Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Dictionnaire de la pratique/Rehausser


REHAUSSER. Quelquefois en veut rehausser avec de l’or quelques parties d’une peinture en détrempe. Il faut d’abord examiner si la peinture est assez chargée de colle. Si elle ne l’étoit pas assez, on y ajouteroit une couche de colle bien claire & bien nette, avec une brosse


extrêmement douce, & sans repasser deux fois dans le même endroit, parce qu’on risqueroit de gâter l’ouvrage. On passe ensuite sur l’endroit qu’on veut rehausser, un mordant qu’on appelle batture. Il est composé d’une livre de cire, d’une demi-livre d’huile de lin, & d’une demi-livre de térébenthine de Venise qu’on fait bouillir ensemble. D’autres font cette batture avec de la colle de gants un peu forte, mêlée d’un peu de miel. On pose la batture chaude, par hachures, sur les parties qu’on veut rehausser : on se sert pour cela de la pointe de la brosse ou du pinceau. Lorsque la batture est figée & assez ferme, on y applique l’or en feuilles avec du coton, ou avec des bilboquets garnis de drap. Voyez, article Dorure, ce que c’est que les bilboquets. Quand on juge que l’or est bien sec, on l’époussete avec une brosse de porc bien douce & bien nette.

Si, avant d’appliquer l’or, la batture venoit à s’emboire dans la peinture, ce qu’on reconnoît quand elle devient terne, il faut en remettre d’autre dans les mêmes endroits ; car il est certain que l’or ne s’attacheroit pas sur cette batture embue.

On se sert, le plus communément, pour ces rehauts, de cuivre réduit en feuilles, qu’on appelle or d’Allemagne.

On rehausse la fresque de la même manière que la détrempe.

On rehausse aussi d’or à l’huile. Les ouvrages qu’on se propose de rehausser se peignent avec du massicot, du jaune de Naples, du jaune de Berry, de l’ochre de rut & dit stil-de-grain, broyés séparément à l’huile de noix. On les détrempe sur la palette avec de l’huile grasse, coupée par moitié d’essence.

Les parties sur lesquelles on veut peindre des objets rehaussés en or, seront imprimées & peintes de deux couches à l’huile, & d’une troisième à l’huile, coupée d’essence. On poncera cette disposition.

Quand les objets sont peints & secs, on prend de la chaux éteinte à l’air & passée dans un linge ; on en fait un poncis que l’on passe sur l’ouvrage en tapant, pour marquer les endroits qui doivent rester en couleur, & pour empêcher que les hachures d’or ne s’étendent sur ces endroits. Après avoir épousseté légèrement la chaux avec un pinceau, on peint avec de l’or-couleur les hachures qui doivent ensuite être couvertes d’or. L’or-couleur doit, par cette opération, être très fin, bien net, & passé à travers un linge, pour qu’il n’y reste aucun grain : on l’applique avec un pinceau fin, & on en couche une assez grande épaisseur, pour donner plus de relief à l’or. On applique l’or quand l’or-couleur est assez sec pour ne plus conserver que le gluant capable de le haper. On pose l’or en pleine feuille sur les parties où il doit s’arrêter, & on l’aide à s’y fixer, en appuyant très-légèrement. Ensuite, dans tous les intervales des hachures, on nettoie l’or très-légèrement avec une brosse de poil neuf qui soit nette & douce ; il ne faut laisser d’or qu’aux endroits où l’on a posé l’or-couleur. Après cette opération, on prend sur la palette un peu de stil-de-grain & de jaune de Berry, broyés très-fin à l’huile. On les mêle ensemble, en détrempant le pinceau dans un godet où l’huile grasse est coupée par moitié d’essence. On fait un glacis de cette teinte sur tous les endroits où il n’y a pas d’or : on continue même quelquefois ce glacis sur le bord des hachures d’or, pour éteindre les trop grands éclats de lumière.

Quand cette teinte est sèche, on recherche les bruns avec de la terre de Sienne, de la terre d’Italie, de l’ochre de rut, broyées à l’huile de la manière qu’on l’a déjà dit. C’est de cette manière que l’on peint en or par hachures ; seul procédé par lequel on puisse peindre avec cette substance.