Encyclopédie méthodique/Architecture/Tome 3/V

VAC

VACHERIE. s. f. C'est dans la construction des fermes Une des partis de la répartition des basses cours, et des Locaux Qui constituant les Étables. Il ya de CES LOCAUX Qui Ont Chacun Leur nom, according le genre de bétail Qu’ils renferment. Le nom de vacherie Indique une quelle Espèce d’animaux Elle Est Destinée.

VAGUES, s. f. pl. Il y a dans l’ornement de l’architecture plus d’un objet, dont l’imitation assez arbitraire permet de douter de leur origine, et dont les noms donnent lieu à des étymologies qui ne sont que conjecturales. Ainsi l’on a nommé vagues, un ornement toujours répété, qu’on emploie dans des parties courantes, et dont la répétition qui en représente les objets, comme courant, si l’on peut dire, l’un après l’autre, les a sait appeler des postes. Il est certain que l’ondulation des vagues ressemble à la forme, comme à la disposition de cet ornement. De là quelques-uns ont conclu qu’il ne devoit être placé que dans les parties inférieures de l’architecture, ou des ouvrages auxquels un l’applique. On voit l’ornement dont on parle employé souvent sur les vases grecs peints appelés vulgairement étrusques, et il y est le plus souvent comme formant le banbeau sur lequel portent les figures. Cependant on le voit encore placé sur d’autres parties de ces vases. On le voit très-souvent servir de broderie aux étoffes des personnages. De même l’architecture l’emploie comme les méandres, et plusieurs autres objets, à beaucoup d’endroits élevés et en plus d’une partie. Dès-lors on ne sauroit tirer aucune induction vraisemblable de sa prétendue origine en faveur de l’emploi local qu’on en devroit faire.

VAISSEAU, s. m. Ce mot vient de l’italien vascello, dont l’étymologie est vase. La signification première de vaisseau est donc celle de vase, ustensile de quelque manière qu’il soit destiné à contenir des liquides.

C’est certainement par analogie et par l’effet d’une certaine ressemblance, comme mesure de capacité, qu’ayant considéré le bâtiment de bois propre à recevoir une charge quelconque, et à la transporter par eau, comme une sorte de vase, on lui a donné le nom qu’il porte.

C’est par suite de la même assimilation que l’on donne, dans l’architecture, le nom de vaisseau à un grand intérieur, soit salle, soit galerie, soit église, comparant cet intérieur à un vase dont la capacité peut contenir une grande multitude.

VALLUM (Hadriani). On donna dans l’anti-


quité ce nom, à une muraille que l’empereur Hadrien avoit sait élever en Angleterre, pour préserver les sujets romains, des incursions des peuples, ou des sauvages du nord. Cette muraille occupoit toute la largeur du l’île, depuis une mer jusqu’à l’autre, c’est-à-dire depuis le bord de la Tyne, au voisinage de New-Castle, jusqu’au bord de l’Eden, pris de Carlisle, dans le Cumberland, et de Carlisle jusqu’à la mer. Elle étoit haute de quinze pieds, et en quelques endroits large de neuf, comme on peut le voir par les débris qui restent. Elle contenoit environ cent milles de longueur, et étoit flanquée de tours, à la distance de mille pas les unes des autres. Il y eut encore en Angleterre d’autres murailles semblables, bâties par les Romains à diverse époques : celle qu’on appela Vallum Agicola étoit vers le nord. Celle qu’on nomme Vallum Antonini Pii, fut élevée contre l’invasion des Calédoniens, On connoît encore sous le nom de Vallum Severi, une muraille qui s’étendoit d’une mer à l’autre, entre les golfes aujourd’hui de Cluye et de Forth. Enfin, on cite le Vallum Stiliconis, que Stilicon fit bâtir, dans un espace d’environ quatre milles, pour comprimer l’invasion des Scots, qui descendoient de l’Ecosse, depuis l’embouchure du Darwent, jusqu’à celle de l’Elan.

Vanne, ES, s. f. (Terme d’architecture hydraulique. ) On appelle Ainsi de gros venteaux de bois de chêne, Qui se haussent et Qui se baissent Dans des coulisses, versez lâcher, ous versez Retenir les eaux D’une écluse, D’UN canal, D’UN étang.

Sur Nomme also vannes Les Deux cloisons D’UN batardeau.

Vantail. Voyez Ventail.

VANVITELLI.

Vanvitelli, un des plus grands architectes du dix-huitième siècle, et auteur du plus grand monument de ce siècle, naquit à Rome, en 1700, d’un père né à Utrecht en 1647, qui s’appeloit Gaspar van Witel, et qui s’étoit établi en Italie. Devenu en quelque sorte Italien, il ne put empêcher son nom de subir (ce qui est un effet assez ordinaire) la terminaison de la langue du pays qui l’avoit adopté. Gaspar van Witel étoit venu à Rome dès l’âge de dix-neuf ans, et s’y étoit perfectionné dans la peinture de paysage et d’architecture. Il avoit exercé son talent dans les principales villes d’Italie. Mais enfin domicilié à Rome où il fut reçu citoyen, et membre de l’Académie de Saint-Luc, il mourut, laissant à son fils le meilleur de tous les héritages, une tradition de bonnes leçons, de bons exemples, et une belle réputation à soutenir.

Le jeune Vanvitelli, dès six ans, manioit déjà le crayon, et dessinoit d’après nature. Peintre habile, et maître, à l’âge où l’on n’est ordinairement qu’élève, il n’avoit que vingt ans, lorsque le cardinal Aquaviva lui fit peindre à fresque, dans l’église de Sainte-Cécile, la chapelle des reliques, et à l’huile, le tableau de la sainte. Plus d’un ouvrage de ce genre le classoit déjà parmi les meilleurs peintres de son temps. Mais dès-lors un autre art partageoit ses hommages, et devoit s’emparer de tout son génie. Etudiant sous lvara l’architecture, il promettoit de surpasser bientôt son maître.

Aussi le cardinal de Saint-Clément n’hésita point de le conduire très-jeune encore à Urbin, pour restaurer le palais Albani. Là Vanvitelli fut chargé de construire les églises de Saint-François et de Saint-Dominique. On peut dire que son talent et sa réputation n’eurent point de jeunesse ; car à vingt-six ans il fut fait architecte de Saint-Pierre. Cette grande basilique étoit à la vérité terminée dans ses plus importantes parties. Mais sa décoration intérieure demandoit encore de très-importans travaux. De ce nombre étoient ceux des grandes mosaïques qui ornent ses chapelles, et y remplacent les tableaux dans des dimensions appropriées au local, et que la plupart des originaux n’avoient point. Vanvitelli en copia lui-même plusieurs pour être traduits en mosaïque.

Il participoit dès-lors à tous les grands travaux de son époque, soit en réalité, soit en projet. Associé à Nicolas Salvi dans la conduite des eaux qui devoient arriver à la fontaine de Trévi, il partagea ses fatigues. Lui-même, dans des mémoires écrits de sa main, et que conserve l’Académie de Saint-Luc à Rome, il nous apprend qu’il concourut volontairement avec beaucoup d’autres d’architectes au projet du grand portail de Saint-Jean-de-Latrun. Vingt-deux dessins surent exposés dans une salle du palais Quirinal au jugement des académiciens. Les projets de Vanvitelli et de Nicolas Salvi furent préférés. Mais le pape adjugea l’ouvrage à Galilei. Il confia à Salvi le grand ouvrage de la fontaine de Trévi, et à Vanvitelli les travaux d’Aucône. Ce dernier avoit présenté deux dessins de portail pour Saint-Jean-de-Latran, l’un avec un ordre unique de colonnes, l’autre composé de deux. Ce dernier avoit son ordre inférieur en colonnes corinthiennes isolées, celui de dessus étoit composite, avec frontispice, balustres, et de grandes statues.

Vanvitelli alla donc à Aucône, où il construisit un lazaret pentagone avec un bastion, un môle de trois cents palmes (romains) de longueur sur cinquante de profondeur, avec une belle entrée ou porte ornée de colonnes doriques. Il eut, sans


sortir de cette ville, à faire exécuter un grand nombre de projets soit de sa, composition, soit de restauration : par exemple, pour la chapelle des reliques de San Ciriaco, pour l’église du Jésus, pour celle de Saint-Augustin, pour la maison des exercices spirituels, à Macérata pour la chapelle de la Miséricorde, à Pérouse pour l’église et le monastère des Olivetains, à Pesaro pour celle de la Madelaine, à Foligno pour la cathédrale, à Sienne pour l’église de Saint-Augustin.

En 1745, il entreprit, dans un séjour qu’il fit à Milan, de donner un projet de frontispice, pour la cathédrale de cette ville. Ce projet avoit l’avantage d’offrir un parti d’architecture mitoyen entre le style antique et le style gothique, Rien ne pouvoit mieux s’assortir au caractère mixte du monument. Mais les circonstances politiques du temps ne permirent pas de donner suite à cet ouvrage, et le portail est encore en projet.

A Rome Vanvitelli, fit quelques augmentations à la bibliothèque du collège des Jésuites, et des restaurations à leur maison de Frascati appelée la Rufinella. Il composa une chapelle de la plus grande richesse, qui fut transportée et placée dans l’église des Jésuites à Lisbonne. Mais sa plus grande entreprise à Rome fut le couvent de Saint-Augustin, édifice des plus considérables, entre tous ceux de cette ville.

Ce fut lui qui exécuta la célèbre opération des cercles de fer, qui furent placés autour de la coupole de Saint-Pierre, dans l’intention d’arrêter le progrès des désunions ou lézardes qui s’y étoient manifestées, vers le commencement du dernier siècle. Lui-même il a laissé une description des moyens qui furent employés. L’expérience semble avoir prouvé depuis, que cette désunion, dont on s’alarma tant alors, avoit pu n’être qu’un effet assez naturel, ou de quelque négligence dans l’opération de la bâtisse, ou du retrait de la maçonnerie, et qu’elle ne provenoit d’aucun vice dépendant de la courbe de la voûte, attendu que les coupoles sphériques ne produisent aucune poussée, et l’on a conclu, que les cercles de fer étoient inutiles. Bottari a beaucoup combattu cette opération. Croyant que cette sorte de désunion devoit être le propre de toutes les coupoles, il en a inféré qu’il ne falloit point faire de coupoles. Question par trop étrangère à cet article.

Vanvitelli, dans les Mémoires déjà cités, se donne pour l’auteur du grand pont de charpente, dont on se servit à l’intérieur de la coupole de Saint-Pierre, pour remplir les intervalles opérés par les lézardes. Mais Bottari et Rome entière en attribuent l’envention à Zabaglia. Il y a encore entre ce dernier et Fontana un pareil conflit, sur une construction du même genre. Ce qu’on doit dire à ce sujet, c’est que sort naturellement il peut y avoir débat entre celui qui invente ce qu’il n’auroit peut-être pas pu exécuter, et celui qui exécute ce qu’il n’auroit peut-être pas imaginé.

D’autres ouvrages plus ou moins importans occupèrent encore Vanvitelli à Rome. De ce nombre furent les grandes décorations, qu’exigea, dans l’église de Saint-Pierre, la célébration de l’année sainte en 1750 ; l’illumination de la coupole pour laquelle il imagina un dessin nouveau ; des projets pour une canonisation, le catafalque de la reine d’Angleterre ; des dispositions ou exécutées ou projetées, pour la grande église de la Chartreuse, pratiquée dans les restes de construction des thermes de Dioclétien.

Sa réputation étoit parvenue à un tel point, que lorsque le roi de Naples Charles III (depuis roi d’Espagne) voulut élever à Caserte un palais, qui ne le cédât à aucun de ceux que les souverains de l’Europe ont construits, avec le plus de grandeur et de magnificence, il ne balança point à faire choix de Vanvitelli. Un tel choix méritoit de la part de l’architecte, des efforts proportionnés, et à l’honneur qu’il recevoit, et à l’importance de l’entreprise. On peut dire qu’il ne manqua ni à l’un, ni à l’autre du double engagement qu’il étoit censé contracter.

Rien de plus grand, comme ensemble un et complet, n’existe en Europe. Le seizième siècle a produit, quoique dans des masses moins considérables, des palais d’un caractère d’architecture plus sévère, plus grandiose, plus empreint du style de l’antiquité, plus riches en détails classiques, et d’une plus haute harmonie. Cependant il fut heureux pour le palais de Caserte, d’avoir été construit à celle époque du dix-hui-tième siècle, où, de toute part, le goût, désabusé des caprices et des innovations stériles du siècle précédent, étoit rentré dans les voies de l’ordre, de la raison et de la simplicité, cause première de toute beauté dans l’art de bâtir.

On doit déjà rendre justice à l’imité comme à la régularité du vaste plan de ce palais, dont la masse s’élève sur une superficie de 950 palmes (napolitains) en longueur et de 700 palmes en largeur. Il ne saut pas oublier encore de comprendre dans l’étendue de son ensemble la grande place elliptique, à laquelle il se rattache par deux petits corps avancés. Cette place, à laquelle aboutissent cinq avenues, est environnée de bâtimens destinés aux logemens tant de service que des gardes à pied et à cheval, avec toutes leurs dépendance.

Le plan général du palais, proprement dit, est, comme ses mesures l’ont déjà fait voir, un carré long, divisé, en quatre grandes cours toutes égales entr’elles, par quatre corps de bâtimens qui sout la croix. Ainsi chaque cour est comme un palais tout entier. On aperçoit dès-lors, quelle prodigieuse étendue auroit cet ensemble, si au lieu d’être ainsi ramassé et multiplié dans un quadruple carré, il se développoit, comme


on l’a pratiqués ailleurs, sur une seule ligne. Mais il est tout aussi facile de comprendre l’avantage que le service intérieur de ce grand palais doit retirer d’une composition qui, rapprochant ainsi entr’elles, et subordonnant à un plan uniforme, les diverses parties du tout, réunit par une circulation facile et régulière les services multipliés d’une habitation royale.

Le palais de Caserte a sur tous les grands édifices du même genre, une supériorité incontestable, c’est la parfaite unité que son plan a inspirée. Cette, qualité, il faut l’entendre sous ses deux principaux rapports, savoir l’unité de conception, et l’unité d’exécution.

Et pour parler d’abord de cette dernière, on sait assez combien il est rare qu’une vaste entreprise n’éprouve point de ces interruptions, qui amènent ou une succession d’architectes jaloux de mettre du leur dans l’ouvrage d’autrui, ou des changemens de maîtres accessibles à de nouvelles idées, ou des révolutions de goût, dont l’effet a toujours été de porter les hommes à plaindre le passé et à vanter le prétent. L’ouvrage de Vanvitelli a échappé à ces divers contre-temps. L’architecte eut le bonheur d’exécuter lui seul toute sa construction, dans le cours d’un petit nombre d’années. Aussi le tout semble-t-il avoir été comme coulé d’un seul jet. Nulle addition, nulle correction, nulle modification n’en a altéré, ni dans l’ensemble, ni dans les détails, le projet originaire.

L’unité de conception n’y est pas moins remarquable soit dans le plan, soit dans l’élévation. Il faudroit pouvoir rendre compte ici de ce qui ne peut être saisi que par la vue, sur les plans des trois étages de ce palais, pour faire voir, comment tout ayant été conçu et coordonné, dans toutes les parties de ses nombreuses dépendances, il ne fut jamais nécessaire d’y opérer le moindre changement.

On ne sauroit imaginer plus d’accord entre la distribution du plan, et la disposition des élévations. Sur un soubassement qui comprend l’étage à rez-de-chaussée, et au-dessus un petit étage de service, que nous appelons entresol, s’élève une ordonnance ionique, en colonnes, dans les deux espèces d’avant-corps de chaque extrémité, et dans celui du milieu, mais en pilastres dans tout le reste (on parle de la façade sur le jardin), deux rangs de fenêtres avec leurs chambranles occupent la hauteur des entre-colonnemens. Le tout se termine par un entablement continu dans la frise duquel sont pratiquées de petites ouvertures de Mezzanino. Une balustrade ornée de statues règne dans tout le pourtour. Les deux espères d’avant-corps dont on a parlé aux extrémités de chaque façade, supportent chacun un pavillon carré à deux étages, avec colonnes et pilastres d’ordre corinthien. L’espèce d’avant-corps du milieu est couronnée de chaque côté par une coupole circulaire. Pareille ordonnance pour la façade d’entrée, moins les pilastres entre les fenêtres, et pareille répétition dans les deux façades latérales.

Trois portes dans les deux grandes façade forment les entrées du palais. Celle du milieu introduit dans un vestibule circulaire, suivi d’un autre portique en longueur qui aboutit au centre, où se trouve un vaste et magnifique escalier construit tout en marbre. Les deux autres portes, destinées particulièrement au passade des voitures, donnent entrée de chaque côté, dans l’intérieur d’une première cour, d’où une porte et un portique orné de niches, et passant sous le grand corps de bâtiment transversal, conduit de l’un et de l’autre côté à une cour toute semblable. Ces quatre cours ont leur rez-de-chaussée en arcades, et la communication entr’elles est établie par les percées de la traverse qui forme la croix dans le plan général.

On feroit un long ouvrage de la description des principaux détails du palais de Caserte ; nous nous contenterons d’une simple mention des objets les plus remarquables do son intérieur. Ce qui frappe surtout les yeux, c’est le magnifique vestibule, orné de colonnes en marbre de Sicile, et formant le centre des quatre branches de la croix intérieure qui constitue les quatre cours ; c’est l’escalier tout en incrustations et en colonnes de marbre qui, du centre dont on vient de parler, produit l’aspect le plus riche, et le plus pittoresque ; c’est la chapelle avec ses colonnes corinthiennes de marbre sur leurs piédestaux, et où la richesse de l’art le dispute au luxe des matières ; c’est la grandeur et la noble distribution des appartemens, des galeries et des salles de tout genre.

Quant au goût d’architecture, on a déjà fait entendre que, s’il ne s’y trouve rien que l’artiste puisse reconnoître comme modèle classique, on n’y rencontre rien non plus qui soit capable de déparer un aussi grand monument. Rien dans le fait à reprendre aux profils des entablemens : aucun ressaut n’interrompt la grandeur de leurs lignes. Nulle part de ces ornemens capricieux que le goût et la raison s’accordent à condamner. Les proportions des ordres y sont régulières. Les fenêtres ont généralement leurs chambranles d’une bonne forme. Tous les rapports y sont judicieusement combinés. Partout règne une véritable eurythmie qui satisfait l’esprit et les yeux. On aime encore à y priser un caractère de sobriété dans la décoration qui laisse bien triompher les masses, une pureté d’exécution remarquable, un choix et un emploi soigné des moyens de construction.

On ne sauroit quitter le palais de Caserte sans faire mention d’un autre grand ouvrage, qui en est, si l’on peut dire, une dépendance, l’aquéduc construit par Vanvitelli pour conduire des eaux abondantes à ce palais. Ici notre architecte eut


encore le privilège d’élever la construction la plus importante de toutes les entreprises modernes en ce genre, et de la conduire à sa fin.

Les travaux souterrains de cet aquéduc sont aussi considérables que les constructions extérieures, mais les difficultés en furent beaucoup plus grandes. Les eaux parcourent, avant d’arriver à leur terme, un espace qu’un évalue à neuf lieues ; les sources où l’on est allé les chercher sont à douze milles au levant de Caserte. Il a fallu percer cinq sois des montagnes, la première sois sur un espace de 1100 toises dans le tuf ; la seconde sur un espace de 950 toises ; la troisième dans de la terre grasse, et ensuite dans un roc vis sur une longueur de 350 toises ; enfin dans la montagne de Caserte sur 250 toises. Trois sois il fallut faire traverser au conduit des vallées sur des ponts, le premier de trois arches au pied du Taburno ; le second dans la vallée de Durazzano, formé par trois arcades sort exhaussées ; enfin, vers le mont appelé di Garzano, l’aquéduc traverse une vallée où a été exécuté le plus grand travail, c’est-à-dire un pont à trois étages, de 1618 pieds de long et de 178 de hauteur. Ce dernier ouvrage peut le disputer à ceux des Romains.

Le premier rang (celui d’en bas) a dix-neuf arcades, le second vingt-sept, le plus haut quarante-trois. Les piles des arches inférieures ont 32 pieds d’épaisseur en bas et 18 en haut. Elles sont hautes de 44 pieds, celles de l’étage au-dessus ont de hauteur 53 pieds. La hauteur totale est de 178 pieds.

Toute cette construction est de tuf, ou de pierre tendre entremêlée de rangées de briques. Les piliers sont renforcés par des contreforts qui donnent une grande consistance à l’ouvrage, mais qui ne laissent pas d’en déparer l’aspect. On seroit tenté d’en blâmer l’emploi, si l’on ne pensoit, qu’en de tels travaux, la considération de la solidité doit passer avant toute autre.

L’aquéduc dans sa longueur totale a 21133 toises. La pente du conduit est d’un pied sur 4800 pieds. La quantité d’eau est de 3 pieds 8 pouces de large sur 2 pieds 5 pouces de hauteur. Le réservoir ou château d’eau auquel cet aquéduc aboutit sur la montagne au nord de Caserte est à 1600 toises du palais, et a 400 pieds au-dessus du niveau de sa cour. Cet aquéduc fut achevé au commencement de l’année 1759, et l’on n’employa que six ans à sa construction. L’introduction des eaux y eut lieu le 17 mai 1764. Au moment où on leur ouvrit le passage du côté de la source, des coups de canon en donnèrent l’avis à ceux qui se tenoient du côté opposé où les eaux dévoient déboucher. Vanvitelli, d’après ses calculs, avoit annoncé au roi que l’eau mettroit quatre heures à faire le chemin. Aussitôt que ce temps fut écoulé, le roi, la montre à la main, en avertit Vanvitelli. Quelques minutes s’étant passées et l’eau n’arrivant point, le roi fit remarquer de nouveau ce retard. Mais à peine cette seconde remarque commençoit-elle à inquiéter l’architecte, que des torrens d’eau débouchèrent avec un bruit épouvantable. Le bruit des applaudissemens s’y mêla, et le roi embrassa Vanvitelli.

La direction d’aussi grandes entreprises n’empêcha point Vanvitelli de donner encore de son temps et de ses soins, à d’autres ouvrages, qui auroient pu occuper tout le temps et exiger les soins d’un artiste tout entier. On cite un assez grand nombre de compositions dont il donna les dessins ou suivit l’exécution à Naples et en d’autres villes.

Il construisit à Naples, au pont de la Magdelaine, la caserne de cavalerie, édifice d’un goût sévère, et conforme à sa destination, soit par son caractère extérieur, soit par la commodité de ses distributions internes.

On lui attribue la salle de la sacristie, et la chapelle de la Conception à San Luigi di Palazzo.

De lui est la colonnade dorique de la place qu’on appelle Largo di Spirito Santo, pour la statue équestre de Charles III, roi d’Espagne.

