Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Pratique Lettre V


(p. 782-804).

V

VERD. (adj. pris substantivement.) Les différentes couleurs vertes qu’on peut employer en peinture, excepté celles que l’on peut former par le mêlange du jaune & du bleu, ont pour base le cuivre.

Parmi les verds que fournit le cuivre, il en est un que l’on doit à l’acide végéal al qui a dissous ce métal, & avec lequel il forme un sel connu sous le nom de verdet ; les autres sont du cuivre pénétré par une matière grasse, & souvent mêlé avec d’autres terres, comme nous l’établirons en parlant de la malachite, du bleu & du verd de montagne, & de la terre de verone.

VERDET ou VERD-DE-GRIS. C’est le nom que l’on donne au cuivre dissous par le vinaigre. On le prépare, sur-tout en Languedoc, de la manière suivante : On humecte des grappes de raisins sechées avec du vin aigri ; on les met dans des vaisseaux de terre, pour qu’ils fassent une fermentation douce & lente pendant neuf ou dix jours ; on les écrâse ensuite dans les mains ; on en forme de petites boules que l’on met dans un vaisseau de terre ; on y verse assez de vin aigri pour que les boules y trempent à moitié. On couvre le vaisseau, & on laisse les boules en macération pendant douze ou quinze heures, ayant soin cependant de les remuer de quatre en quatre heures. On retire ces boules, un les arrange sur des bâtons quarrés, à la hauteur d’un pouce au-dessus du vin, & on les y laisse pendant dix à douze jours. Au bout de ce temps, on écrâse les boules entre les mains, on les met dans le même vaisseau dont on a parlé, en les arrangeant lits par lits, alternativement avec des lames de cuivre. Le premier lit est de cuivre, le lit suivant est de grappes de raisins, & ce sont aussi de ces grappes qui forment le dernier lit ; ensorte que les grappes occupent toujours le dessus de chaque lit. On bouche le vaisseau, & on le laisse en cet état pendant six ou sept jours. On retire alors les lames de cuivre ; elles sont couvertes de rouille ; on les pose les unes sur les autres, & on les humecte par les côtés avec du vin. On les tient enveloppées pendant quelque temps dans des linges qui ont été trempés dans le vin. Enfin on racle la rouille ou le verd-de-gris qui s’est formé sur les lames.

On met ce verd-de-gris dans des vessies ou dans des tonneaux ; il s’y dessèche, & forme des masses plus ou moins considérables. Réduit en poudre, il peut être employé dans la peinture.


Mais comme il arrive qu’il s’y rencontre de la terre fournie par les grappes de raisin qui s’y sont détruites en partie, & qu’il s’y trouve aussi différens corps étrangers, on a recours à la préparation suivante, pour le détacher de ces impuretés. On fait dissoudre dans du vinaigre blanc le verdet ; ensuite on filtre la dissolution, on la rapproche, par l’evaporation dans des vaisseaux. Elle fournit, par le refroidissement de beaux crystaux verdâtres, grouppés ensemble, & connus dans le commerce sous le nom de verdet distillé.

Ces crystaux de verdet ne diffèrent du verd-de-gris qu’en ce qu’ils contiennent une plus grande quantité d’eau, à laquelle ils doivent, & leur forme & leur belle couleur. Quand ils perdent l’eau de la crystallisation, & qu’ils son réduits en poudre, leur intensité diminue. Il est important d’avertir, & les artistes ne doivent pas oublier que ce verdet crystallisé étant employé dans la peinture à l’huile, est sujet à causer différentes altérations dans le tableau : l’eau de la crystallisation de ce sel n’étant point évaporée, s’échappe à l’aide du temps, & peut faire boursoufler l’enduit huileux. Il faut savoir aussi que les bleus fournis par le cuivre étant employés avec l’huiles, ne peuvent manquer de verdir.

Malachite. Le verd-de-gris ne doit sa couleur verte qu’à une portion de malachite qui le rencontre dans ce sel ; elle est produite par la matière grasse que cet acide contient.

Si la malachite n’étoit pas si rare, elle fourniroit un des plus beaux verds que l’on connoisse. Cette couleur est toute préparée par la nature, & l’on peut en produire d’artificielle, comme je l’ai démontré dans un mémoire que j’ai lu à l’Académie des Sciences.

La malachite est formée par une matière grasse & du cuivre. On en rencontre dans les différens pays où il y a des mines de ce métal. Les plus belles nous viennent de Sibérie ; elles se trouvent d’ordinaire dans les cavités des mines de cuivre, en morceaux protubérancés plus ou moins grands, plus ou moins compactes ; elles prennent accroissement comme les stalactatites & les stalagmites ; on s’en apperçoit facilement lorsqu’on les examine. La malachite tire son nom de sa couleur, qui ressemble à celle de la mauve, en grec μαλαχη. On en a long-temps distingué de quatre espèces : l’une verts & de couleur de mauve ; l’autre verte, mêlée de veines blanches & de taches vertes ; une autre d’un fond verd, mêlée de bleu ; la quatrième approchant de la couleur de la Turquoise.

On ne donne à présent ce nom qu’à une espèce de stalactite cuivreuse, d’un très-beau verd ; elle est susceptible du poli, & suivant le morceau & la coupe qu’on en fait, elle offre des dessins variés & fort agréables, soit par des lignes disposées les unes sur les autres, & de différentes nuances de verd, soit par des cercles de diverses grandeurs. J’ai trouvé des moyens de faire de la malachite artificielle, en suivant le procédé que je vais indiquer.

J’ai dissous du cuivre par l’alkali volatil dégagé du sel ammoniac, par le moyen de l’alkali fixe, en laissant cette dissolution, qui est d’un beau bleu d’azur, exposée à l’air dans un vaisseau. L’alkali, décomposant la matière grasse, reste inhérent au cuivre, & lui donne une couleur verte. Par l’évaporation insensible, on obtient des crystaux du plus beau verd, mais rassemblés confusément : c’est ce que je nomme malachite artificielle ; elle a toutes les propriétés de la naturelle.

Cuivre soyeux. La mine de cuivre soyeux de la Chine pourroit être employée en peinture aux mêmes usages que la malachite. Cette mine ne doit son origine qu’à la décomposition des crystaux cuivreux formés par l’alkali volatil & le cuivre. Si l’on expose à l’air un de ces crystaux, il se couvre d’une efflorence verte, devient cellulaire, augmente de volume & diminue de poids.


Verd de montagne. Ce n’est qu’une altération du bleu. Il faut considérer les terres de couleur bleue, comme étant encore dans l’état salin. Elles doivent cette couleur à une dissolution de vitriol cuivreux, qui est décomposé en passant sur une terre calcaire : l’acide qui sert de base à ce sel, s’en empare, la terre cuivreuse se dépose, la terre calcaire lui donne une couleur bleue. Peut-être vient-elle du mixte salin qui se dégage, quand l’acide s’unit à la terre calcaire. Cette couleur bleue n’est que de peu de durée, & toujours elle passe au verd.

C’est un effet dont il est très-essentiel que le peintre soit averti. Lorsqu’on a mêlé le bleu de montagne avec l’huile, & qu’elle a porté sur ce bleu son action, l’acide qui entre dans l’huile comme partie constituante, agit sur le cuivre, & le sel qui en résulte est verd. L’huile elle-même étant propre à dissoudre ce précipité de cuivre, lui donne la même couleur.

On trouve dans le commerce un bleu de montagne qui est d’un bleu clair tirant sur le verd. On le tire de la pierre d’Arménie. On commence par réduire cette pierre en une pou-


dre très fine ; on la jette dans de l’eau, & on l’y remue : on donne le temps à la partie la plus pesante de tomber au fond, on décante l’eau, & on recueille la poudre qui s’est précipitée. On se met à la broyer de nouveau, on la mêle avec de l’eau de gomme assez claire, on l’y délaye avec soin, on laisse tomber au fond la partie la plus déliée pendant une demi-heure, on la ramasse & on la fait sécher. (Ce que nous venons de transcrire peut servir de supplément ou de correctif à ce qu’on lit sur le verd de montagne, à l’article Bleu.)

Il vient du verd de montagne de Hongrie. On peut en obtenir d’artificiel, en faisant dissoudre du vitriol bleu dans de l’eau, & en y ajoutant de l’alkali fixe ou volatil, ou de la terre calcaire. Le précipité lavé donne un assez beau bleu, susceptible de la même métamorphose que le naturel, qui perd bientôt cette couleur pour devenir d’un très-beau verd.


Terre de Verone. La terre connue sous ce nom est d’un verd sale. Elle tire son nom d’une ville d’Italie, d’où on nous l’envoie. On en débite dans le commerce de deux espèces. L’une est une terre argilleuse, qui doit sa couleur verte au cuivre ; l’autre, qui est moins estimée, est une espèce de marne de la même couleur : toutes deux se changent au feu en un verre noir. La première est plus seccative que la seconde. (Note de M. Sage, de l’Académie des Sciences, communiquée à M. Watelet, & trouver dans les papiers de cet amateur.)

Déjà, dans plusieurs articles de ce Dictionnaire, on a prévenu les peintres contre les couleurs qui proviennent de cuivre. Toutes menacent plus ou moins leurs ouvrages d’altération : la prudence & le soin de leur gloire leur ordonnent donc de s’abstenir de celles qui ont fait l’objet de cet article. On peut seulement en faire usage dans des travaux qui doivent être de peu de durée.


Cendre verte. Elle est ainsi que la cendre bleue, & le verd & le bleu de montagne, & que la terre de Vérone, are combinaison de rouille de cuivre. Toutes ces substances deviennent brunes au feu. Poussées à la vitrification, elles pourroient servir dans la peinture en émail, sur la porcelaine & sur la faïence. Le verd-de-gris, ainsi vitrifié, y produit la couleur d’émeraude, & peut donner un verre brun rougeâtre.


Verd de vessie. Il se compose avec les bales mûres de nerprun. On reconnoît leur maturité à leur couleur noire. On les écrâse, on les fait bouillir, on en exprime le suc qui est visueux, en le passant à travers un linge ou un tamis de crin ; on le met évaporer à petit feu, jusqu’à ce qu’il soit réduit en une consistance de miel. On y ajoute, en petite quantité, de l’alun de roche. La liqueur perd son rouge-noir pour prendre un beau verd. On la garde dans des vessies, ce qui lui a fait donner le nom qu’elle porte. On suspend ces vessies dans un lieu chaud, où la couleur se duroit ; alors elle ne risque point de se gâter. Si on mêle à ce verd de la craie ou de l’eau de seche, c’est une laque verte. On peut conserver cette décoction en liqueur dans des bouteilles bien bouchées : elle s’y conserve bien, & fournit un beau verd pour le lavis.

Verd de zinc. Voici ce que prescrit, pour faire cette couleur, l’Auteur du Traité de la peinture au pastel : « Dissolvez séparément du zinc dans de l’esprit de nître, & du safre bien calciné dans de l’eau régale. Mêlez ensuite une partie de la dissolution de zinc avec deux parties de celle de safre. D’un autre côté, dissolvez de la potasse dans de l’eau chaude, versez trois parties de cette dernière dissolution dans le mêlange du zinc & du safre. Rassemblez le précipité sur un filtre avec de l’eau. Quand l’eau sera passée au travers du filtre, mettez-le dans un creuset, & poussez-le au feu, jusqu’à ce qu’il soit devenu verd. Il faut ensuite le laver à plusieurs reprises. »

Vermillon. (subst. masc.) C’est un mélange de cinnabre & de minium. Cette couleur est mauvaise à l’huile. Les peintres doivent même se défier du cinnabre qu’ils achètent en poudre, car il est souvent mêlée de minium. Au reste, c’est souvent le cinnabre qu’on appelle vermillon.

VERNIS. (subst. masc.) Il est bien difficile qu’un tableau qui vient d’être terminé ne soit pas embu en tout ou en partie. Il est nécessairement embu dans sa totalité, s’il a été peint sur une impression trop récente, ou s’il a été repeint en entier sur une ébauche qui n’étoit pas assez sèche : il l’est seulement en partie, si quelques endroits ont été repeints sur des couleurs couchées trop récemment. On détruit l’embu ; on rend aux teintes leur fraîcheur & leur vivacité, en couvrant la peinture d’un vernis.

Mais il a un inconvénient ; c’est qu’il peut détremper & délayer les couleurs qui ne sont pas encore parfaitement sèches, & le moindre danger dont l’artiste soit menacé, c’est de voir brouiller ses teintes. On se contente donc alors de prendre pour vernis un blanc d’œuf qu’on a soin de bien battre, & dont on frotte légérement tour le tableau avec une éponge ou un linge. Si l’on veut ensuite retoucher le tableau, ou le couvrir d’un vernis quand enfin il est bien sec, on enlève aisément le blanc d’œuf avec un linge mouillé.


Voici une manière de faire un vernis très-clair avec du blanc d’œuf. On le bat jusqu’à ce qu’il se soit élevé beaucoup d’écume ; on jette cette écume comme inutile, & l’on incorpore ce qui reste avec de l’eau-de-vie & du sucre candi. Mais il est toujours plus sûr de s’en tenir au simple blanc d’œuf, quand le tableau est très nouvellement peint.

Quand on ne doute plus qu’un ouvrage soit parvenu à l’état de parfaite siccité, il est temps de lui donner l’éclat d’un vernis. Cet éclat peut être appellé le fard des petits tableaux de cabinet, & comme toute espèce de fard, en prêtant à la nature un charme emprunté, il altère quelques-uns de ses véritables attraits. La base principale des vernis dont on fait usage pour cet objet, est de la térébenthine qui doit être fort claire, & de l’essence de térébenthine. On y joint une autre substance siccative, sans laquelle le vernis conserveroit toujours une qualité gluante & onctueuse : cette substance est ordinairement la gomme-laque blanche & bien claire. On lui préfere encore le mastic. Quoique la dose de ces ingrédiens ne soit pas bien déterminée, on peut prendre une once de térébenthine, deux onces d’essence & une demi-once de siccatif ; c’est-à-dire, de mastic ou de gomme-laque. On les mêle dans une fiole plus grande qu’il ne faut pour les contenir, & on met chauffer la fiole à un bain-marie qu’on laisse bouillir pendant un quart d’heure : mais l’eau doit être encore froide quand on y met la fiole ; car il faut que le mêlange s’échauffe peu-à-peu, & s’il étoit saisi par une chaleur subite, comme il est très-inflammable, il pourroit détonner, faire sauter le verre en éclat, & blesser les assistans. Pendant que le vernis cuit, on bouche légérement la bouteille, & l’on prend garde qu’elle ne se renverse. Une plus ou moins grande quantité de térébenthine rend le vernis plus ou moins épais. S’il n’a pas assez de corps, il faut vernir à plusieurs reprises, parce que l’essence de thérébentine s’évapore aisément, tandis que la thérébentine s’incorpore dans la couleur.

