connoiffance ; il doit y joindre une pratique fûre & facile : car s’il change fouvent d’idée , s’il recouvre la couleur qu’il a d’abord établie par une couleur différente , les couleurs de deflbus perceront avec le temps à travers celles dont il les aura couvertes, & détruiront le dernier effet auquel il s’étoit déterminé. (L.)

TRIOMPHE, (fubft. mafc. ) Nous avions promis à l’article Milice, d’en donner un fur les triomphes chez les Romains : avec plus de réflexion, nous ne croyons pas devoir remplir cette promeffe. Les artiftes, dans les fuiets qu’ils traitent le plus ordinairement , -font obligés de connoître ce qui regarde la ma. rine , la milice, les vêtemens des ’anciens. Mais un triomphe eft un fujet , & ne demande pas à être traité plus fpécialement ici, que le nombre infini de fujeta qui peuvent être fournis à l’art par l’antiquité. Nous ajouterons même qu’un triomphe n’eft pas un des fujets que l’art doive choifir de préférence ; parce que ce fujet n’eft pas circonfcrit, 5c qu’il pèche par une furabondance qui le prive , en quelque forte , de l’unité. D’ailleurs on peut croire que l’artifte qui voudra peindre un triomphe , ne manquera pas d’étudier dans l’hiftoire les détails de cette cérémonie ; mais il choifira^ comme le Erun , la principale partie d’une cérémonie triomphale , & ne repréfentera pas la longue procelFion qui formoit cette cérémonie , & : la foule confufe des fpeciateurs. TRIVIAL, (adj,) Ce qui eft bas & commun. Le peintre d’hiftoire doit bien fe garder de rien introduire de trivial dans les fujets nobles qui font propofés à fon pinceau. On fait bien que , dans une adion noble , il peut fe trouver dès perfonnages d’une figure baffe & triviale, qui n’aient qu’un gefte trivial, qui faflént des aéiions tri iales. Mais à cet égard, l’imitation doit être plus belle que la vérité , & comme l’aitifte doit choifir les plus belles formes, & tâcher de les embellie encore , il doit aufli , dans l’enfemble de fa compofltîon , no choifir que des circonftances qui aient de la noblefle & de la g-andeur. Tout ce qui «ft trivial doit êire abandonné aux genres inférieurs.

» Il y a, dit M. Reynolds, plufieurs genres » de peinture dont les prétentions ne s’élèvent » pas fi haut que celles de l’hifloire : mais qui » cependant ne font pas fans quelque mérite, » quoiqu’ils- ne puiffent pas entrer en concurrence avec la grande idée univetfelle qui » préfide à l’art. Les peintres qui s’appliquent B à rendre des caraâères bas & vulgaires, & » qui expriment avec exaftitude les diffé-.

T R O » fentes nuances des paffions de la nature » «ommune , ( ainfi qu’on le voit dans les » ouvrages d’Hogharth , ) méritent de grands « éloges ; mais comme leur erprit eftfans ceffe » occupé de chofes communes & triviales , B les éloges qu’on leur donne doivent être n proportionnés aux objets qu’ils repréfentent. » Les bambochades de Téniers, de Brauwer , » de van Ofiade font excellentes en leur genre ; » & le mérite de ces ouvrages , ainfi ^ue l’eftime qu’on en fait, font en proportion de » ce que ces fujets communs & bas , & la » manière dont les paffions y font ïendues , I» tiennent plus ou moins de la nature. (L.) m [ ■’■' T R O U , ( fubft. mafc. ) Ce mot s’employe relativement à la compofition , & relativement à l’effet. On dit qu’il y a des trous dans la TUE ^ compofition , lorfque les objets, étant mal grouppés , leurs parties laiflent voir le fond, comme au travers de plufieurs trous. Il y a des trous relativement à l’effet, quand cer-«  taines parties d’un objet qui eft fur les premiers plans font du même ton que des objets qui fe trouvent fur des plans reculés. Alors les tons des objets avancés étant les mêmes que ceux des objets reculés, percent avec eux ^ comme difent les peintres, & font des trous^ (L.) TUER, (v. aa. ) On dit qu’une partis d’un tableau en tue une autre, quand elle ert détruit l’effet. Quand un tableau d’une couleur vigoureufe ell voifin d’un tableau foiblement coloré, on dit qu’il le tue, (L. )