De lui sont les églises de San Marcellino, de la Rotonde, de l’Annonciade.

De lui la façade du palais de Genzano à Fontana Medina ; de lui la grande porte, l’escalier, et l’achèvement du palais Calabritto à Chiaia.

Il y a de lui des ouvrages à Resina, à Matalane, à Bénévent, et on met sous son nom à Brescia la grande salle publique, à Milan le nouveau palais archiducal.

Chargé à Naples de la décoration de toutes les fêtes publiques, il soutint dignement sa réputation par des compositions analogues à chaque objet.

Heureux dans toutes ses entreprises, il n’essuya qu’une seule disgrace, et ce fut à Rome où il étoit né, et où il devoit mourir. Nous lisons dans Milizia que pour restaurer l’aquéduc de l’Aqua felice près de Pantano, il avoit évalué à deux mille écus romains la dépense de l’ouvrage ; mais elle passa vingt-deux mille écus. Il fut condamné à en payer cinq mille de ses deniers.

Vanvitelli fut un homme d’un caractère honnête et doux, d’une humeur facile dans les rapports qu’il avoit avec tous ceux qu’il devoit conduire. Dessinateur infatigable, il ne pouvoit vivre que dans l’étude et le travail. Savant en tout ce qui tient à la pratique et au mécanisme de l’art, il n’eut pas moins d’habileté en toutes les parties de la distribution, de l’ordonnance et de la décoration. Doué d’un bon jugement et d’un goût sûr, il eut le mérite de se préserver des écarts de l’école vicieuse qui l’avoit précédé. Porté aux grandes entreprises, on peut dire qu’il voyoit grandement, et on doit le regarder comme ayant contribué en Italie h désabuser les yeux et les esprits des fausses manières qui régnoient encore de son temps. La postérité l’a placé sans aucune


contestation au premier rang des architectes de son époque. Peut-être par son palais de Caserte, a-t-il marqué aussi dans son pays le dernier terme des grandes entreprises propres à éveiller le génie d’un art, qui ne peut être encouragé que par les causes politiques, par des mœurs propices, par la richesse et le luxe des états.

VARIÉTÉ, s. f. C’est dans les ouvrages des arts une qualité, que la théorie ne sauroit guère définir et bien faire comprendre, qu’en en rapprochant la notion, soit de celle qui est son contraire, c’est-à-dire l’uniformité, entendue comme abus de l’unité, soit de celle qui passe trop souvent pour être son synonyme, la diversité.

L’unité, qualité première de tous les ouvrages des arts, nous l’avons assez expliquée à son article (voyez UNITÉ), est ce qui fait un tout des parties dont l’ouvrage se compose. C’est elle qui, par la liaison qu’elle établit entre ces parties, comme la nature le fait à l’égard des êtres organisés, donne à l’esprit et aux yeux le plaisir de comprendre facilement, de voir clairement, et de saisir sans effort le but que l’artiste s’est proposé, les raisons qui l’ont déterminé dans l’emploi de ses moyens, enfin, de juger du mérite de toute invention.

Mais cette qualité, qu’on appelle unité, a, si l’on peut dire, de chaque côté un écueil qu’elle doit éviter, et contre lequel vienueut trop souvent échouer les auteurs et les artistes.

Rien de plus facile que de tomber de l’unité dans l’uniformité. Or, voici l’effet de celle-ci. Dans la crainte que l’esprit et les yeux n’éprouvent trop de peine et d’embarras à voir et à juger, l’uniformité va établir partout l’identité, la similitude symétrique, la répétition complète de toutes les parties, de tous leurs détails, de toutes les formes, en sorte que le tout pouvaut être vu dans une partie, il ne reste aucun travail pour l’esprit et pour les yeux. Mais notre esprit, s’il se refuse à jouir de ce qui lui offre difficulté, embarras, complication, s’il suit la fatigue, il n’est pas moins ennemi de la langueur d’un repos trop continu. Il veut de l’action et du mouvement dans une certaine mesure, et le repos ne lui plaît aussi qu’autant qu’il n’est pas forcé. C’est entre l’activité de la fatigue et l’inertie de l’ennui, ne se trouve le point milieu, qui est le secret dans chaque art, des jouissances que chacun peut procurer à notre ame.

Si l’on abuse du raisonnement pour restreindre par trop la notion de l’unité, jusqu’à la faire approcher de celle de l’unisson, on réduira tout art, et tout ouvrage d’art, à cette nullité de moyens, à ce néant d’effet, qui ne laisseront plus à l’ame aucune prise pour y exercer son activité, et la rendront tout-à-fait inutile. Comme le plaisir de l’ame, dans les objets qu’on lui présente, est de les rapprocher et de les comparer, Elle n’a plus rien à faire, là où il n’y a lieu ni à comparaison, ni à rapprochement.

L’uniformité donc, telle que nous l’entendons ici, loin de ressembler à l’unité en diffère totalement. L’ame aime et veut l’unité, parce qu’elle veut, avant tout, que ce qu’on lui présente à voir et à entendre, puisse être entendu et vu assez distinctement, pour qu’elle en saisisse, sans trop de peine, les rapports. C’est que le désordre et la confusion sont pour elle un objet de fatigue ; c’est que la simplicité, compagne ordinaire de l’unité (voyez SIMPLICITÉ), lui rend facile, par l’ordre établi dans les objets, l’action de les discerner, de les comparer et de les juger.

Mais cela signifie-t-il que l’ame ne demande, par exemple, à la peinture, que des figures rangées sur une ligne droite ; à l’architecture, qu’une façade sans division et sans détails ; à l’art de l’orateur, qu’un discours sans mouvemens ; à l’art du chant, que des accords à l’unisson ; au poète, qu’un drame sans action, des récits sans fiction, des compositions sans épisodes ? Non sans doute : l’ame appelle au contraire la variété à l’aide de l’unité. La variété est pour elle, comme au physique, l’assaisonnement est ce qui éveille et soutient l’appétit.

Si la variété se laisse définir par le sentiment, lorsqu’on en rapproche la notion de celle de l’uniformité, qui est son contraire, elle trouve aussi une explication non moins sensible dans la différence de signification et d’idée, qu’on doit attacher au mot diversité, employé trop souvent comme synonyme de variété. Il ne sauroit être ici question d’une exactitude grammaticale dans l’appréciation des deux termes. Je dirai cependant que diversité me paroît s’appliquer plus particulièrement à ce qui regarde le genre, et variété à ce qui regarde l’espèce. Diversité exprime l’idée d’une différence marquée entre deux objets, entre deux actions, entre deux idées ; variété n’exprime que des nuances ou des dissemblances légères. On dit la diversité des couleurs, des climats, des caractères, des nations, des mœurs. Le mot variété indiquera les teintes de la même couleur, les irrégularités d’un même climat, les inégalités d’un caractère, les disparités qui se rencontrent dans les habitudes d’une même nation, dans les goûts d’un même homme ; on dira la diversité des croyances, et la variété des opinions.

Si cela est, la diversité est beaucoup moins propre que la variété, à entrer dans les tempéramens qui sont compatibles avec l’unité.

Ces tempéramens doivent être tels, que sans altérer le principe de l’unité, ils l’empêchent seulement de tomber dans l’uniformité. Ainsi, la variété n’ira jamais jusqu’à s’attaquer au fond des choses, aux bases de l’invention, aux formes principales d’un ouvrage, aux lois qui en régissent on en règlent la composition et l’ordonnance


générale. Non ; mais quand ces grands objets ont été déterminés selon les intérêts de l’unité, la variété intervient dans tous les détails, elle introduit dans le parti général de la composition, dans les masses de son ensemble, des modifications de formes, d’effet, de dessin, de caractère, qui font que, sans changer ni le plan, ni le motif, ni l’intention de l’ouvrage principal, elles lui donnent un attrait nouveau, elles excitent l’esprit et les yeux à s’arrêter sur des objets qui, tout à la fois, sont et ne sont pas les mêmes. La variété multiplie ainsi les créations de l’art, comme le fait la nature, qui, d’un type toujours semblable, sait sortir une infinité de dissemblances.

Telle est l’idée de la variété que nous donnent, en tout genre, les œuvres des grands maîtres. Par exemple, rien en peinture, ne concourt plus à produire l’unité de composition de certains sujets, qu’une certaine affectation de symétrie entre les masses correspondantes des deux côtés d’un tableau. Raphaël a souvent usé de ce procédé, et quelques critiques ont remarqué que cette espèce de symétrie est agréable au spectateur, parce qu’offrant, si l’on peut dire, comme un tout en deux parties égales, elle facilite à l’esprit et aux yeux le moyen d’en embrasser la conception, et de jouir de sa totalité. C’est le même effet que nous demandons à tout édifice, qui, sons peine de duplicité, est tenu d’observer une symétrie, laquelle répète, en général, d’un côté de son élévation, le dessin de l’autre côté. Cependant Raphaël, dans son unité, jusqu’à un certain point symétrique de composition, a su éviter l’abus de l’uniformité. S’il en existe l’apparence dans le parti général de la masse, il en a très-habilement prévenu le désagrément, par une savante et ingénieuse variété de lignes, de formes, d’attitudes, de groupes, d’ajustemens et de motifs, d’où résulte encore, pour l’esprit et les yeux, le plaisir particulier qu’où éprouve à voir sortir une beauté, de ce qui auroit pu produire un défaut.

Comme la variété fait le charme de l’unité, il faut reconnoître que, sans le principe de l’unité, la variété n’auroit pas lieu. Ce sont deux qualités corrélatives, dont l’une n’existe que sous la condition de l’autre ; et c’est ce qui fait bien distinguer la variété de la diversité, dont le corrélatif est l’uniformité : ce qui signifie qu’elles sont deux défauts contraires. Aussi n’opposons-nous pas la variété en elle-même à l’uniformité nous la considérons comme en étant moins le contraire que le correctif.

L’architecture est peut-être de tous les arts celui que la nature des choses porte le plus à l’uniformité, et à son article (voyez UNIFORMITÉ), nous avons même prétendu que ce mot comportant deux sens différens, l’un qui est l’expression d’un défaut (comme abus ou excès de l’unité) ; l’autre qui ne signifie qu’une identité naturelle entre les formes de quelques ouvrages, l’architecture ne pouvoit point se passer de cette dernière sorte d’uniformité. Cependant, plus on reconnoît cette condition de l’existence de cet art, plus on est forcé d’avouer le besoin qu’il a, comme les autres, et à cause de cela même plus que d’autres, d’introduire la variété dans ses ouvrages.

Ainsi, l’architecte, jusque dans l’uniformité nécessaire des masses symétriques d’une façade de bâtiment, y saura encore faire entrer quelque variété, au moyen de certains mouvemens dans les lignes, dans les saillies, dans les combinaisons de leurs détails. Il saura corriger le trop d’uniformité d’un plan, par certaines oppositions de rapports entre les parties, oppositions qui sont un artifice de l’art, pour déguiser une symétrie trop sensible. Il saura ménager, contre l’uniformité obligée des principales parties de son élévation, des variétés, par le mélange ingénieux des pleins et des vides ; des parties lisses ou travaillées, par une succession de richesses et de repos, par l’emploi des différent caractères des ordres. Mais l’application variable à l’infini de tous les objets de décorations et d’ornemens, de toutes les matières plus ou moins riches, de toutes les couleurs, de toutes les substances dont l’art dispose, lui donnera des ressources sans nombre, qui, sans rompre l’unité de l’ensemble, en feront au contraire valoir d’autant plus l’effet.

Car il faut le répéter, la variété n’est le contraire, ou l’ennemie, que de l’uniformité, qui est l’abus de l’unité ; elle sert au contraire l’unité, qui sans elle tomberoit dans celle sorte d’uniformité, qui en théorie est synonyme de monotonie.

VASARI (GEORGES), né à Arezzo en 1512, mort en 1574.

Trois genres de talent et de mérite, dont un seul eût suffi pour faire la réputation de Georges Vasari, ont recommandé son nom et sa mémoire aux éloges de la postérité, Peintre, architecte et écrivain biographe, il pourroît, sous chacun de ces titres, fournir la matière d’une notice assez abondante. Nous resserrerons dans le plus court espace qu’il sera possible, les renseignemens étrangers à l’art de l’architecture, le seul sous lequel il appartienne à notre ouvrage de le considérer.

Dans sa vie écrite par lui-même, et qui termine la série de toutes les vies des célèbres peintres, sculpteurs et architectes, connus de son temps, Vasari s’est étendu avec le plus grand détail sur ses propres travaux en peinture. Le nombre en est incroyable, et certainement aucun peintre n’eut plus de facilité, ne fut doué d’un esprit plus fécond, et d’une plus grande rapidité d’exécution. A peine peut-on citer l’école où il puisa les leçons de la peinture. Après en avoir


reçu les premiers élémens chez un maître obscur, on le voit étudier de lui-même les ouvrages de quelques maîtres célèbres, on le voit apprendre à mesure qu’il fait, et faire à mesure qu’il apprend. Il va de ville en ville, de pays en pays, accepte tous les ouvrages qu’on lui présente, s’enhardit peu à peu à de plus grandes entreprises, trouve dans les ducs de Toscane des protecteurs, n’en courtise aucun, et sait se rendre tour à tour indépendant sans orgueil, el dépendant sans bassesse. Il va plusieurs fois à Rome, il y connoît Michel-Ange, dont il ne fut réellement point élève, autrement que pour avoir dessiné d’après quelques-unes de ses productions. Dans la vérité, Vasari ne fut ni le disciple ni l’imitateur de personne, ou ne sauroit même dire à quelle école il tient particulièrement. Peut-être n’a-t-il ni les défauts ni les beautés d’aucune. Il se fit une matière à lui, manière libre, expéditive, et dont le goût, tenant un peu de tout, ne fait aucune impression ; en sorte qu’on ne le cite jamais, qu’on ne l’a jamais ni blâmé ni loué, et qu’il est tout-à-fait hors du cercle de ces maîtres, auxquels les générations suivantes ont, dans un genre ou dans un autre, demandé des leçons et des modèles. Il pratiqua tous les genres et tous les procédés de peinture, et dans tous il paroît avoir porté une facilité de composition et d’exécution, qui seule peut expliquer la multitude incroyable d’ouvrages qu’il a produits. Dans l’impossibilité de les dénombrer, on se contentera d’appeler les souvenirs du lecteur, sur les peintures de la chancellerie et de la Sala regia du Vatican à Rome, et sur les vastes compositions des voûtes de la grande salle du Palazzo Vechio à Florence.

Lorsque de tels et de si grands ouvrages n’ont pu faire surnager la réputation d’un peintre, au-dessus de celles de ses contemporains ; lorsqu’ils n’ont pu placer son nom dans le petit nombre de noms célèbres, que tous les âges répètent, et transmettent aux éloges des âges suivans, il faut bien qu’il y ait une cause, que la critique du goût doit rechercher. Cette cause nous n’avons ici ni le moyen, ni le temps de la développer, et une telle discussion nous éloigneroit trop du but d’un article, où Vasari ne doit paroître que sous le titre d’architecte. En deux mots, on hasardera de dire que Vasari, comme peintre, ne se recommande, dans le fait, par aucune qualité spéciale, qu’il n’eut ni l’expression, le sentiment de vérité et de noblesse de l’école de Raphaël, ni le savoir et la hardiesse de dessin de l’école de Michel-Ange, ni la pureté et la grace de Léonard de Vinci, ni le charme de la couleur vénitienne, et qu’il fut avec les Zuccheri, un des peintres qui précipitèrent alors la peinture dans les écarts d’un mauvais goût, comprimé d’abord par l’école des Carrache, mais qu’un voit reparoître enfin avec plus de hardiesse, vers le milieu du dix-septième siècle.

Comme architecte, Vasari nous paroît mériter d’être cité, sinon parmi les premiers maîtres de cet art, et ceux dont un génie particulier a rendu les productions classiques, du moins entre les hommes ingénieux et habiles qui, sans s’écarter du bon goût, ont su connoître et mettre en œuvre des ressources que l’artiste doit souvent à son esprit, plutôt qu’à l’étude. Dans cet art, Vasari eut encore moins de maîtres qu’en peinture. Lui-même nous apprend nue pour se rendre de plus en plus utile au duc Alexandre de Médicis, qui s’occupoit beaucoup de fortifications, il se mit à étudier la construction et à faire des études d’architecture. L’entrée à Florence de Charles-Quint en 1536 lui fournit bientôt l’occasion de travailler avec Tribolo aux dessins d’arcs de triomphe et de décorations, qui furent commandés pour la réception de l’empereur. Deux ans après, Vasari étoit à Rome pour la seconde fois. Là il passa tout son temps (nous dit-il) à dessiner tout ce qu’il avoit omis dans son premier voyage, et en particulier les objets que la terre receloit sous les ruines de l’antique Rome. Il ne négligea aucun ouvrage d’architecture ou de sculpture, et le nombre des dessins qu’il fit alors monta à plus de trois cents. Voilà d’après son propre récit à quoi se bornèrent ses études en architecture.

L’élévation à la chaire de Saint-Pierre du cardinal di Monte sous le nom de Jules III, donna à Vasari l’occasion d’entreprendre un véritable ouvrage d’architecture. Le cardinal, passant par Florence pour se rendre au conclave, pronostiqua qu’il seroit pape, et engagea Vasari, si sa prédiction se réalisoit, à venir le trouver à Rome. Vasari n’eut pas plus tôt appris l’exaltation du nouveau pontife, qu’il se rappela l’invitation et se hâta d’y répondre. Le pape l’accueillit de nouveau, et lui ordonna la construction de cette maison de campagne, située hors de la porte del Popola, dont on appelle aujourd’hui les restes, Vigna di Papa Giulio. Vasari en fut le premier architecte, et il paroît que la plus grande difficulté qu’il y éprouva, fut de satisfaire à tous les caprices du pape, qui ne savoit à quoi fixer ses idées. Plus d’un architecte y succéda à Vasari. Vignola fut celui qui poussa le plus loin cet édifice. Il paroît qu’il n’y reste plus du premier ordonnateur que la grotte ou fontaine souterraine, au-dessus de laquelle Ammanati construisit une fort belle loggia. De toutes les dépenses du pape, et des travaux de tant d’habiles architectes, il ne subsiste plus guère aujourd’hui qu’une espèce de ruine, où l’ou va encore avec plaisir chercher des détails de goût, et de précieux vestiges de la belle manière du seizième siècle.

Vasari revint bientôt à Florence, où de plus importantes entreprises alloient lui offrir de plus heureuses occasions de montrer son talent en architecture.

De ce nombre fut, sans aucun doute, celle du


grand édifice appelé encore aujourd’hui gli Uffizi, quoique, par un heureux changement de destination, il soit devenu spécialement le Muséum d’arts, nu ce qu’on appelle maintenant la Galerie de Florence. Nous ne parlerons pas ici de l’heureuse distribution de ce magnifique local, certainement le plus beau et le mieux accommodé qu’il y ait à son emploi. Nous bornant à l’extérieur de ce monument, nous dirons que Vasari s’y montra architecte, ingénieur et constructeur habile.

Cet édifice, composé de deux ailes parallèles de 210 pas de longueur, réunies à leur extrémité, sur le quai qui horde l’Arno, par un corps de bâtiment qui les rattache, dans une longueur de 70 pas, forme une sorte de cour environnée dans ses trois côtés de portiques, dans lesquels Vasari a, peut-être pour quelques raisons de solidité, adopté un parti d’ordonnance un peu compliqué. Au-dessus de ces portiques règne un attique que surmonte un étage de grandes fenêtres cintrées. Quoique toute cette composition ne soit point un modèle de pureté, on ne peut s’empêcher d’y admirer un assez bel accord, et généralement un parti aussi heureusement conçu que bien exécuté. Les détails que Ruggiei en a donnés dans sa Scelta d’architetture di Fiorenza, sont généralement purs et corrects, si l’on excepte quelques caprices d’ornemens de portes, en place de frontons, qui étoient devenus comme une mode au temps de Michel-Ange.

Un des plus grands travaux de Vasari, et qui l’occupa le plus long-temps, fut la refonte qu’il fit de tout l’intérieur du Palazzo Vechio. Cet énorme bâtiment avoit été, de siècle en siècle, modifié, rajusté sans plan, sans ordre, ni méthode, au gré de toutes sortes de besoins et de sujétions. Le grand-duc voulut enfin réordonner tous ces élémens, et il chargea Vasari de lui faire les plans d’une restauration entière de cet intérieur, et d’après ce plan un modèle en bois, qui mît à même de bien apprécier la nouvelle distribution. Le grand-duc approuva le projet et ordonna de mettre la main à l’œuvre.

Il faut lire dans les détails qu’en a donnés Vasari, quel prodigieux travail exigea cette grande restauration. L’intérieur fut entièrement changé pour la construction et la disposition. A la confusion et au désordre de toutes les parties que le hasard y avoit créées, an vît succéder un bel escalier, une série de grandes et belles salles, de cabinets, de chambres, de galeries, avec une chapelle, enfin avec toutes les commodités que les changemens survenus dans les mœurs y avoient rendues nécessaires ; toutes choses dont la description, très-difficile à rendre claire en récit, alongeroit fort inutilement cet article.

Ce qui nous paroît digne d’être observé dans ce grand travail de Vasari, c’est le soin qu’il prit, comme architecte à la fois et comme peintre, d’affecter à chacune des pièces de sa distribution, un motif de décoration historique ou allégorique en rapport avec leur destination. Ainsi les appartemens du grand-duc se composèrent, dans la série de chacune de leurs pièces, de la suite de chacune des histoires de ses illustres prédécesseurs. Chacune porta le nom de chacun d’eux, à partir de Cosme l’ancien, dont on voyoit retracées par la peinture les actions les plus mémorables. On y avoit ajouté les portraits de ses meilleurs amis, de ses dévoués serviteurs et de tous ses enfans. Chacun des Médicis y avoit ainsi une pièce consacrée à son honneur, jusqu’à Léon X, Clément VII, et Jean de Médicis, père du duc régnant. Pareil système fut suivi par Vasari dans les appartemens de la duchesse Eléonore ; chacune des pièces reçut pour sujet de décoration, l’histoire de quelqu’une des femmes les plus célèbres des siècles anciens ou modernes.

Il faut, en s’étonnant de la fécondité de l’artiste, et du beau choix de semblables idées, regretter, qu’un talent plus consommé, un goût plus pur, et une manière de peindre plus élevée, n’aient pas donné à d’aussi grands ouvrages, ce mérite classique, qui en auroit propagé la renommée dans toute l’Europe. C’est le sentiment qu’on éprouve surtout à la vue de cette grande salle, où le pinceau de Vasaris’exerça avec une inconcevable liberté : monument prodigieux de composition décorative, qu’on peut voir avec étonnement, mais dont on ne reçoit pas d’autre impression, et dont on ne garde aucun souvenir.