On fait aussi du vernis avec le sandaraque. C’est une gomme fort claire qu’on fait fondre à feu lent, dans l’esprit-de-vin ou l’essence de thérébentine. Ce vernis off trè-beau ; mais il ne convient point aux tableaux qui peuvent éprouver de l’humidité. Il les fait fariner, & il se montre, aux endroits qui ont été mouillés, des taches blanches qu’on ne peut détruire qu’en enlevant entièrement le vernis. D’ailleurs il est toujours à craindre que l’esprit-de-vin ne fasse écailler les peintures.

On couche le vernis avec une brosse douce de soies de porc ; quand le tableau n’est pas fort anciennement peint, il faut frotter bien légérement, de peur que l’essence de térébenthine détrempe les couleurs. Quelquefois le vernis refuse de prendre, & glisse sur les couleurs comme de l’eau sur un corps huilé. Dans ce cas, il faut souffler son haleine sur le tableau, & le vernis n’a plus de peine à prendre.

Pour enlever le vernis de dessus un tableau, en se sert de petits morceaux de linge trempés dans de l’esprit-de-vin, dont on frotte le vernis changeant souvent de linge. Cette opération exige beaucoup de soins & de prudence, sur-tout quand la peinture n’est pas ancienne, parce que l’esprit-de-vin, qui dissoud le vernis, peut aussi dissoudre la couleur. Quand le vernis est bien sec, on peut l’ôter en frottant avec le bout du doigt.


Vernis pour les plâtres. La manière de vernir les plâtres est un procédé qui appartient aux arts, puisque son objet est de conserver dans leur beauté des ouvrages de l’art. Prenez quatre gros du plus beau savon, & quatre gros de la plus belle cire blanche : ratissez le savon & la cire dans une pinte d’eau contenue dans un vase neuf & vernissé. Tenez le tout sur des cendres chaudes, jusqu’à ce que le savon & la cire soient bien fondus. Alors trempez-y votre morceau de plâtre que vous tiendrez suspendu par des fils. Soutenez-le un moment dans ce mêlange. Un quart d’heure après, trempez-le de rechef. Vous laisserez sécher la pièce pendant cinq à six jours, & alors vous la frotterez légérement avec une mousseline dont vous aurez enveloppé un de vos doigts. Ce mêlange, qu’on appelle improprement vernis, ne produit aucune épaisseur ; il conserve au plâtre toute sa blancheur, mais il lui donne un poli & un luisant qui n’est pas toujours favorable aux productions de la sculpture. Si le morceau étoit trop grand pour être tenu suspendu dans l’eau de savon & de cire, il faudroit y jetter de cette eau de façon qu’elle pût entrer dans tous les enfoncemens du travail. Les artistes aiment mieux conserver leurs plâtres dans leur état virginal ; & sans leur donner aucun vernis, ils leur laissent prendre celui du temps. Voyez l’article Tableau.

Vernis à la bronze. Avant de donner la recette de ce vernis, nous allons faire connoître différentes manières d’imiter le bronze dont nous n’avons pas parlé à l’article Bronzer. Toutes peuvent être employées sur des figures de pierre, de plâtre, de bois & d’ivoire. C’est dans la dernière seule de ces manières que l’on fait usage du vernis à la bronze.


Couleur de bronze antique. Il faut d’abord encoller les figures avec de la colle de parchemin bien chaude. On donne deux couches de olle. Quand elles sont sèches, on broye de


la terre d’ombre avec de l’huile grasse, & on en donne une couche sur le sujet, ayant soin que la couleur soit aussi peu épaisse qu’il est possible. On la laisse sécher deux ou trois jours. Ensuite on donne sur cette première couche une seconde couche de verd-de-gris, mêlé d’un peu de noir de fumée & broyé à l’huile grasse. Quand cette teinte a séché au point de ne happer presque plus, on prend de la purpürine à sec & en poudre, & on en couvre le sujet avec une petite brosse ou un pinceau : la purpurine est happée par la couche qui lui sert de fond, & qui n’est pas encore parfaitement sèche. Après cette opération, mettez de l’huile grasse dans les principaux enfoncemens, jettez-y du verd-de-gris en poudre, & ôtez avec le doigt ce qu’il y en a de trop. Enfin, vous aurez de l’or coquille que vous prendrez avec le doigt à sec, & dont vous frotterez les rehauts.

Voyez les articles Colle, Huile grasse, Or-coquille. Voici comment se fait la purpurine, dans les grandes villes, on peut en acheter. Mettez dans un creuset deux onces d’étain fin en rapures ; deux onces de mercure vif ; un quarteron de soufre vif en poudre ; une once de sel ammoniac. Broyez le tout sur le porphyre, & mettez-le dans un creuset & sur un feu de charbon. Faites chauffer jusqu’à la fusion, & remuez avec une verge de crainte que le mêlange ne s’attache au creuset. Quand il aura pris une couleur d’or, vous y jetterez encore un peu de mercure & vous jetterez encore. Laissez refroidir, & cassez le creuset pour en tirer la purpurine.


Couleur de bronze moderne. Encollez comme ci-dessus. Prenez une partie de verd-de-gris, une partie de litharge d’or, une partie de terre d’ombre, deux parties de minium, & une partie d’ochre rouge. Broyez bien le tout à l’huile grasse. Donnez-en une couche au sujet, & laissez-la sécher jusqu’à ce qu’elle ne happe que fort peu. Vous aurez du cuivre rouge en poudre ; & avec une brosse ou pinceau, vous en couvrirez à sec le sujet. Les rehauts se font avec la même poudre qu’on applique avec le doigt.

Voici comment on met le cuivre en poudre. On prend des battures de cuivre en feuilles ou livrets. On les broye avec de l’eau dans laquelle on a fait dissoudre de la gomme arabique, puis on les lave dans cinq ou six eaux & on les fait sécher.


Autre manière de bronzer. Prenez une once d’or d’Allemagne en feuilles, & les broyez avec du miel sur une glace. Mettez cet or broyé au miel dans une écuelle, & versez par dessus de l’eau de pluie ou de fontaine. Il faut renouveller ces ablutions deux fois par jour, & les continuer pendant cinq à six jours. Vous laisserez ensuite sécher votre poudre ; avant de l’appliquer, vous couvrirez la figure d’une couche de terre d’ombre broyée à l’huile grasse ; & quand cette couche sera assez sèche pour ne plus happer que foiblement, vous la couvrirez au pinceau d’une mince épaisseur de votre poudre ; & quand cet appareil sera sec, vous vernirez le tout légérement avec de l’huile grasse.


Autre. On prend du miel blanc, on le mêle avec l’or à l’aide d’un couteau sur le porphyre. On le met dans un vase de fayence, & on jette par dessus du vinaigre en assez grande quantité pour que le mêlange en soit couvert. On verse le vinaigre par inclinaison ; on jette de l’eau sur le mêlange deux ou trois fois par jour, pendant quatre à cinq jours. On jette l’eau ; on laisse sécher le mêlange, & on s’en sert avec un pinceau doux. Pour préparer le sujet à recevoir la bronze, on le frotte d’huile grasse, jusqu’à ce qu’il n’en boive plus. On le couvre d’une ou deux couches de terre d’ombre broyée à l’huile grasse. Cette couche étant sèche, on en met une ou deux autres de terre d’ombre & de stil-de-grain, jusqu’à ce que le sujet soit d’un verd-brun. Ces couches doivent être fort minces & très-unies. Il ne reste plus qu’à appliquer la bronze comme ci-dessus.


Autre, extraite de l’ancienne Encyclopédie. On prend du brun-rouge d’Angleterre broyé bien fin, avec de l’huile de noix & de l’huile grasse. On en peint toute la figure qu’on veut bronzer, puis on laisse bien sécher cette peinture. Quand elle est bien sèche, on y donne une autre couche de la même couleur, qu’on laisse encore sécher. Après quoi, l’on met dans une coquille ou godet du vernis à la bronze, & avec un pinceau imbibé de ce vernis, & que l’on trempe dans de l’or d’Allemagne en poudre, on l’étend le plus également qu’il est possible sur la figure qu’on veut bronzer. Au lieu d’or d’Allemagne, on peut prendre de beau bronze qui n’est pas si cher, & qui fait un bel effet. On en trouve de plusieurs couleurs chez les marchands.


Vernis d la bronze. On le compose en prenant une once de gomme-laque plate qu’on réduit en poudre très-fine, & qu’ensuite on met dans un matras de verre de Lorraine qui tienne trois demi-septiers. Alors on verse par-dessus un demi-septier d’esprit-de-vin, & l’on bouche le matras, le laissant reposer pendant quatre jours, pour laisser dissoudre la gommelaque. Il faut néanmoins pendant ce temps-là


remuer le matras, comme en rincent, quatre ou cinq fois par jour, afin d’empêcher que la gomme-laque ne se lie en masse & ne s’attache aux parois du marras-. Si, au bout de ces quatre jours, la gomme n’est pas dissoute, on mettra le matras sur un petit bain de sable, à un feu trés-doux, pour la faire dissoudre entiérement, & lorsqu’elle sera dissoute, le vernis sera fait. En mettant l’esprit-de-vin sur la gomme qui est dans le matras, vous le verserez peu-à-peu afin qu’il pénètre mieux la poudre, & de temps en temps, il faut cesser de verser l’esprit-de-vin, & remuer le matras en rinçant, & continuer jusqu’à ce qu’on y ait mis tout l’esprit-de-vin, pour qu’il soit bien mêlé avec la gomme-laque.

VERRE. (subst. masc.) Peinture sur verre. Les Egyptiens, les Grecs, les Romains, ont connu le verre blanc & coloré ; mais comme ils ne l’employoient pas à la clôture des fenêtres, ils n’ont pas eu occasion d’inventer la peinture sur verre.

La religion chrétienne a donné naissance à cette branche d’industrie, lorsqu’elle s’est étendue dans des climats rigoureux. Comme, par ses offices multipliés, elle retient longtemps les fidèles dans l’intérieur des temples, elle fit sentir le besoin de donner à ces temples la clôture la plus parfaite, & l’on imagina d’en garnir de vitres les fenêtres. Cet usage étoit établi dans les Gaules du temps de Grégoire de Tours.

Les vitreaux formèrent peut-être dès-lors une espèce de mosaïque, faites de morceaux de verres différemment colorés, & rassemblés par des bandes de plomb. Encore long-temps après les vitreaux étoient composés d’un nombre innombrable de pièces, dont quelques-unes, si petites qu’on peut à peine les tenir dans les doigts. On ne savoit encore peindre le verre qu’en masse, & par conséquent il ne pouvoit fournir que des ouvrages de rapports, qu’une sotte de marquetterie transparente.

Ce fut dans le onzième siècle que l’on trouva la manière de peindre sur verre avec des couleurs qui s’incorporoient dans le verre par l’action du feu. Si tous les arts qui tiennent au dessin n’avoient pas été plongés alors dans la barbarie, la peinture sur verre auroit pu faire des progrès rapides.

L’abbé Suger, au douzieme siècle, fit décorer de peintures les vitreaux de l’abbaye de St. Denis ; c’est le plus ancien ouvrage que nous connoissions en ce genre. Suger raconte lui-même qu’il avoit sait venir des pays étrangers les plus habiles maîtres. Ces maîtres étrangers étoient sans doute des Allemands.

Comme l’Allemagne a toujours devancé, dans les connoissances chymiques, les autres nations de l’Europe, il lui appartenoit de trouver la première la composition & l’emploi des émaux.

Dans le quatorzième siècle, on abandonna les paneaux de petites figures, que les peintres vitriers nommoient mosaïques, & l’on peignit des figures colossales ; elles représentoient des Saints posés ordinairement sur, des piédestaux. On indiqua les effets de l’ombre & de la lumière. Bientôt les particuliers qui donnoient des vitreaux peints aux églises, voulurent que leurs portraits y fussent représentés ; c’etoit une satisfaction pour leur vanité d’espérer que leur ressemblance leur survivroit sur une substance fragile, mais moins que la vie humaine.

Les peintres-vitriers tenoient alors le premier rang entre les artistes. En France, ils furent exempts de tailles, aides, subsides, garde-porte, guet, &c. Ils durent cette récompense de leurs talens à la munificence de Charles V. Ce prince sage reconnoissoit que les arts, tout imparfaits qu’ils étoient de son temps, méritoient d’être encouragés, & les encouragemens pouvoient seuls les conduire à la perfection.

Jean de Bruges, regardé comme l’inventeur de la peinture en huile, inventa aussi de ces couleurs métalliques vitrifiables que l’on appelle des émaux. C’étoit fournir à l’art de peindre sur verre de nouveaux moyens d’exécution, & lui préparer de nouveaux progrès.

Cependant cet art restoit encore sauvage : mais dans le quinzième siècle, Albert Durer, qui joignoit à la vaste étendue de ses talens celui de peindre sur verre, fit admirer pour la première fois sur des vitreaux la justesse des proportions, la précision des formes & la vérité de l’expression. Des vitres furent peintes à Paris & à Beauvais par ses élèves & sur ses cartons.

Le seizième siècle, ce bel âge des arts qui tiennent au dessin, le fut de la peinture sur verre. Jules II appella de Marseille des maîtres en ce genre pour décorer les vitreaux du Vatican. Ils eurent la gloire de travailler sous les yeux & sur les dessins de Raphaël. Mais avant la fin du même siècle, ce genre de peinture fut presque généralement abandonné par-tout, & depuis il n’a fait que languir.

Les ouvrages du dix-septième siècle ne furent que des tableaux sur verre en petit, tels qu’on en voit aux charniers de Saint-Etienne du Mont. Peut-être seroit-on autorisé à dire que, loin d’avoir rien perdu, la peinture sur verre, uniquement appliquée à des ouvrages de petite proportion, trouva le vrai genre qui lui convient. En effet, des compositions colossales, ou même dans des proportions voisines de celle de la nature, conviennent-elles à un genre de peinture, qui n’est en effet qu’une sorte de dessin enluminé, & qui opère sur un fond au-


quel on ne peut donner une certaine étendue, qu’en joignant par dus lames de plomb les pièces multipliées qui le composent ? Comment l’œil peut-il n’être pas choqué de voir une seule figure, un seul membre, une seule partie de draperie, plusieurs fois interrompue par les coutures grossières de ce plomb que jamais on ne peut bien dissimuler ? Si la peinture sur verre peut avoir un mérite véritable, c’est lorsqu’elle offre un sujet représenté sur la surface d’une seule vitre. Mais on ne confie depuis long-temps à l’industrie des peintres vitriers que des armoiries & des parties d’ornemens.

On dit que le secret de la peinture sur verre est perdu ; il faudroit dire seulement que cette sorte de peinture, pour des ouvrages de grande proportion, est entiérement abandonné, & l’on pourroit ajouter qu’il l’est probablement pour toujours. Mais les vitreaux du cloître des Feuillans n’ont été finis qu’en 1709, ceux du petit cloître des Carmes-Déchaussés qu’en 1738 : si le secret suivant lequel ces morceaux ont été exécutés étoit perdu, la perte seroit bien récente. Mais cette perte est imaginaire. Le secret qu’on regrette se retrouveroit aisément chez les Anglais ; s’il n’étoit pas resté à Paris dans une famille consacrée depuis plusieurs siècles à la pratique de cet art. C’est dans l’ouvrage d’un membre de cette famille, que nous allons puiser tout ce qui composera cet article. Les bornes dans lesquelles nous devons nous renfermer, ne nous permettront pas de faire connoître tout ce qu’il renferme d’utile ; & nous conseillons aux artistes qui se consacrent à la peinture en émail ou en porcelaine, de consulter l’ouvrage même de Pierre le Vieil. En décrivant dans le plus grand détail, tous les matériaux & toutes les opérations de la peinture sur verre, il a bien mérité de tous les artistes qui employent des substances métalliques colorées & vitrifiables.

