Encyclopédie méthodique/Assemblée nationale constituante/Tome 2

ENCYCLOPÉDIE

METHODIQUE,

OU

PAR ORDRE DE MATIERES ;

PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,

DE SAVANS ET D’ARTISTES ;

Précédée d’un Vocabulaire universel, servant de Table pour tout l’Ouvrage, ornée des Portraits de MM. Diderot & d’Alembert, premiers Éditeurs de l’Encyclopédie.

ENCYCLOPÉDIE


METHODIQUE,



ASSEMBLÉE NATIONALE


CONSTITUANTE.

Contenant l'Histoire de la Révolution, les Débats & les Actes de l'Assemblée, avec la collection des Lois ou décrets sanctionnés par le Roi.

TOME SECOND.

Contenant les Débats qui ont eu lieu dans l'Assemblée, tant sur les objets Législatifs, que sur les événemens qui ont occupé ses Séances.

Par M. PEUCHET, homme de Loi, un des Administrateurs provisoires de la Municipalité de Paris, en 1789, &c.



A PARIS,


Chez Panckoucke, Imprimeur-Libraire, hôtel de Thou, rue des Poitevins,



M.DCC. XCII.

AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.


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L'impatience des Souscripteurs nous engageant à terminer promptement l'Encyclopédie méthodique, nous en avons pris les moyens qui nous ont paru pouvoir leur être le plus agréables. Nous avons dû en conséquence changer différentes choses dans l'ordre typographique, et engager les Auteurs de cette partie entomologique à supprimer les tableaux de caractères et d'espèces qui employoient beaucoup de place, sans être d'une nécessité absolue. Nous devons prévenir que la santé de M. Latreille ne lui ayant pas permis de rédiger en entier ce qui restoit à faire, il a prié MM. Le Peletier de Saint-Fargeau et Serville de se charger de ce travail, en se réservant à lui-même les insectes aptères de Linné  : dans ces derniers temps, sa santé étant devenue plus foible, il a été forcé de renoncer même à ce travail et il en a chargé M. Guérin. M. de Saint-Fargeau a donné au Public les Monographies des Chrysides ou Porte-tuyaux et des Tenthrédines ainsi que plusieurs Mémoires particuliers de Botanique et d'Entomologie ; M. Serville est un des collaborateurs de la Faune française ; enfin M. Guérin est auteur de plusieurs Mémoires sur les Insectes, dessinateur des Annales des Sciences naturelles et rédacteur de la partie entomologique du Dictionnaire classique d’Histoire naturelle.


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AVERTISSEMENT DES AUTEURS.


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L’intention de l’Éditeur, étant de se renfermer strictement dans le cadre de cet Ouvrage pour le terminer promptement, on sentira parfaitement que dans le seul volume qui nous étoit laissé pour les articles dont nous étions chargés, dans ce Dictionnaire, depuis les lettres PAP jusqu'à Z inclusivement, il ne nous étoit pas possible de donner le même développement à la description des espèces connues ; mais un grand nombre de genres ayant été établis depuis la publication des volumes qui précèdent eelui-ci, nous avons pensé que les naturalistes verroient avec plaisir donner les caractères de ces genres et y rapporter les espèces qui figurent sous leurs anciennes dénominations dans les volumes précédens de l'Encyclopédie. Nous aurions bien désiré pouvoir traiter ainsí tous les genres, mais on sent facilement que la chose étoit impossible, et que le seul moyen d'en publier au moins la majeure partie, étoit de les rattacher à des articles appelés par l'ordre alphabétique à faire partie de notre travail, comme nos prédécesseurs nous en avoient déjà donné l'exemple. Ces articles intercalés n'étant pas à leur lettre, nous nous proposons de donner une table particulière à la fin de ce volume, au moyen de laquelle on saura de suite si tel article qu'on n'aura point trouvé» à sa lettre est traité ici et à quelle page on en trouvera le développement.