Vasari fut récompensé de ces travaux par le prince, avec une générosité qui égala la grandeur de l’entreprise, et l’activité avec laquelle elle fut exécutée. Outre les sommes et les présens dont il fut payé, il reçut encore en dons plusieurs maisons de ville et de campagne. Il fut honoré à Arezzo sa patrie de la charge suprême de gonfalonier, et d’autres emplois encore, avec la liberté de s’y faire remplacer par quelqu’autre citoyen de la ville. Tous ses parens furent comblés de faveurs et de libéralités.

Nous voudrions pouvoir parler ici avec plus de détail de deux monumens d’architecture, dont il a parlé lui-même avec trop de brièveté. On s’accorde toutefois à faire l’éloge du palais et de l’église qu’il construisit à Pise, pour les chevaliers de Saint-Etienne. On vante aussi à Pistoia, une belle coupole bâtie sur ses dessins ; c’est celle qu’on appelle de la Madona deli’Umilta.

Vasari s’étoit construit pour lui-même une maison à Arezzo, où il alloit se reposer quelquefois pendant l’été. Mais se reposer étoit, pour lui, changer de travaux. Il se plut donc d’orner à diverses reprises l’habitation qu’il s’étoit faite ; il en peignit l’intérieur et l’extérieur. Toujours porté vers les sujets poétiques et allégoriques, il décora le plafond de la grande salle, des images des douze grands dieux. Entr’autres sujets il imagina de personnifier toutes les villes, et tous les pays, où


il avoit exercé son art ; et il les figura, comme apportant leurs tributs et leurs offrandes, entendant signifier par là, que les bénéfices qu’il y avoit faits, à l’aide de son pinceau, a voient contribué à la dépense de cette construction.

Quel que soit le degré de mérite et de talent que cet artiste ait possédé, et à quelque point que ses nombreux travaux aient pu porter la renommée de son nom, nous croyons que son titre le plus assuré à une gloire durable, reposera toujours sur la grande collection qu’il a transmise à la postérité, de ses Vite dé piu eccellenti pittori, scuttori ed architetti.

Vasari nous a donné lui-même des documens précieux sur l’origine de ce grand ouvrage, et sur les circonstances qui le portèrent à l’entreprendre. Nous apprenons d’abord de lui que, dès sa première jeunesse (da giovanetto), il s’étoit fait un passe-temps, du soin de recueillir par écrit, des notes et des renseignemens sur les artistes dont le souvenir lui étoit le plus cher. Une circonstance se présenta qui réveillant, chez lui, l’ancienne idée de ce recueil abandonné, le mit sur la voie de le compléter, d’en étendre et d’en perfectionner l’ensemble. Se trouvant un soir chez le cardinal Farnèse, ou étoit rassemblée l’élite des personnages les plus distingués, dans la littérature et d’autres genres, la conversation tomba sur la belle collection de portraits d’hommes célèbres, qu’avoit réunis, dans la galerie de son magnifique palais à Côme, Paul Giove (l’ancien), homme fort savant, auteur de très-nombreux ouvrages. Paul Giove dans la conversation fit part du projet qu’il avoit, d’accompagner ces portraits de leurs éloges, ce qui lui donneront lieu de composer un traité, qui comprendroit des notices sur les plus célèbres artistes à partir de Cimabué.

Vasari avoit écoulé avec beaucoup d’intérêt cette conversation ; mais il avoit remarqué dans l’exposé de Paul Giove, beaucoup de méprises sur les noms, les surnoms, la patrie des divers artistes, sur leurs ouvrages, et enfin sur une multitude de points, qui annonçoient bien des connaissances générales, mais vagues et superficielles. Le cardinal s’adressant à lui : Qu’en pensez-vous, lui dit-il, n’est-ce pas là le sujet d’un grand et bel ouvrage ? Très-grand et très-beau, répondit Vasari, pourvu que Paul Giove soit aidé dons cette entreprise, par quelque artiste capable de mettre chaque chose à sa vraie place, et de décrire les objets comme ils sont véritablement ; ce que je dis, parce que je me suis aperçu que son discours, malgré ce qu’il a d’admirable, renferme beaucoup de détails inexacts, et de faits hasardés.

Vasari fut alors engagé par le cardinal, et par Paul Giove lui-même, à mettre la main à un travail, dont l’objet seroit de recueillir dans le meilleur ordre possible, et en suivant celui des temps, toutes les notions relatives aux grands artistes, depuis la renaissance de l’art. Il accepta cette mission, et après en avoir fait comme une sorte d’essai, il le porta à Paul Giove. Celui-ci l’encouragea à y mettre la dernière main, reconnoissant lui-même son incapacité de traiter des matières, qui demandoient des connoissances tout-à-fait spéciales.

Il paroît que depuis cet instant, Vasari, au milieu de ses innombrables travaux, fut trouver, dans sa laborieuse activité, le temps qu’exigèrent les recherches multipliées auxquelles il dut se livrer. On a vu par les détails ci-dessus, que jamais artiste ne mena une vie plus agitée. Toutes sortes de commandes de travaux, l’avoient appelé dans le plus grand nombre des villes d’Italie. Il avoit eu ainsi l’occasion, non-seulement de récolter de nombreux renseignemens, sur toutes les écoles, sur tous les hommes distingués de chaque pays, mais en homme instruit et habile lui-même, il avoit su classer la plupart des talens, distinguer les manières de chacun. Il eut donc l’avantage de parler de ce qu’il avoit vu, et ses jugemens en général durent être ceux d’un connoisseur. Une fois livré à cette grande entreprise, il fut encore se procurer beaucoup de ressources par ses correspondances, et il nous apprend lui-même, qu’il mit à contribution les écrits, à la vérité alors en petit nombre, de ceux qui avoient publié quelques ouvrages sur les arts.

Quand on pense aux difficultés qu’il y eut alors de porter aussi loin que l’a fait Vasari, un pareil recueil, on ne sauroit assez admirer le courage qu’il eut d’achever ce travail. Depuis lui, et l’exemple une fois donné, on vit dans chaque ville d’Italie paroître des collections historiques sur les artistes et les ouvrages, dont une sorte de patriotisme se plut à propager la mémoire. Mais Vasari embrassa toute l’Italie, dans son plan, et y renferma l’histoire de trois siècles. Qui pourroit douter des imperfections, des méprises, des lacunes ou des omissions qui s’y trouvent ? Elles lui furent reprochées de son vivant, et la critique ne l’épargna pas.

La critique eut sans doute raison sur bien des points. Ce genre d’histoire se trouvoit être d’une nature toute particulière. Les matériaux en étoient disséminés sur une multitude de lieux. Nuls renseignemens écrits, des traditions souvent suspectes, beaucoup d’inexactitudes sur les noms mêmes des artistes, sur leur âge, sur leurs ouvrages. Toutes ces difficultés, et une multitude d’autres, auroient exigé, pour être entièrement résolues, l’assiduité de toute la vie d’un seul homme, en chaque endroit. Le laps des années avait encore opéré une foule de dégradations, de déplacemens et de changemens : conçoit-on qu’un homme, pour qui ce travail n’étoit qu’un accessoire, et si l’on peut dire Je délassement de ses autres travaux, ait pu porter à chacune des innombrables notices de son ouvrage, le


scrupule et le soin minutieux que chaque détail eût exigé ? Cependant il est certain, et qu’il se trouva de son temps, et qu’il s’est trouve même depuis, le seul homme en état de remplir cette tâche, tant il est difficile que la critique du goût, se réunisse chez un seul artiste à la capacité, à l’esprit de recherches, et à la faculté de rendre ou d’exprimer par le discours, les idées des arts du dessin, les jugemens de la science, et les décisions encore plus délicates du sentiment. Si Vasari n’eût pas fait cet ouvrage, il est probable qu’il n’auroit jamais été fait ; et peut-être tous ceux qui vinrent après, n’auroient jamais été entrepris.

Voilà pour la difficulté matérielle. Maintenant une difficulté plus grande encore étoit, non-seulement de porter des jugemens incontestables sur une multitude de variétés de sujets, de manières, de styles et d’ouvrages subordonnés à des causes si diverses, mais encore de satisfaire à toutes les préventions locales, à toutes les rivalités de pays, à tant de diversités d’amour-propre et de vanités particulières. Vasari ne put donc point échapper à un grand nombre de dissentimens. Tantôt il aura eu, selon les uns, le tort de vanter trop des ouvrages médiocres ; selon les autres, de trop rabaisser des talens supérieurs ; selon d’autres, de n’avoir pas eu dans l’emploi de ses formes laudatives, assez de mesures variées pour proportionner la louange à la mesure de chaque ouvrage. Cependant telle est la pauvreté de toutes les langues, en ce genre, qu’aucun écrivain n’a pu échapper à ce dernier reproche. Et quel langage pourroit jamais trouver autant de formes caractéristiques de ces variétés, qu’il en saudroît pour répondre aux nuances infinies, dont la nature est prodigue dans la répartition de ses dons ?

C’est ici que la critique est aussi facile que l’art est difficile. Pour justifier Vasari de presque tous les reproches de partialité, il suffit de lire les vies des hommes les plus célèbres dont les ouvrages sont aujourd’hui si bien connus, pour rester convaincu que, sur le talent de ces hommes, presque tous ses jugemens ont été ratifiés par impartialité des siècles suivans. Vasari fut accusé à Rome d’avoir voulu élever Michel-Ange au-dessus de Raphaël. Il nous a paru au contraire, qu’il avoit su tenir entre ces deux rivaux, la balance avec la plus rare impartialité.

Quant a ce qu’on peut appeler la facture de son ouvrage, c’est-à-dire l’ordre et la méthode, la concordance de tous les articles entr’eux, l’art du style, et le talent de l’écrivain, Vasari, en présentant son travail aux académiciens de Florence, a réfuté avec autant de sens, que de simplicité, les critiques qu’il avoit bien prévu devoir encourir. Il fait sentir qu’il est sort loin d’avoir prétendu à une perfection que la nature même des nombreux sujets qu’embrasse la matière, avoit rendue pres-qu’impossible ; que son ouvrage avoit été fait à des temps fort différens ; que malgré les soins infinis qu’il s’est donnés, il a dû tomber dans des répétitions inhérentes au genre même de son travail ; qu’il n’a pas eu la prétention de se donner pour habile écrivain ; qu’il n’avoit prétendu écrire qu’en peintre, et pour l’intérêt de la peinture. Jo ho ‘scritto come pittore, e con quel’ ordine e modo che ho saputo migliore.

En définitive, l’ouvrage de Vasari est, et sera toujours réputé le plus beau monument historique, qu’aient élevé les Modernes en l’honneur des arts du dessin. Ce sera toujours une mine précieuse où, avec le slambeau d’une sage critique, on trouvera une multitude de notions qui n’existent point ailleurs ; et comme nous l’avons déjà fait entendre, son ouvrage vivra autant que subsistera le goût des beaux-arts, et, lorsque toutes les peintures dont il parle auront péri, il propagera encore dans tous les siècles avec la renommée de son nom, celle de leurs ouvrages.

VASBRUG ou VAESBRUG, architecte anglais, qui vivoit et étoit en grande réputation en Angleterre au commencement du dix-huitième siècle.

Ce fut un de ces hommes qui perpétuèrent, dans ce pays, le bon goût et le style noble et pur de Palladio, dont Inigo Jones avoit transplanté à Londres les traditions et les exemples. Dé’jà Christophe Wren (voyez son article) avoit donné, quoiqu’avec un style moins correct, une impulsion à l’art de bâtir en grand, dans la célèbre église de Saint-Paul, et dans ce qu’on appelle le Monument, ou la colonne colossale érigée à l’occasion de l’incendie de la ville, et de sa reconstruction. vœsbrug paroîtroit s’être sormé à son école, car nous ignorons sous quel maître il apprit son art.

Toutefois on peut croire qu’il succéda à Wren pour les grandes entreprises. On cite de lui un bon nombre d’édifices, dans lesquels on ne reconnoît pas toujours le goût sage de ses prédécesseurs. Mais le principal et le plus célèbre théâtre de son talent, est à Blenheim, dans le comté d’Oxford. Ce fut là qu’il construisit le vaste château, que la nation anglaise fit construire, pour en faire présent au duc de Marlborough, en reconnoissance de la célèbre victoire remportée par ce grand général à Hochstet, ou Blenheim, l’an 1704.

Le château de Blenheim est un des plus beaux de l’Angleterre. Le parti est généralement grandiose. Les détails y sont nobles, le tout est conçu, de manière à produire un ensemble majestueux, et s’adapte bien au caractère guerrier du propriétaire. On trouve cependant que l’architecte y a introduit un peu trop de diversité, soit dans l’emploi des différens ordres de colonnes, soit dans les contrastes, qu’il semble avoir affecté de multiplier entre les membres de l’entablement, soit encore dans l’emploi du parties rustiquées. On y reproche, dans l’intérieur, une distribution de pièces, dont la dimension est loin de répondre à l’épaisseur des


murs et de la construction générale. Toutefois on doit faire L’éloge de la décoration des appartemens, qui surent ornés avec goût, et remplis de peintures, par le célèbre Thornil, alors le plus habile peintre de l’Angleterre.

Les jardins de ce château, disposés dans le style du jardinage irrégulier, sont vantés et cités, à juste titre, comme occupant le premier rang, parmi les plus beaux jardins anglais, et l’on en trouve, dans les théories de l’art du jardinage, de longues descriptions qui alongeroient inutilement cet article. Deux seuls objet y réclament une mention, qui ne sauroit manquer de trouver place dans un Dictionnaire d’architecture. On veut parler d’un très-beau pont d’une seule arche de 100 pieds de long, sous lequel passe un courant d’eau beaucoup trop petit pour une telle largeur. La satire s’empara dans le temps de ce contraste, en comparant la grandeur du pont à l’ambition de Marlborough, et l’exiguïté de l’eau à son avarice.

Mais le second ouvrage d’architecture qu’on admire dans ces jardins, est la colonne colossale élevée sur l’esplanade qui sait saee au palais, en l’honneur des victoires du grand capitaine. Elle paroît avoir été en tout une imitation de celle de Christophe Wren, et ne lui est inférieure que par la dimension.

Vœsbrug construisit, en 1714, le château Howard, pour le comte Carliste, dans le comté d’Yorck, avec jardins, parc, obélisques et autres objets d’embellissement. Le palais a 660 pieds de longueur. Sa saçade est toute en bossages, avec des pilastres doriques inégalement espacés, dont l’élévation comprend deux étages. Les fenêtres sont cintrées et d’une proportion trop longue. On trouve dans cette ordonnance trop de ressauts. L’autre façade est d’une meilleure composition, et les pilastres corinthiens y sont mieux distribués, c’est-à-dire, espacés à entre-colonnemens égaux. On admire aussi, dans ce palais une grande et belle coupole.

Cet architecte étoit homme de plaisir, et réunit à son art le goût et le talent de la poésie. On disoit de son temps, que ses écrits étoient aussi légers et élégans, que son architecture étoit lourde et massive. Son épitaphe, dit-on, portoit le souhait, que la terre ne lui sût pas légère, attendu que de son vivant il l’avoit par trop chargée (dans ses constructions).

VASE, s. m. Il ne sauroit être du ressort de ce Dictionnaire, soit d’envisager les vases, on l’art de les faire, selon les innombrables usage, auxquels les destinent les besoins de la société, soit d’entrer dans les procédés de leur fabrication, en raison de leur sorme, et de la matière dont ils s e composent.

Il ne nous appartient de toucher ces deux derniers points, que sous un rapport, celui qui fait entrer ces objets dans la classe des ornemens dont s’embellissent l’intérieur ou l’extérienr des édifices, et, si l’on veut encore, sous le point de vue de la beauté que l’art t le goût peuvent leur donner.

Cette dernière considération a déjà occupé la critique de quelques écrivains admirateurs de l’antiquité, qui se sont plu à saire remarquer, dans cette classe bien subalterne des ouvrages des Grecs, le même sentiment du beau, le même principe de vérité, de pureté et d’élégante simplicité, qui distinguent les plus grands monumens de leurs arts. Ils ont reconnu qu’eu général, leurs artistes, en ce genre, avoient en soin de donner à chaque espèce de vases on d’ustensiles, la sorme tout à la sois la mieux appropriée à leur destination, et la plus agréable à l’œil. Quelquesois on prenoit pour base le parallépipède, parce que l’œil saisit avec facilité cette forme. Dans d’autres vases, on adoptoit la ligne circulaire bombée, ou légèrement évidée. Dans tous, le principe étoit d’éviter les sormes rompues, les parties angulaires, et toute espèce de duplicité de contour.

Généralement on pourroit ramener à un sort petit nombre de sormes élémentaires et primitives, la configuration des vases antiques. Cependant on ne sauroit compter toutes les variétés que les Anciens surent imprimer à ces objets, sans y employer de mélanges, ni de diversités compliquées. On ne sauroit dire en combien de manières ils en modifièrent les ornemens, sans altérer leur type, avec quel art ils savoient saire sortir, de la nécessité même, le motif de leurs embellissemens.

Quand nous parlons, sous le rapport de l’art et du goût, des vases antiques, nous ne prétendons pas exclure les vases qui servirent aux besoins domestiques. Les découvertes d’une multitude d’ustensiles usuels, qu’ont reproduits dans toute leur intégrité, les souilles d’Herculanum et de Pompeia, ont prouvé qu’un même esprit répandu dans tous les ateliers, présidoit à la sorme des objets les plus communs en ce genre, comme à la composition des plus grands et des plus riches.

Mais il saut dire, qu’en aucun temps, et chez aucun peuple, le luxe des vases ne fut porté à un aussi haut degré de profusion, de variété, de recherche et de magnificence. Plus d’une cause, liée aux usages de la vie civile, aux habitudes politiques, et aux pratiques religieuses, en multiplia l’emploi. Les vases, sous le nom de vaisselle que nous leur donnerions aujourd’hui, sirent le plus riche ornement des tables et des sestins. C’étoit par leur nombre, c’étoit par la rareté de leur matière, par l’élégance et la cherté de leur travail, que les grands et les riches cherchoient le plus à se distinguer. On en faisoit l’ornement de ces abaques, ou buffets, qu’on ouvroit et exposoit, comme objets d’ostentation, dans les lêtes, à la curiosité publique. Les vases étoient


matière à présens dans les rapports politiques des Etats. L’histoire est remplie des mentions de genre de libéralité, surtout envers les dieux. Nul genre d’offrandes ne fut plus commun, et les conquêtes et les rapines des Romains, en firent refluer à Rome, de toutes les parties du Monde alors connu, une immense quantité.

Il n’y a réellement aucune espèce de comparaison à faire, sur ce point, entre le luxe du paganisme et celui du christianisme. Les pratiques religieuses des Anciens étoient à la sois publiques et particulières. Chacun avoit dans sa maison un lararium, et y déposoit aussi beaucoup de ces ex voto, qu’une pieuse crédulité multiplioit a l’infini. On croit, ou du moins on soupçonne, que ces vases qui, selon l’usage le plus général, accompagnoient le mort dans son tombeau, avoient pu, pendant sa vie, orner son oratoire domestique. Mais jamais source ne fut plus séconde emplois de vases de toute espèce, que l’usage des sacrifices, dont une grande partie consistoit en ablutions, en libations, en effusions de liquide. Ainsi les opisthodomes des temples, devenus, comme l’on sait, les trésors, où se conservoient les richesses religieuses, durent aussi devenir des collections de tous les chefs-d’œuvre de la plastique et de la toreutique, en sait de vases, et c’étoit à ces ouvrages qu’on appliquoit les matières les plus rares, les plus riches métaux. Tous ces brillans objets ont péri ; il ne s’est pas retrouvé, comme on peut le eroire, un seul vase d’or, à peine quelques-uns en argent. Le bronze a moins tenté la cupidité, et les cabinets en possèdent un assez grand nombre. C’est l’argile, la matière la plus fragile, qui nous a transmis une quantité innombrable de modèles de vases, et cette singularité est due à la découverte d’un nombre prodigieux de sépultures qui, dérobées depuis des siècles à toutes les investigations, ont conservé, et restituent tous les jours, les vases de terre cuite peinte, ensevelis avec les morts.

Outre ce que les peintures de ces vases offrent de précieux à l’art et à l’archéologie, on peut encore en tirer des renseignemens relatifs aux variétés de sormes, sur lesquelles s’étoit autresois exercé le goût de l’art grec. Tel est le nombre, aujourd’hui infini, de ces objets do toute sorte de dimensions, qu’il est à présumer, que celui qui voudroit s’exercer à reproduire toutes les variétés des sormes devases chez les Anciens, ne pourroit manquer do retrouver, dans une si vaste collection, l’universalité des types de tous ceux qu’on a perdus, comme encore de ceux que la sculpture en marbre nous a conservés. Mais je sortirois par trop de l’objet de cet article, si j’essayois même d’effleurer cette analyse.

Je ne dois, comme je l’ai dit en commençant, considérer l’emploi des vases que sous le rapport des ornemens qu’ils procurent aux monumens. Chez les Anciens, le vase, envisagé comme urne cinéraire, dut former (et cela fut en effet) le còuronnement des tombeaux, de ceux surtout auxquels on donna la configuration de colonnes, de stèles ou de cippes. Cet usage, dans les pratiques modernes, n’en plus qu’un symbole consacré par les souvenirs de l’antiquité ; mais il ne laisse pas de s’être accrédité dans beaucoup de monumens funéraires, et l’on y emploie encore quelquefois les plus beaux marbres.

Nous trouvons un exemple fort remarquable de vases placés comme ornement des acrotères, au temple de Jupiter à Olympie. Il paroît que ces vases étoient de grands bassins de bronze. Mais l’antiquité nous a transmis un assez bon nombre de grands vases en marbre, qui paroissent avoir dû figurer dans des monumens, et des ouvrages de décoration architecturale, tant il semble difficile de leur supposer aucune autre destination usuelle. Nous voulons parler des deux vases, ornés de très-beaux bas-reliefs, représentant, l’un le sacrifice d’Iphigénie, l’autre une orgie. Tout le monde connoît l’excellence de leur sculpture, la beauté de leurs ornemens, et celle de leur forme. Il y a peu de collections d’antiques, où l’on n’admire quelques-uns de ces produits du ciseau. Le Muséum du Capitole, à Rome, nous montre aussi, dans la même sorme de calice, un sort grand vase, dont le corps est décoré, en totalité, de rinceaux et d’enroulemens exécutés avec le meilleur goût. On peut citer encore deux autres grands ouvrages du ce genre ; l’un, qui est de basalte, au Muséum du Vatican, et qui a pour ornemens une suite de masques scéniqnes ; l’autre, à la Villa Lanti, avec des mascarons d’un sort relief. Tous deux sont dans la sorme de coupe. C’en est assez pour rappeler au lecteur un grand nombre d’autres vases semblables, quoique dans de moindres dimensions, et que leur sorme, leurs sculptures et beaucoup d’autres considérations empêchent de considérer, comme ayant pu avoir d’autre destination que celle d’orner les monumens de l’architecture, les galeries, les portiques et les jardins.