COULEURS
propres à teindre des masses de verre.

Bleu céleste ou aigue-marine. Sur soixante liv. de fritte, ([1]) mêlez peu-à-peu & à différentes reprises, une livre & demie d’écailles de cuivre préparées, auxquelles vous aurez ajouté quatre onces de safre préparé, le tout en poudre très-fine. Remuez souvent. La couleur sera d’autant plus belle, que la fritte sera d’un crystal mieux purifié.

Bleu plus foncé, ou couleur de saphir. Sur cent livres de fritte de roquette, c’est-à-dire ; de soude d’Espagne, mettez une livre de safre préparé, réduit en poudre impalpable, & mêlé d’une once de magnésie de Piémont, préparée & bien tamisée. Exposez votre pot peu-à peu au feu du fourneau avant de le mettre en fusion : quand il commence à y entrer, remuez souvent le tout. Plus longtemps la matiere reste en fusion, & plus elle devient belle. Kunckel prescrit de ne pas la trop agiter pendant la fusion, pour n’y pas occasionner des bulles. Porta ne veut que deux dragmes de safre.


Couleur verte, imitant l’émeraude. Porta cette couleur, le verre doit être moins chargé de sel que pour toute autre ; trop de sel la rendroit bleue. Point de magnésie. Sur cent livres de verre bien purifié & entré en fusion, mettez trois onces de safran de mars, préparé & calciné selon l’art, laissez reposer pendant une heure. Ajoutez à six reprises, & par portions égales, deux livres de cuivre calciné à trois fois. Mêlez le tout, & remuez quelque temps. Laissez reposer deux heures cette mixtion, & laissez-la en fusion vingt-quatre heures, en remuant souvent. Néri substitue au safran de mars, des écailles de fer tombées de l’enclume des forgerons, bien nétoyées, édulcorées dans l’eau, broyées, séchées & tamisées. De cette maniere, le verre tirera un peu plus sur le jaune.


Jaune d’or. Sur cinquante livres de fritte de crystal fait avec le tarse, & cinquante livres d’autre fritte faite avec la roquette & le tarse, réduits en poudre impalpable, mêlez six livres de tartre rouge en morceaux, une livre & demie de bois de hêtre ou de bouleau, ou de cette poudre jaune que l’on trouve dans les vieux chênes ; le tout bien pulvérisé & tamisé Mettez la fritte & les poudres ensemble en fusion sans les remuer. Ecumez souvent.


Rouge couleur de feu ou de grenat. Sur cent livres de verre de crystal, & cent livres de fritte de roquette, bien mêlées, pulvérisées & tamisées, ajoutez une livre de manganese de Piémont, & une once de safie préparé, pulvérisé ; tamisé, & uni à la manganese. Mêlez le tout bien exactement. Remplissez le pot petit à petit. Quatre jours après, lorsque le verre sera bien purifié, & qu’il aura pris couleur à un feu continuel, on pourra l’employer. On variera les doses, suivant que l’on voudra la teinte plus ou moins foncée.


Couleur violette, ou d’améthiste. Sur chaque livre de frire de crystal faite avec le tarse, mais avant qu’il entre en fusion, mêlez une once de poudre composée d’une livre de magnésie de Piémont, d’une once & demie de safre bien unis ensemble. Exposez petit à petit votre pot au


fourneau. Faites fendre & travaillez ce verre aussitôt qu’il est purifié, & qu’il a reçu la couleur desirée. On peut augmenter ou diminuer la dose de poudre, suivant que l’on veut la teinte plus forte ou plus foible.


Noir. Joignez à des fragmens de verre de plusieurs couleurs, une partie de Magnésie sur deux de safre. Quand le verre sera bien purgé, vous pourrez le travailler.


Rouge foncé, suivant Néri. Prenez vingt livres de fritte de crystal, une livre de fragment de verre blanc, deux livres d’étain calciné. Mêlez le tout ensemble ; faites-le fondre & purifier. Ce mêlange fondu, prenez parties égales de limaille d’acier pulvérisées & calcinées, & d’écailles de fer bien broyées. Mêlez des deux substances & les réunissez ensemble en poudre impalpable. Mettez-en deux onces sur le verre fondu & purifié. Ce mêlange le fera gonfler considérablement. Laissez le tout en fusion pendant cinq ou six heures. Quand vous serez parvenu à la couleur de desirée, prenez environ six dragmes d’æs ustum préparé & calciné à trois fois : mêlez cette poudre dans le verre en fusion, & la remuez plusieurs fois. Des la troisieme ou quatrieme fois, votre matiere paroîtra avoir un rouge de sang. Dès que la couleur sera telle que vous la desirez, mettez-vous à la travailler ; autrement le rouge deviendroit noir. Pour éviter cet inconvénient, tenez toujours le pot découvert. Quand le verre aura pris une couleur d’un jaune obscur, c’est le moment d’y ajouter l’æs ustum. Il faut que la matiere ne s’échauffe pas trop dans le pot, & ne demeure pas plus de dix heures dans le fourneau. Si, dans cet intervalle, la couleur venoit à disparoître, on la rétabliroit, en y ajoutant de la poudre d’écailles de fer.


Rouge plus clair. Prenez de la magnésie de Piémont réduite en poudre impalpable, mêlez-la à une quantité ; égale de nitre purifié. Mettez calciner ce mêlange au feu de réverbere pendant vingt-quatre heures : ôtez-le ensuite : édulcorez-le dans l’eau chaude ; faites-le sécher : séparez-en le sel par des lotions répétées. La matiere qui restra, sera rouge. Ajoutez-y un poids égal de sel ammoniac. Humectez le tout avec un peu de vinaigre distillé, broyez.-le sur le porphyre, & le laissez s’écher. Mottez en suite ce mêlange dans une cornue à long col & à gros ventre. Donnez pendant douze heures un feu de fable & de sublimation : rompez alors la cornue ; mêlez ce qui sera sublimé avec ce qui sera resté au fond de la cornue : pesez la matiere, & ajoutez-y en sel ammoniac ce qui en sera parti par la sublimation. Broyez le tout comme auparavant, après l’avoir imbibé de vinaigre distillé. Remettez-le à sublimer dans une cornue de même espece. Répétez la même chose, jusqu’à ce que la magnifie reste fondue au fond de la cornue. Suivant Kunckel, une once, ou même un e demi-once de magnésie suffit sur vingt livres de crystal. Cette composition est plus propre aux pâtes & aux émaux, qu’au grand verre.


Rouge transparent & plus beau. On dissout de l’or dans de l’eau régale, qu’ensuite on fait évaporer. On réitere cinq ou six fois cette opération en remettant toujours de nouvelle eau régale après chaque opération, ce qui donne une poudre que l’on fait calciner au creuset, jusqu’à ce qu’elle devienne rouge. Cela arrive au bout de quelques jours. Cette poudre mêlée peu à-peu dans un crystal eu verre en fusion, & purifiée par de fréquentes extinctions dans l’eau, donne au verre une fort balle couleur de rubis.


Rouge de rubis, ou Pourpre de Cassius. Faites dissoudre de l’or dans de l’eau régalé : étendez la dissolution jaune qui en proviendra dans une grande quantité d’eau claire & pure : ajoutez à ce mêlange une quantité suffisante de dissolution d’étain, faite aussi par l’eau régale, & saturée à plusieurs fois. Il tombera quelque temps après au fond du vaisseau, une poudre rouge très-belle & colorée en pourpre. Décantez la liqueur & faites sécher la poudre : faites-en fondre ensuite quelques grains avec du verre blanc ; elle lui communiquera la couleur du rubis. Au reste ce procédé est plus utile à ceux qui veulent faire des rubis factices, qu’à ceux qui voudront produire des tables de verre pour les paneaux des peintres-vitriers.

La difficulté du succès dans la teinture des masses de verre en rouge, ou le haut prix qu’auroit exigé cette teinture, engagea les anciens peintres-vitriers à faire l’essai d’un émail rouge fondant. On le réduisoit en poudre impalpable, on le détrempoit à l’eau, on l’étendoit sur le verre avec une brosse, on multiplioit les couches autant qu’il étoit nécessaire pour obtenir la teinte desirée, & on portoit ces tables de verre ainsi enduites au fourneau, où la couleur étoit cuite & parfondue. On distingue encore sur des morceaux de verre rouge du treizieme ou du quatorzieme siecle, les traces de la brosse avec laquelle on a étendu la couleur. Cette couleur n’est que sur une face du verre, & n’en pénétre pas la masse.


Maniere de colorer au fourneau de recuisson des tables de verre blanc. Le verre coloré en masse, étoit fort cher ; on cherchoit à l’épargner ; on employoit les plus petits morceaux qu’on ajustoit avec du plomb, & le travail du peintre-vitrier ressembloit à celui du peintre en mosaïque : mais quand on eut imaginé de ne colorer en rouge qu’une des surfaces du verre, on


transporta ce procédé aux autres couleurs, & l’art y gagna.

Les opérations dont on va donner le détail on été essayées par le savant Kunckel, & il assure qu’aucune ne lui a manqué.

Email ou Fondant qui sert de base aux couleurs. Prenez trente livres de plomb, & trente-trois livres d’étain : que ces métaux soient bien purs ; faites-les calciner, passez-en la chaux au tamis, & faites-la bouillir dans un vase de terre neuf & vernissé, rempli d’eau bien claire. Lorsqu’elle aura un peu bouilli, retirez-la du feu. Ôtez l’eau par inclinaison ; elle entraînera avec elle la partie la plus déliée de la chaux. Reversez de nouvelle eau sur la chaux qui sera restée dans le vase : faites-la bouillir & la décantez de même. Cette opération le réitere jusqu’à ce que l’eau n’entraîne plus de chaux. Calcinez de nouveau les parties les plus grossieres qui sont restées au fond du vase, & retirez-en, comme la premiere fois, la partie la plus déliée. Faites ensuite évaporer toute cette eau, en donnant un feu lent vers la fin de l’évaporation, précaution nécessaire pour que la chaux qui est au fond ne brule pas.

Prenez cinquante livres de cette chaux & autant de fritte faite avec le tarse & le caillou blanc, bien broyé & tamisé avec soin ; huit onces de sel de tartre, ou plutôt, suivant Kunckel, huit onces de potasse bien purifiée ; mêlez ces matieres, & mettez-les au feu pendant dix heures dans un pot de terre cuite. Après les avoir pulvérisées, vous, les mettrez dans un lieu sec, à couvert de toute poussiere. Cette poudre est la base de tous les émaux fondans.


Verre de fonte, ou rocaille. Le meilleur vient de Venise en forme de gâteaux : il est sans couleur, son épaisseur le fait seulement paroître jaunâtre. On peut prendre aussi des grains de chapelets, verds, jaunes, &c. de l’ancien verre des églises, ou de celui qu’employent les potiers. On réduit la rocaille en poudre très-fine après l’avoir broyée pendant vingt-quatre heures avec du vinaigre distillé.

Voici une maniere de faire la rocaille, donnée par Haudicquer de Bloncourt, dans son Art de la verrerie. Prenez une livre de sable très-blanc & très-fin, avec trois livres de mine de plomb ; pilez le tout ensemble au mortier, & mettez le dans un creuset fort & bien luté. Le lut étant sec, mettez-le dans un fourneau de verrier, ou dans un fourneau à vent, dont le feu soit violent, pour réduire cette matiere en verre.

Telles sont les, préparations des substances qui servent de base aux différentes couleurs propres à peindre sur le verre. Passons aux opérations nécessaires pour la composition des couleurs.

Noir. Partie d’écailles de fer, partie d’écailles de cuivre, deux parties de l’émail ci-dessus indiqué.


Autre. Grains de rocaille, écaille de fer ou de cendre, de l’antimoine : parties égales.


Autre. Une livre d’émail, trois quarterons d’écailles de cuivre, & un quarteron d’écailles de fer, ou deux onces d’antimoine. Broyez les matieres pendant trois jours sur une plaque de fer, en les humectant avec de l’eau claire. Il faut, pour que la couleur soit parfaite, qu’elle prenne sur la plaque un œil jaunâtre, & qu’elle s épaississe assez pour s’y attacher. Relevez alors la composition, faites-la sécher, & passez-la par un tamis très-fin. Ensuite délayez-la avec de l’eau gommée, & portez-la sur le verre en la couchant plus ou moins épaisse, suivant que vous la voulez plus ou moins noire.


Noir plus beau. Deux parties de cendres de cuivre & une partie d’émail : broyez à l’esprit de vin.


Noir supérieur. Une once de verre blanc, six gros d’écailles de fer, une demi-once d’antimoine, un gros de manganese. Broyez avec de fort vinaigre. Le reste comme à la premiere composition.

Brun. Une once de verre blanc ou d’émail, une demi-once de magnésie. Broyez pendant trois jours en humectant d’abord avec du vinaigre, ensuite avec de l’esprit de vin ou avec de l’eau claire. Faites sécher le reste comme pour le noir.


Rouge. Demi-once de bon crayon rouge, une once d’émail bien broyé & pulvérisé. Joignez-y un peu d’écailles de cuivre, afin que le mêlange ne se consume pas si facilement au feu. Broyez bien le tout. Essayez sur un petit morceau de verre. Si la couleur se dissipoit au feu, ajoutez-y un peu d’écailles de cuivre.


Autre. Une partie de couperose, une partie de grains de rocaille, en quart de crayon rouge. Mêlez en broyant.


Autre. Une partie de crayon rouge fort dur, deux parties d’émail, un quart de partie de rocaille.

La premiere composition doit être broyée avec du vinaigre, les autres avec de l’eau claire. Le reste comme pour le noir.


Rouge supérieur. Egales parties de safran de mars, de verre d’antimoine, ou de rocaille jaune. Ajoutez un peu de vieille monnaie calcinée avec le feuille. Broyez ces matieres, & les ré-


duisez en poudre impalpable. Le reste comme pour le noir.


Couleur de chair. Une demi-once de minium, une once de l’émail que nous avons indique sous le nom de rouge foncé, en parlant des couleurs propres à teindre le verre en masse ; une once de verre de fonte, ou de rocaille. Broyez le tout avec de l’esprit de vin sur un marbre trés-dur. Faites sécher, &c. comme pour le noir. Cette couleur demande, au fourneau de recuisson, une calcination très-modérée ; il est bon de la mettre dans le milieu de la poële à recuire.


Bleu. Bleu de montagne, & grains de rocaille en parties égales. Broyez, faites sécher, réduisez en poudre impalpable comme ci-dessus.


