Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Oranger

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Oranger ; arbre précieux qui demande une culture toute particulière.


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ORANGER. Il faut suivre, pour la culture de cet arbre précieux, la doctrine de Roger Schabol, que nous allons rapporter ici d'après ses Elémens du jardinage.

« Les orangers demandent une terre qui leur soit propre ; voici sa composition : moitié terre de taupinière des bas prés, un huitième de crottin de cheval ; un huitième de fumier de vache bien consommé ; un huitième de poudrette ou terreau de matière fécale ; & enfin, un dernier huitième de crottin de mouton, qui aura été précédemment consommé avec du gazon, sinon le crottin de mouton sera mêlé avec de la terre franche.

« Il faut que toutes ces matières reposent au moins un an ensemble, afin que les sucs se mêlent : on les broie bien toutes, ce qu'on recommence avant de s'en servir ; & pour rendre cette terre plus meuble, on la passe par une claie dont les jours soient petits, & on froisse les petites mottes & les grumaux, pour faire passer le tout, ou pour n'omettre aucun de ces ingrédiens ; mais la terre de taupinière en doit toujours faire le fond.

» Les orangers viennent aisément de pépins plantés à trois pouces l'un de l'autre dans du bon terreau mêlé avec de la terre de taupinière ; mais il vaut mieux en acheter de tout greffés, de ceux qui en font venir de Provence, pourvu que toutes les racines soient bien entières, surtout le pivot.

» On les plante, comme les autres arbres, avec toutes leurs bonnes racines rafraîchies à l'extrémité en bec de flûte.

» Cette plantation se fait dans une caisse, ou dans un pot assez grand.

» Leur taille & leur ébourgeonnement se font de même que pour les autres arbres, excepté que l’ébourgeonnement se fait au printems, & la taille en juillet & août.

» La greffe se fait de même, excepté dans celle à écusson, où l'on met l'œil à contre-sens ; ainsi l'ouverture se fait de même.

» Quand les orangers sont malades, que les feuilles jaunissent, que le brûle des branches s'y met, & qu'il y a trop de racines, il faut les décaisser ou dépoter, retrancher de la motte & des racines jusqu'à trois pouces d'épaisseur à l'entour, & un peu plus de trois pouces par en dessous. On ôte ensuite ce qu'il y a de terre dans la caisse ; on met au fond des plâtras, ou des pierres, ou des fagots ; on jette de la terre composée comme ci-dessus dans le fond ; on repose la motte ; on met de la terre au pourtour, sans la presser nulle part ; il faut qu'elle s'affaisse d'elle-même : c'est pourquoi le niveau de la motte doit surpasser de quelques pouces les bords de la caisse, autour de laquelle on fait, avec des bouts de planches, une rehausse, que l'on ôte quand la terre est affaissée.

» On fait quelquefois des demi-encaissemens, suivant le besoin ou la maladie de l'oranger. Ces demi-encaissemens consistent à ôter la terre des côtés, & à en mettre de nouvelle, sans déranger la motte.

» C'est par un mauvais principe qu'on laisse à découvert la naissance des racines de l’oranger : il faut qu'elles soient toujours couvertes de bonne terre.

» Mais si l’oranger est vieux, & qu'il ait été élevé, la naissance des racines découverte, ne la recouvrez que successivement d'année à autre.

» Lorsqu'on met un oranger à fruit, il ne faut lui laisser des fleurs qu'en petite quantité, un peu, au-delà du milieu des branches, en tirant


vers le bout, & n'en pont laisser au bout & à la naissance des branches.

» Les orangers ne doivent être arrosés que rarement & légèrement, & quand la terre est au-dessus presque en poussière ; cet arrosement se fait avec de l’eau reposée au soleil, vers les quatre ou cinq heures du soir ; mais quand les jours sont plus courts, c'est entre trois & quatre heures.

» Quand les orangers sortent de la serre, ou quand ils paroissent malades, on leur donne une bouillie de crottin de cheval, ce qui se fait en mettant dans un baquet moitié eau, moitié crottin de cheval : on délaie bien le tout, même avec les mains, & on en arrose l’oranger.

» On tient les orangers sept mois dans la serre, & on ne les sort que depuis la fin d'avril ou le commencement de mai, jusqu'à la fin de septembre ou le commencement d'octobre.

Il faut les arroser dans la serre, quand la terre est en poussière à la profondeur de deux doigts : on les réchauffe dans ce lieu avec du feu fait avec des mottes de tanneur qui durent longtems ; ces mottes allumées se mettent dans une brasière au milieu de la serre ; ou bien, on brûle ces mottes dans un fourneau avec d'autres bois, mais il faut que cette chaleur soit tempérée, & au degré fixé pour les orangers sur un bon thermomètre.

» Il faut éviter de mettre les orangers trop près du mur, qui doit être garni de paillassons, & bien boucher tous les jours & les fentes par lesquels l’humidité, la fraîcheur des brouillards, la fumée, les vents coulis pourroient s'introduire dans la serre.

» Une orange est quinze mois à mûrir : on la cueille comme la pêche.

» Les maladies de l’oranger & ses ennemis sont les mêmes à-peu-près que ceux du pêcher : il faut se conduire aussi de même dans tous les cas, n'employer ni cire verte ni autres ingrédiens pour les plaies ; l'onguent de Saint-Fiacre suffit. C'est une charlatannerie que d'employer tant de mystères pour la culture des orangers : cette culture ne consiste qu'en ce qui vient d'être dit, & dans ce qui se pratique à l’égard des autres arbres.