Nous ne dirons pas que re soit à l’imitation de ces exemples anciens, que les Modernes auront aussi multiplié les vases dans toutes sortes de parties de leurs ornemens. Cette pratique n’avoit besoin ni de modèles, ni d’autorités. Ce sujet effriroit plutôt à la critique plus d’une réllexion sur les abas qu’on en a faits. Sans donte on n’entend pas la saire porter sur l’emploi fréquent des vases dans les jardins, où la nature des choses semble les appeler, surtout quand on les sait servir à recevoir des plantes, des touffes de fleurs, et quelquefois des arbustes. Même, à part cet emploi utile, un grand et beau vase en marbre devient, dans tout endroit où il se trouve convenablement placé, un objet de décoration qu’on voit avec plaisir. On en élève assez volontiers sur les piédroits au piliers d’une grille, on de toute autre


entrée de cour ou de jardin ; partout enfin, où cet objet peut être supposé avoir un emploi d’utilité ou d’agrément, on ne sauroit en blâmer l’usage. On approuvera encore que l’architecte, considérant certains vases sous un rapport allégorique, comme rappelant l’idée de l’usage auquel ils sont consacrés, les sasse entrer en bas-relief dans la composition de quelques ornemens des églises.

Un grand vase, ou pot à seu, a été placé au haut de la grande colonne qu’on appelle, à Londres, le Monument. On sait que ce vase indique, par ses slammes, le lieu où commença l’incendie qui réduisit en cendres la plus grande partie de la ville ; mais on auroit beaucoup de peine à rendre la moindre raison de cette multitude de vases que nous voyons servir d’amortissemens à toute sorte d’édifices. Ce sont de ces lieux communs qui, pour être partout, ne signifient rien nulle part. Personne, en effet, ne sauroit dire pourquoi ces représentations de cassolettes, de vases à parfums, se trouvent au-dessus des portes d’une maison, couronnent les combles d’un édifice. Il est visible que ces objets doivent se ranger parmi tant d’autres du même genre, dont l’insignifiance est devenue telle que personne ne pense même à s’en apercevoir.

Nous avons dit que les vases entroient aussi dans la décoration architecturale des intérieurs, ou dans les agrémens des objets de luxe, qui sont partie plutôt de l’ameublement, que de l’architecture. Desvases, soit ornés de bas-reliefs, soit faits d’une matière précieuse, soit remarquables par leur sorme, par leur travail, par leur antiquité, sont des objets dont la décoration des intérieurs sera bien volontiers usage, ou dans des bibliothèques, ou dans des galeries et des salles d’assemblée. Ordinairement ils figurent avec des bustes sur des demi-colonnes tronquées. On les placera quelquesois en haut des armoires où sont rangés les livres, au-dessus des buffets ; et quelquesois aussi, un vase, orné de bas-reliefs, ou de peintures, occupera le milieu d’une pièce, pour qu’on puisse, en tournant autour, jouir des sujets représentés sur sa circonférence.

Les vases destinés à l’ornement de l’architecture, sont plus naturellement ceux que la sculpture aura décorés de figures, soit sur marbre, soit en métal, el ceux-ci conviennent audehors comme au-dedans des édifices. Les vases ornés de peintures sons exclusivement réservés à l’ornement des intérieurs. Nous ne connoissons guère d’autres vases peints, dans l’antiquité, que ceux dont il a déjà été parlé, el qui sont sormés d’argile cuite, recouverte d’une couleur ordinairement noire, et servant de sond à des figures dessinées au trait, et rehanssées assez souvent de différentes couleurs. Mais, en général, ces ouvrages sont plutôt des dessins que des peintures. Du moins l’art du peintre ne s’y est jamais exercé, comme dans les tableaux, au point de produire par le mélange des teintes et l’intelligence du clair-obscur et des dégradations, les effets de la vérité naturelle.

L’art des Modernes a été beaucoup plus loin dans l’application des routeurs et des ressources de la peinture aux vases. L’extension et les progrès des sciences naturelles ayant porté au plus haut point la fabrication de la porcelaine, on a fait, comme objets de luxe et de décoration, des vases d’une très-grande dimension. Le besoin d’y orner de très-spacieuses superficies a appelé l’art de la peinture, avec tous ses moyens d’illusion, pour décorer la circonférence de ces vases. Si un certain goût, sondé sur la nature propre de chaque chose, eût toujours présidé à cet emploi de la peinture, au choix de ses sujets, et à la mesure d’illusion qu’ils pourroient comporter, on ne sauroit nier que l’art de peindre les fonds de la circonférence d’un vase, auroit pu trouver ses limites dans la nature même de l’objet à décorer. Les convenances de ce genre, le peint e les auroit observées, en se réglant sur celles que suit la décoration dans les compositions dites d’arabesques, exécutées sur des pilastres ou d’autres sursaces, dont on ne doit point altérer le sond, même pour l’apparence. Ces convenances sont également indiquées par le soin que toujours l’art de la sculpture antique a pris, de respecter dans ses bas-reliefs les fonds, soit des vases, soit du galbe des colonnes, soit des superficies que l’architecture livre au ciseau, à condition d’en respecter l’intégrité, et de ne pas produire l’apparence de vides, là où la raison fondamentale veut qu’on voie un plein ou un massif. La peinture auroit donc pu, de même, faire circuler et tourner au tour de la circonférence d’un vase, des figures mises en harmonie avec le fond, dont elle eût respecté l’apparente intégrité, c’est-à-dire le galbe même du vase.

On a vu, au contraire, le galbe d’un vase peint offrir, ainsi que le fond d’un tablean, des lointains, des vues perspectives, des sites et des paysages, dis cieux et des marines, en sorte que le vase disparoît sous l’illusion pittoresque. Tels sont les abus que produit la confusion des idées et des élémens de chaque chose, lorsque, livrés aux spéculations de la mode et de la nouveauté, les ouvrages de l’art ne sont plus recherchés que comme des objets dispendieux ; disons encore, lorsqu’ils ne correspondent plus à aucune destination propre à fixer leur caractère et leur goût.

On donne le nom de vase à différens objets, qu’on appelle ainsi, à cause de quelque ressemblance ou analogie de sorme ou d’emploi. Ainsi, on dit :

VASE DE CHAPITEAU. C’est dans la configuration du chapiteau corinthien ce qui en forme le corps, ou la masse, qu’on revèt et qu’on orne de feuillages,


de caulicoles et de volutes. Ce corps, effectivement, dénué de ses ornemens, a la forme d’un vase du genre de ce qu’on appelle calice ; on l’appelle également campane, ou cloche, parce que la cloche, dans sa position ordinaire, n’est pas autre chose que ce même vase renversé.

VASE D’AMORTISSEMENT. On donne ce nom à un vase qui termine souvent, saute d’autre motif d’ornement, la décoration des façades de beaucoup d’édifices. Il est ordinairement isolé, souvent orné de guirlandes, et quelquesois couronné de flammes. On emploie encore cet ornement dans les intérieurs, soit en bas-relief, soit on ronde-bosse, au-dessus des portes, des cheminées, etc.

VASE D’ENFAÎTEMENT. Ainsi nomme-t-on les vases qu’on place sur les poinçons de combles, et que l’on fait ordinairement en plomb qui est quelquefois doré. On en voit des exemples au château de Versailles.

VASE DE TREILLAGE. Cette sorte de vase est un ouvrage d’ornement à jour, fait de verges de ser et de bois de boisseau, contourné selon le galbe du semblant de vase qu’on veut produire. On l’emploie à servir d’objet d’amortissement sur les portiques et les cabinets de treillage dont on orne les jardins. Les vases de cette espèce, imitation en treillage, de ceux qui se sont en matière plus solide, reçoivent, par suite du même esprit d’imitation, soit des fleurs, soit des fruits, façonnés à l’instar de ceux qui sont l’ouvrage de la sculpture.

VASES DE SACRIFICE. On fait, dans les ornemens de l’architecture, une classe à part de ces sortes de vases ; et l’on en distingue de deux genres, ceux qui servoient au culte du paganisme, et qu’on trouve représentés sur plus d’un reste de monumens religieux antiques. Ces vases étoient particulièrement le thuribulum, vase où l’on mettoit l’encens, le prœfericulum et le simpulum, le premier en forme de burette ornée de sculpture, le second, plus petit, en manière de lampe, tous deux servant aux libations qui avoient lieu dans les sacrifices. C’est ainsi qu’on en voit encore conservés sur la frise corinthienne du temple de Jupiter Stator à Rome. Dans les édifices sacrés du christianisme, on a souvent admis, comme matière d’ornement en bas-relief, les vases consacrés à la religion, comme les calices, burettes, patènes, etc.

VASES DE THÉATRE. C’étoient, selon Vitruve, certains vaisseaux d’airain qu’on plaçait en face de la scène, sous les degrés du théâtre, où se tenoient les spectateurs. L’objet de ces vases, ainsi situés, étoit de donner au local plus de sonorité, et de servir à la répercussion de la voix.

Nous n’entreprendrons pas de rendre ici raison de cette pratique des Grecs, dans la disposition et l’organisation de leurs théâtres. Cette matière exigeroit, pour être bien traitée, des connoissances musicales qui sont étrangères à l’objet principal de ce Dictionnaire. Toutefois, nous pensons que les notions de plus en plus étendues, que les voyages nous ont données sur la construction du très-grand nombre de théâtres chez les Grecs, pourroient mettre sur la voie de l’explication d’une semblable méthode. Le chapitre de Vitruve, que nous allons rapporter dans son entier, nous semble constater la raison que nous allons indiquer de cette pratique. Or, il est aujourd’hui reconnu, par les restes extrêmement multipliés de théâtres qui subsistent en Sicile, en Grèce, dans l’Asie-Mineure et autres contrées où sleurirent les arts de la Grèce, que l’usage général fut de choisir, pour l’élévation d’un théâtre, la pente d’une montagne, ou un site soit préparé par la nature, soit excavé par l’art, dans la masse souvent d’un rocher, où l’on tailloit les gradins, lorsqu’on n’y rapportoit point les montées par des pierres taillées sur le chantier. De l’une et l’autre manière, il est certain que le sond, qui sormoit ce que nous appelons aujourd’hui l’amphithéâtre, devoit être sourd de sa nature, et ne pouvoit guère avoir la faculté de répercuter le son. La différence que Vitruve établit sur ce point d’acoustique entre les théâtres des Grecs, et les constructions des théâtres romains de son temps, donnera peut-être quelque probabilité de plus à l’hypothèse explicative que nous avons hasardée.

Voici le texte abrégé de Vitruve, sur les vases de théâtre (liv. V, ch. v.) :

« On sait des vases d’airain selon la grandeur du théâtre, et on leur donne une telle proportion que, quand on les srappe, ils sonnent à la quarte ou à la quinte l’un de l’autre, et sont ainsi toutes les autres consonnances jusqu’à la double octave. »

« Ces vases doivent être placés par une proportion musicale, entre les degrés du théâtre, en sorte qu’ils soient isolés et ne touchent point aux murs de l’endroit qu’ils occupent, et qu’ils soient environnés d’un espace vide par en haut et tout à l’entour. Ils doivent être inclinés, et élevés du côté qui regarde la scène par des cales à la hauteur d’un demi-pied. Les locaux qui les reçoivent doivent avoir, au droit des degrés d’en bas, une ouverture longue de deux pieds et large d’un demipied. »

« Ces locaux, ou petites chambres, seront disposés en cette sorte : si le théâtre n’est pas sort grand, il saut tracer au milieu de toute sa hauteur une région pour treize de ces locaux, qui laisseront entr’eux douze intervalles égaux. ». . . . . « C’est dans ces treize petites chambres que seront placés les vases, selon l’ordre qui leur sera assigné par la diversité des sons musicaux. . . . . »


« Cette disposition des vases d’airain sera que la voix, qui viendra de la scène comme d’un centre, l’étendant en cercle, srappera dans les cavités des vases, et en sera rendue plus sorte, selon la consonnance et le rapport que son ton aura avec quelqu’un des vases. Mais si le théâtre est grand et ample, il saudra partager sa hauteur en quatre parties, afin d’y pouvoir faire trois rangs de petites chambres, dont l’un sera pour le genre enharmonique, l’autre pour le chromatique, et l’autre pour le diatonique. . . . . »

« Pour exécuter toutes ces choses avec justesse, il faut opérer d’après la figure qu’Aristoxène a saite selon les règles de la musique, et dans laquelle il a divisé toutes les modulations en général avec un travail et une industrie particulière. On pourra encore rendre la structure des théâtres plus parfaite, si on a égard à la nature de la voix et à tout ce qui peut la rendre agréable. »

« Mais, dira-t-on, en tant de théâtres qu’on fait tous les ans à Rome, pourquoi n’observe-t-on pas toutes ces choses ? Je réponds que tons nos théâtres publics sont de bois, avec des planches qui résonnent naturellement. . . . Au lieu que la méthode dont nous venons de parler est nécessaire aux théâtres qui sont saits de matières solides, telles que la pierre et le marbre qui ne retentissent point. Que si l’on demande quels sont les théâtres où ces choses ont été pratiquées, il est certain que nous n’en avons point à Rome ; mais on en voit en quelques autres villes d’Italie, et en plusieurs endroits de la Grèce. Ce que L. Mummius sit voir, lorsqu’il apporta à Rome les vases d’airain d’un théâtre qu’il avait sait abattre à Corinthe, et qu’il a dédiés, avec d’autres dépouilles, dans le temple de la Lune. Aussi plusieurs bons architectes qui ont bâti des théâtres dans de petites villes qui n’voient pas le moyen de faire de grandes dépenses, se sont servis de vases de poterie, qu’ils ont choisis propres à résonner comme il le saut, et qui ont sort bien réussi. »

VEAU (LE). Il est arrivé à cet habile architecte, comme à plusieurs autres de son époque, séconde cependant en grands artistes, de ne laisser d’autres témoignages de son existence que dans des travaux, dont il n’eut pas seul la gloire, et où une pluralité de coopérateurs et de successeurs empêche qu’un seul nom en recueille la renommée. Disons encore que les biographes, les collecteurs de mémoires, n’arrivent ordinairement, qu’après ceux qui méritent de faire passer leurs noms à la postérité, et toutes sortes de causes ont souvent produit l’oubli des particularités de leur vie.

Ainsi on ne sait rien du tout de personnel à Le Veau, qui fut cependant un des meilleurs architectes de son temps, sinon qu’il naquit en 1622, qu’il fut premier architecte de Louis XIV, dès l’an 1653 jusqu’en 1670, et qu’il mourut cette même année âgé de cinquante-huit ans.

Une de ses premières entreprises, et de ses plus Importantes, fut le château de Veaux, qu’il éleva en 1663, pour le surintendant Fouquet qui n’avoit rien épargné pour en saire une habitation magnifique.

Le château de Livry avoit été construit vers le même temps, par Le Veau, pour M. Bordier, intendant des finances. Il a été démoli vers la fin du dernier siècle.

Cet architecte fut appelé à réaliser une de ces grandes entreprises, qui malheureusement dépendent de trop de circonstances, pour que celui qui les commence en puisse voir la fin. Il fut chargé de donner le projet de la grande église de Saint-Sulpice à Paris. L’ancienne étoit devenue beaucoup trop petite, pour la population du faubourg Saint-Germain. Anne d’Autriche en posa la première pierre, etLe Veau en jeta les fondemens. Plus d’un architecte s’est succédé dans les dessins et les travaux de cette église, dont le cheœur fut construit avant la nes. On lit, dans plus d’un biographe, que Le Veaun’éleva la chapelle de la Vierge, que jusqu’à la corniche seulement. Il saut entendre que la coupole qui précède aujourd’hui la chapelle de la Vierge, devoit être cette chapelle, dans le projet de Le Veau. Celle qui existe de nos jours est évidemment un appendice, et une construction plus moderne, ajoutée au plan primitif. Il est donc à croire que si Le Veau éleva jusqu’à la corniche, la coupole qui est au bout du chœur, il aura également porté au même point, la construction de ce chœur, qui, ainsi que celle des bas côtés, seroit son ouvrage.

Le Veau fut l’architecte d’un charmant petit palais situé à la pointe de l’ile Saint-Louis, et qu’on appelle encore hôtel Lambert, bien qu’il ait changé plus d’une sois de propriétaire et de destination. Cette jolie maison rappeloit assez dans son temps, par l’agrément de son architecture extérieure, et ses distributions intérieures, le goût de bâtir et d’orner des bons temps de l’Italie. Il y avoit des plafonds peints par Lebrun, et une galerie décorée par Le Sueur, dont on a détache la charmante suite des Muses, que l’on conserve dans le Musée Royal.

D’autres constructions d’hôtels occupèrent le talent de Le Veau d’une manière distinguée. On cite les hôtels de Pons, de Colbert et de Lionne ; ce dernier devint l’hôtel Pontchartin. Mais où retrouver aujourd’hui, même le souvenir de bâtimens que des changemens continuels, ou ont fait abattre, ou ont dénaturés ?

En 1660, le cardinal Mazarin lui confia l’exécution des changement qu’il vouloit faire à l’ancien château de Vincennes, dont il ne reste plus que les huit tours, et le donjon. Le Veau éleva deux ailes nouvelles, et le portique qui regarde le pare.


Quatre ans après, Louis XIV ordonna de nouveaux ouvrages pour l’embellissement du palais des Tuileries. Le pavillon du milieu n’avoit été jusqu’alors décoré que des ordres ionique et corinthien. Le Veauy ajouta un composite, avec un attique surmonté d’un dôme en plan quadrangulaire. Les colonnes de tous ces ordres sont de marbre, et sur l’entablement s’élève un fronton, avec accompagnement de figures. La manière dont cet artiste a achevé le pavillon du milieu et les ailes qui vont joindre les deux pavillons des extrémités de cette façade est assez ingénieuse ; mais tous ces raccordement n’ont pu redonner de l’unité à cette ligne de bâtiment, ni l’empêcher de paroître un assortiment plus ou moins incohérent, d’élévations disparates, et dont il a été simplement possible de coordonner les masses, à l’uniformité de quelques lignes horizontales.

Le manque non-seulement de notions historiques sur beaucoup d’artistes, mais même de renseignemens sur les ouvrages de l’époque où vécut Le Veau, nom empêche de pouvoir lui attribuer avec quelque certitude plusieurs monumens. On sait qu’il eut d’habiles élèves, entr’autres d’Orbay (voyez ce nom) qui put ou coopérer à ses ouvrages, ou lui succéder, dans leur exécution. Il y a quelqu’apparence, que l’opinion publique, comme cela arrive encore, aura pu se méprendre entre l’inventeur du plan et de la composition d’un édifice par le maître, et son exécution ou son achèvement par l’élève. D’après cela il seroit possible, comme on en trouve l’opinion sort accréditée, que Le Veau sût le principal auteur du bâtiment appelé Collége des Quatre-Nations à Paris, ouvrage dont le plan exigea une très-grande intelligence, et dont l’élévation présente, sur le quai en sace du Louvre, un aspect monumental qu’il n’est pas très-ordinaire de rencontrer. Le quai même el le revêt ment de ses murs, avant l’érection du pont de ser qui joint aujourd’hui les deux rives du fleuve, surent composés de manière à se raccorder heureusement avec la masse du monument principal. Ce dernier est formé sur le quai d’une assez grande partie demi-circulaire, dont chaque extrémité se termine, selon l’usage du temps, par un très-gros pavillon décoré de pilastres corinthiens. Au milieu du demi-cercle est le frontispice de l’église en avant-corps, orné d’un péristyle corinthien avec un fronton. Le tout est subordonné à la coupole de l’église ornée en dehors de pilastres composites. La forme de cette coupole, presque sphérique en dehors, est elliptique en dedans. Au moyen de cette ressource ingénieuse, l’architecte a su ménager dans l’épaisseur des murs, des escaliers à vis, qui conduisent aux tribunes et au comble de l’édifice.

Généralement en louant, tant au-dedans qu’au dehors, plus d’une disposition qui annonce un homme possédant beaucoup d’habileté, à tirer parti d’un local ingrat et d’un plan difficultueux, tont en y reconnoissant encore un parti heureux, quant à l’effet, et un goût assez sage d’architecture, on est obligé de convenir qu’il régne dans les profils, dans les ornemens et dans l’exécution, quelque chose de lourd, et que le tout manque de cette finesse de proportion, et de cette pureté de style qui constituent une architecture classique.

VEINE, s. f. C’est tantôt une beauté, tantôt un défaut dans les bois, dans les marbres, dans les pierres. On distingue ces sortes de variétés dans chaque matière, soit par rapport à l’influence qu’elles ont sur la qualité de chacune, soit par rapport au prix que le goût ou le caprice y mettent.

VEINE DE BIOS. Ce qu’on appelle ainsi sait souvent la beauté ou le charme des bois durs, que la marqueterie emploie dans l’assemblage des morceaux, dont elle compose un grand nombre de meubles. Mais dans les bois de menuiserie la veine est un désaut, parce qu’elle est une marque de tendre ou d’aubier.

VEINE DE MARBRE. Cette variété devient l’agrément des marbres dont on fait des colonnes, des revêtemens, etc. Cette beauté, par laquelle se recommandent certains marbres, a été si recherchée dans l’antiquité, que Pline nous apprend qu’au temps de Néron, on en étoit venu à falsifier les veines, ou taches (maculœ) comme il les appelle, et à donner à de simples marbres unis les couleurs des marbres rares de l’Afrique ou de de la Numidie. Cependant les veines grises ou noires qu’on recherche dans ce qu’on appelle le marbre blanc veiné, deviennent le plus grand de tous les désagrémens, dans le marbre blanc qu’on emploie à saire des statues. Ces veines effectivement forment des noirs, qui coupent et traversent les formes du corps, et en dénaturent l’harmonie.

VEINE DE PIERRE. Défaut de la pierre qui provient d’une inégalité de consistanse entre le dur et le tendre.

VELLEIA ou VELEIA, est une ancienne ville dont on voit les restes à treize lieues de Parme, dans le Plaisantin, à six lienes de Plaisance, vers le midi, en tirant du côté de Gênes, au pied de deux montagnes trés-hautes, nommées Moria et Rovinasso, qui sont partie de l’Apennin, et dont les éboulemens causèrent la ruine de Velleia.

On voit encore que ces montagnes sont fendues, et l’on reconnoît aisément qu’il s’en est détaché des masses de rochers qu’on retrouve entassées sur les débris de la ville. En examinant ses ruines, on remarque que toutes les colonnes sont renversées du côté opposé aux montagnes.


Les murs qui restent en place sont inclinés dans le même sens, c’est-à-dire du côté où ils ont été poussés par la chute des terres et des rochers. Il s’en est précipité aussi à la sois des deux côtés opposés, en se réunissant sur Velleia.