Bleu d’émail. On peut le substituer à celui de montagne. En voici la préparation. Quatre livres de la fritte dont on fait l’émail qui sert de base aux couleurs, quatre onces de safre, quarante huit grains d’æs ustum ; on diminue la quantité du safre, en proportion que l’on veut la teinte plus foible. Le tout bien pulvérisé, doit être mis au fourneau de verrerie, dans un vase bien vernissé en blanc. Quand le mêlange est en fusion, on le verse dans de l’eau claire pour le bien purifier, on le met fondre de nouveau, & on l’eteint encore dans l’eau par deux à trois fois.


Verd. Rocaille verte, deux parties ; limaillde laiton, une partie ; minium, deux parties. Broyez le tout sur une plaque de cuivre avec de l’eau claire ; faites sécher, pulvérisez, &c.


Jaune. Faites dissoudre de l’argent en lames dans de l’eau forte. Quand il sera dissous, jettez dans l’eau forte des lames de cuivre ; l’eau forte lâchera l’argent qui tombera au fond. Décantez l’eau forte qui entraînera avec elle la dissolution de cuivre : mêlez l’argent à trois parties d’argille bien calcinée ; broyez, &c.


Autre. Prenez de l’argent en lames ; faites-le fondre dans un creuset ; lorsqu’il sera en fusion, jettez-y peu-à-peu assez de souffre pour le rendre friable. Broyez-le sur une écaille de mer jusqu’a ce qu’il soit réduit en poudre fine. Ajoutez ensuite une quantité de poudre d’antimoine égale à celle de l’argent ; broyez & mêlez bien ces deux matieres. Faites rougir au feu de l’ochre jaune, elle deviendra d’un rouge brun. Eteignez-la dans de l’urine ; mêlez-en deux parties avec une d’argent & une d’antimoine ; broyez, faites sécher, &c.


Jaune pour un verre dur & raboteux. Partie d’ochre calcinée : partie d’argent calciné avec le souffre, Broyez, &c.

Autre. Faites, avec de la vieille monnoie d'argent, une limaille très-fine : mettez-la dans un creuset & faites la rougir. Alors jettez par dessus gros comme deux ou trois pois de souffre ; remuez avec une baguette de fer : le souffre ; consumera l'alliage, & l'argent se changera en une poudre grise. Mêlez deux ou trois fois autant d'ochre calcinée, & broyez le tout au moins pendant seize heures. Faites sécher &c. Ce jaune, dit Kunckel, prend bien sur le verre de Bohême & de Venise ; mais il faut auparavant frotter la table de verre avec un morceau de drap trempé dans de l'eau claire & de la poudre de verre.

Pour unir le verre raboteux sur lequel le jaune prendroit mal, on peut employer la composition suivante. Prenez deux parties d'écailles de fer, une partie d'écailles de cuivre, & trois d'émail. Broyez le tout sur le marbre, ou sur une plaque de cuivre ou de fer. Détrempez cette poudre, qui doit être très-fine, dans de l'eau claire, & frottez-en le verre avec un morceau d'étoffé.


Jaune clair. Mettez dans un creuset des lames de laiton fort minces : répandez sur ces lames du souffre & de l'antimoine broyés. Mettez un autre lit de lames, puis un autre de poudre, & ainsi de suite. Faites calciner le tout, jusqu'à ce que l'argent s'éteigne de lui-même. Jettez ce mêlange tout rouge dans de l'eau froide, il deviendra friable. Joignez à cette calcination six parties d'achre jaune, calcinée & éteinte dans le vinaigre : broyez le tout sur la pierre pendant seize heures : faites sécher, &c. On peut varier la teinte de cette couleur, en changeant la dose de l'ochre.


Violet. Ajoutez aux recettes pour le bleu, un peu de magnésie. La dose doit varier suivant la teinte que l'on desire.


Pourpre. Demi-once de minium, once d'émail pourpre, égale quantité de verre de fonte ou de rocaille ; broyez, séchez, pulvérisez, comme à la couleur de chair.

Voici la composition de l'émail pourpre dont on vient de parler. Sur quatre livres de fritte d'émail, prenez deux onces de magnésie : mettez ce mêlange dans un pot vernissé assez grand pour que le mêlange ne déborde pas en se gonflant. Faites fondre le tout à un fourneau de verrerie. Eteignez le mêlange fondu dans de l'eau bien claire. Répétez trois fois la même opération. A la quatriéme fois examinez si la couleur est telle que vous la desirez : si elle est trop pâle, ajoutez un peu de magnésie.


Maniere de coucher les couleurs sur les tables de verre. Il faut délayer les couleurs avec plus ou moins d'eau, dans laquelle on a fait dissoudre


du borax. On use la surface raboteuse du verre de la maniere que nous avons indiquée, & on y couche les couleurs. Pour les premieres couches, on doit employer une brosse de soie de porc, & ensuite une brosse de cheveux bien flexibles, dans la forme des larges pinceaux des doreurs. Les couleurs le couchent plus ou moins épaisses, suivant la teinte que l'on veut produire. Il faut remuer continuellement la couleur dans le vase qui la contient, car elle tombe au fond par son poids.


Recuisson des tables de verre enduites de couleur. Il est important que le verre qu'on se propose de colorer soit tout d'une même fabrique ; car il y a des verres plus durs, plus tendres, plus blancs, plus jaunâtres, &c. les couleurs sur des verres plus ou moins blancs, prendroient des teintes différentes. Sur des verres de dureté différente, il faudroit que les couleurs fussent mises dans des dégrés différens de fusibilité, ce qui apporteroit aussi un changement aux teintes. Cette attention est surtout de la plus grande importance pour le jaune, qui est la plus tendre de toutes les couleurs, & la plus aisée à se parfondre.

Nous supposons que les tables de verre sont enduites des couleurs qu'on veut leur faire prendre, & bien sèches. Il faut que la poële dans laquelle on doit les parfondre, soit proportionnée à la capacité du four dans lequel elle doit être placée. Si le four ou fourneau contient depuis le foyer jusqu'à la calotte, un pied dix pouces de hauteur dans œuvre, autant de largeur, & deux pieds & demi de longueur, (car ici la forme oblongue est toujours preférable au quarré parfait), la poële, qui doit toujours laisser un espace de trois pouces entre chacun de ses côtés & chacun des parois du fourneau, & six pouces entre elle & le foyer, & autant entre elle & la calotte, doit, dans toutes ses dimensions, être proportionnée en conséquence. Cette proportion est absolument nécessaire pour que la flamme puisse envelopper la poële de toutes parts. Cette poële est ordinairement de terre à creusets, non vernissée ; il seroit peut-être encore mieux, comme le veut Kunckel, qu'elle fût de tôle ou de lames de fer.

Avant d ; placer dans la poële les pieces de verre, on fait rougir dans un creuset de la chaux vive ; on la laisée refroidir, on la passe à travers un tamis bien serré, & l'on met au fond de la poële deux couches de morceaux de verre inutile. On répand par dessus une couche de cette chaux tamisée, de l'épaisseur d'un doigt, & on égalise cette couche avec une barbe de plume. On place par dessus une ou deux tables de verre coloré ; on les couvre d'une nouvelle couche de chaux, & ainsi successivement, en observant toujours que la derniere couche soit de chaux. Ensuite on pose la poële sur les barres de fer, adaptées aux parois du four, pour la supporter.

La poële ainsi posée, on place perpendiculairement des morceaux de verre dans la chaux, qui couvre le haut de la poële, ensorte qu'ils la débordent de deux pouces. On appelle ces morceaux de verre des gardes, parce qu'ils servent à faire connoître quand l'opération est achevée : car lorsqu'ils commencent à fléchir & à se fondre par la chaleur, il ne faut plus pousser le feu.

Avant de mettre le feu au four, on le couvre avec des tuiles ou carreaux de terre cuite, supportés par des barres de fer qui portent à droite & à gauche sur les parois : ils doivent être bien joints & enduits de terre grasse, afin que la chaleur se concentre & ne se porte pas au dehors. On observera de pratiquer aux quatre coins de la calotte, pour la sortie de la fumée, quatre trous d'environ deux pouces de diametre chacun.

On allume d'abord du charbon bien sec à l'entrée du foyer, & on en ajoute de nouveau, à mesure que la premiere commence à se consumer. On continue ce feu doux pendant deux heures. On l'augmente ensuite peu-à-peu avec de petits morceaux de bois de hêtre bien secs, afin que la flamme soit claire, & donne contre le fond de la poële sans exciter de fumée. On continue le feu avec de plus gros morceaux du même bois, que l'on place de chaque côté au-dessous de la poële. On attend, pour mettre un nouveau morceau de bois, que le premier commence à tomber en braise.

Il faut porter son attention sur les gardes & sur les barres de la grille. Quand les verre des des gardes plie ; quand les barres deviennent d'un rouge clair & la poële d'un rouge foncé ; quand, par les ouvertures des coins de la calotte, on s'apperçoit qu'il part des étincelles de la partie supérieure de la poële ; quand enfin le dernier lit de chaux paroît liquide comme de l'eau, ce qui ne peut être que l'effet d'une grande chaleur, on laisse le feu s'éteindre. Pour appercevoir plus distinctement ces traces de feu, ou ces étincelles, tirez le bois du four, de maniere qu'il ne circule plus de flamme au-dessus de la poële, & remuez la braise avec une baguette de fer : vous appercevrez ainsi facilement les étincelles qui s'élanceront de la partie supérieure de la poële. Si après six heures au moins de feu, vous ne remarquez aucune de ces indications, il faudra donner un plus grand feu, jusqu'à ce que les étincelles le forment & que la vapeur qui sort de la chaux vous la fasse paroître fluide. Alors vous cesserez le feu, vous fermerez l'entrée du four, & laisserez le tout se refroidir lentement, de peur qu'un trop grand air ne saisisse le verre & ne le casse.

Si, dans la même poële, on étoit obligé de mettre du verre plus dur & d'autre plus fusil le,


on placeroit le dernier au milieu, pour qu'il fût moins vivement atteint de la chaleur.

Lorsque le four est bien refroidi, on en retire la poële avec soin. On ôte la chaux, mais avec précaution, afin qu'elle puisse servir d'autres fois, & elle sera meilleure que de la chaux nouvelle. Il ne reste plus qu'à néroyer chaque surface du verre avec un linge doux.

Telles étoient, pour colorer le verre d'un seul côté, les opérations des peintres vitriers, lorsqu'ils faisoient des figures d'une grande proportion, & qu'ils employoient pour une partie d'une grande étendue un seul morceau de verre d'une même teinte. Le défaut de variété dans les teintes, qui sont si variées dans la nature, prouve seul quelle étoit l'imperfection de cet art. Si cependant on vouloit le ressusciter, ce qui n'est pas vraisemblable, il ne faut pas croire, comme on l'a trop de fois avancé, que le secret de colorer le verre soit perdu. Il se trouveroit au contraire bientôt perfectionné dans la proportion des progrès qu'a faits la chymie.

Mais si la peinture sur verre venoit à renaître, il est probable que ce ne seroit que pour des sujets de petites proportions. Ce sont des émaux qu'il faut employer dans ce genre de peinture sur verre, le dernier qui ait été cultivé ; le secret de composer ces émaux n'est pas perdu, & nous allons en donner des recettes multipliées.


Emaux colorans pour peindre sur verre dans de petites proportions. Les émaux colorans en usage pour la peinture de petite proportion, sont quelque fois les mêmes que ceux que nous venons d'indiquer pour teindre des masses de verre, & pour colorer seulement une surface des vitres, & quand ils sont différens, ils en approchent au moins beaucoup. On employe de même les pailles ou écailles de fer qui tombent sous les enclumes des forgerons ; mais on préfére celles qui tombent sous le marteau des maréchaux. On fait encore usage du sablon blanc qu'on appelle sablon d'Etampes ; des petits cailloux de riviere les plus transparens, tels que ceux de la Loire ; de la pierre à fusil la plus mûre c'est-à-dire, la plus noire ; de la mine de plomb, du salpêtre, de la rocaille dont nous avons donné la préparation, mais qu'on tire de Hollande toute preparée. Elle n'entre dans la substance des émaux qu'en qualité de fondant : on peut ranger dans la même classe les stras, la glace de Venise & les crystaux de Bohême.

Entre les substances minérales qui servent à colorer ces émaux, on compte l'argent, la harderie ou ferret d'Espagne, le périgueux, la manganese ou magnésie, l'ochre calcinée, le gypse ou plâtre transparent, & les litharges d'or & d'argent, c'est-à-dire, les scories qui proviennent de la purification de ces métaux par le plomb. Entrons dans le détail des différentes couleurs.

Noir. Kunckel indique ici les mêmes recettes que pour colorer en noir les tables de verre. Nous allons en joindre d’autres.


Autre. Broyez pendant deux ou trois heures au plus, des écailles de fer sur une platine de cuivre, avec un tiers de rocaille. Gardez la couleur dans quelque vaisseau de fayence ou de terre vernissée : elle est sujette à rougir au feu. Il est bon de mettre un peu d’æs ustum avec la paille de fer.


Autre. Broyez sur une plaque de cuivre un peu convexe, pendant quatre heures au moins, quatre parties de rocaille jaune, & deux de pailles de fer : mêlez-y, en broyant, quelques grains de gomme d’Arabie.

On trouve dans des mémoires dressés par des artistes, une recette qui est la même pour le fond, mais dont la manipulation est bien plus recherchée. Ces soins ne peuvent qu’ajouter à la beauté de la couleur, & nous devons les indiquer.

Parmi les écailles de fer, choisissez les plus brillantes & les plus minces ; car les grosses n’étant pas assez brûlées, seroient dures à piler & à broyer. Nettoyez-les bien sur une assiette, sans y laisser aucune ordure. Pilez-les dans un mortier de cuivre jaune, & pour être assuré de sa propreté, frottez-le auparavant avec de la poudre de verre. Passez au tamis de soie les écailles réduites en poudre, pilez de nouveau le résidu & le passez de même. Il faut piler la rocaille avec le même soin, & la réduire en une poudre aussi fine.

Ces poudres mêlées ensemble seront broyées avec de l’eau bien claire sur une platine de cuivre rouge. Une molette de marbre seront trop tendre ; elle doit être d’un caillou plus dur. Elle peut être de bois garni d’une forte plaque d’acier. On ramasse la couleur avec une amassette de cuir fort. Il ne faut broyer qu’une petite quantité de poudre à la fois, & après l’avoir broyée pendant trois heures au moins, on tâte sous la dent si elle est assez douce. Tant qu’elle crie, il faut continuer à broyer.

On met sécher la poudre dans un morceau de craie. Quand on veut l’employer, on la pile, on la broye de nouveau, mais pendant peu de temps, en y ajoutant sur la fin un peu de gomme d’Arabie bien seche & de sel marin. On la leve ensuite de dessus la platine avec l’amassette, on la fait tomber avec un liteau de verre, dans le plaque-sein de cuivre ou de plomb, moins dans le fond que sur le bord, puis on verse sur cette couleur du lavis ou eau de gomme dont voici la préparation.