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AVERTISSEMENT

Sur cette Partie du Dictionnaire Encyclopédique de l’Assemblée Nationale.


Nous avons cru faire plaisir au Public de commencer les livraisons du Dictionnaire Encyclopédique de l’Assemblée Nationale constituante, par cette seconde Partie. La première ne paroîtra qu’après les deux autres, parce qu’entièrement destinée à l’histoíre de la Révolution, elle sera susceptible d’un plus grand degré de perfection & d’exactitude lorsque nous aurons eu le tems de recueillir plus de faits & de comparer les diverses opinions des écrivains sur les causes & les acteurs des évènemens que nous avons vus. La Partie Législative ou des Décrets, qui, dans l’ordre du travail se trouve troisième, paroîtra de cette manière la seconde, dans l’ordre des livraisons.

Nous avons eu d’autres raisons encore de faire paroître avant les autres la seconde Partie, c’est-à-dire celle des débats de l'Assemblée ; c’est qu’elle nous a paru, comme elle l’est en-effet, la plus interressante ; qu’elle offre un ample sujet d’instruction  ; qu’on y trouve la discussion & le développement des motifs des nouvelles loix & des grands évènemens de la révolution ; qu’on y apprend à connoître les sentimens, & souvent le caractère des principaux Membres de l'Assemblée, par les opinions qu’on leur y voit soutenir, par les travaux auxquels ils se livrent ; c’est qu’encore cette matière est la moins connue, celle qu’on a plutôt oubliée & qu’il est utile de remettre sous les yeux, pour l’instruction de ceux qui doivent étudier la législation, & l’agrément de ceux qui veulent seulement connoítre les agitations, les mouvemens, les orages qui ont régné dans l'Assembiée, & présidé à la confection des loix qui régissent aujourd'hui la France.

De grandes questions ont été débattues dans les Séances du corps constituant, des évènemens terribles, nouveaux, ont souvent fait l’objet de ses délibérations, les moindres détails fur ces étranges conjonctures, tout ce qui peut faire connoître les choses & les personnes, plaisent & sont avidemment lus ; il a donc fallu pour donner une idée juste, vraie de la révolution, présenter d’abord fidèlement le tableau de I’Assembiée ; c’est ce que nous avons fait dans cette partie, qui quoique livrée à l’impreffion la première, ne tient dans la férie des idées & la liaison des évènemens, que le second rang, puisque la force de l’insurrection a précédé & dirigé la marche des travaux législatifs, dont les décrets ont été le résultat.

Nous ne répéterons pas ce que nous avons dit dans notre prospectus, du foin que nous avons pris d’apporter le plus d’impartialité, c’est-à-dire, le plus d’exactitude qu’il nous a été possible dans le récit des évènemens & l’exposé des débats de l’Assembiée ; jusques là que presqu’aucun des discours des Membres de la minorité n’ayant eu les honneurs de l’impreffion par l’ordre de l’Assemblée, nous nous sommes fait un devoir de les rapporter tels que leurs auteurs les ont fait imprimer, non-feulement pour offrir à nos lecteurs des raisons pour & contre les opinions adoptées, mais encore parce que plusieurs de ces discours sont des morceaux distingués d’éloquence, de logique & d’érudition.

Nous n’avons pas été peu embarrassés dans la manière de désigner les sujets de débats ; presque tous peuvent se rapporter à des mots dîfférens ; c’est ainsi que celui d’assignat peut se rapporter & se rapporte primitivement à celui de dette publique ; celui de juré à procédure criminelle, &c. Plusieurs qui ont trait à des faits, offrent encore de l’incertitude dans le choix du mot principal ; par exemple les délits du 6 Octobre, qui ont été l’objet d’une procédure, de débats à l’Affemblée, d’un rapport, &c. paroissent indifféremment pouvoir se placer à Çhateiet, Versaílles, 6 Octobre ; nous avons préféré Versailles, comme, le lieu de l’événement principal.

