Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Brosse

Panckoucke (1p. 84-85).

BROSSE. On se sert, en peignant à l’huile, de brosses & de pinceaux ; la brosse est une espèce de pinceau moins fin, plus grossier que ce qu’on appelle plus ordinairement pinceau. La brosse est formée de poils ou soies de cochon assez dures médiocrement flexibles, peu disposées à former la pointe en se réunissant à leur extrêmité. Il faut un art ou une adresse, particulière pour faire parfaitement les brosses, & surtout les pinceaux ; c’est avec leur secours que le Peintre, après avoir pris les couleurs ou les teintes qui sont disposées sur sa palette, les applique sur la toile, pour les étendre ensuite, les mêler ou les unir les unes aux autres. Il paroît qu’on a commencé par faire des pinceaux, ou du moins que les Peintres s’en sont servis ayant de faire usage des brosses, parce que ces Artistes ont du être portés à opérer avec la couleur, comme avec le crayon bien aiguisé, ou la plume. Ils avoient besoin pour cela de pinceaux qui fissent la pointe : leurs grands ouvrages mêmes etoient peints ainsi. Cette


façon d’opérer contribuoit, avec plusieurs autres causes, à la manière sèche qu’on remarque dans leurs ouvrages. Leur trait étoit fin, la touche étoit maigre, & par-là son effet manquoit de la perfection que l’usage de la brosse a procurée à cet égard aux Artistes.

La brosse peut titre de différentes dimensions. Il y en a de très-grosses, & elles sont destinées pour les grands ouvrages & pour couvrir, comme on dit, les fonds. Il y en a de petites pour les parties qui demandent de la netteté & de la précision ; mais comme les brosses, de quelque dimension qu’elles soient, ne font pas parfaitement la pointe, le trait qu’on détermine par leur moyen & la touche qu’on place, n’ont pas la maigreur que la perfection de l’Art exclud avec raison.

Cependant cet avantage de la brosse, plus favorable à l’effet, ce moyen plus prompt, cet outil qui peint plus large & plus gras, pour me servir du langage de l’Art, n’exclud pas absolument l’usage du pinceau, dont quelques Artistes encore savent corriger les inconvéniens ; mais ils le restraignent à certains détails, qui demandent absolument une grande précision ; ce qui a lieu surtout dans les tableaux d’une dimension moyenne ou petite, & dans ce qu’on appelle les petits genres, parce qu’ils permettent ou semblent même exiger une précision de trait indispensable.

Plusieurs observations se présenteroient à cette occasion. Je me bornerai à celle-ci : plus les genres qu’on nomme précieux, relativement à la manière dont ils sont peints, plus l’imitation servile enfin se multipliera, plus le Public reprendra le goût de petits détails, goût nuisible aux grands progrès & aux grands procédés de l’Art, plus aussi les Peintres reprendront l’usage des pinceaux en les substituant à la brosse ; ce qui les éloignera de la manière grande & savante d’employer la couleur.

Tout genre a certainement son mérite, toute manière d’opérer a quelque’avantage qui lui est propre ; mais lorsque la théorie raisonnée est parvenue à préférer ce qu’elle regarde comme meilleur, à ce qui lui paroît l’être moins, on peut assurer qu’elle a fait un pas vers la perfection ; si l’on rétrograde, on s’en éloigne.

Jeunes Artistes, qui aspirez à peindre d’une grande manière, accoutumez-vous à aiguiser le moins que vous le pourrez vas crayons en dessinant, & à vous servir le plus que vous le pourrez de la brosse en peignant. Les grands maîtres, en opérant ainsi, ont dessiné finement & peint aussi précieusement qu’il le faut, relativement aux différens ouvrages qui les ont immortalisés.

Vous blâmez les Peintres anciens qui, au renouvellement de l’Art opéroient autrement : prenez garde de retonsbrt insensiblement dans les mêmes défauts. Trop malheureusement dans nos Arts, nous ne parcourons gnon cercle plus ou moins grand, & les derniers points de ce cercle se rejoignent aux premiers.