Prenez six ou sept grains de gomme d’Arabie


bien seche, mêlez-y le même nombre de grains de sel, & autant de couleur noire qu’il en faut pour rendre ce lavis fort clair ; la couleur doit être dans un bassin de plomb toujours couverte de ce lavis pour qu’elle ne se desseche pas trop vîte : La gomme, après avoir été pilée & broyée, est misé dans une bouteille avec la quantité d’eau que l’on croit convenable. Quand vous voudrez travailler, penchez le plaque-sein, afin que l’eau gommée s’incline toujours vers le bas ; mouillez ensuite votre pinceau dans l’eau ; trempez-le dans la couleur épaisse, essayez-en sur un morceau de verre, adoucissez-la avec le balai. Pour reconnoître si votre couleur est séche, passez la langue dessus. Si à la troisiéme fois elle ne s’efface pas, vous pouvez l’employer : si elle s’efface, apprêtez de l’eau de gomme, & si elle ne tenoit pas encore, faites y dissoudre gros comme un pois de borax de roche. Au reste, cette couleur s’employe mieux quand elle est fraîchement broyée, ainsi l’on ne doit pas en broyer trop à l fois.


Blanc. Sablon blanc ou d’Etampes, ou petits cailloux blancs & transparens ; faites-les rougir au feu dans une cuiller de fer ; jettez-les dans une terrine d’eau froide pour les calciner ; réitérez plusieurs fois & faites-les sécher. Pilez-les bien dans un mortier de marbre avec un pilon aussi de marbre ou de verre ; réduirez-les en poudre impalpable en les broyant sur le porphyre. Ajoutez à cette poudre une quatrieme partie de salpêtre ; mettez le tout dans un creuset, faites bien calciner, pilez de nouveau, & faites encore calciner une troisiéme fois à un feu plus vif que celui des calcinations précédentes. Pour vous servir de cette poudre, vous ajouterez, sur une once, la même quantité de gypse après l’avoir bien cuit sur des charbons ; vous y mêlerez aussi une once de roquette. Vous broyerez le tout sur une platine de cuivre un peu creuse avec de l’eau gommée, jusqu’à ce que le mêlange ait la consistance que vous desirez.


Autre. Prenez deux parties de cailloux blancs, calcinés au creuset & éteints dans l’eau froide ; deux parties de petits os de pieds de moutons, brulés & éteints de même, & deux parties de rocaille jaune. Broyez le tout comme le noir, & ajoutez-y de la gomme d’Arabie.


Autre plus expéditif. Rocaille jaune, broyée bien fine & lavée à plusieurs reprises ; pour lui donner plus de blancheur, ajoutez-y moitié en poids de gypse brulé & blanchi. Broyez ensemble comme pour le noir.


Autre. Des artistes fort expérimentés ont employé la rocaille seule, pilée & broyée sur une table de glace, parce qua le cuivre changeroit la couleur. La molette doit être aussi de verre. Il faut coucher cette couleur fort déliée, sans quoi elle seroit sujette à noircir au feu.

Pour préparer la rocaille, ils ne faisoient qu’ajouter au fable blanc, ou aux cailloux luisans, trois parties de mine de plomb rouge, & une demi parie de salpêtre rafiné. Ils faisoient passer le tout à la calcination d’un feu vif feulement pendant cinq quarts d’heure, & ils connoissoient que la substance étoit suffisamment liquéfiée, quand le filet qu’ils en tiroient du creuset au bout d’une verge de fer paroissoit, en se réfroidissant, uni comme une glace.

Ils avoient observé qu’il est facile de donner à la roquette toute sorte de couleurs. Pour la rendre blanche, ils y ajoutoient, lorsqu’elle étoit calcinée, un peu de crystal pulvérisé ; pour lui donner une couleur verte, Ils vuidoient le creuset sur du cuivre jaune ; pour la rendre rouge, fur du cuivre rouge ; pour la rendre noire, fur du marbre noir. S’ils vouloient la rendre entierement verre, ils jettoient dans le creuset, pendant la fusion, une pincée de paille de cuivre rouge ; pour la rendre violette, un peu de périgueux ; pour la rendre bleue, un peu d’azur en poudre ; & enfin pour la rendre noire, un peu de pailles de fer. Ils préféroient au fable blanc les cailloux blancs préparés & calcinés, choisissoient les plus transparens, évitant qu’il eussent des veines & qu’ils tinrent de la pierre à fusil.


Verd. Faites fondre ensemble au creuset une partie de verd de montagne ; une partie de limaille de cuivre, une partie de minium, une partie de verre de Venise.


Autre. Pilez & broyez dans un mortier de bronze deux onces d’ǽs ustum, deux onces de mine de plomb, & huit onces de fable blanc très-fin. Ajoutez le quart en poids de salpêtre, que vous broyerez & mêlerez bien avec le relie. Mettez le tout dans un creuser couvert & lutté, au même feu, pendant trois heures. Otez le creuset du fourneau, & retirez aussitôt, avec une spatule de fer rouge, ce mélange qui est trêsgluant. Le succès dépend de la calcination des matieres, & d’avoir des creusets luttés d’un trèsbon lut, parce qu’ils doiventrester exposés longtemps à un. feu très-vif.

Autre. Faites calciner dans un forer de verrerie ou de sayencerie, une partie de mine de plomb rouge, ou minium, & autant de limaille de cuivre jaune. Pilez & passez par un tamis bien fin. Mettez le tout ensemble dans un creuset de terre bien net, & faites-le calciner pendant deux heure, à un pareil fourneau après l’avoir tamise) à travers un tamis très-fin. Pilez & tamisez de nouveau. Mêlez une troisiéme partie de salpêtre ; faites encore calciner le tout pendant deux heu-


res. Pilez & tamisez encore une fois. Ajourez une huitiéme partie de salpêtre, & tamisez enfin pour la derniere fois.

Comme le jaune & le bleu produisent verd, quelques peintres fur verre ont d’abord conché la couleur bleue sur le côté qu’ils peignoient, & au revers de la table, ils conchoient de jaune. On a des nuances différentes, en proportion de ce que ces deux couleurs ont été couchées plus ou moins épaisses.

D’autres, après avoir couché de yerd le côté peint, couchoient au revers un jaune plus ou moins léger, suivant qu’ils vouloient que la teinte verte fût plus ou moins foncée.


Bleu. Voici quatre recettes extraites de Kunckel. Une partie de litharge, trois parties de fable, une partie de l’afro, ou de bleu d’émail. Ou bien, quatre livres de litharge, deux de cailloux & une de safre. Ou encore, deux livres de litharge, un quarteron de cailloux, & autant de safre. Ou enfin, quatre onces de litharge, trois onces de cailloux pulvérisés, une once de safre & une once de verre blanc. Quelque choix que vous fassiez entre ces recettes, faites fondre le mélange, éteignez-le dans l’eau, remettez-le en fusion, éteignez encore ; répétez au moins trois fois cette opération. I1 seroit bon de faire calciner en lainant jour & nuit le mêlange, à chaque calcination, dans un fourneau de verrerie.


Autre. Prenez trois onces de bleu d’émail, du meilleur que l’on tire de la Saxe ; ajoutez une once & demie de soude d’Alicante ; mettez calciner le tout à un fourneau de verrier, de fayencier ou de potier de terre. Les calcinations réitérées rendront l’émail plus fondant. On peut en user comme au verre, quoique deux calcination puissent suffire pour rendre cette couleur fondante.


Autre. Pilez ensemble du sel gemme, trois onces de bleu d’émail, environ la quatrieme partie de salpêtre, & autant de borax. Mettez calciner dans un creuset ; laissez refroidit ; pilez de nouveau dans un mortier de bronze. Ajoutez une quatriéme partie de salpêtre autant de borax, & faites calciner une seconde fois.


Autre. Faites calciner ensemble â tin feu trêsvif, une livre d’azur ou bleu de cobalt, une quatrieme partie de salpêtre, autant de crystal de Venise, ou de Bohème, une sixiéme partie de mercure, autant d’erain de glace ou bismuth, & autant de bon borax de Venise. Vous aurez un fort beau bleu bien fondant.


Violet. Mettez dans un creuset une partie de périgueux & une de safre. Faites fondre & pilez. Ajoutez un tiers en poids de salpêtres calcinez le tout à un feu vif, quatre ou cinq fois, ajoutant à chaque calcination le même poids de salpêtre.


Autre. une once de Périgueux, le plus clair & le plus luisant, autant de mine de plomb rouge, & six onces de sable ou de cailloux calcinés. Opérez comme pour la couleur verte, mais ajoutez une quatriéme calcination, avec une sixiéme partie de salpêtre. Si vous voulez le violet un peu foncé, couchez-le fort épais. Voici un autre moyen d’avoir du violet très-haut en couleur. Quand vous en serez à la derniere calcination, partagez toute la couleur vitrifiée par les trois premieres calcinations, en deux parties égales. Calcinez-en une pour la quatriéme fois avec la dose ordinaire de salpêtre ; partagez cette moitié en quatre parties. Ajoutez-y une quatriéme partie d’azur déja calciné. Calcinez de nouveau avec une huitiéme partie de salpêtre. Mêlez, pilez, tamisez, & broyez comme à la couleur bleue.

Si l’on manquoit de violet, on coucheroit de l’azur un peu clair sur le côté peint, & de la carnation toute pure au revers : on aura un violet foncé.


Pourpre. Pilez, mêlez & calcinez, jusqu’à cinq fois, une partie de périgueux, deux de sable blanc, quatre de salpêtre, & quatre de mine de plomb. Mêlez à chaque calcination de nouveau salpêtre.


Autre. Calcinez une once de la couleur bleue & autant de la couleur violette. Pilez, mêlez, calcinez encore, en ajoutant une quatrieme partis de salpêtre, & broyez comme à l’azur.

Si l’on n’a pas de couleur pourpre préparée, on mêle & on broye sur une table de verre, avec une molette aussi de verre, de l’azur & du violet calcinés. En couchant clair cette teinte, elle donnera une belle couleur de lie de vin.


Préparation du blanc, du verd, du bleu, du violet & du pourpre. Ces couleurs ou émaux, tirés du creuset & refroidis, forment des messes de verre transparent, quand on les divise en écailles minces. Pour les préparer à être portés sur le verre, on brise la masse avec un marteau, on en prend la quantité dont on a besoin, on la pile dans un mortier de fonte, on la passe au tamis de soie, & on la broye sur le porphyre. Dans cette opération, on détrempe la couleur avec de l’eau simple bien nette, jusqu’à ce qu’elle soit en bonne consistance pour être employée, c’est-à-dire, qu’elle ne soit pas molle au point d’être coulante, ni si dure qu’on ne puisse la détremper avec le doigt.

Tous ces émaux doivent être broyés à un tel degré, que si on les laissoit sécher, ils tinssent plus de la consistance d’un sable très-fin que d’une poudre impalpable.

Quand chaque couleur est broyée, on la leve de dessus la pierre avec l’amassette pour la mettre dans un godet de grès bien net. Il est bon d’en avoir plusieurs pour chaque couleur.

La couleur mise dans le godet, on commence par la détremper avec le bout du doigt dans de l’eau claire, assez longtemps pour que le tout soit bien mêlé. On la laisse un peu reposer ; on la décante en versant la partie la plus claire par inclinaison dans un autre godet, & ainsi successivement jusqu’à ce qu’ayant ressemblé dans un seul & même godet tout ce qui s’est précipité vers le fond des premiers, la derniere eau dans laquelle on l’aura lavé, reste claire & sans aucun mêlange apparent de sel cru. C’est ce qu’on appelle trempis. On peut alors laisser surnager cette derniere eau sur la couleur qui est restée dans le fond du godet, jusqu’au moment ou l’on voudra l’employer.

Chacune de ces couleurs s’employe à l’eau gommée : on les y délaye avec le bout du doigt. Il faut les tenir à l’abri de toute poussiere ; de-là, dépend en partie la beauté du travail.


Creusets propres à la calcination & fusion des émaux. Ils doivent être faits de la même terre dont les verriers font leurs pots. Ils résistent plus de temps qu’il n’en faut pour la cuisson des émaux, & supporteroient un feu plus violent que celui qui sert à cet usage. On pourroit se servir aussi des creusets d’Allemagne, qui supporteroient mieux le feu que les creusets ordinaires.

Cependant ces derniers peuvent suffire : mais il faut les chauffer un peu ; les tremper dans de l’huile d’olive, les laisser un peu emboire & s’égoutter. On aura ensuite du verre pilé & broyé en poudre impalpable, on y joindra du borax en poudre, qui aide à la fusion du verre, on en saupoudrera le creuset en dehors & en dedans, autant qu’il pourra en retenir ; puis on le mettra dans un fourneau, d’abord à un petit feu, que l’on poussera progressivement comme si l’on vouloit fondre. Le verre entrera en fusion, il s’incorporera avec le creuset, & le rendra capable de résister à un feu plus violent que celui qu’il devra supporter. On sera encore plus assuré du succès, si en tirant le creuser du feu violent qu’il a subi, on jette dessus en abondance du sel commun.

Les petits pots dans lesquels on apporte à Paris le beurre de Bretagne, forment les meilleurs creusets, & il est bien facile à Paris de s’en procurer.

C’est un excellent usage de lutter les creusets en dedans & en dehors, avec un lit de craie délayée à l’eau & d’une consistance un peu épaisse.

Fourneaux propret à la vitrification dés émaux. Si l’on n’est pas à portée des fourneaux de verrerie ou de sayencerie, on peut faire un fourneau à vent de bonne terre à creuset. Plus il fera épais, mieux il soutiendra le feu & conservera fa chaleur. Il doit avoir au moins cinq à six pouces d’épaisseur. En le supposant de forme ronde, on peut lui donner trois pieds & demi de hauteur sur feize a dix-sept pouces de diametre dans œuvre. Il aura un pied d’intervalle depuis le cendrier, qui doit être élevé pour attirer plus d’air, jusques & compris la grille ; & deux pieds & demi du dessus de la grille, ju :’qu’au dessous de l’extrêmité du couvercle. La grille lira de la même terre que le fourneau, parce que des barres de fer ne résisteroient pas à la force de la chaleur. Le couvercle, de la même terre, sera en voute bien close. L’ouvroir, c’est-à dire, l’espace qui se trouve depuis le bas du couvercle jusqu’à la grille, contiendra un pied neuf pouces de haut. Vers le milieu de l’ouvroir, on pratiquera une porte de forte tôle, par laquelle on pourra mettre & ôter les creusets, & introduire le charbon dans l’ouvroir. Le couvercle, en forme de dôme, aura, dans lion milieu dans œuvre, neuf pouces de haut, non compris la cheminée qui lui sert de couronnement, & qui doit être pratiquée de façon qu’on puisse y ajuster plus ou moins de tuyaux de tôle, à proportion de l’air qu’on voudra donner. Si l’on veut avoir beaucoup d’air par le bal du fourneau, on ajoutera avec de bon lut de terre grasse, à la porte du cendrier, un tuyau de pareille tôle, qui se terminera par une espece de trompe.