Il y a près de cette ville une terre bitumineuse, qui s’enflamme aisément à l’approche du feu, lors même qu’elle est mouillée. Cela, joint à quelques matières noires et brûlées, et à quelques médailles fondues qu’on y a trouvées, avoit sait croire à quelques personnes, que la destruction de velleia avoit pu être causée par un incendie. Mais les traces du seu n’y sont pas assez considérables pour faire admettre une pareille cause. Il suffit, pour expliquer ces traces, de recourir aux feux qui pouvoient être allumés dans les maisons au moment de l’éboulement de la montagne.

A en juger par le grand nombre d’ossemens qu’on trouvés dans les ruines, et par la quantité de monnoies qu’on en retire, les habitans u’eurent pas le temps de se sauver ; ils surent surpris, écrasés et engloutis avec toutes leurs richesses. On ignore dans quel temps Velleia fut ensevelie saus ces rochers. Il est à croire que la date de l’événement se rapporte au quatrième siècle. On n’y a pas trouvé de monumens postérieurs au règne de Probus, qui mourut l’an 282. Mais l’on y trouve beaucoup de monnoies des empereurs qui ont succédé à Constantin, dans les années 337 et suivantes. Ainsi il paroît que la catastrophe de cette ville seroit arrivée plusieurs années après la mort de Constantin.

On commença, en 1760, à y faire des souilles par ordre du duc de Parme. La difficulté étoit extrême. Les bâtimens y sont couverts de rochers à plus de vingt pieds de hauteur. Les statues et tout ce qui est dessous, s’est trouvé tellement mutilé et fracassé, que les produits des fouilles n’ont pu indemniser des dépenses du travail. Les obstacles augmentant à mesure qu’on approchoit de la montagne, on a presque renoncé à cette entreprise depuis 1764.

Les différentes couches de terre et de rochers qu’on trouve alternativement placées les unes audessus des autres, indiquent des éboulemens arrivés successivement et à divers temps. Le grand nombre de briques, de pierres et de marbres qu’on trouve dans la rivière voisine, sur un espace de plus de trois lieues, sait juger que la première chute n’avoit pas entièrement encombré la ville.

La plus grande partie de villeia étoit bâtie sur le penchant de la colline. Les maisons étoient separées en forme d’îles, et sormoieut un amphithéâtre, dont les différens étages communiquoient par des degrés. Les appartemens inférieurs des maisons étoient placés sur un saux plancher, soutenu par des piliers de terre cuite. Ces maisons paroissent avoir été simples. Il y eu avoit dont les pavement étoient en marbre, d’autres les avoient en mosaïque. On y a trouvé des peintures, des bustes en marbre, des bains revêtns de marbre, avec des vases en bronze incrustés en argent, des meubles et ustensiles domestiques ornés d’un bon goût, des ouvrages de terre cuite d’un travail fin et élégant, des panneaux en arabesque, et beaucoup d’objets du genre de ceux qu’on retrouve sous les cendres du Vésuve à Pompeia.

Il a été levé un plan de la partie découverte de Velleia, qu’on voyoit dans la galerie du château de Parme. Vers le milieu on remarque une place qui étoit très-ornée. Une inscription en lettres de bronze, qui étoit sur cette place, apprend qu’elle fut pavée de grosses pierres aux frais d’un Velleiate nommé Lucius Lucilius. Au milieu s’élevoit un autel consacré à l’empereur Auguste. La place étoit environnée de colonnes de marbre cipolino, dont quelques-unes subsistent encore. Il y avoit aussi de très-beaux sièges de marbre soutenus par des lions. Parmi les édifices considérables de Velleia, on voit qu’il y avoit, comme dans les grandes villes, un chalcidique, bâtiment faisant partie de la basilique. Une inscription apprend qu’il avoit été construit par Bebia, fille de Titus ; et on lit sur un autre que C. Sabinus avoit bâti la basilique contiguë au chalcidique, lieu où se tenoient les juges et où ils rendoient la justice.

On a trouvé à Velleia beaucoup d’idoles, plusieurs statues, des inscriptions, des ustensiles de tout genre. Comme an n’y a reconnu ni temples ni théâtres, on a présumé qu’ils peuvent être restés ensevelis dans la partie la plus haute de la ville, qu’on n’a point pu déblayer. Mais on a découvert les aquéducs qui distribuoient l’eau dans la ville, un château d’eau qui servoit de point de partage, des bains qui en étoient voisins, et des chambres qui paroissent avoir été des étuves.

VENTAIL, s. m. C’est une pièce de bois mobile, composée d’une ou de deux feuilles d’assemblage, qui sert à fermer une porte ou une croisée. On le nomme aussi battant.

VENTEAU, s. m. (Terme d’architecture hydraulique.) C’est un assemblage de charpente, qui sert à fermer la porte d’une écluse.

Cette charpente est composée, 1°. d’un châssis formé d’un poteau tourillon, arrondi du côté de son chardonnet, d’un poteau busqué, ayant une de ses faces taillée en chanfrein, pour se joindre à la pointe du busc avec l’autre venteau, et de deux entre-toises principales, l’une en haut, l’autre en bas, 2°. de plusieurs autres entre-toises intermédiaires, servant à former la carcasse du venteau ; 3°. d’un nombre de fils et de bracons, qui servent à lier et appuyer les entre-toises ; 4°. de montans formant le guichet pratiqué dans chaque venteau, qu’on ferme d’une vanne ou d’un ventail à coulisse, 5°. du bordage dont toute cette carcasse est revêtue extérieurement.

VENTOUSE, s. f. Bout de tuyau debout qui sort de terre, et qui est soudé aux coudes des conduites d’eau pour donner passage aux vents qui s’engendrent dans les tuyaux. Les ventouses des grandes conduites, sont toujours aussi hautes que la superficie du réservoir, à moins qu’on n’y mette une soupape renversée.

On appelle aussi ventouse une espèce de soupirail pratiqué sous la tablette, ou aux deux angles de l’âtre d’une cheminée, pour chasser la fumée.

Ventouse barbacane. Voyez Barbacane.

Ventouse d’aisance. Bout de tuyau de plomb ou du poterie, qui communique à une fosse d’aisance, et qui sort au-dessus du comble, pour renouveler l’air dans un cabinet d’aisance, et en diminuer par là la mauvaise odeur.

VENTRE, s. m. On appelle AINSI le bombement d’Un Mur trop vieux, foible ou chargé, Qui des-sieurs couleurs Boucle et Est hors de fils aplomb. Quand Un Mur is Dans this état, ous dit qu’il fait ventre et menace ruine Qu’il.

VENTRIÈRES, s. f. pl. (Terme d’architecture Hydraulique.) Ce sont des pièces de bois qui portent sur les pilots des fondemens d’une écluse, et qui servent comme de coulisses aux palplanches.

VERBOQUET, s. m. Contre-lien, ou cordeau, qu’on attache à l’un des bouts d’une pièce de bois, ou d’une colonne, et au gros câble qui la porte, pour la tenir mieux en équilibre, et pour empêcher qu’elle ne touche à quelque saillie ou échafaud, et qu’elle ne tournoie quand on la monte.

On dit also virebouquet, parce que la corde fait tourner la pièce dans le sens que l’on veut.

VERD, adj. Est le Nom d’une couleur Que l’on emploie volontiers Dans Les batimens, à peindre surtout Les Volets Et Les jalousies des Fenêtres, AINSI Qué les Treillages des Berceaux ET des espaliers Dans Les Jardins.

VERD-ANTIQUE. AINSI Appelle-t-on un marbre Devenu fort rare, et Qui, à Ce qu’il paroit, n’étoit pas fort commun Dans l’Antiquité.

VERGER, s. m. (Jardinage.) C’est la partie d’Un Jardin QUI N’est Plantée Que d’arbres fruitiers.

VÉRIN, s. m. Machine en manière de presse, composée de deux de sortes pièces de bois, posées horizontalement, et de deux de grosses vis, qui font élever un pointal, enté sur le milieu de la pièce de dessus. Cette machine sert à reculer des jambes en surplomb, à reculer des casseroles de bois, et un chargeur de grosses pierres sur les charrettes.

VERMICULÉ (participe). On donne ce nom à un travail qui a lieu quelquefois dans les bâtimens en pierre, sur des bossages auxquels on prétend donner une apparence rustique.

Ce genre de travail a été ainsi appelé, parce qu’il se compose d’entailles ou de sillons qui semblent produire sur la pierre par leurs cavités sinueuses, l’effet que certains vers produisent dans les bois qu’ils corrodent. Ceci au reste ne rend compte que de l’étymologie ou de l’origine du mot ; quant à celle de la pratique qu’on vient de décrire, on la trouve dans la nature même de certaines pierres qui sont sujettes à se déliter et à se dissoudre en poussière, selon les inégalités de dur et de tendre qui s’y rencontrent. C’est à ces inégalités qu’il saut attribuer ces petites cavités sinueuses qui semblent imiter le travail des vers. Mais il est bien apparent que c’est de semblables accidens des pierres, et non de l’opération des vers sur sur le bois, qu’on aura emprunté ce goût de rustiquer, qui fut au reste plus de mode jadis qu’il ne l’est aujourd’hui.

Les bossages de l’arc de la porte Saint-Martin à Paris, sont vermiculés. On voit encore cette pratique employée à beaucoup de parties de l’ordonnance de la galerie du Louvre qui donne sur le quai et qui date du règne de Henri II.

On sait aussi usage de ce travail rustiqué, dans les grottes, dans les monumens aquatiques, tels que sontaines, réservoirs, etc.

VERNIS, s. m. Liqueur composée de différentes substances du genre des gommes ou des résines, dont on se sert pour enduire la surface de certains corps. L’objet de cette préparation est quelquefois de leur donner simplement du lustre, et de les préserver des funestes influences de l’humidité ; quelquefois aussi de relever et d’augmenter l’éclat des couleurs, ou des matières sur lesquelles on applique cet enduit.

On donne aussi le nom de vernis à un enduit composé de substances vitrifiables, dont on couvre les vases de terre et la porcelaine tant en dedans qu’en dehors.

Généralement, comme on le voit, la notion du vernis, ainsi que son emploi, appartiennent plus particulièrement aux ouvrages de la peinture ou de la poterie. Cependant ou en use très-habituellement dans beaucoup de parties de décoration, qui sont des dépendances de l’architecture. Et d’abord, il est certain que le vernis appliqué à la faïence, a fait très-long-temps l’agrément


des plus riches édifices, en Toscane surtout pendant le seizième siècle. De nos jours le vernis, en tant que liqueur ou enduit résineux, est d’un emploi habituel sur les bois dont on sait les revêtemens des intérieurs. Jadis on l’appliquoit sur les bois appelés d’Hollande, parce qu’il étoit importé par les Hollandais ? et on laissoit au bois sa couleur naturelle. Depuis, l’usage a prévalu de peindre ces bois soit à l’huile, soit à la détrempe, et d’y passer une couche de vernis, pour conserver à la sois et les couleurs, et le bois qui en a été enduit.

VERONA, une des plus anciennes villes d’Italie. Selon Massei, elle est, à l’exception de Rome, la ville qui a conservé le plus de monumens antiques, en divers genres, mais surtout en architecture.

On y observe encore des parties de ses anciennes murailles, qu’on croit avoir été construites par Gallien ; de très-grosses pierres mêlées à des fragmens d’autres constructions, tels qu’un fût de colonne dorique, ce qui indiqueroit une bâtisse faite à la hâte et de tous les matériaux qu’on avoit sous la main. Au milieu du cours actuel existe encore une très-belle porte antique. Elle est entière, de la plus grande conservation, et Massei doute qu’il y ait un reste d’antiquité qu’on puisse, pour son intégrité, compare à ce monument. Cette porte, comme toutes les anciennes portes de ville, est double, c’est-à-dire deux ouvertures, l’une pour les entrans, l’autre pour les sortans, et au-dessus s’élevoient deux rangs de petites senêtres.

Ce qu’on appelle à vérone la Colline de Saint-Pierre est jonchée de fragmens et de débris d’architecture, et d’édifices dont il seroit aujourd’hui très-difficile de se rendre compte. Plus d’un témoignage sondé sur des inscriptions, constate qu’il y eut en cet endroit un Capitole et des thermes, qu’on croit avoir été construits par Théodoric. On trouve encore sur cet emplacement des vestiges d’un théâtre antique, jadi reconnu par Palladio, et qui se voient aujourd’hui dans une maison sur la place du Rédempteur.

Une autre porte antique beaucoup plus recommandable que celle dont on a déjà sait mention, que l’on appelle Porta del Foro giudiziale, avoit aussi été prise par les premiers antiquaires pour un arc de triomphe. Aujourd’hui on ne pourroit plus s’y tromper. L’on reconnoît six caractères distincts entre les arcs de triomphe et les portes de ville, qui empêchent de pouvoir les confondre. Le premier est que les portes antiques n’ont qu’une façade, lorsque les arcs de triomphe en ont deux parfaitement semblables l’one à l’autre. La seconde différence est que la porte de ville a toujours deux arcs, ou deux ouvertures égales, tandis que l’arc de triomphe ou n’a qu’une ouverture, ou bien une grande accompagnée de deux petites. La troisième est que la porte se termine dans le haut par un sronton, et l’arc de triomphe par un attique. Les trois dernières différences consistent en ce que les portes ont un ou deux rangs de fenêtres, ce qui n’avoit pas lieu aux arcs de triomphe ; en ce que les portes ont leurs inscriptions ou sur la frise, ou même sur l’architrave, et les arcs triomphaux sur de grandes tables prises dans l’attique ; enfin en ce que les portes de ville faisoient partie des murailles auxquelles elles étoient liées des deux côtés, tandis que les arcs de triomphe sont toujours isolés.

Tous les caractères qu’on vient de reconnoître comme particuliers aux portes de ville, se réunissent sur la porte antique dont on a fait mention. Ce monument a été dessiné et mesuré par Serlio, vanté par Scamozzi, Addisson, Chambrai, qui se sont accordés à le mettre an nombre des plus précieux restes de l’antiquité.

Mais il faut appeler véritablement arc (triomphal, ou de tout autre genre) le monument qu’on a pelle à Vérone (Arco dé Gavii) ; on y trouve de même rassemblées toutes les conditions qu’on vient de parcourir, hors une seule, selon les premiers dessinateurs qui lui ont donné un sronton. Toutefois Massei regarde cette particularité comme une erreur de ces dessinateurs, qui ont trop souvent la manie de suppléer de leur imagination, aux lacunes que le temps a opérées dans les monumens, et il nie qu’il y ait jamais en un sronton. C’est sur cet arc dont on parle à la vie de Vitruve (voyez VITRUVE), qu on lit le nom de l’architecte Vitruvius Cerdo. Quelques-uns ont prétendu qu’il étoit te même que le Vitruve, auteur du Traité d’architecture. Massei suppose tout aussi gratuitement, ce nous semble, que ceVitruvius Cerdo auroit été le disciple et l’affranchi de Vitruvius Pollio, et il ne trouve point valable l’objection des denticules qu’on voit sous les modillons, à une partie restante de l’entablement de cet arc, pratique réprouvée par Vitruve dans son Traité, parce que, dit-il, peu de temps après lui l’usage contraire s’étoit établi.

Ce monument, indépendamment de toutes ces controverses, a reçu généralement l’approbation des plus habiles architectes, pour la justesse et l’accord de toutes ses parties. Mais on ne sauroit, dans l’état où il se trouve aujourd’hui, prendre une véritable idée de ses proportions. Il est enterré jusqu’à une certaine hauteur, c’est-à-dire celle du piédestal des colonnes, qui avoit de haut le tiers de leur élévation, ainsi que l’ont noté tous les architectes qui en ont levé les mesures, fondés sur l’autorité d’un de ces piédestaux mis à découvert du côté des fossés du château. Ainsi devoit gagner l’aspect de cet arc considéré dans son ensemble. Dès-lors les deux niches qu’on voit de chaque côté, et qui étoient ornées de statues,


se trouvoient à une juste distance de la vne. Ce fut sur l’appareil de cet arc, que Palladio fit l’observation qne les Anciens, pour rendre les joints de leurs pierres aussi déliés qu’il fût possible, avoient l’usage de ne pas en terminer les arêtes avant leur pose. Au contraire, ils leur laissoient dans leurs paremens, un excédent de matière qu’ils n’enlevoient sur place, par un dernier ragrément, qu’après toute la construction terminée.

Il faut remarquer qu’à une des parties de cet arc, il existe une porte de moyenne hauteur, et on voit encore la marque d’une semblable an côté correspondant. Les colonnes d’angle venoient aussi à faire sace sur les côtés. On a supposé que cet arc avoit pu sormer un quadrivium, et avoit ossert un passage dans tons les sens, à la manière des Janus.

Il y a à faire sur cet arc la même observation que nous avons abrégée en peu de mots, en parlant de l’arc des Sergius à Pola, en Istrie (voyez POLA) ; c’est-à-dire qu’il faut se garder de donner le nom d’arc de triomphe à tout arc qui rappelle, par sa forme, la disposition générale des monumens élevés pour les pompes triomphales, en l’honneur des vainqueurs. L’arc de Pola, et plusieurs autres qu’il seroit inutile de citer ici, nous prouvent que l’on consacroit des monumens dans la forme des arcs de triomphe, à des personnages qui ne remportèrent jamais de victoires. Plusieurs même de ces monumens sont élevés à une famille, et sur l’arc de Pola on lit le nom de la semme d’un des Sergius, laquelle avoit fait la dépense du monument. On croit donc, et tel est le sentiment des antiquaires à cet égard, que l’on éleva de semblables arcs, pour plus d’un motif indépendant des succès militaires ; qu’on put en faire des monumens simplement honorifiques, pour récompense de services civils ; mais que, plus probablement encore, ils purent être des tombeaux ou des cénotaphes élevés par ou pour des familles recommandables ; et la famille des Gavius à Vérone pourroit offrir un témoignage de plus en saveur de cette opinion, à celui qui entreprendroit un travail critique sur le très-grand nombre de monumens encore existans, et qu’on a confondus sous la dénomination banale d’arc da triomphe.

Le monument d’antiquité le plus considérable qui existe à Vérone, et un des plus remarquables qu’on puisse voir partout ailleurs, est sans contredit cet amphithéâtre romain, le seul, entre tous ceux qu’on connoît t, qui soit encore entièrement intègre dans sa partie intérieure, c’est-à-dire celle des nombreux degrés où se tenoient les spectateurs. Le temps a heureusement encore épargné quatre des arcades on portiques qui formoient l’enceinte extérieure de ce vaste édifice, dont nous avons donné avec beaucoup d’étendue les détails ailleurs, (Voyez AMPHITHEATRE.) Il nous reste à dire, que ce monument est aujourd’hui entretenu par la ville de Vérone, avec un soin qui doit lui présager une longue durée. Heureusement l’inutilité de la plupart des restes d’antiquité, inutilité qui a tant contribué à leur destruction, ne s’est pas sait sentir également à l’édifice dont on parle. Rien sans doute n’explique mieux les immenses dégradations qu’ont subies ces monumens dans toutes les villes romaines, que la désuétude des combats de gladiateurs, pour lesquels on les avoit jadis construits : ce qui dut arriver, dès que ces spectacles féroces eurent été bannis par le christianisme, des usages et des pratiques d’un monde nouveau. Partout ces monumens délaissés, et qui ne pouvoient guère être convertis en d’antres emplois, devinrent les carrières de pierres toutes taillées, où les siècles suivans trouvèrent les matériaux de leurs nouvelles constructions. Le hasard voulut, qu’après avoir dépouillé l’amphithéâtre de Vérone de la presque totalité de son enceinte extérieure, on épargnât les degrés en pierre de son intérieur. Le monument arriva dans cet état, jusqu’au temps où la renaissance des arts lit porter un œil attentif, sur tout ce que n’avoit pas dévoré le moyen âge. Le paganisme étoit oublié, et tous ceux de ses ouvrages qui lui avoient survécu, ne surent plus considérés que comme des modèles de goût où les arts renaissons cherchèrent des leçons.

De là le soin qu’on prit bientôt, non-seulement de ne plus abattre, mais de conserver et même de restaurer, autant qu’il fut possible, tous les restes d’antiquité. L’amphithéâtre de Vérone contribua peut-être plus qu’on ne pense à répandre dans les états de Venise, ce goût pour l’architecture antique, qui distingua très-anciennement l’école vénitienne. Cela pourroit encore expliquer le respect qu’on eut depuis le quinzième siècle pour ce mémorable reste d’antiquité. Il est arrivé, en effet, que quelques spectacles publics, que des occasions de réjouissances, firent imaginer de rassembler la multitude dans ce vaste local, et il est devenu aujourd’hui pour Vérone l’espèce de rendez-vous de tous les plaisirs, de toutes les fêtes que les circonstances font naître. Ce monument devra, il faut l’espérer, à cette nouvelle destination, sa conservation, son entretien et sa durée.


VERRE, s. m. Rien de ce qui regarde la fabrication, la nature, les emplois innombrables du verre, et l’ancienneté de son usage, n’est du ressort de ce Dictionnaire ; nous renvoyons sur tous ces points au Dictionnaire d’Antiquités.

Ce n’est pas que le verre, dans la variété de ses modifications, ne puisse entrer, soit comme ornement et objets de décoration dans les intérieurs des édifices, soit comme objet de nécessité dans leur clôture, appliqué surtout aux fenêtres. Mais sous le premier rapport, nous ne voyons guère qu’on puisse imaginer d’autre emploi du verre, que celui de ce qu’on appelle des glaces. Nous en avons traité à ce mot. (Voyez Glace.) Sous le second rapport, c’est au mot vitre que cette notion appartient. Voyez Vitre.

Nous ne pouvons toutefois nous empêcher de faire connoître ici un des emplois les plus extraordinaires qu’on ait jamais fait du verre dans l’architecture. Pline, qui en a fait mention, avoue lui-même, que depuis, ce genre de luxe n’avoit plus eu d’exemple : inaudito etiam postea genere luxuriœ. On veut parler de ce théâtre construit par Scaurus pendant son édilité, théâtre temporaire dont la scène, composée de trois ordres de colonnes, avoit reçu dans sa décoration trois mille statues de bronze. Selon Pline, celle scène étoit à trois rangs de colonnes en hauteur, et il y en avoit trois cent soixante : scena ei triplex in altitudinem CCCLX columnarum. La partie inférieure, ajoute-t-il, étoit en marbre : ima pars scenœ è mannore fuit. Celle du milieu en verre : media vitro. Celle d’en haut, en buis doré : summa tabulsis inauratis.

Il y a sur l’interprétation du texte de Pline une difficulté. La scène, comme il le dit, avoit trois parties en hauteur, et on y comptoit trois cent soixante colonnes, ce qui sait cent vingt à chaque étage. Maintenant qu’entend-il par ima pars scenœ, par media, et par summa ? Dirons-nous qu’il s’agit là des colonnes de chaque étage, ou simplement de l’espace et de la superficie du fond sur lequel étoient appliquées les colonnes ? C’est, à ce qu’il me semble, ce qu’on ne sauroit trop décider.