C’est une méthode que nous avons suivie pour tous les autres articles ; dans les questions de fait, c’est toujours le personnage ou le lieu principal de l’évènement qui indique les débats ; dans les questions de droit politique, de législation c’est l’objet principal, celui sur lequel portoit le sens ou l’intention de la délibération qui a été préféré. Ainsi pour exemple du premier genre, les évènemens de la retraite du roi à Montmedi, & de son retour forcé à Paris, sont placés au mot ROI, évènement ; pour exemple du second genre, ce même mot ROI, légiflation indique la férie des débats qui ont eu lieu fur fon inviolabilité, fes droits à la couronne, &c.

Dans les rapports de finance qui font très-nombreux, nous nous sommes bien trouvés de cette forme de distribution ; car fi, comme quelques perfonnes ont fait, nous eussions cumulé au mot Finance, tout ce qu’on comprend vaguement fous ce nom, nous eussions rendu cette partie du travail inutile ; mais en rapportant à la dette publique, ce qui concerne son existence & fa liquidation ; à depense publique, les débats ou rapports fur les fonds qu’elle exige ; à assignat, les, beaux discours qui ont été prononcés de part & d’autrç fur les inconvéniens & les avantages de cette ressource, &c. Et montrant enfuite dans la troisième partie le rapport, la liaison qui lient dans le positif des décrets, ces diverses branches de la fortune & des besoins publics avec les autres, on a une idée détaillée & adéquate de nos finances & de la législation des finances. J’en dis autant de l’armée, de la marine, &c.

Cependant pour épargner au lecteur des recherches inutiles, & la perte du tems toujours précieux pour qui veut s’instruire, quand quelque fait ou quelque point de discuffion peut être présenté sous deux ou trois rapports différens, nous rapportons les mots qui les indiquent est renvoyant toujours au principal où se trouve le développement de la matière ou les observations qui la concernent.

Nous rendrons encore cette facilité plus grande par une table des matières, qui moins utile pour la partie dés débats, le fera infiniment pour celle des décrets, puisqu’étant rangée dans l’ordre des idées & des principes législatifs, il ne seroìt pas également facile à.tout le monde de trouver fur le champ une loi particulière fur un objet demandé.

Quel que soit au reste le foin que nous mettrons à rapporter les plus petits détails de I’Assemblée, il est des objets tellement fugitifs, des décisions tellement éphémères, & dont l’intérêt est si borné, que nous n’avons pas cru devoir en faire mention, telles sont les adresses d’une foule de villes, de particuliers, les lettres, les dons patriotiques de quelques individus, &c. Quand cependant ces objets feront liés avec des évènemens importans, ou remarquables par quelque circonstance particulière ; nous les rapporterons, toujours fous le nom de i’individu, du corps ou de la communauté qui y a donné lieu.

Nous n’avons rien négligé pour être complet autant qu’il a été possible de l’être dans un travail qui, chaque apnée doit recevoir un nouveau degré de perfection ou d’altération ; nous nous sommes non-seulement procuré tous les matériaux imprimés de l’un & de l’autre parti ; mais encore nous nous sommes adressés à plusieurs Membres de l’Assemblée constituante, qui nous ont donné des choses très-précieuses fur les opérations, les travaux législatifs & les évènemens de la révolution. Nous desirons avoir atteint notre but, & proportionné notre travail à la matière qui en est l'objet. Paris 6 Novembre 1791. Peuchet.









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A.


ABSENS. C’est à la séance du lundi 4 janvier 1790, que l’assemblée s’est occupée pour la première fois des absens. Le quatrième article d’un projet de décret sur les pensions, présenté par M. le Camus, portoit « qu’il ne seroit payé, même provisoirement, aucunes pensions, dons, gratifications, aux françois habituellement domiciliés dans le royaume & actuellement, absens, sans mission expresse du gouvernement antérieur à ce jour ». Plusieurs membres ont parlé contre cette disposition, que les-uns regardoient comme un attentat à la liberté individuelle, les autres comme une précaution rigoureuse, mais nécessaire, pour alléger les charges du trésor & empêcher l’exportation du numéraire.