Si l’on ne fait que de petits ouvrages, & qu’on n’ait, par conséquent, que peu de couleurs à fondre, on pourra se contenter d’un nouveau fourneau portatif tel que celui dont M. le Vieil dit avoir fait usage. « Je me servis, dit-il, d’un petit fourneau de fusion, fait par un fournalifte de Paris, de forme ronde, d’environ quinze à seize pouces de hauteur, onze pouces de diametre, & deux, pouces d’épaisseur hors d’œuvre. Ce fourneau avoir deux antes pour la facilité du transport. Il avoit une forte grille de même matiere, élevée à trois pouces du cendrier. Il éroit percé de quelques trous dans son contour, & surmonte de son couvercle en dôme, dans lequel émit pratiquée une porte de même terre, amovible, par où l’on introduisoit le charbon pour l’entretien da feu, & pour retirer, quand la fusion était faite, le creuset du fourreau, avec des tenailles ou pinces de fer, que l’on saisoit rougir par le bout. Le tout réussir à tachait… J’observerai néanmoins qu’à la vitrification des substances colorantes pour le verre, il se fendit deux creusets par l’esservescence de la composition qui de répandit dans l’ouvroir & coula dans le cendrier, cette couleur s’élevant plus que


le blanc, le bleu, le violet & le pourpre. »

Voici la description d’un fourneau qu’ente ployait la famille le Vieil, & dont l’invention lui étoit due : elle avoit été suggérée par l’esprit d’économie. « C’est un fourneau quarté, bâti en brique., ponant deux pieds de latgeur sur chaque face, & ayant deux pieds & demi de hauteur : les murs ont sept poupes d’épaisseur. On observera que la base de ce fourneau est vouée jusqu’à la hauteur de dix pouces, & que le mur qui répare cette voute du reste du fourneau a sept pouces d’épaisseur ; ce qui fait, depuis le sol du laboratoire où est construit le fourneau, jusqu’au sol intérieur du fourneau, une hauteur de treize pouces. Ainsi l’intérieur ou capacité du fourneau a, dans œuvre, dixsept pouces de hauteur, & dix pouces de largeur dans toutes les faces. Cette capacité se divise en deux parties, dont l’inférieure que, dans tout autre fourneau on appelletoit le cendrier, porte crois pouces de hauteur. Là est une grille cuti a onze pouces de diametre en tout sens, afin qu’ayant un pouce de scellement à chaque face, il cette dix pouces qui font le diametre juste du fourneau. Cette grille differe des autres piéces de fourneau du même nom, 1o. en ce qu’elle est formée de barreaux d’en pouce d’équarissage, croises à la distance d’un pouce par d’autres barreaux de même volume, ce qui rend cette grille assez semblable à celles qui bouchent les parloirs dans les monasteres de filles religieuses. 2o. En ce qu’à son centre est un vuide rond, de quatre pouces & demi de diamettre, formé par un cercle de fer, fuir le bord extérieur duquel viennent se perdre les barreaux formant la grille. »

« La capacité inférieure dont nous avons parlé, a de plus, sur la face intérieure du fourneau, une porte de trois pouces en quarté qu’on ferme à volonté, loir avec un bouchon de terre cuite, toit avec un cadre de fer garni de sa porte en tôle, & de fon loquet. La eapacité superieure occupe le reste de la hauteur du fourneau. On fait faire chez le potier de terre un dôme quarré, portant huit à neuf pouces dans fa plus grande hauteur, & huit pouces de largeur intérieure. On lui fait donner une bonne épaisseur. La cheminée a trois pouces d’ouverture, & est disposée à collet pour recevoir au besoin des tuyaux de poële de pareil diametre. Ce dôme a, en outre, sur une de les faces, une ouverture de cinq pouces de largeur sur trois pouces &, demi de hauteur, qui se bouche avec une porte de terre modelée demis & pareillement cuite. » « Ce dôme doit se poser sur le fourneau ouvert, ainsi que nous l’avons di, de maniere cependant qu’au lieu de dix pouces qu’il a dans son intérieur, il ne porte que six pouces en quarré vers cette ouverture ou orifice de ce si que l’on nomme ouvroir. » « Voici l’usage de ce fourneau. Sur son sol, on place une brique pour appuyer & soutenir le creuset qu’on pore dans le rond de la grille, de maniere à y être plongé à moitié de fa hauteur. Le creuset pore, chargé des matieres à a vitrifier, & couvert selon l’usage, on ajuste le dôme, & on allume du charbon fur le fol du fourneau par fa perte, & fur la grille par l’ouvroir : on entretient convenablement le feu, & on l’augmente, en tenant au besoin pleins de charbon les deux espaces réparés par la grille, laissant la porte inférieure toujours ouverte, & plaçant le tuyau de poële au-dessous du dôme. Il est rare qu’après cinq heures de ce feu, une vitrification ne soit pas achevée. Ce fourneau épargne donc & du côté de l’espace, & du côté de la matiere combustible, & du côté du temps : toutes épargnes qu’un artiste ne doit pas négliger. »


Couleurs en usage pour la peinture lier verre, différentes des émaux précédens.


Jaune. Réduisez en lames très-minces de l’argent de coupelle. Mettez par lits ces lames dans un creuset, avec un poids égal de souffre en poudre ou de sâlpêtre, commençant & finissant par un lit de poudre. Mettez ce creuset couvert au fourneau, pour bien calciner la matiere. Le souffre étant consumé, jettez la matiere dans une terrine pleine d’eau : faites-la sécher ; pilez-la bien dans un mortier de marbre, jusqu’à ce qu’elle soit en état d’être bien broyée sur le caillou, ce que vous ferez pendant six bonnes heures : détrempez la matiere en la broyant dans la même eau dans laquelle vous l’aurez éteinte. Ajoutez à l’argent neuf fois son poids d’ochre jaune rougie au feu ; broyez le tout encore pendant une heure au moins, & le jaune sera fait. Le sieur le Vieil préfere aux lames d’argent ce qu’on appelle du brulé, c’est-à-dire, l’argent retiré du galon ou des étoffes par le feu : il recommande sur tout le brulé d’or. Il veut qu’avant de rien mettre dans le creuset, on le lutte avec du blanc d’Espagne à foc. Les poudres & le brulé rangés par lits dans le creuset, on couvre celui-ci d’un quarreau de terre cuite, & on le met au fourneau de fusion avec le charbon. Quand la flamme ne donne plus une couleur bleuâtre, il est temps de retirer le creuset. On verre promptement la matiere toute rouge dans une terrine neuve, vernissée, pleine d’eau nette, & on laissé refroidir. On décante l’eau dans un autre van., & ois laisse sécher l’argent qui s’est précipité au fond de la terrine. On le broye sur une platine de cuivre, ou sur le porphyre, pendant six à sept heures ; on y ajoute autant d’ochre jaune rougie


au feu & réduite en poudre. On continue de broyer le tout pendant une heure au moins avec la même eau dans laquelle on a éteint l’argent. Lorsqu’on veut peindre avec cette couleur, on la détrempe dans de l’eau claire, en la réduisant à la consistance d’un jaune d’œuf délayé.


Rouge, dit carnation, ainsi nommé par les peintres fur verre, parce qu’ils en employent une légere teinte dans la peinture des chairs. Pilez dans un mortier de bronze, & broyez sur une platine de cuivre, deux gros de rocaille jaune, un gros d écailles de fer, autant de litharge d’or, & autant de gomme d’Arabie. Quand le tout fera broyé suffisamment & réduit en une consistance plus dure que molle, levez votre couleur de dessus platine & la mettez dans un verre de fougere : délayez-y le tout avec de l’eau bien claire, puis laissez reposer la liqueur pendant trois jours consécutifs. Vous verserez lentement ce qui en surnagera fur une boudine croire, & vous le mettrez lécher au soleil, en le couvrant tour qu’il n’y entre pas de poussiere.


Autre. Prenez un gros de pailles de fer, autant de litharge d’argent, autant de gomme d’Arabie, un demi-gros de hardorie ou ferrer d’Espagne, trois gros & demi de rocaille jaune, & autant de sanguine. Pilez ensemble les pailles de fer, le harderic, la rocaille & la litharge, & les broyez fur la platine de cuivre pendant une bonne demi— heure. Faites piler & réduire en poudre très-fine la sanguine avec la gomme, broyez-la avec les autres matieres déja broyées, & à-peu-près pendant le même temps. Levez la couleur de dessus la platine, dans la plus forte consistance qu’il se pourra ; mettez-la dans un verre de fougere & la délayez du bout du doigt avec de l’eau bien claire, jusqu’à ce qu’elle ait pris la continence d’un jaune d’œuf délayé. Vous la laisserez reposer trois jours au soleil, mais bien couverte. Le quatriéme jour vous épancherez sur des boudines la liqueur la plus claire qui aura surnagé, en prenant la précaution de ne rien troubler. Vous exposerez ensuite cette liqueur au soleil, en la garantissent de la poussiere. En se séchant, elle se réduit en écailles de rouge-brun.

Lorsque vous voulez vous servir de cette couleur rouge, vous laissez tomber tine goutte d’eau bien claire fur un morceau de verre, en l’étendant de la largeur d’un sol marqué : vous y détrempez avec la pointe du pinceau autant de couleur que vous voulez en employer. Elle est la moins transparente & la plus difficile à s’incorporer dans le verre à la recuisson. Quand on l’employe dans une partie un peu étendue, on a coutume de coucher fur le revers une teinte un peu forte de jaune ; elle donne au rouge plus d’éclat.


Couleur de chair. Pilez, passez au tamis & broyez ensemble une partie de harderic ou ferret d’Espagne, & une égale partie de rocaille. Détrempez-les dans de l’eau gommée pendant trois ou quatre heures.


Rouge jaunâtre. Une once de ferret d’Espagne, autant de scories ou écailles de fer, deux onces de rocailles ; procédez comme pour la couleur précédente.


Instrumens du peintre sur verre. L’attelier doit être bien éclairé sans être expose à la trop grande ardeur du soleil : il ne doit pas être placé dans un lieu humide, & cependant il ne doit pas être frappé d’un air trop vif.


La table sur laquelle travaille l’artiste, doit être d’une hauteur commode pour un homme qui est le plus souvent assis lorsqu’il opere : elle ne peut avoir trop de longueur, & il est bon qu’elle ait au moins deux pieds & demi de large. Si elle est de lupin, elle doit être encadrée de chêne, & fondement établie fur les pieds.


Le plaque sein est un petit bassin de plomb ou de cuivre ovale qui contient la couleur noire avec laquelle on trace furie verre. Ce bassin doit être un peu incliné, afin que le noir se sépare du lavage dont il est couvert lorsque le plaque-sein est pose à plat.


La drague est une espece de pinceau composé de peu de brins de poil de chevre, longs d’un doigt au moins. Il fers à prendre le trait du dessin sur le verre. On employe plus communément à cet usage une plume qui ne soit ni trop molle ni trop dure.


Les pinceaux sont de poils de gris, les mêmes dont se servent les dessinateurs au lavis.

Les pinceaux qui servent pour la couleur jaune sont plus forts que les autres, plus longs de poils, & même de manche, parce que cette couleur devant être tenue toujours liquide, il faut que le peintre l’aille puiser au fond d’un pot qui a sept à huit pouces de profondeur, & la remue chaque fois qu’il en prend. On couche cette couleur plus épaisse que les autres, ce qui oblige à en charger davantage le pinceau.


La brosse dure est composée d’une trentaine de foies de sangle ; elle a la forme de celle des peintres en huile mais ceux ci en sont usage pour coucher la couleur, & les peintres sur verre pour en enlever le superflu dans les endroits qu’ils veulent éclaircir entierement ou laisser de demi-teinte. On a aussi des antes de pinceaux pointues, & ces pointes servent à enlever la couleur par hachures. Cette manœuvre est utile pour


traiter les cheveux, les poils de barbe, &c.


Le balai est un pinceau de poils de gris fort gros, & se terminant comme les bluffes des peintres à l’huile : c’est-à-dire, qu’il ne fait pas la pointe. Son usage est de balayer sur l’ouvrage sec la couleur qui en a été enlevée avec l’ante du pinceau. Il sert aussi à étendre de grandes teintes.


La brosse à découcher l’ochre a la forme de celle à nettoyer les peignes. Elle est d’usage pour enlever de dessus le verre recuit ce qui y est resté de l’ochre qui a fers de véhicule à l’argent dans la couleur jaune.


Le dessin est placé sous le verre que l’on couvre d’un morceau de plomb pesant environ trois livres pour l’empêcher de se déranger. On couvre de papier l’ouvrage déjà fait pour ne pas le gâter eu opérant.


Manieres de traiter la peinture sur verre. Il y a deux manieres de traiter cette peinture. La premiere convient aux ouvrages de grande proportion. Le peintre porte d’abord fur le verre, avec la couleur noire, le trait du carton : & il établit les ombres avec des hachures faites au pinceau ; ce travail, dans lequel il n’entre que du noir, peut être comparé à la gravure d’une seule taille. L’ouvrage doit sécher ensuite pendant deux jours, après lesquels l’artiste croise ses hachure, comme le graveur qui, après avoir ébauché son travail d’une seule taille, l’approche de l’effet en établissant une seconde taille sur la premiere. Il est d’usage de coucher au revers des pieces, sous les parties qui représentent des chairs, une teinte légere de carnation.

La seconde maniere tient du procédé de la gravure en maniere noire. Le peintre couvre tout son verre d’un lavis noir plus ou moins foncé suivant l’effet du morceau qu’il veut produire. On peut comparer cette premiere manœuvre à celle du graveur en maniere noire, qui graine sa planche entiere. On laisse lécher ce lavis. Ensuite avec une brosse dure & avec l’anteaigue du pinceau, on enleve entierement le lavis des parties lumineuses, on le laisse subsister dans toute son obscurité pour les fortes ombres, on l’adoucit pour les demi-teintes.

Cette premiere opération finie, en couche encore une fois fur le verre un lavis général, on le laisse sécher, & on procede ensuit comme la premiere fois. Enfin on retire le dessin de dessous le verre, on pose le verre lui-même sur un plan incliné, comme un tableau sur le chevalet, & l’on fait sur tout l’ouvrage, à la simple vue, les recherches qu’inspirent la science & le goût.


Maniere de colorier. Le verre traité suivant l’un des deux procédés que nous venons d’établir, offre l'effet d'une estlampe. Le travail qu'on ajoute pour le colorier peut être compare à celui de l'enluminure. Ainsi la peinture sur verre doit être regardée comme une peinture d'une seule couleur que l'on finit par enluminer.

Comme la couleur rouge est la moins sujette à s'effacer avant la recuisson, c'est celle dont on couvre d'abord toutes les parties où elle dôit entrer. On pose au second rang les teintes roussâtres : on peut employer de même le lavis de blanc.