S’il s’agit de rapporter aux colonnes de chaque étage, la triple division de la scène, l’ordre insérieur auroit eu ses colonnes en marbre, celui du milieu en verre, celui d’en haut en bois doré ; dans ce cas, les colonnes du milieu auraient été formées de tronçons de verre bombés. Si l’on doit restreindre l’emploi du marbre en bas, du verre dans le milieu, et du bois doré dans le haut, aux simples paremens et revêtemens des fonds sur lesquels se détachoient les colonnes, le verre auroit été alors employé en lames, ou morceaux de compartimens, peut-être coloriés. On ne sauroit trop dire alors quel bon effet auroit pu produire cet emploi du verre, puisque par luimême, en tant que matière transparente, et en quelque sorte privée de couleur, il doit être d’un médiocre agrément pour la vue. Peut-être ne fut-ce qu’une bizarrerie du luxe, qui, de l’aveu même de Pline, n’eut point d’imitateurs.

On emploie quelquefois le mot verre comme synonyme de vitre. Ainsi l’on dit :

Verre dormant. C’est un panneau de vitre, scellé en plâtre, dans une vue de servitude, derrière un treillis de cour. La coutume de Paris prescrit sur les verres dormans les règles suivantes. La grandeur des panneaux de vitre ne doit point excéder la largeur ordinaire des croisées des bâtimens ; les treillis et barreaux de fer doivent être attachés et scellés au milieu de l’épaisseur du mur.

Il y a aussi des verres dormans scellés en plâtre, dans les croisillons des vitraux des églises gothiques.

Verre (peinture sur.) Nous croyons ne pouvoir mieux faire pour mettre nos lecteurs au courant des notions relatives à un sujet où règne tant d’ignorance et de prévention, que de mettre sous leurs yeux le travail qu’a communiqué à l’Académie des beaux-Arts M. Brongniart, de l’Académie des Sciences, et qu’il nous a permis de publier et d’insérer dans ce Dictionnaire.

Ce rapport fut lu par lui à l’Académie le 14 juin 1828.

Il règne un préjugé généralement répandu à l’égard de la peinture sur verre, savoir, que cet art est perdu, quoique depuis 1757 jusqu’à ce jour, on ait écrit et prouvé, que non-seulement ce prétendu secret n’en est point, et n’en sauroit être un, dans l’état actuel de nos sciences et de nos arts, mais que seulement le procédé de cette peinture a cessé d’être usuel, par le peu de besoin qu’on en a eu dans les monumens de l’architecture, (Voyez, au mot Vitres peintes, les raisons qui, ayant causé la désuétude de leur emploi, ont fait croire à la perte de l’art de les colorer.)

Les faits et les citations qui suivent vont prouver que cet ancien préjugé a été combattu à plusieurs époques.

On trouve le passage suivant, dans le Journal économique de mars 1757, pag. 135. « C’est une opinion commune que l’on a perdu l’art de peindre le verre, comme faisaient nos Anciens. Cette idée est si fort répandue, que dans une compagnie de gens de talent, quelqu’un ne craignit pas de l’avancer. Je soutins que nous possédons ce secret, qu’il ne paroissoit perdu, que parce que nous n’étions plus dans le goût de nous servir de verres colorés et peints, etc.
« Si cet art eût été réellement perdu vers le dix-septième siècle, il aurait au moins été retrouvé un grand nombre de fois depuis cette époque ; car outre Le Viel, qui l’a décrit en 1774, et dont la famille pratiquait cet art depuis deux siècles, un certain D. Manuel Morero Apariccio disoit dans la Gazette d’Autrecht du 14 décembre 1773, qu’il venoit de retrouver ce secret perdu. Enfin en 1802, M. Brongniart, de l’Académie des Sciences, lut un mémoire sur les couleurs vitrifiables, où il prouva avec toute l’évidence possible, que l’art de la peinture sur verre n’étoit point perdu, qu’on avoit donné tous les moyens de l’exercer, et qu’on avoit fait en ce genre des pièces plus ou moins nombreuses et variées.
« Les circonstances ayant donné lieu d’examiner de nouveau cette question, et différens morceaux de peinture sur verre, par plusieurs artistes, ayant été adressés à l’Académie des beaux-arts, pour en porter un jugement, le même M. Brongniart, de l’Académie des Sciences, a bien voulu nous communiquer l’excellent mémoire dont nous allons extraire les principales notions. »
Des Différentes classes de peinture sur verre.
« Pour établir l’état actuel de cet art, il est indispensable de faire remarquer que cette sorte peinture doit être divisée en plusieurs classes, qui se distinguent par des procédés et des résultats très-différent. C’est pour avoir confondu ces classes et ces procédés, que beaucoup de personnes croient, que le secret de la peinture sur verre est perdu, et que d’autres élèvent la prétention de l’avoir retrouvé, parce qu’elles comparent presque toujours la peinture, qu’elles ont faite par un procédé, à celle qui a été faite par un autre. Elles n’ont pas de peine à prouver ainsi que ce qu’on leur montre est bien différent de ce qu’elles font.
« On peut diviser en trois classes, les différentes sortes de peinture sur verre.
« La première est celle de la peinture en verre, au moyen de verres teints ou coloriés dans la masse.
« La seconde classe est celle de la peinture sur verre blanc, avec des couleurs vitrifiables appliquées au pinceau, et cuites à la moufle.
« La troisième classe est la peinture sur glace.
« Je ne puis avoir la prétention de décrire avec détail dans cette notice, les procédés qui appartiennent à chacune de ces classes ; mais je dois, pour faire apprécier plus nettement leur différence, développer les procédés essentiels, qui les caractérisent et qui les distinguent. Je dois donc aussi dire, que les procédés étant souvent appelés au secours les uns des autres, on pourroit établir une quatrième classe renfermant la peinture sur verre et en verre, qui résultent du mélange de ces procédés.
1re. classe. « Nous l’appelons plutôt peinture en verre que peinture sur verre, parce que ses plus grands effets résultent de l’assemblage des pièces de verres de diverses couleurs, destinés à faire le fond des teintes principales.
« On emploie donc dans cette première classe, principalement et presqu’uniquement, des verres colorés dans leur masse, ou, ce qui revient au même, des verres de couleur. Le nombre en est assez borné. Ce sont des bleus de nuances différentes, mais en général d’autant plus beaux, qu’ils sont plus intenses. C’est la couleur la plus facile à obtenir. Des verts rarement d’une couleur très-éclatante, et obtenus par le cuivre et le fer ; des violets de divers degrés d’intensité dus au manganèse ; quelquefois des jaunes dus à l’introduction de la fumée dans le verre au moyen de la sciure de bois ; et enfin des rouges. Ces verres rouges, teints dans leur masse, sont les plus difficiles à obtenir. Les personnes qui ont des notions de chimie, le concevront facilement, quand elles sauront, qu’on n’a pu avoir jusqu’à présent, des verres teints d’un beau rouge purpurin, ni par le fer, ni par l’or, mais uniquement par le protoxyde de cuivre. Celles qui veulent absolument que les procédés de la peinture sur verre soient perdus, pourroient ici trouver un appui à leur opinion, si on leur disoit qu’en effet, pendant très-long-temps, on n’a plus sait de ces verres rouges. Mais cette prétendue perte de procédé rentre dans celle qu’on signaloit au commencement de cet article. Le tour de main pour faire prendre à une masse vitrée, fondue dans un creuset de verrerie, la teinte purpurine que lui donne le protoxyde de cuivre, et pour la lui faire conserver, lorsqu’elle a été soufflée et étendue en vitre, est difficile à atteindre. L’exécution en paroîtra encore plus difficile, quand on saura, que ces vitres rouges, comme beaucoup de verres teints employés dans la peinture sur verre, sont composées de deux couches, l’une de verre incolore et limpide, et l’autre, beaucoup plus mince que la première, du verre coloré en rouge. On verra tout à l’heure le but de cette disposition.
« Cependant ces procédés ne sont pas perdus, Ils ont été trop bien décrits par Audiquer de Blancourt. M. P. Robert de Sèvres les possède, et M. Bontemps, directeur des travaux de la verrerie de Choisy, en a fait à cette verrerie en 1823 ; il en a sait en 1826 ; il vient d’en refaire encore pour Sèvres en 1828, et il continuera d’en faire, s’il reçoit des commandes assez considérables pour le dédommager de ses tentatives et d’une fabrication réelle.
« Voilà donc à quoi se réduit la prétendue perte des procédés de la peinture sur verre.
« Je ne parle pas des jaunes, des gris, qui sont le blanc ou le verre d’apparence dépoli, du noir, parce que ces couleurs ne sont presque jamais données à la masse du verre, mais seulement à sa surface, au moyen des oxydes vitrifiables, qui y sont appliqués et cuits ensuite à un feu de mousse, couleurs que l’on sait facilement, et d’autant mieux, qu’on est plus instruit en chimie, plus industrieux et plus habile manipulateur.
« Mais les verres teints dans leur masse, ne sont pas du domaine de la peinture sur verre proprement dite, telle que peuvent l’exécuter des procédés analogues à l’art des peintures sur porcelaine. C’est une dépendance de l’art de la verrerie ; c’est aux fabriques de verrerie qu’il faut les demander ; et on répète qu’à l’exception des verres ronges purpurins, toutes les verreries de France, qui s’adonnent à ce genre de fabrication, sont facilement et bien toutes les autres couleurs, et la plupart de leurs nuances. Cette classe de peintures sur verre est elle-même susceptible se diviser en deux sections, selon qu’on a pour objet de faire de grands panneaux, en vitraux d’église, ou de petits vitraux de cloître ou d’appartement ; mais la base du procède est la même.
« Dans l’un et l’autre cas, le peintre en verre doit se procurer les verres teints les plus beaux et les plus convenables à son objet, sous le rapport du ton, de l’épaisseur, de la dureté. Ils sont destinés à faire les teintes plates de toutes les parties du tableau. Il les coupe en conséquence, et y faits avec des couleurs vitrifiables, qui se reduisent presqu’uniquement à des gris, des bruns, des noirs, ou des roussâtres, les ombres ou demi-teintes qui doivent faire tourner les figures, ou dessiner les plis des draperies, Il les découpe, les réunit arec des plombs, et en sait des panneaux plus ou moins grands. Comme les nus ou le carnation, ne sont pas susceptibles d’être faits avec des verres teints, et qu on ne connoissois autrefois dans cet art aucune couleur propre à donner les nuances nécessaires, on remarquera que les têtes et les figures sont toujours d’une couleur terne, roussâtre, on camayeux, seules teintes que pouvoient former les couleurs que l’on possédoit alors. Il n’y a pas une carnation, pas un fruit, pas un groupe de fleurs, tous objets qui exigent une véritable peinture au pinceau, avec ses effets, ses nuances, ses passages. J’ai bien examiné tout ce qui a été sait dans les églises de Paris, et qui appartient à celle première classe. J’ai recueilli pour la manufacture beaucoup de fragmens de têtes et de figures, et aucune ne m’a sait voir une véritable peinture.
« Dans cette peinture en grand, les verres teints à deux couches, l’une incolore et l’autre colorée, n’étoient pas nécessaires. Aussi la plupart de ces verres sont-ils teints en plein, à l’exception des rouges qu’on ne pouvoit point faire autrement.
« Mon intention n’étant point de décrire les procédés de la peinture sur verre, mais seulement de caractériser ses différentes classes, pour voir dans le moment actuel, quel est l’état de chacune de ces classes, je dois borner à ce qui précède ce que j’ai à dire sur la première section de la première classe.
« Mais lorsqu’il s’agit de faire de ces petits tableaux qui doivent être vus de près, et se faire remarquer par l’éclat de leur couleur et la finesse de leur exécution, on a recours aux verres à doux couches, l’une teinte, et l’autre incolore. On enlève avec la meule la couche coloriée ; on met à nu la couche limpide, en lui donnant exactement les contours de l’objet à représenter ; on recouvre cette place creuse et incolore de la couleur qu’on veut donner à l’objet, et on obtient ainsi un ornement ou toute autre chose, d’une couleur différente de celle du fond sur lequel il est peint ; par exemple, des fleurs de lys d’un jaune d’or, sur un fond bleu, ou une bordure d’hermine sur un fond rouge, etc.
« Dans l’une ou l’autre section de cette classe de peinture, les couleurs d’ombre, ou celles qui sont nécessaires, soit pour donner des teintes, que les verres de couleur ne fourniroient pas, soit pour peindre les objets qu’on veut figurer, sont mises avec plus ou moins d’épaisseur, sur l’une ou sur l’autre surface du verre, et fondues au feu que l’on nomme de moufle. Les couleurs y adhèrent avec une force au moins égale à celle qui fait tenir les couleurs sur la porcelaine. Elle sont néanmoins susceptibles d’une légère altération par les météores atmosphériques. C’est une imperfection que les Anciens n’ont pu éviter. Si on croit le contraire, c’est parce que l’on confond sans cesse dans leurs tableaux, les parties faites avec des morceaux de verre teints dans la masse, et celles qui résultent des couleurs appliquées à la surface du verre et cuites à la moufle. Mais comme ces dernières couleurs étoient chez les Anciens en très-petit nombre, et qu’elles ne sont pas toutes altérables, on les a pour ainsi dite oubliées, pour ne remarquer que les parties en verre teint, dues non pas à la peinture sur verre, mais à la verrerie qui les a fabriquées et fournies.
« 2°. Classe. Elle renferme la véritable peinture sur verre, art à peine connu des Anciens et porté déjà à un haut degré de perfection, depuis que les connoisances de la chimie moderne sont venues l’aider.
« Il consiste à peindre sur du verre blanc des sujets de toutes sortes de figures, ornemens, fleurs, avec des couleurs vitrifiables, c’est-à-dire composées d’oxydes métalliques, et semblables aux couleurs d’émail ou de porcelaines, et à fixer ces couleurs sur le verre, en les y incorporant an moyen d’une chaleur incandescente qui ramollit le verre et fond les couleurs.
« Le mérite de ces peintures résulte, comme celui des porcelaines, du concours de deux talens, de celui du chimiste fabricant, qui fournit au peintre sur verre des couleurs appropriées, belles et bonnes, et qui sait cuire à propos ces peintures, et de celui du peintre qui doit connaître l’effet des couleurs, effet qui paroîtra différent, quand elle seront vues par réfraction, de celui qu’elles présenteront quand on les verra par réflexion, et qui doit savoir, comme artiste, donner à ses peintures, les tons, les nuances, et les effets que demande l’objet qu’elles représentent, et l’usage auquel elles sont destinées.
« Les couleurs doivent donc avoir beaucoup de puissance, sans qu’on soit obligé de les mettre épaisses ; car cette épaisseur leur enleveroit de la transparence, et les feroit paroitre lourdes et sombres. Il faut savoir mettre sur chaque face de verre, les teintes qui doivent concourir par leur superposition à l’effet recherché.
« Ici il n’y a plus de verres teints, plus de plombs, plus de réunion ; mais comme on ne peut pas peindre un sujet, ou une figure de grandeur naturelle, sur une seule pièce de verre, parce qu’on n’en fait pas de cette dimension, et parce qu’en supposant qu’on parvint à en faire, elles n’auroient aucune solidité, on est obligé de peindre ces grandes figures ou ces tableaux, sur des pièces de verre rectangulaires, qu’on réunit ensemble, au moyen d’une monture en fer, ce qui place le sujet derrière une espèce de grille.
« Ces peintures sont fixées par la cuisson à la moufle, à plusieurs feux. Le nombre des feux, va jusqu’à quatre, et peut aller au-delà. Les couleurs sont incorporées dans le verre. Elles sont aussi solides, pour ne pas dire plus, que les couleurs employées par les Anciens pour les ombres à donner aux parties faites sur les verres teints. Il n’y a donc aucune objection fondée à faire contre ce genre de peinture, sous le rapport de la solidité des couleurs, mais il peut y en avoir sous celui de l’effet.
« En général les peintures sur verre ne sont pas destinées à être vues de près. Leur principale destination, leur véritable place, est de remplir les immenses et hautes fenêtres des églises et des temples. Il faut donc que les peintures, vues de loin et sur le ciel, par l’œil déjà fatigué de la lumière directe qui lui arrive, soient montées à un ton élevé et brillant. Or il n’est pas probable qu’on y arrive au moyen des seuls verres peints. Il faudra avoir recours, comme l’ont fait les Anciens, aux verres teints dans la masse, et on obtiendra par la réunion de ce moyen, avec celui des peintures réelles, des carnations, des fleurs, moyens qui, ainsi que je l’ai dit plus haut, étoient inconnus des Anciens. On obtiendra alors des effets plus brillaus, et quelquefois aussi harmonieux que ceux des tableaux à l’huile.
« Les plombs de réunion ne doivent pas être regardés comme un obstacle. Placés avec discernement, ils augmenteront l’effet loin de lui nuire, et ils sont, dans beaucoup de cas, préférables au grillage de fer qui s’interpose entre le spectateur et le tableau.
« C’est la réunion de ce moyen des verres teints dans la masse, avec les verres réellement peints, qui constitue cette classe mixte dont j’ai parlé plus haut. Ce moyen n’est pas absolument nouveau ; les Anciens l’ont employé, mais avec une grande imperfection, ainsi que je viens de le dire.
« Le tableau que la manufacture royale de porcelaine exécute en ce moment, et qui doit remplir une des fenêtres de la nouvelle église de Notre-Dame-de-Lorette, est fait par ce procédé mixte, et j’ai lieu d’espérer qu’il atteindra complètement le véritable but de la peinture sur verre, et un effet vif et senti au moyen de couleurs transparentes et inaltérables.
« La 3°. classe est tout-à-fait moderne, et je la crois entièrement due à M. Dihl. C’est la peinture sur glace.
« Les procédés de fabrication des couleurs et de cuisson, sont généralement les mêmes que ceux de la peinture sur verre de la seconde classe. Les différences, et il y en a, consistent dans la fusibilité des couleurs, et dans la différence de cuire des glaces ou pièces de verre de quinze à dix-huit décimètres de côté, d’un seul morceau.
« Les procédés d’application ne sont pas les mêmes. Comme en raison de l’épaisseur de la glace, ou ne pourroit pas peindre des deux côtés de manière à ce que les couleurs se posassent toujours exactement l’une sur l’autre, dans toutes les positions où l’on regarderoit le tableau, et qu’il faut cependant, pour donner aux couleurs de la force sans lourdeur, les placer sur deux surfaces de verres, on donne une partie de l’effet du tableau sur une glace, et on complète cet effet, en appliquant les couleurs et les tons nécessaires sur la surface d’une autre glace. On applique ces deux surfaces l’une contre l’autre de manière que la peinture soit entre deux épaisseurs de glace On obtient par ce moyen des tableaux d’un effet suffisant et agréable, parce que leur lumière est celle du soleil mais il est probable que cet effet ne pourroit jamais être mené au ton nécessaire pour les vitraux d’église : d’ailleurs le prix en est, et en doit être toujours très-élevé. Il est inutile d’en exposer les motifs. M. Dihl a fait, comme je l’ai dit, les premiers tableaux de ce genre en 1800 et 1801. La manufacture de Sèvres en a sait un semblable, et uniquement comme imitatrice de M. Dihl, en 1801. Depuis lors on n’a plus rien fait dans ce genre, parce qu’il n’a pas beaucoup d’applications, et que ses produits sont très-chers. »
De l’état actuel de la peinture sur verre.
« Je comprends par l’état actuel la période qui s’étend de 1800 à 1828.
« L’usage et par conséquent la pratique de la véritable peinture sur verre, avec des couleurs vitrifiables, a cessé vers le milieu du dix-septième siècle. Depuis ce temps, et notamment vers la fin du dix-huitième, il s’est présenté de temps en temps, des chimistes ou des peintres, et principalement des Allemands, qui ont prétendu avoir retrouvé cet art, comme le prétendront tous ceux qui se donneront la peine d’essayer des couleurs de porcelaine sur un morceau de vitre. Mais l’art ne consiste pas uniquement à faire tenir quelques couleurs sur du verre ; il s’étend à la pratique de tous les procédés, et personne, que je sache, n’a mis ces procédés en pratique en grand, parce qu’aucune demande n’étoit faite.
« M. Dihl, en faisant paroître des glaces peintes vers 1798 ou 1800, a réveillé l’attention des Français, et peut-être aussi des autres nations, sur la peinture sur verre. J’étois depuis peu à la manufacture de Sèvres, j’avois peu de notions de cet art ; néanmoins, en étudiant l’ouvrage de Le Viel, et ceux des anciens chimistes qui se sont occupés de cette matière, en m’aidant de la pratique du sieur Méraud, chargé alors de la préparation des couleurs de la manufacture, je parvins à présenter, à la première classe de l’Institut, une série assez complète de couleurs sur verre ; c’étoient des vitres peintes par le procédé de la deuxième classe, c’est-à-dire, avec couleurs vitrifiables fondues par le feu de moufle sur le verre de vitre blanc, sans le secours d’aucun verre teint, et par conséquent sans l’emploi de plombs. C’étoit un essai qui n’eut pas de suite, parce que personne ne demanda de vitraux. Il étoit imparfait à beaucoup d’égards, mais il suffisoit pour faire voir qu’avec des recherches et de la pratique, on pourroit arriver à faire comme les Anciens. La question du rouge purpurin ne fut pas abordée. Cette tentative et les principes de fabrication employés pour le faire, ont été décrits dans le Mémoire que j’ai cité au commencement de cette notice : les pièces sont déposées dans la collection de la Manufacture royale de Sèvres.
« La continuation de l’église de Sainte-Geneviève fit penser de nouveau aux peintures sur verre ; les architectes firent des projets et des demandes, mais les vitraux qu’ils vouloient y placer ne devoient présenter que des ornemens à teintes plates, par conséquent, de panneaux faits presqu’uniquement par le procédé de la première classe. Ils rentroient alors dans le domaine de la verrerie et de la vitrerie.
« M. Mortelègue, fabricant de couleurs, a exposé, de 1809 à 1811, et jusqu’en 1823, différent tableaux peints sur verre et cuits à la moufle, appartenant à la deuxième-classe, c’est-à-dire, faits par le procédé connu des Anciens, sous le nom de verre émaillé, et sans le secours de verres teints. L’absence de ce moyen et celle du verre purpurin, firent que ces tableaux parurent inférieurs à ceux des Anciens, sous le rapport de la beauté des couleurs.
« M. Pâris a fait voir, en 1823 et 1824, quelques peintures du même genre, exécutées par le concours des deux procédés, des verres peints et des verres teints. L’un de ces vilraux est à la Sorbonne, où il produit assez d’effet. Les rouges teints ne sont pas dus au cuivre, mais à du cristal coloré par de l’oxyde d’or, seul exemple de ce genre de coloration que l’on puisse encore citer.
« M. Le Clair a produit, dès le commencement de 1826, quelques peintures sur verre, faites par le second procédé, ou des verres émaillés. Ces essais parurent assez satisfaisans.
« Ces peintures pourroient manquer de belles couleurs, du prestige des oppositions, et de celui du placement ; mais on peut assurer que le talent dont M. Mortelègue a donné des preuves ; dans la fabrication des couleurs de porcelaine, lui eût fait porter cet art à la perfection, si cet artiste français eût été chargé de quelques commandes, qui eussent pu l’engager à s’y adonner.
« J’ai désiré que la Manufacture royale de Sèvres, qui la première avoit donné, en 1802, des preuves qu’on pouvoit peindre sur vitres, quand on le voudroit, ne restât pas en arrière. J’ai donc, en 1823, encouragé M. Pierre Robert, peintre, à s’en occuper. Je lui ai donné, pour cela, tous les secours et les moyens qui dépendoient de moi ; néanmoins, n’ayant aucune commande à exécuter, nous n’avons pu former à Sèvrer, à cette époque, aucun atelier, aucun établissement en grand, et nous avons dû nous borner à produire des échantillons, pour faire voir aux savons, aux artistes, aux amateurs, ce qu’on pouvoit déjà faire, et par conséquent ce qu’on pourroit encore faire.
« M. Robert a exécuté successivement, en 1823, en 1824 et en 1825, des vitraux peints par les deux procédés, c’est-à-dire, en employant des verres teints et peints concurrement, ou en se passant entièrement des premiers. Il n’a pu employer en verres teints que ceux que lui fournissoient les verreries, et par conséquent, il a dû chercher à remplacer par des mélanges et des superpositions ingénieuses de couleurs, le verre purpurin, qu aucune verrerie ne fournissoit alors. On voit, par les pièces de 1823, de 1824 et de 1825, comment il a successivement amélioré ses couleurs et ses teintes, et comment il est parvenu, dans le grand panneau de la Sainte-Chapelle à suppléer presqu’entièrement le verre purpurin au moyen des vouées tirés de l’or.
« Les progrès résultant d’une pratique aussi peu active, que l’exécution de cinq à six petites vitres, sont cependant sort remarquables. M. Robert présenta, en 1825, un bouquet quet peint sur vitre, avec ses couleurs et sous la direction de M. Schilt. Ce bouquet est d’autant plus remarquable, que je ne connois aucune peinture de ce genre dans les vitraux anciens, qu’il est bien sous tous les rapports, et que ce pourroit être un genre de décoration très-convenable pour des monumens religieux, ainsi nue pour des maisons ou des châteaux.
« Enfin, comme on parloit toujours des procédés des Anciens, qui étoient perdus, qu’on disoit que les vitraux modernes en différoient beaucoup, j’ai voulu prouver l’erreur de cette opinion, en faisant copier exactement par M. Robert, une grande partie d’une fenêtre de la Sainte-Chapelle. Cette copie, faite presqu’à s’y tromper, est exposée, depuis 1826, dans la collection de Sèvres.
« Ces publications successives, ces essais, mis sous les yeux du public et des artistes à Sèvres, et dans les expositions publiques de la Manufacture, au jour de l’an, ne servirent à rien ; ils ne détruisirent pas l’opinion enracinée que l’art de peindre sur verre étoit perdu, et n’empêchèrent pas de croire qu’il venoit d’être retrouvé en Angleterre. Ainsi, l’ignorance trop générale où l’on étoit de l’état de cet art en France, et le desir très-louable de nous en faire jouir, en l’y important, engagèrent à aller, en 1826, chercher des artistes anglais pour transporter à Paris un art que l’on y possédoit depuis 1802, et dont on avoit vu successivement des produits en 1809, 1811, 1823, 1824 et 1825. Mais ces produits avoient été présentés sous de petites dimensions, parce qu’on ne fait pas sans commande des panneaux de croisées très-dispendieux, et qui n’ont de place que dans les édifices pour lesquels ils ont été commandés. On vit donc en septembre 1826 un grand tableau représentant le mariage de la Vierge, pour la chapelle de la Vierge de Saint-Etience-du-Mont ; et enfin, on fit venir, pour d’autres croisées, trois autres tableaux entièrement faits en Angleterre.
« Ces tableaux ont été faits sous la direction de M. le comte de Noé ; ils sont exécutés par les procédés de la seconde classe, c’est-à-dire par celui des verres blancs peints avec des couleurs vitrifiables cuites à la moufle. Ils offrent déjà, sous le rapport des couleurs et des carnations, des résultats de beaucoup supérieurs à ceux des Anciens ; mais, à l’exception de leur dimension, ils ne présentent aucun résultat qu’on n’eût pu obtenir à Sèvres, si on eût eu une pareille commande.
« M. Robert à voulu prouver, en exécutant, pour H. Dusommerard, un petit tableau sur verre, et pour la Manufacture de porcelaine, une copie de la même grandeur que l’original du tableau de Vierge d’André Solario, qui fait partie de la galerie du Musée royal. Cette copie a été faite par M. Constantin, afin que le mérite des arts du dessin, en se réunissant à celui des arts industriels, ne fît pas attribuer à ceux-ci des défauts d’incorrection qui lui sont tout-à-fait étrangers, auxquels on ne devroit faire aucune attention, mais qui attirent presque toujours l’œil et la critique des spectateurs. Tout nouvellement, c’est-à-dire dans le premier semestre de 1828, nous avons vu trois nouvelles productions de l’art de peindre sur verre, qui établiront, je l’espère, pour les incrédules, que cet art n’est perdu dans aucune de ses parités, et que l’essor qu’on lui a donné, depuis deux ans, quoique encore foible en comparaison de l’activité qu’il avoit dans le seizième siècle, lui a fait trouver tout ce que la pratique enseigne, et l’a porté déjà au-dessus de ce que faisoient les Anciens.
« M. le préfet de la Seine a commandé à la Manufacture royale de Sèvres deux fenêtres avec ornemens et sujets de figures, pour l’église de Notre-Dame-de-Lorette, et M. le vicomte de la Rochefoucauld a établi, dans la Manufacture royale de porcelaine, et d’après la volonté du Roi, un atelier particulier de peinture sur verre. Une grande partie de ces fenêtres est déjà exécutée, avec un éclat de couleurs et un coloris de carnation, de beaucoup supérieur à ce que faisaient les Anciens dans ce genre. Les figures du milieu, qui seront faites par les procédés réunis de la première et de la seconde classe, produiront, par cette réunion, tout l’effet qu’on peut désirer.
« La fabrique anglaise, sous la direction de M. le comte de Noé, vient de terminer une tête de Christ, et deux figures d’une grande dimension, qui, faites entièrement par le procédé de la deuxième classe, sont supérieures, sous le rapport de la variété, de la force et de l’entente du coloris, non-seulement à ce que les Anciens ont produit dans le même genre, mais encore à ce que cette fabrique a déjà fait.
« Enfin, un jeune Suisse, M. Muller, de Berne, vient d’apporter à Paris des petits vitraux faits avec une grande perfection, par un procédé exactement et trop complètement conforme à celui des Anciens, et qui appartient à la 2e. section de la première classe. Il consiste principalement, comme on sait, à employer des verres teints à deux couches, etc. Je dis trop complétement, car la couleur roussâtre de ces carnations y a été scrupuleusement conservée. Mais M. Muller a dû faire faire dans les verreries de France, tous les verres colorés qui lui étoient nécessaires, sans en excepter le beau verre purpurin qui, comme je l’ai déjà dit, mais il faut le répéter, avoit déjà été fait à Choisy, sur les renseignement donnés par M. Pierre Robert.
« Je ne parle pas de MM. Le Gros d’Anisy, Muller de Strasbourg, Henri Ducrocq de Douai, Girard de Paris, etc., et d’une multitude d’autres artisans, artistes ou, fabricant qui ont présenté des essais incomplets de peinture sur verre, trop inférieurs à ceux que j’ai cités, pour qu’on puisse l’y arrêter.
« Néanmoins, M. Le Gros fit, 1800, avec le concours de MM. Perrenot et Candel, un portrait sur vitre du 1er. Consul en habit rouge purpurin, couleur qu’il obtint avec de l’argent. Ce portrait n’a été vu que de peu de personnes, et j’en ignorais l’existence en 1802.
« Tels sont les différens progrès qu’a faits la peinture sur verre depuis sa réapparition en 1800 et 1802, et sa véritable renaissance, premièrement en 1811, par M. Mortelègue, et secondement en 1823 et 1824, par MM. Pâris et Robert. Tel est son état actuel en join 1828. On voit qu’elle est déjà supérieure, sous let rapport des couleurs de fruits, de fleurs et de carnation, à ce que faisoient les Anciens ; qu’elle ne lui est pas inférieure sous le rapport des procédés, et sous celui des verres teints de toutes couleurs et de toutes les nuances, sans excepter le rouge-purpurin du protoxyde de cuivre.
« On voit que pour mériter maintenant d’être distingué dans cet art, il faut présenter des vitraux plus grands, plus solides, plus éclatans et plus variés de couleurs, faits par des procédés plus économiques, plus ingénieux, et non moins solides que ceux que l’on emploie actuellement. J’ajouterai enfin, qu’aucun des principaux procédés n’est un secret ; que tout au plus quelques nuances de couleurs sont la propriété de ceux qui les ont déjà découvertes. Je compte décrire ces procédés avec quelque détail. »