M. le marquis de Foucault. Je demande la question préalable sur cet article ; il attaque les droits qu’a tout homme de jouir des récompenses qui lui ont été accordées, par-tout où ses besoins, ou ses affaires l’appellent. Lorsqu’on accorde une pension, on n’y met point pour condition qu’on la perdra, lorsque des circonstances particulières forcent celui qui l’a méritée à quitter le royaume ; il n’est point au pouvoir de l’assemblée de mettre des clauses dirimantes à des engagemens, pris par le gouvernement envers des personnes qui l’ont servi avec zèle & assiduité. L’absence n’est point un délit ; vous ne pouvez traiter plus sévèrement les absens que les autres pensionnés de l’état sans une grande injustice, & par conséquent une violation des droits que vous êtes jaloux de faire respecter.

M. le président met aux voix la question préalable ; MM. de Fumel, de Mirepoix, de Foucault et-Bouchotte assurent que la décision de l’assemblée est douteuse, ils demandent l’appel nominal ; l’on n’en passe pas moins à la discussion ultérieure de l’article.

M. Bouchotte. Tous les droits de l’homme sont violés par votre projet de décret ; une pension est une propriété puisqu’on l’a acquise par des services réels, par un travail de plusieurs années ; l’on a donc le droit d’en consommer le produit par-tout où l’on pourroit dépenser son revenu territorial, & je ne pense pas que vous veuilliez mépriser les principes à ce point de regarder les absens comme-déchus du droit de propriété, comme spoliés de leurs biens par le seul fait de l’absence.

M. de Menou. C’est à tort que les préopinans invoquent les droits de l’homme contre le décret proposé ; ce n’est point attaquer la liberté que de mettre des conditions aux dépenses du trésor public ; nous n’empêchons personne d’aller & venir, & où il lui plaît, mais nous devons à la nation dont nous sommes les représentans, d’empêcher l’abus des grâces & des récompenses publiques ; nous pouvons mettre des conditions aux traitemens que le trésor public, fait à des hommes qui non-seulement ne rendent aucun service à l’ètat, mais même dépensent dans l’étranger un revenu, que l’utilité publique demande qu’ils emploient à l’avantage de nos manufactures & à l’encouragement de l’industrie par leurs consommations.

Plusieurs membres rappellent qu’on discute un sujet sur lequel on a demandé la question préalable, et qu’il y a eu du doute dans la décision de l’assemblée sur la question préalable : on demande de nouveau de mettre aux voix la question préalable ; l’épreuve donne le même résulitat, la question préalable est rejettée ; quelques membres demandent l’appel nominal.

M. Duport. Je propose de substituer au mot pension, ceux-ci, traitemens & appointemens attribués à des fonctions publiques. M. Gleizen. Je propose d’ajouter l’amendement de M. Duport au mot pension, & non point de l’y substituer ; s’il est juste que les pensionnaires de l’état dépensent leurs revenus en France, il est encore plus indispensable que des fonctionnaires publics ne touchent point de traitement à une distance qui ne leur permet pas de remplir leurs devoirs.

M. le président se prépare à mettre ; en délibération l’amendement de M. Duport ; MM. Bouchotte & Foucault réclament l’appel nominal, quelques autres demandent l’ajournement ; le président a peine à se faire entendre ; il y parvient.

M. le président. Je dois suivre les décrets de l’assemblée, elle a d’abord décidé que la délibération seroit continuée sans remise, ensuite qu’elle délibéreroit quant à présent.

MM. de Foucault, de Mirepoix, l’évêque de Perpignan, Bouchottë &ç. réclament contre cette manière de présenter la question ; il s’élève beaueoup de rumeur ; le président consulte l’assemblée, elle décide que la manière dont M. le président a posé la question est exacte.

M. de Foucault. En demandant la continuation