Pour les émaux verds, bleus, violets & pourpres, on ne pose pas immédiatement le verre sur le papier qui couvre la table, mais on l'éléve enroue qu'il loir en équilibre. On prei d aflez de couleur détrempée dans l'eau gommée pour emboirela partie que l'on veut colorer. Si la couleur étoit trop clairè, elle effaceroit les dessous ; si elle étoit trop épaisse, elle ne s'étendroit pas également. Il faut la coucher avec promptitude & légéreté, en inclinant le pinceau. On agite ensuite doucement la piece en tous sens, sans la toucher avec les doigts, mais la maintenant seulement par son épaisseur ; & c'est pour rendre possible cette opération qu'on ne fait pas porter la piece immédiatement sur la table, mais qu'on la met en équilibre ; ce qu'on fait ordinairement à l'aide d'un verre à boire. Par ce bercement, les parties de l'émail colorant se réunissent avec égalité. On laisse ensuitc sécher la couleur pendant deux jours. On opére de même pour l'émail blanc.

On attend que les couches de ces émaux colorans soient bien seches, avant d'appliquer la couche de jaune au revers de l'ouvrage. On la tient plus légere ou plus épaisse, suivant la teinte que l'on desire. Après l'avoir couchée, on balance la piece, comme pour les émaux précédens. On ne mêle pas de gomme avec cette couleur, & par conséquent il faut apporter beaucoup de soins pour la ménager avant la recuisson. Il est aussi une précaution à prendre enl'empoëlant : c'est qu'il n'y ait pas une piece couchée de jaune sur une autre couchée d'une autre couleur ; car le jaune, dans la fusion, pénetre toute l'épaisseur du verre, & par conséquent il dénatureroit les autres couleurs en se mêlant avec elles.


De la recuission. Ce que mes secrets de famille, dit M. le Vieil, prescrivent sur cette matiere, est contenu dans une lettre du mois de mars 1705, écrite par Guillaume le Vieil, mon ayeul, à feu mon pere, lorsque celui-ci se disposoit à travailler aux vitres peintes du dôme de l'église des Invalides. « Vous aurez sans doute, mon fils, des recuissons fort abondantes à faire pour votre entreprise de l'hôtel royal des Invalides. Vous ne pouvez mieux faire que de marcher sur mes traces, en donnant à votre fourneau la même dimension que j'avois don-


née à ceux dans lesquels j'ai recuit tous mes ouvrages de Sainte Croix d'Orléans. Ma poële étoit oblongue, à cause de la hauteur de mes pieces de frise : elle avoit dix-neuf pouces de longueur, & quatorze pouces de large hors d'oeuvre, un bon pouce & demi d'épaisseur dans le fond, un pouce sur les bords,& douze pouces du profondeur. Cette mesure de la poële, comme vous savez, doit vous diriger dans la construction de votre fourneau. Partant, il doit avoir dans oeuvre deux pieds trois pouces de haut, un pied dix pouces de large, a cause des quatre pouces de vuide que je fuis dans l'usage de laisser entre les quatre faces de la poële & les parois du fourneau : enfin votre fourreau aura deux pieds dix pouces d'élévation : savoir, dix pouces depuis le carreau de la chambre jusqu'au foyer, six pouces depuis le foyer jusqu'aux barres qui doivent supporter votre poële, un pied pour la profondeur de la poële, & six pouces depuis le haut des bords de la poële jusqu'à la calotte du fourneau. Je donne ordinairement à l'ouverture du foyer six pouces de haut sur sept de large, & au passage des essais sut le devant du fourneau, & à la hauteur de celui qui est pratiqué dans la poële, environ cinq pouces sur quatre, que je ferme avec une brique taillée de cette épaisseur & de cette hauteur, jointe aux autres avec de l'argile, ainsi que les carreaux de terre cuite dont je le couvre, comme vous m'avez vu faire. Ce fourneau m'a toujours bien réussi, & je crois qu'avec un pareil, vous ferez merveille. Il est encore une chose à laquelle vous devez porter soigneusement attention ; c'est que n'étant pas toujours maître de l'emplacement de votre fourneau, au cas que vous soyez assujetti à appliquer quelqu'un des parois sur quelque mur suspect d'humilité, vous ayez soin de le garnir hors d'oeuvre d'une double brique de ce même côté. »

La poële se place sur des barres de fer destinées à la porter. On répand sur tout son fond de la chaux vive bien tamisée, de l'épaisseur d'un demi-doigt, ou de la poudre de plâtre cuite trois fois dans un fourneau à potier ; par-dessus cette poudre, on met des morceaux de verre cassé, & par-dessus le verre de la poudre ; en sorte qu'il y ait trois lits de poudre & deux de vieux verre. Sur le troisième lit de poudre, on étend les pièces de verre peint, & on les distribue aussi par lits avec de la poudre, jusqu'à ce que la poële soit pleine, si l'on a assez d'ouvrage pour cela, ayant soin que le lit de dessus soit de la poudre.

Guillaume le Vieil ne couvroit pas entiérement de poudre ses émaux, sur-tout les bleus, verds, violets, ou pourpres. « Il se contentoit, dit son fils, de répandre du creux de la main, qu'il tenoit entr'ouverte, de petits monticules de cette poudre, qu’il appliquoit sur les autres couleurs à égale épaisseur, & sur lesquels il établissoit un second lit : par ce moyen ses émaux à la fusion, ne se mêlant à aucune des parties de cette poudre, sortoient du fourneau beaucoup plus purs & plus transparens. »

Tout étant ainsi disposé, on met quelques barres de fer en travers sur les parois du fourneau, & l’on couvre la poële d’une grande tuile qui puisse s’y ajuster en façon de couvercle, de manière qu’il il ne reste au fourneau qu’une ouverture d’environ deux pouces de diamètre à chaque coin, & une en haut pour servir de cheminée & laisser échapper la fumée.

L’ouverture que le Vieil pratiquoit pour le passage des essais étoit ordinairement à trois pouces du fond de la poële, & autant au-dessous de ses bords. Ces essais sont de petites bandes de verre, de huit à neuf lignes de large sur sept à huit pouces de long, colorées de chacune des différentes couleurs qui sont employées dans l’ouvrage. On les fait déborder d’un ou deux pouces, pour pouvoir les retirer quand il est temps.

Quelquefois le Vieil n’ayant qu’une ou deux petites pièces à recuire, construisoit à la hâte, avec de la brique, un petit fourneau dans sa cheminée ; il y introduisoit une poële à frire qui contenoit son ouvrage, & il réussissoit.

Au reste, différens artistes ont eu des manières différentes de construire leurs fourneaux, & tous ont réussi.

Pour échauffer le fourneau, on met d’abord à la porte seulement un peu de charbons allumés qu’on y entretient pendant près de deux heures, pour échauffer le verre peu-à—peu, afin qu’il ne casse pas. On pousse ensuite le charbon plus avant, & on l’y laisse encore une bonne heure : après cela, on le fait entrer peu-à-peu sous la poële. Quand il y a été ainsi deux heures, on l’augmente par degrés, remplissant insensiblement le fourneau avec du charbon de jeune bois bien sec, en sorte que le feu soit très-vif, & que la flamme sorte par les quatre trous des angles du fourneau. Il faut entretenir le feu le plus vif pendant trois à quatre heures. De temps en temps, on tire de la poële, par le trou qui répond à celui du devant du fourneau, les épreuves ou essais, pour voir si les couleurs sont fondues & incorporées, & si le jaune est fait : c’est toujours cette couleur qui le parfond la première.

Quand on voit que les couleurs sont presque faites, on met du bois très-sec, coupé par petits morceaux, & l’on ferme la porte, qui doit être fermée depuis qu’on a commencé à pousser le feu sous la poële. Quand les barreaux qui la soutiennent sont d’un rouge étincelant, & de couleur de cerise, la recuisson


s’avance ; mais elle n’est parfaite qu’après un feu de dix ou douze heures. Les préceptes, pour cette opération, ne peuvent entiérement suppléer à l’expérience. (Extrait de l’Art de la Peinture sur verre, par M. le Vieil.)

Explication de deux planches essentielles pour l’intelligence de la Peinture sur verre. Voyez tome V du Recueil des Planches de l’Encyclopédie par ordre de matières, Art du Vitrier, Planches VI & VII.

PLANCHE I.

Fig. 1. Plaque-sein, espèce de petit bassin de plomb ou de cuivre, qui sert à mettre les émaux & couleurs métalliques broyés. A, est le plaque-sein ; B, le pinceau.

Fig. 2. Platine de cuivre rouge, sur laquelle on broye les métaux. A, platine. B, molette d’acier.

Fig. 3. Glace tenant lieu de pierre à broyer. A, est la glace enchâssée dans un cadre de bois B. La molette C est toute de crystal.

Fig. 4. Plume pour éclairer la première teinte de couleur noire appliquée sur le verre. On peut aussi se servir de la plume pour faire le trait.

Fig. 5. Brosse dure, formée en A par plusieurs poils de sanglier, liés & serrés autour d’une ante de bois B, laquelle se termine en pointe obtuse C.

Fig. 6. Pinceau formé en A de poils de petit-gris, & ajusté dans un tuyau de plume B, lequel s’emmanche dans une ante de bois C.

Fig. 7. Balai, espèce de pinceau très-gros, en forme de brosse, composé de poils de gris A, & adapté à un tuyau de plume B, lequel est lui-même assujetti à un manche de bois C.

Fig. 8. Pot de fayence A, avec son anse B. Il est plus haut que large. Son usage est de contenir l’argent broyé avec l’ochre qui sert de véhicule à ce métal. Quand on emploie cette couleur, il faut la remuer continuellement avec la spatule de bois C.

Fig. 9. Brosse à découcher l’ochre. Cette brosse est composée de soies de sanglier, & sert, après la recuisson du verre peint, à enlever l’ochre de dessus le verre.

Fig. 10. Petit tamis pour passer les émaux réduits en poudre.

Fig. 11. A, mortier de cuivre pour piler & réduire en poudre les émaux. B, pilon de même métal.

Fig. 12. Fourneau pour la vitrification des émaux, tel qu’il est employé par la famille le Vieil. A, A, murs de ce fourneau. B, porte du cendrier : elle est de niveau avec le sol de ce cendrier. C, voûte inférieure qui ménage la masse du fourneau, & sert en même temps à serrer les gros ustensiles. D, chapiteau ou dôme mobile, dont l'ouverture se bouche avec la porte de terre E.

Fig. 13. Plan du fourneau ; on y voit en A A, l'épaisseur de ses murs. Sa grille B est remarquable, en ce qu'elle est faite en treillage, & qu'à son centre, elle a un trou rond C, dans lequel doit entrer jusqu'à moitié le creuset D, ou celui E, qui est soutenu par le bas sur un culot de terre F.

Fig. 14. Coupe du fourneau précédent, garni de son creuset. A, A, A, A, sont les murs : B, la voûte inférieure : C, la porte du cendrier : D, la grille de la fig. 13, posée de manière à séparer en deux parties le vuide intérieur du fourneau. On voit en E le creuset, posé tel qu'il doit être pendant l'opération ; & en F, l'orifice supérieur du fourneau qui doit être d'un diamètre moindre que sa capacité. G, est le dôme de terre, dont H désigne l'ouverture. F, I ; la cheminée. On a cru inutile d'indiquer par des lettres les bandes de fer qui entourent extérieurement le fourneau, pour lui donner plus de solidité.

PLANCHE II.

Fourneau de la famille le Vieil, pour la recuisson du verre peint.

Fig. 1. Vue de face du fourneau à recuire. A, A, A, A, murs du fourneau. B, voûte inférieure. C, première porte de tôle, qui est de niveau avec le sol du cendrier. D, seconde porte de tôle, qui est de niveau avec la grille inférieure. E, autre porte de tôle, qui, d'un côté, tient par des couplets à une seconde G, & de l'autre côté, par des loquets, à une troisième porte F ; en sorte que l'artiste peut, à volonté, n'ouvrir ou la porte dit milieu, ou aucune des trois portes, que quand il s'agit d'enfourner sa poële ou de la retirer. Cette porte E a, dans son centre, une petite ouverture H, qu'on appelle la porte aux essais. L est une dernière porte supérieure, dont la base est de niveau avec la grille ; car ce fourneau a trois grilles : une entre D & C ; une entre F & D, & une troisième I, E. Le manteau de la cheminée F, où est établi le fourneau. L est une espèce de soupape qui sert à voir la hauteur de la flamme & à en remarquer la couleur. M, est le tuyau de la cheminée. N, plaque de tôle, assez grande & assez large pour recouvrir les portes C, D, E, H, I. On a marqué dans cette figure 1, par a & b, les bandes de fer qui soutiennent la maçonnerie.

Fig. 2. Coupe du fourneau A, A, A, A, sous les murs. B, la voûte inférieure. C, ce


que nous appellons la première chambre ; elle a pour plancher supérieur une grille en treillage D. Voyez fig. 3, où elle est représentée scellée en B, B, ayant la face A du côté de la porte. E, est la seconde chambre : elle a pour plancher supérieur une grille F, composée seulement de trois barreaux : Voyez fig. 4, où A, A, montre l'épaisseur des murs ; b, b, b, les trois barreaux en question ; C, la place des portes, & d, une bande de fer. H représente la troisième chambre, dans laquelle est posée la poële G, sur la grille F. On voit en I, une grille semblable à celle de la fig. 3, qui sert de plancher à celle de la quatrième chambre K, formée en voûte, don le milieu est percé par le trou L qui se perd dans la cheminée, sous laquelle est établi le fourneau. M, désigne cette cheminée ; N, la soupape ; O, le noyau.

Fig. 5. Elle montre le chassis de fer sur lequel doivent être montées toutes les portes de la fig. 1. Il est divisé en quatre parties, A, B, C, D. a, c, f, sont les mentonnières de ces portes : b, b, d, d, e, e, g, g, sont les gonds. On a désigné dans la partie C par des chiffres 1, 2, 3, les trois portes qui doivent être dans cette partie du chassis.

Fig. 6. Poële de tôle battue, dans laquelle sont placées les pièces de verre peint pour recuire. A est cette poële. On y distingue les bandes de fer qui en soutiennent l'assemblage a, a, a. Les ouvertures des essais sont maquées b, b, b. Le couvercle de la poële est marqué C. On voit en d, d, d, d, à ses quatre coins, l'espèce de talon qui emboîte le couvercle avec la poële.

Descrption de ce fourneau, telle qu'elle a été donnée par P. le Vieil.

Sous une cheminée dont la hotte soit haute & avancée, on établit une première bâtisse de seize pouces de hauteur, sur trois pieds de large, & deux pieds & demi de profondeur. Pour épargner le massif, on construit cette bâtisse avec une voûte qui a neuf pouces dans sa plus grande hauteur. Les murs latéraux qu'on élève dans les proportions données de largeur & profondeur, ont neuf pouces d'épaisseur, & en les élève jusqu'à la hauteur de deux pieds dix pouces ; ce qui forme une capacité qui a, dans oeuvre, deux pieds dix pouces de haut, sur quatorze & dix-sept pouces de large. On comprendra incessamment ces deux dernières dimensions.

L'espace vuide du fourneau se divise en cinq parties ou chambres, que nous allons décrire séparément.