L’empire de la mode et la manie du changement, qui sont un des caractères très-distinctifs du goût des peuples modernes dans tous les arts du dessin, ont porté depuis quelque temps les esprits à rétrograder jusque dans les siècles d’ignorance, qui virent s’élever les monumens qu’on appelle gothiques. Par une inconséquence naturelle à cet esprit de changement qui, ne pouvant avoir aucun principe, n’adopte pas le bon parce qu’il est bon, mais parce qu’il sera nouveau, on voit les mêmes hommes qui flétrissent du nom de gothique, les idées, les opinions ou les habitudes anciennes, tendre à rappeler le goût d’architecture qu’on appelle ainsi, sans penser qu’il tient à des élément incompatibles avec les besoins actuels, avec les ressources des arts, et avec l’accord qui ne sauroit plus exister outre les principes de ces arts, et le genre de bâtisse du moyen âge.

C’est à cet esprit insatiable de changement, qu’on doit les essais et les tentatives qu’on voit se reproduire, pour ramener dans l’architecture la pratique de la peinture sur verre, qu’on croit ressusciter, comme si ses procédés avoient été perdus, et qu’on voudroit appliquer de nouveau à décorer les vitraux des églises ou des palais, usage qui n’eut de crédit, dans ces temps anciens, que parce qu’il n’y avoit plus d’autre peinture, et parce que la construction des églises gothiques n’offroit presqu’aucune surface à l’art de peindre.

Apres avoir montré, dans le savant rapport de M. Brongniart, que l’art de peindre sur verre, loin d’être perdu, sera pratiqué dès qu’on le voudra, avec une supériorité à laquelle n’auroient pas pu parvenir les artistes qui ont décoré les vitraux gothiques, il resteroit à traiter la question de convenance sur ce sujet. C’est-à-dire l’art de peindre sur verre dans les fenêtres est-il en accord avec les besoins actuels ? L’état de nos arts et le luxe de nos édifices réclament-ils l’emploi de ce genre de peinture ? Ce genre pourroit-il se reproduire et s’accréditer sans nuire à la véritable peinture ? Cette discussion trouvera sa place au mot Vitre (Peinture sur).

VERRERIE, s. f. Ce mot exprime deux choses différentes ; il signifie l’art de fabriquer ou d’employer le verre. Il signifie aussi le corps de bâtiment, la manufacture proprement dite où l’on fabrique le verre.

Sous ce dernier rapport, la verrerie est un bâtiment qui se compose de plusieurs logemens, de bûchers, de fourneaux, de salles, de galeries, et de magasins qui servent à la fabrication des ouvrages en verre, et aux dépôts où sont rangés ces ouvrages.

Il y a des verreries, c’est-à-dire des fabriques de verre, affectées spécialement aux différens ouvrages, qu’on fait produire à cette matière. Ainsi il y a telle verrerie, comme celle de Sèvres, près Paris, où l’on ne fabrique en général que des bouteilles. Il y en a où l’on travaille le verre en ouvrages de luxe. Il en est où on le souffle ; il en est où on le coule. On fait ici des vases et objets bombés ; on fait ailleurs des vitres ou grands carreaux, et des glaces de toutes dimensions.

VERRIER, s. m. Ouvrier qui fabrique le verre ou qui travaille aux ouvrages de verrerie. Le même nom se donne au marchand qui les débite.

VERRIÈRE, s. f. (Jardinage.) Petite serre faite de menuiserie, fermée par devant et par dessus de châssis à verres, qu’on place dans les jardins sur une planche de terre ou de terreau, ou l’on élève des plants délicats pour les garantir des pluies froides et des intempéries des saisons.

VERRIN. Voyez Vérin

VERROU ou Verrouil, s. m. Pièce de menas ouvrages en serrurerie, qu’on sait mouvoir dans des crampons, sur une platine de tôle, soit unie, soit ciselée ou gravée, pour fermer une porte quand on est dons l’intérieur d’une chambre à ceux qui sont au-dehors.

On distingue les verroux à grande queue, avec bouton ou poignée tournante, pour les grandes portes ou les fenêtrages, d’avec les verroux plus petits qu’on nomme targettes, et qu’on attache avec des cramponets sur des écussons, pour les guichets des croisées.

Les targettes sont les unes à bouton, et s’attachent en saillie ; les autres à queue recourbée en dedans, avec bouton, et entaillées dans les battans des volets, afin que ces volets puissent se doubler facilement. Il y a encore des verroux à panache ; il y en a qui sont à ressort montés sur platine.

Depuis quelque temps on a imaginé de faire disparaître des battans des portes les différentes sortes de verroux dont on a parlé, et qui, dans la vérité, en défigurent les compartimens, et l’on a trouvé le moyen de faire jouer les verroux dans l’épaisseur même du bois : on le sait mouvoir par son bouton, au moyen d’une petite rainure pratiquée sur le montant de la porte.

Des étymologistes prétendent que verrou vient du latin veruculum, diminutif de veru, qui signifie dard, broche.

VERTICAL, adj. m. On donne ce nom à tout corps, à toute ligne perpendiculaire à l’horizon.

VERTICALEMENT, adv. Se dit de tout ce qui se trouve placé aplomb, ous perpendiculairement à l’horizon, comme l’est, par exemple, la façade d’un bâtiment.

VESTIBULE, s. m. , en latin vestibulum. Ce mot, qui est le même dans les deux langues, exprima, chez les anciens Romains, sauf la forme sans doute, à peu près la même chose qu’aujourd’hui.

Le vestibule etoit chez eux, comme il est encore dans les usages modernes, un local qui, à l’entrée des maisons, précédoit les différentes pièces dont l’ensemble se composoit. C’étoit ce que les Grecs appeloient prodromes, prothyron. Ce local existoit entre la porte d’entrée et la voie publique ; il etoit destiné à recevoir ceux qui venoient saluer le maître de la maison, de manière à ce qu’ils ne restassent point dans la rue, et n’entrassent point dans l’intérieur.

Quelques étymologistes ont tiré la formation de ce mot du nom de Vesta, parce que le feu qui lui étoit consacré s’allumoit, dans les anciens temps, au milieu du vestibule. Selon eux, on devoit s’y arrêter avant d’entrer, et l’on y pouvoit faire des sacrifices. D’autres ont prétendu que le mot vestibule étoit venu du mot latin vestis, habillement, et d’ambulare, marcher, parce que d’étoit en cet endroit qu’on arrangeoit la toge avant d’entrer.

Si l’on en croit Vitruve, dans la description qu’il donne des parties diverses de la maison romaine, le vestibule auroit été un local de simple nécessité, et sans aucune décoration d’architecture ; car la description ne donne rien à connoître de ses proportions, ni de ses ornemens. Selon lui, le vestibule étoit un de ces endroits, comme la cour (cavœdium) et les galeries alentour, où tout le monde avoit la liberté d’entrer, C’étoit enfin une partie en quelque sorte extérieure ; et tous ceux qui ont cherché à réaliser en dessin ou en plan la description de Vitruve, ont fait du vestibulum un espace ouvert par devant et sans aucune clôture.

Dans les usages modernes, on appelle vestibule un lieu couvert, qui sert de passage aux divers appartemens d’une maison, et qui est le premier udroit où l’on entre.

Il y a deux sortes de vestibules. Les uns sont formés du côté de l’entrée par des arcades garnies de châssis vitrés, qui en font la clôture ; les autres sont ouverts, et se composent de colonnes ou de pilastres, qui servent de décoration aux murs de face de la maison. Les premiers vestibules sont un objet de luxe et de grandeur, et n’appartiennent qu’aux palais. Ils sont ornés volontiers d’ordres de colonnes, de niches avec des statues. On ne sauroit donner de définition particulière de ces sortes de vestibules. Les parties dont se composent les maisons et les palais modernes, ne sont point assujetties, comme il paroît que cela avoit lieu chez les Grecs et les Romains, à des données communes, à des plans uniformes. Chaque maison peut avoir les mêmes pièces et les mêmes élémens de distribution, mais il seroit impossible d’y trouver un ordre général et commun à toutes. Aussi, nul ne pourroit décrire une de ces maisons, comme établie sur un type prescrit, de la manière dont Vitruve nous a a décrit la distribution grecque et celle de la maison romaine.

Ceci s’applique au mot vestibule. On peut affirmer qu’il y a sur la nature de cette pièce, sur sa situation, sur son ordonnance, autant de diversités que de maisons. Disons même que l’usage affecte le motvestibule à beaucoup d’édifices, qui ne sont ni des maisons ni des palais. On s’en


sert en effet à l’égard des temples, pour exprimer, dans ceux qui ont cette addition de construction, la partie couverte à laquelle on donne aussi quelquefois le nom de porche ; et l’on dit même, dans le style noble, le vestibule du temple. Les Grecs avoient le mot pronaos (avant-temple) pour signifier cette partie dans leurs édifices sacrés.

Ceci ne veut pas dire qu’il n’y a point de vestibules dans l’architecture moderne ; mais, d’une part, que le mot et la chose ne sont pas exclusivement affectés aux habitations ; et, d’autre part, qu’il n’y a ni forme, ni situation, ni disposition d’après lesquelles on puisse décrire et caractériser le vestibule dans la construction des maisons. On donne même ce nom (improprement si l’on veut) à une espèce de petite antichambre qui sert d’entrée à un médiocre appartement.

Cependant, on trouve dans quelques lexiques, des désignations particulières, servant à distinguer les différentes sortes de vestibules, qui font partie de la disposition des riches habitations et des palais ; et l’on dit :

VESTIBULE A AILES. Vestibule qui, outre le grand passage du milieu couvert en berceau, est séparé par des colonnes, de ce que l’on nomme des ailes ou bas côtés plafonnés en soffites. Tel est au palais Farnèse, à Rome, le beau vestibule qu’on a décrit à la vie d’Antoine San-Gallo. Les ailes dont on parle sont, dans de semblables vestibules, quelquefois voûtées, ainsi qu’on les voit au pavillon de la cour du Louvre, qui donne sur la place du Musée royal.

VESTIBULE EN PÉRISTTLE. Ainsi appelle-t-on celui qui est divisé en trois parties, avec quatre rangs de colonnes isolées. Tel est le vestibule du milieu du château de Versailles.

VESTIBULE FIGURÉ. Vestibule dont le plan n’est pas contenu entre quatre lignes droites, ou une ligne circulaire, mais qui, par des retours, forme des avant-corps ou des arrière-corps de pilastres et de colonnes avec symétrie.

VESTIBULE OCTOSTYLE ROND. On nomme ainsi le vestibule qui a huit colonnes adossées, comme le vestibule du palais du Luxembourg du côté qui donne sur le jardin.

VESTIBULE SIMPLE. C’est celui qui a ses faces opposées décorées symétriquement d’arcades réelles ou feintes. Tels sont les vestibules du palais des Tuileries à Paris, et de l’Hôtel-de-Ville de Lyon.

VESTIBULE TÉTRASTYLE. Vestibule qui a quatre colonnes isolées et en rapport avec des pilastres, ou d’autres colonnes engagées. Tel est le vestibule de l’Hôtel royal des Invalides.

VESTIGE, s. m. Ce mot signifié particuliérement la trace Ou L’indication Que laisse non objet quelconque, sur juin Matière sensibles de la receive et de la Conserver. Ce est Ainsi Que la plante du pied laisse non vestige sur le sable ous sur terrain non mou.

Par analogie sur dit d’un bâtiment ruiné, Mais Dont le découvre encore le régime, QU’IL RESTE des vestiges de Son ancienne existence. Dans bien des CAS le mot vestige is synonyme des mots restes, débris, ruines.

VÉTUSTÉ, s. f. Est un synonyme d’ancienneté, d’antiquité ; mais qui, comme toute espèce de synonyme, exprime une nuance d’idée particulière. Vétusté vient sans doute de vetus, vieux, et vetustas veut dire vieillesse, appliquée aux choses plutôt qu’aux personnes. Or on se sert beaucoup trop souvent du mot vieux, comme tout-à-fait synonyme d’antique ou d’ancien. Rien cependant de plus divers que l’idée qu’on attache à ces mots. Antique et ancien comportent l’idée de quelque chose de respectable. Quoique l’idée de vieux et de vieillesse puisse moralement prétendre à produire le même sentiment, cependant rien ne peut faire, qu’il ne se joigne à cette idée, celle des inconvéniens d’un grand âge, et entr’autres des difformités qui l’accompagnent. Turpisque senectus, a dit un poëte. Or il seroit souvent en fait de monumens, très-impropre d’appeler certain édifice antique un vieux édifice, et de parler de sa vétusté, parce qu’il y en a, qui, nonobstant le laps des années, out conservé leur beauté, et en produisent l’idée, de manière à ne pouvoir pas faire naître l’idée de vieillesse.

Généralement, dans un édifice, le mot vétusté indique ce que le mot décrépitude désigne chez l’homme. On dit qu’un bâtiment tombé de vétusté.

VICTOIRE, s. f. Les représentations que la sculpture a faites autrefois, et fait encore aujourd’hui de la victoire, dans les ouvrages de l’architecture, ont rendu son image si usuelle, que l’idée qu’elle représente, a cessé, on peut le dire, d’être exclusivement la propriété des Anciens et de leurs langues, l’expression de leurs croyances el de leur mythologie. La victoire n’est plus pour les modernes, une déesse, un être tel que l’imagination l’avoit personnifié, avec tous ceux dont elle avoit peuplé l’Olympe. Elle est aujourd’hui devenue une simple allégorie, dont le signe s’est introduit dans les formes du langage, et qui, sons les traits qui lui furent autrefois donnés, a pris place parmi les images habituelles de nos arts.

