Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Rompre

ROMPRE, (verbe actif) Rompre les couleurs ne doit s’entendre que de l’action de varier des couleurs sur le tableau. Ainsi les couleurs rompues pourroient aussi s’appeller teintes rompues, perce que c’est un changement de teintes sur un même objet.

Pour bien sentir la force de cette manière de parler qui n’a lieu que dans la partie qu’on appelle coloris, il faut être instruit de quelques principes élémentaires bien simples.

Les couleurs naturelles sont celles dont le peintre charge sa palette ; elles sont dans l’état où on les achete dans les boutiques, & la main de l’artiste ne les a pas encore mélangées. Or, les cas où ces couleurs doivent être employées en nature sont très-rares : pourquoi ? C’est qu’il est très-rare que les couleurs locales de la nature à imiter par l’artiste, soient précisément les mêmes que celles dont sa palette est chargée, & il est encore plus rare que la couleur réelle ou locale de l’objet ne soit pas altérée, modifiée ou relevée, soit par le plan qu’occupe cet objet, soit par l’effet de la lumière & de ses déclinaisons. Ainsi, il est nécessaire que les couleurs dont le peintre use pour son art soient rompues sur son tableau.

On n'admet guères le précepte de la rupture des teintes que dans le même objet, comme tous l'avons dit. Ainsi que l'artiste ait à peindre un mur, on exige qu'il ne soit pas de la même teinte & qu'il ime la variété des couleurs que la nature offre, & on lui dit : il faut user de couleurs rompues, il faut rompre vos couleurs.

Usons d'un exemple dans un cas un peu plus recherché. Le peintre veut donner pour fond un rideau rouge au portrait d'un homme vêtu de noir ; ce rideau doit être de couleurs rompues, 1°. parce que la distance du rideau au devant du tableau lui fait perdre de la puissance de sa couleur propre, 2°. parce que le pavé, les meubles, la figure du portrait elle-même peuvent répandre des teintes étrangères sur ce rideau qui changent la nature de sa couleur. 3°. Enfin ce rideau forme des plis qui produisent différens plans, & offrent dos surfaces diverses soit à la lumière, soit à l'ombre. Les masses ombrées de leur côté prennent des teintes des objets voisins qui réfléchissent des rayons lumineux. Par toutes ces rairons, la couleur locale du rideau rouge doit être rompue, celles de ses diffèrentes masses doivent l'être aussi, & il ne reste aucune de ses parties qui conserve la nature de sa couleur réelle.

Le tableau que nous avons eu en vue, en proposant cet exemple pour la rupture des teintes, est celui de Rubens où il a représenté François de Médicis grand duc de Toscane, dans la galerie du Luxembourg ; ouvette autrefois à l'instruction & à la curiosité publique. (Article de M. Robin.)