La portion la plus inférieure, ou première chambre, qui, dans l'usage, sert d'abord de foyer, & qui n'est plus ensuite que le coudrier, a six pouces de hauteur sur quatorze de large : sur le face antérieure est une porte de pareilles dimensions. Sur ce cendrier, est posée une grille semblable, au trou du milieu près, à celle que nous avons décrite en parlant du fourneau de vitrification.

Sur cette grille, commence une seconde capacité ou chambre dont les dimensions sont les mêmes. Elle est également fermée, dans toute sa face extérieure, par une porte de tôle, & couronnée par trois barres de fer d'un pouce, scellées dans la bâtisse à trois pouces & demi de distance l'une de l'autre.

La troisième chambre a sept pouces de hauteur, sur dix-sept de largeur. Sa face antérieure est toute ouverte & garnie par un chassis de tôle, composé de trois parties ou portes : celle de la droite, & celle de la gauche, ont, chacune, sept pouces de large : la porte du milieu a onze pouces ; elle est d'une part attachée par ses gonds à la pièce à gauche dont les gonds tiennent au fourneau ; & de l'autre part, elle se ferme par un loquet dans une mentonnière placée sur la pièce à droite. Cette porte du milieu est percée, dans son centre, d'un trou quarré-long, de quatre pouces de haut sur cinq de large, fermé par une petite porte de tôle de même dimension, qu'on appelle porte des essais.

Si les deux portes de la première & seconde chambre ne sont pas aussi compliquées, ni aussi larges, c'est qu'elles ne servent qu'à placer du bois sur ou sous la grille qui sépare ces chambres : tandis que la porte de la troisième chambre est destinée à placer la poële, à la retirer, & à donner la facilité de retirer & d'examiner les essais. Elle ne sauroit, par conséquent, être trop aisée à ouvrir dans toute la largeur du fourneau, pour rendre commodes à l'artiste l'enfournement & le défournement de la poële.

La quatrième chambre est faite en voûte : elle a la même largeur que la troisième, & porte six pouces de haut. Elle est séparée de la troisième chambre par une grille semblable à celle qui sépare la première chambre de la seconde, & elle a une seule porte de tôle de mêmes proportions que celles de ces deux chambres. Sa voûte est percée d'un trou rond, de cinq pouces de diamètre à sa base, continué dans toute l'épaisseur de la bâtisse supérieure, où il aboutit au-dehors par un diamètre de trois pouces & demi, ayant dans toute sa longueur neuf pouces. C'est la cinquième partie de l'intérieur du fourneau, & ce que nous avons nommé cinquième chambre.

Pour conserver plus de chaleur sur la face antérieure, qui est presqu'entiérement garnie de tôle peu épaisse, il faut, après avoir chargé le fourneau, revêtir cette face de briques liées


ensemble avec de la terre à four : on ne laisse à découvert que les portes nécessaires pour le service du bois. Lorsque la recuisson est achevée, o : met au-devant de ces portes une large & épaisse plaque de tôle qui en ralentit le refroidissement. Enfin, pour juger de la sorce du feu par la flamme qui sort par le trou du haut du fourneau, on ménage au manteau de la cheminée, sous lequel il est construit, une porte qu'on ouvre & ferme à volonté, pour voir jusqu'à quelle hauteur cette flamme s'élève en sortant. Pour tout le reste, la manière de se servir de ce fourneau, est celle que nous avons donnée en parlant de la recuisson. Nous avons dit qu'elle convenoit à toutes les sortes de fourneaux qu'on jugeroit à propos de choisir.

VERRE. Peinture sur verre en petit pour le bijou. La peinture qu'on nomme en émail ne réussit parfaitement que sur l'or : seul il n'altère point la vivacité des couleurs dont on le couvre. Les miniatures, placées sous des glaces, produisent à-peu-près le même effet que l'émail ; mais placées dans des tabatières, elles sont gâtées par la vapeur & l'humidité du tabac : en dehors, elles risquent encore de s'altérer, & d'ailleurs on voit toujours qu'elles ne font point partie de la glace. On a essayé de peindre sur la glace même ; s'étoit approcher beaucoup de l'imitation de l'émail ; mais il restoit encore à desirer que la glace elle-même fût pénétrée par les couleurs ; qu'elle-même & la peinture devinssent un tout inséparable par tout autre moyen que la destruction. C'est un avantage qu'on se procurera par le procédé suivant. Peignez la glace avec les émaux ordinaires : réservez-en le fond pour les grands clairs. Quand l'ouvrage est terminé, répandez sur la peinture, à l'aide d'un tamis très-fin, de beau crystal de Bohême réduit en poudre impalpable. Passez au feu, après avoir mis les glaces du côté qui n'est pas peint sur un lit de chaux éteinte répandu sur une plaque de fer. On peut profiter, pour cette opération, de ce qui a été dit, dans l'article précédent, sur la recuisson des verres peints. On peut aussi passer au feu de la même manière que l'émail ordinaire. La peinture se trouve alors comme renfermée entre deux verres, & ne peut plus s'effacer. La fusion des émaux s'opère plus également dans les grands fourneaux que sous les petites mouffles. On met un papier blanc sous la glace peinte. Les essais qui ont été faits dans ce genre ont eu le succès le plus complet. Cette idée a été publiée par M. Pingeron. On pourroit la perfectionner & lui donner plus d'étendue, en étudiant les opérations des peintres sur verre : ce seroit une peinture sur verre en miniature, & ce genre nouveau pourroit avoir plus de succès que n’en aura probablement désormais la peinture en grand sur le verre, parce qu’il est plus aisé de conserver un morceau de glace qu’une grande vitre.

Verre. Manière d’imiter avec une estampe la peinture sur verre. Ayez un verre blanc de la grandeur de votre estampe, & mettez dessus deux couches d’un vernis que vous ferez de la manière suivante.

Prenez quatre onces de térébenthine de Venise, une once & demie d’esprit de térébenthine, autant d’esprit de vin, deux gros de mastic en larmes, & faites bouillir le tout l’espace d’une heure dans un pot de terre vernissé. Lorsqu’il sera froid, vous en appliquerez une couche sur le verre bien également. La première couche étant sèche, il faut y en mettre une seconde, & si-tôt que celle-ci sera presque sèche, on doit coucher dessus, le plus proprement qu’il se pourra, l’estampe qui doit être préparée auparavant, comme on va le voir.

Prenez un vaisseau de verre, de fayencc, ou de terre vernissée, dont le fond soit aussi large que l’estampe, plat & uni, ayans son ouverture aussi large que le fond. Mettez dans ce vaisseau autant d’eau-forte qu’il est nécessaire pour couvrir tout le fond ; puis vous coucherez votre estampe à plat sur cette eau-forte, du côté de la gravure. Vous l’en retirerez, & l’ayant essuyée bien doucement entre deux linges ou entre deux papiers gris, vous laverez votre estampe dans deux ou trois eaux claires, & l’essuierez comme ci-devant entre d’autres linges ou papiers. Vous l’appliquerez ensuite sur le verre, faisant en sorte qu’elle s’y colle bien uniment, sans faire aucun pli ni élevure du papier. Alors vous mouillerez le bout du doigt dans de l’eau nette, & ayant humecté l’estampe par derrière, vous enleverez, en frottant avec le même doigt, tout le papier où l’impression n’a pas marqué. Il n’y restera enfin que les traits de l’estampe sur lesquels vous pourrez peindre par-derrière avec des couleurs à l’huile, les plus vives & les plus légères ; & vous aurez une peinture que la poussière ni l’air ne pourra gâter. Avec de la patience & de l’adresse, on pourra tirer parti de cet amusement ; mais pour y bien réussir, il faudroit avoir au moins quelque pratique de dessin.

Autre manière. Ayez un verre blanc de la grandeur de votre estampe, & faites-le chaufa fer pour y appliquer avec un pinceau de ltérébenthine de Venise : elle s’étendra facilement & avec égalité en la mentant un peu sur le feu. Appliquez ensuite l’estampe sur ce verre ainsi préparé, du côté de l’impression, après l’avoir fait bouillir l’espace d’un demiquart d’heure dans de l’esprit-de-vin. D’autres se contentent de l’y laisser tremper pendant vingt-quatre heures, sans la faire bouillir. Le verre sur lequel l’estampe est collée étant refroidi, mouillez le bout du doigt, frottez-en doucement sur le papier que vous enleverez petit à petit jusquà ce qu’il ne reste plus que l’impression. Alors vous mettrez bouillir dans un matras, au bain-marie, une partie de térébenthine sur quatre d’esprit-de-vin, pendant un bon quart-d’heure, & vous coucherez de cette composition sur le derrière de l’estampe. Vous mettrez deux de ces couches, & quand la seconde sera sèche, vous pourrez y appliquer les couleurs.

Autre manière. Mettez tremper l’estampe dans de l’eau commune pendant trois jours, dans un bassin plat & uni, dans lequel elle puisse être contenue sans se plier. Frottez le verre devant le feu avec de la térébenthine de Venise, observant d’y en mettre le moins épais que vous pourrez. Ayant retiré votre estampe de l’eau, mettez-la entre deux serviettes bien étendues. Quand elle s’y sera bien essuyée, vous l’appliquerez, du côté de la gravure, sur le côté du verre qui a été frotté de térébenthine, passant légèrement la main par derrière pour l’applatir, en sorte qu’il n’y reste aucune élevure ni pli. S’il y en restoit quelqu’un, on en feroit sortir l’air en perçant le papier en cet endroit avec une épingle. On enlève ensuite le papier jusqu’à la gravure qu’il faut prendre garde d’offenser : cela se fait en frottant légérement, comme on l’a dit, avec le bout du doigt mouillé. Si le papier séchoit trop promptement, il faudroit humecter un peu les endroits secs avec de l’eau & les laisser s’imbiber : alors le papier s’enlevera sans peine. Cela fait, vous passerez avec un pinceau bien net une couche d’huile de térébenthine sur l’estampe, & la laisserez pénétrer jusqu’à ce que la gravure paroisse autant d’un côté que de l’autre. S’il en est besoin, vous mettrez deux couches. L’huile étant un peu sèche, il ne reste plus qu’à appliquer les couleurs comme on l’a dit ci-dessus.

Il faut observer aux personnes qui n’ont aucune connoissance de la peinture ni du dessin, & qui veulent s’amuser de cette sorte d’enluminure qu’on distingue dans la gravure, comme dans les ouvrages peints, l’ombre qui est la partie la plus obscure, les demi-teintes qui tiennent le milieu entre les ombres & les lumières, & les clairs qui, dans les parties les plus lumineuses, sont représentées par le blanc du papier, & dans les autres parties par des travaux très-légers. Il faut garder le même ordre en appliquant les couleurs par derrière l’estampe collée sur le verre. Sur l’ombre, on met les couleurs les plus obscures & les plus foncées ; sur les demi-teintes, il faut des couleurs plus vives ; enfin, sur les endroits où frappe la lumière on applique les couleurs les plus claires. On doit cependant tellement adoucir ces différentes teintes, qu'elles ne paroissent pas se couper, mais qu'elles soient adoucies & fondues l'une dans l'autre : ainsi, sur les bords de l'ombre, on mêlera un peu de demi teinte, & l'on fondra les demi-teintes avec les clairs.

Voyez, au mot Huile, la Manière de peindre à l'huile les estampes en taille douce. On y est entré dans tous les détails nécessaires sur la sorte de peinture ou d'enluminure dont il s'agit ici. (Extrait des Elémens de peinture pratique, édition de 1766.)

Il reste encore quelques notions à donner sur la manière d'exécuter cette peinture. On commence l'ouvrage par où l'on finit dans les autres manières de peindre. On fait d'abord les rehauts & les clairs les plus vifs ; on passe ensuite aux demi-teintes, & l'on finit par les ombres. On suit le dessin de l'estampe dont les clairs & les ombres sont indiqués par le blanc du papier, ou par les tailles.

Les carnations, pour les femmes & les enfans, se font avec les teintes suivantes. On mêle avec un couteau d'ivoire une petite pointe d'outre-mer, ou de la cendre d'outremer, avec du blanc de plomb. La seconde teinte se fait avec du blanc de plomb, & environ une huitième partie de jaune de Naples, ou environ les trois quarts moins d'ochre jaune. La troisième, avec une pointe de carmin mêlée dans la deuxième teinte, de manière qu'elle n'en soit pour ainsi dire qu'une nuance. La quatrième se forme avec la seconde & du cinnabre, le double de carmin. Pour la cinquième, la sixième, &c, on augmente le cinnabre à proportion pour les rendre de plus en plus vives. Enfin, pour les ombres, on fait une teinte de jaune de Naples pur & de cinnabre.

Les carnations des hommes faits & des vieillards se font, pour la première teinte, avec du blanc de plomb, & la quatrième partie de jaune de Naples ou d'ochre en proportion. Elle sert, comme celle des femmes, pour les soups de lumière. La seconde est composée d'une


partie de la première avec un peu de cinnabre. A la troisième, on augmente le cinnabre. A la quatrième, on ajoute un peu de brun-rouge. A la cinquième, tout blanc & brun-rouge sans cinnabre. A la sixième, plus de brun-rouge que dans la précédente. Il seroit trop long, pour un genre si peu important, d'entrer dans le détail des teintes qui peuvent convenir aux draperies, au paysage, à l'architecture, &c.

Félibien, dans son traité d'architecture, parle d'une manière de peindre sur verre qui se pratique par le même procédé, excepté que l'on peint sur le verre, sans y appliquer une estampe, & qu'il faut dessiner soi-même son sujet & en trouver le clair-obscur. Elle ne peut donc être bien exécutée que par un peintre habile. Comme, dans ce genre, la peinture ne doit se voir qu'au-travers de la glace, c'est-à-dire, du côté opposé à celui qui reçoit la couleur, le peintre ne voit presque pas ce qu'il fait. D'ailleurs il faut qu'il peigne tout au premier coup & sans retoucher : car les couleurs qu'il coucheroit sur d'autres déjà sèches, ne paroîtroient pas au-travers, & ne pourroient par conséquent s'appercevoir, à moins que les premières couches n'eussent assez peu de corps pour laisser percer les secondes.

On pourroit consulter sur cette peinture sur verre, une brochure qui a paru en 1755, & qui a pour titre : Moyen de devenir peintre en trois heures.

VESSIE. (subst. fém.) Les couleurs broyées à l'huile se sécheroient ou deviendroient au moins si grasses qu'on ne pourroit plus en faire usage. Pour les conserver, on les enferme dans des morceaux de vessies de porc, pliés en forme de bourse, ou dans des boyaux. Elles s'y gardent très-long temps sans se gâter. Quand on veut faire usage de ces couleurs, on fait un trou à la peau avec une épingle, & on exprime la quantité de couleur que l'on veut employer. La petite quantité de couleur qui reste à l'orifice du trou se sèche bientôt, & ferme la verre aussi exactement qu'elle l'étoit avant d'être percée.

Vessie. Verd de vessie, Voyez l'article Verd.


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  1. (1) Les matières qui composent le verre se nomment fritte, après avoir été calcinêes & avant d’être mises en fusion.