On peut je crois avancer, sans crainte d’exagération, qu’entre tous les signes mythologiques des anciens Grecs et Romains, il ne s’en trouve aucun qui ait été autant multiplié que celui de la victoire. Rien ne contribua plus à cette multi-


plication chez les Grecs, que l’extension qu’ils donnèrent à l’idée de victoire, en la transportant à des succès étrangers aux succès de la guerre. Cette transposition devait s’accréditer dans ces petits états, où tout concouroit à la rendre familière. Elle est sans doute naturelle, et les effets s’en reproduisent par une cause inhérente à la nature de l’homme, savoir, le désir de la supériorité, principe de tous les genres d’émulation, mobile de toutes les ambitions.

Ce principe fut singulièrement exalté chez les Grecs, par la nature de leurs institutions, de leur éducation, de leurs gouvernemens. Les exercices de leurs gymnases, qui d’abord furent l’école de l’art militaire, et finirent par n’être que des spectacles, introduisirent partout l’idée et l’habitude de dispute, de combats, par conséquent de succès ; dès-lors de victoires, de prix et de couronnes. L’enthousiasme public pour ces combats pacifiques, et pour leurs résultats innocens, semble avoir égalé, celui des nations les plus guerrières, et leur zèle à célébrer les plus importantes conquêtes de leurs généraux et de leurs armées. Il n’y a point de louanges, à mettre au-dessus des louanges, dont la poésie lyrique des Grecs, accabla tel athlète aux jeux de la lutte ou de la course, pour avoir par la vigueur de ses poignets, ou la vitesse de ses jambes, et de celles de ses chevaux, terrassé ou devancé de quelques pas, son adversaire.

Ces succès, il est vrai, ne faisoient pas construire d’arcs de triomphe comme à Rome. Mais ils multiplioient les images de la victoire, qu’on déposoit dans les temples, qu’on élevoit sur les places publiques, dont on ornoit les trônes des dieux, et que leurs simulacres tenoient dans leurs mains.

Le Jupiter d’Olympie par Phidias, avoit son trône ou du moins les quatre pieds de son trône ornés ou environnés de vingt-quatre figures de victoire. (Voyez la description de Pausanias et la restitution que nous avons donnée de ce monument dans notre ouvrage intitulé le Jupiter Olympien. ) Le Dieu lui-même en portoit une de près de six pieds de haut, en or et ivoire, dans sa main droite. Mais à quels exploits se rapportoient toutes ces victoires ? Nullement aux exploits militaires. Il n’y a rien là pour la guerre. Jupiter étoit à Olympie le dieu qui présidoit à tous les combats du stade et du gymnase, et lavictoire qu’il tient, est destinée à des combats qui n’étoient que des jeux, à des vainqueurs qui n’étoient que des athlètes.

Ce que nous venons de dire de l’emploi plus particulier des images de la victoire pour les combats gymnastiques, se rapporte surtout aux états républicains, où l’on redoutoit le pouvoir militaire, et où l’on évitoit de prodiguer des honneurs, qui auroient favorisé l’ambition des guerriers. Il ne dut pas en être ainsi des monarchies, et nous voyons que le char funéraire d’Alexandre, fait en forme d’un petit temple, avoit à ses quatre acrotères, et aux angles de sa voûte quatre victoires d’or portant chacune un trophée.

Mais la victoire dut être la déesse la plus en honneur chez les Romains, c’est-à-dire chez le peuple qui mit l’art de la guerre avant tous les autres, qui lui dut sa prééminence et son autorité sur toutes les autres nations de son temps. Aussi ne sauroit-on dire à quel point ils en multiplièrent les images. Comme les Grecs, les Romains en consacroient des figures dans les temples. Ils en plaçoient en forme d’hommage sur le soubassement du Jupiter Capitolin, ils les plaçoient dans des biges ou des quadriges de bronze. Ils les figuroient au-dessus des chars, tenant la couronne suspendue sur la tête du triomphateur.

Les images de la victoire sur les médailles romaines sont si multipliées, que leur description formeroit un très-gros volume. Mais ces figures gravées ne furent autre chose, que la représentation en petit de toutes celles dont la sculpture avait varié les types, les attitudes, les compositions dans de plus grands ouvrages, où on les voit tantôt ailées sur un globe, tantôt assises, tantôt debout précédant le char du vainqueur, tantôt planant au-dessus de lui, tantôt composant un trophée, tantôt placées aussi dans les mains des empereurs.

Les Romains furent les seuls qui aient consacré aux auteurs de leurs succès et de leurs exploits militaires, des monumens d’architecture tellement durables, qu’un très-grand nombre est parvenu, avec plus ou moins d’intégrité, jusqu’à nous. D’abord la cérémonie du triomphe, qui fut une institution exclusivement romaine, devint naturellement l’origine des arcs durables, qui remplacèrent les arcs ou les portes temporaires, sous lesquels devoit passer la pompe triomphale, (voy. sur cet objet L’article ARC DE TRIOMPHE. ) Il faut encore mettre au nombre des monumens érigés par les Romains à lavictoire, ces grandes colonnes, dont le fût étoit orné dans une ligne spirale, depuis la base jusqu’au chapiteau, d’une série de bas-reliefs représentant tous les événemens d’une guerre. Quelquefois aussi d’autres monumens recevoient, ou de leur décoration, ou de leur dénomination, la propriété de rappeler le souvenir de quelque triomphe ; et c’est ainsi qu’il y eut des ponts triomphaux, des portes triomphales qu’on ornoit de trophées.

L’architecture employoit de diverses manières les signes ou simulacres de la victoire dans les monumens dont on a fait mention. Par exemple vers le milieu de la colonne Trajane, on voit la série des exploits militaires de Trajan, interrompue par une figure de victoire, debout dans l’action d’écrire sur un bouclier. La porte d’entrée


du monument pratiquée dans un des côtés du piédestal, est couronnée par une grande table, où est l’inscription, et cette table paroît être supportée de chaque côté par deux victoires.

Mais ces sortes de victoires sont, dans les arcs de triomphe, l’accompagnement ordinaire et, l’on pourroit dire, obligé des archivoltes de l’arcade, soit qu’elle soit seule, soit qu’elle se trouve entre deux plus petites.

Chez les Modernes la victoire, comme on l’a dit, n’est plus, soit dans l’esprit, soit dans les habitudes du langage, soit dans les images qu’on en fait, qu’une personnification allégorique, comme les images des vertus, des saisons, des sciences, des arts, etc. Ses représentations, que le temps avoit transmises aux artistes modernes, en si grand nombre, prirent naturellement place dans l’ensemble des signes consacrés, et dont il n’auroit guère été possible de s’écarter. Aussi les voit-on, sous les mêmes formes, appliquées à des monumens qui furent eux-mêmes une tradition de l’antiquité.

Je veux parler de ces arcs érigés par presque tous les peuples modernes, à l’exemple des monumens de triomphe des Romains, quoique l’usage et la cérémonie du triomphe ne se soient point perpétués, et n’aient passé chez aucune autre nation. Les langues nouvelles ont, à la vérité, adopté le mot de triomphe, mais il n’est aussi qu’une idée métaphorique, et une sorte de synonyme de victoire. De cette transmission d’idée, il est résulté qu’on a aussi élevé pour célébrer les succès militaires et en rappeler le souvenir, des portes triomphales dans lesquelles se sont reproduites les formes, les proportions, les dispositions, et toutes les parties de la décorations des arcs antiques.

Ainsi la porte triomphale qu’on appelle à Paris la Porte Saint-Denis, offre, dans ses belles et nombreuses sculptures, une sorte de recueil de tous les motifs d’ornemens imaginés à Rome, pour les arcs de triomphe. Paris a vu encore, depuis quelques années, exécuter sur la place du Carrousel, en face du palais des Tuileries, une répétition presqu’exacte pour les masses, de l’arc de Septime Sévère à Rome. On retrouve à ces monumens le même emploi des victoires antiques, dans les archivoltes, et l’on y voit une conformité parfaite avec leurs modèles, pour les attitudes, la composition et le style d’ajustement.

Cependant il ne faut pas toujours confondre, dans beaucoup d’édifices, qui n’ont rien de commun avec les idées de victoire et de triomphe, certaines figures qui occupent ces mêmes tympans d’archivolte, et que leurs attributs divers doivent caractériser, comme le fait, par exemple la trompette à l’égard de la Renommée.

VIENNE, en latin Vienna. Ville très-ancienne située à cinq lieues au midi, et au-dessous de Lyon. Elle fut, sons l’empire romain, une des plus puissantes de la Gaule transalpine. Elle a conservé beaucoup de débris d’antiquité, et quelques restes encore assez remarquables de plusieurs de ses anciens monumens.

Les environs de Vienne témoignent de son ancienne importance, par des vestiges de routes, surtout de la via Aurelia, dont une partie, reconnoissable aux blocs irréguliers dont toutes les voies romaines étoient formées, existe encore à peu de distance de la ville. Il paroît que plusieurs aquéducs y conduisoient d’abondantes eaux. On en trouve des parties dans toutes sortes de directions. Il y en avoit un formé de trois conduits parallèles. Le mieux conservé des trois a été restauré en 1721, et il suffit aujourd’hui, aux besoins de la ville moderne. Sa construction est en maçonnerie de mœllons appelés par les Romains opus incertum.

Il subsiste encore un massif irrégulier dans sa base, à cause des différens angles du rocher de l’ancienne citadelle, qui est du même genre de construction.

La situation de Viennesur les flancs de plusieurs montagnes escarpées, avoit exigé, pour les grands édifices, des substructions considérables. Les Romains avoient élargi et étayé les différens plateaux naturels, par des massifs répartis suivant l’inégalité du sol, depuis le bas jusqu’au sommet du roc de la citadelle. Il y avoit dans quelques-unes de ces substructions, de grands escaliers, par où l’on montoit à plus d’un édifice.

Le plus remarquable de ceux qui subsistent, à peu près en entier, est le temple qu’on appelle d’Auguste et de Livie. On avoit été long-temps divisé sur le nom et la destination de ce monument. Quelques-uns prétendoient que c’étoit un prétoire, d’autant plus que la tradition et les chroniques apprenoient qu’on y avoit rendu la justice. Cependant plusieurs exemples prouvant que plus d’un temple avoit servi aussi de salle d’audience, les deux opinions s’étoient accordées. Mais la lecture de l’inscription dont il ne restoit plus que les trous, dans lesquels avoient été scellées les lettres de bronze, a démontré que sa destination principale avoit été d’être un temple.

Sa longueur totale est de cinquante-cinq pieds, sa largeur de trente, et la hauteur de trente-cinq. L’édifice est en général d’une belle proportion, mais les détails et l’exécution ne répondent point à la beauté de l’ensemble. On diroit qu’il auroit été composé par un architecte, et bâti par de mauvais ouvriers. On y remarque des discordances bizarres, et qui ne peuvent s’expliquer, que par l’inexpérience ou la négligence des constructeurs. L’appareil a été fait comme au hasard, sans accord et sans régularité. L’édifice est élevé sur un stylobate, dont la face antérieure est occupée par un escalier formé de douze marches.


Son plan est celui d’un périptère sur la face antérieure, et sur les deux parties latérales, jusqu’à la sixième colonne, à laquelle s’aligne le mur en retour du posticum, dans l’espace d’une colonne et d’un entre-colonnement, et se termine par un pilastre. Le peripteron se compose de six colonnes de face, et de six dans les flancs, en tout dix-huit ; exemple peut être unique en son genre. Leposticum est formé d’un mur en refends sans aucune ouverture. La porte est du côté oriental.

Les entre-colonnemens témoignent par leurs irrégularités, de la négligence avec laquelle cet édifice fut conduit ; il s’y trouve des différences de près d’un demi-module. Une autre singularité est que les colonnes du portique avec celles d’angle qui font retour, ainsi que les pilastres du mur en retour du posticum dont on a parlé, ont des plinthes à leur base, tandis que le reste des colonnes latérales n’en a point. Il résulte de là que, malgré le peu de hauteur de cette plinthe, le fût de celles des colonnes qui en sont privées a, relativement à la base et au chapiteau, quelques parties de plus en élévation.

Le profil du stylobate est d’une belle simplicité. On peut trouver que la cymaise manque de caractère, et que la plinthe est trop foibe pour le talon. La base est plus forte que la corniche, ainsi que cela doit se pratiquer, par la raison qu’on peut la considérer, moins comme la base du stylobate, que comme celle de tout l’édifice.

On ne sauroit s’assurer si le haut des colonnes a du retrait en dedans, selon le précepte de Vitruve ; le mur moderne les enveloppe presqu’entièrement. La colonne a de hauteur neuf diamètres et demi, le chapiteau un diamètre. Le fût est légèrement renflé ; le plus fort diamètre est un peu au-dessous de sa partie moyenne. Les cannelures sont au nombre de vingt. Le chapiteau, qui n’a que deux modules de hauteur, est de la même proportion que celui de Vitruve. La rose atteint le niveau des angles du tailloir. Ce grand relief, celui des volutes et de l’abaque, font presque tout l’effet de ce chapiteau, car ses caulicoles et ses feuilles d’olivier, très-peu saillantes et timidement traitées, feroient, avec beaucoup d’autres défauts d’exécution, présumer que cette architecture eut pour auteurs des hommes fort peu habiles, ou des ordonnateurs trop parcimonieux.

L’entablement a un peu plus de la cinquième partie de la colonne. Ses trois grandes divisions sont presqu’égales entr’elles, la corniche surpassant seulement de trois parties les deux autres qui sont d’égale proportion Cette monotonie, du reste, est peu sensible par l’effet de la perspective et à cause de la variété des profils. Les rosaces du soffite, non plus que les modillons, n’ont point reçu leur exécution dernière.

Le fronton, sans acrotères, est d’une belle forme ; il a de hauteur un peu plus du cinquième de sa largeur, au lieu du neuvième qu’indique Vitruve. Sur son tympan on voit plusieurs trous, qui semblent indiquer qu’il auroit servi de fond à quelques sculptures eu bas-relief. A la cymaise inférieure de la corniche, au milieu de la frise, et sur le haut de l’architrave, on reconnoît la place qu’auroit occupée un aigle les ailes étendues, emblême soit de Rome, soit de l’apothéose de l’empereur.

Il ne reste plus rien de la couverture antique. Le toit moderne est posé sur une cymaise grosière, qui fut substituée, dans le moyen âge, à l’ancienne déjà dégradée.

Après la chute du paganisme, ce modeste édifice échappa à la destruction de presque tous les temples des faux dieux. Au neuvième siècle il fut transformé en église, consacrée à la Sainte-Vierge. Ce fut alors que pour agrandir le local intérieur, on abattit les murs de la cella, et on lia par une muraille les colonnes, en arrasant les cannelures qui dépassoient trop le parement de la construction nouvelle. L’ancienne entrée fut condamnée, et on perça le mur du posticum, afin que, selon les rites du christianisme, la porte d’entrée sût du côté de l’occident. Plus d’une innovation y fut encore introduite, surtout par l’érection d’un clocher sur la façade. Ayant cessé, par une succession de révolutions, d’être une église, l’édifice est devenu un Musée, où l’on conserve tous les restes d’antiquité que recèle encore le terrain de celle ville et de ses environs.

Il y aurait à citer et à décrire plusieurs autres débris d’antiques monumens, qui sur les lieux même offrent plus d’intérêt, par les moyens qu’ils donnent de retrouver leur ensemble. Tels sont des restes de rampes d’escaliers qui conduisoient, à ce qu’on croit, au temple de Jupiter. Telles sont des portions de salles qu’on croit avoir appartenu à des thermes. Tel est encore un fort beau fragment do portique, qui, dit-on, fit partie du forum, et qui, dans son intérieur, est décoré de colonnes corinthiennes.

Mats un des plut curieux monumens antiques de Vienne, et des mieux conservés, est celui qu’on voit a quelques pas de cette ville, hors du la porte d’Avignon, et qu’on nomme l’Aiguille. C’est une masse qu’on peut appeler pyramidale, considérée dans son ensemble, mais dont la partie supérieure lient beaucoup plus de la forme et de la proportion obéliscales. Le monument se compose, dans sa partie inférieure, d’un massif quadrangulaire, percé de quatre arcades, à la manière des Janus. Ses quatre angles sont flanqués d’une colonne élevée sur un piédestal ; son chapiteau, extrêmement évasé et taillé en biseau, tient, par sa forme, du dorique et du corinthien. Au-dessus de l’entablement est établie une plate forme, dont l’obélisque occupe le centre.

Cet obélisque doit avoir été composé d’une


vingtaine d’assises de pierre, et dut avoir une trentaine de pieds en élévation. Le dessin qu’on en voit dans l’ouvrage des monumens de Vienne, présente une coupe de tout le monument, et cette coupe fait voir que le centre de la construction de l’obélisque étoit vide, soit pour en alléger le poids, soit par raison d’économie de matière. Dans son entier l’édifice peut avoir une cinquantaine de pieds de hauteur.

Quelle fut la destination de ce monument ? Aucune inscription ne l’apprend, et toutes les traditions sur de semblables sujets sont de peu de poids. Aujourd’hui on lui donne le nom de cénotaphe. Selon cette opinion, ce n’auroit été qu’un tombeau vide. Anciennement on lui donnoit le nom de sépulcre. On auroit peine à adopter cette dernière dénomination. Pour croire à cet emploi, il saudroit supposer, ou que les quatre arcades auroient été jadis fermées, pour servir de chambre sépulcrale, ou qu’il y auroit en sons ce monument des excavations et constructions, dont on n’a jamais eu connoissance. Mais dans l’ignorance où nous sommes d’un trés-grand nombre d’usages de l’antiquité, il vaut mieux s’abstenir d’explications, qui ne peuvent être que de vaines hypothèses.

VIF, VIVE, adj. On emploie quelquefois ce terme comme indéclinable, C’est ainsi qu’on en use pour dire le tronc ou le fût d’une colonne, la partie dure d’un mœllon, d’une pierre, que recouvre cette couche que l’on appelle le bousin. Ainsi, on dit d’un bloc de pierre, d’un mœllon, qu’ils sont ébousinés jusqu’au vif, quand on en a atteint le dur avec la pointe du marteau.

On use encore de ce mot au féminin, en désignant dans la taille de la pierre, la vivacité des angles que l’outil y produit, et qui entre dans la perfection de l’appareil et du travail de quelques autres matières. Ainsi, on dit de la pierre, du bois, des métaux, dont les angles sont aigus et ne sont ni émoussés ni arrondis, qu’ils sont taillés à vive arête.

VIGNOLA. Voyez Baroccio.

VILLA. Ce mot signifie en latin, soit une maison de campagne, soit une métairie ou ferme. Cependant quelquefois nu s’en est anciennement servi, pour désigner une bourgade, un village. Le mot villa a encore conservé cette double signification dans les bas temps de l’empire et dans le moyen âge. On le trouve employé dans les Capitulaires de Charlemagne.

Il est certain que beaucoup de ces villa, soit maison de campagne, soit métairie, ont été l’origine d’une infinité de villes, de bourgs et de hameaux, dont nous voyons encore aujourd’hui que les noms commencent ou se terminent par le mut villa. C’est de la que sont venus les mots français ville, village ; ce qui indique que les villes se seront formées tout naturellement du nombre d’habitations bâties auprès d’une villa, ou propriété rustique ainsi appelée.

Aujourd’hui le mot villa n appartient plus qu’a la langue italienne, et ne signifie rien autre chose que ce que nous appelons en français, selon leur importance ou leur étendue, château, maison, bien de campagne, habitation de plaisance, ou possession rustique.

Le mot villa, dans les dfférens genres d’acception que lui donnèrent les Romains, fournit à la science archéologique des notions très-nombreuses, mais qui seroient, pour la plupart, assez étrangères à l’architecture. C’est pourquoi, ayant déjà consacré un article fort étendu à ce sujet, sous le rapport de maison de campagne, envisagée comme habitation de luxe et de plaisance chez les Anciens (voyezCAMPAGNE (Maison de)), je me bornerai ici à un petit nombre de détails fort abrégés sur la villa des Romains, considérée selon ses trois principales acceptions, et je terminerai cet article par une courte mention des plus célèbres villa de l’Italie moderne.

Les Romains avoient trois sortes de villa, et chacune avoit sa destination particulière. On peut dire aussi que, le plus souvent, chaque villa comprenoit les trois genres, savoir, la villa urbana, rustica fructuaria.

La villa urbana conteniot l’habitation du propriétaire. On y avoit toutes le commodités qu’on trouve dans les maisons de la ville. Vitruve lui donne le nom de pseudourbana.

La villa rustica contenait, non-seulement tout ce qui appartient à l’économie rurale, les étables, les écuries, les chambres pour serrer les instrumens d’agriculture, mais aussi la cuisine, la demeure de l’économe, et des autres personnes employées à la culture des biens du propriétaire.

La villa fructuaria étoit destinée à garder et conserver les fruits récoltés. Elle contenoit les greniers pour le blé, les magasins pour l’huile, lés caves pour le vin, etc.

La villa urbana étoit ordinairement construite sur un terrain plus élevé que ceux de la villa rustica et de la villa fructuaria. Elle avoit, en général, les mêmes distributions que les habitations de Rome. Noua renvoyons à tous les mots de ce Dictionnaire qui traitent de la disposition de l’intérieur des maisons, des palais de ville et de campagne.

Dans la villa rustica on trouvoit d’abord, en entrant, le corps de logis de l’économe, bàti à coté de l’entrée de la maison, afin qu’il pût observer les entrans et les sortans, ce qu’on y apportoit, ce qu’on en emportoit. On comptoit, d’après Vairon et Columelle, dans l’ensemble de cette distribution, lu demeure du caissier, au premier étage au-dessus de la porte ; un lieu de dépôt pour les instrumens aratoires ; les cel-


lules des esclaves ; la prison qui étoit souterraine ; l’infirmerie, la cuisine, les étables et écuries ; les logemens des bergers ; le bain des domestiques. Ces différentes parties de la villa rustica, plus ou moins grandes, selon la fortune des propriétaires, étoient placées autour de la cour, qui servoit aux usages journaliers et aux services du ménage. Au milieu de cette cour étoit un réservoir rempli d’eau de source, ou de pluie provenant de l’écoulement des toits. Dans les villa d’une plus grande étendue il y avoit deux cours semblables, l’une intérieure, l’autre extérieure.

La villa fructuaria contenoit les bâtimens dans lesquels on conservoit l’huile, le vin, le moût. Là étoient le grenier à foin et à paille, les pressoirs pour le vin et l’huile, enfin tous les autres greniers et magasins. Les greniers où on conservoit le blé étoient exposés au nord, quelquefois on les voûtoit et on les pavoit de petits carreaux de brique ; les magasins pour les différentes sortes de fruits étoient placés dans un endroit sec, avec des fenêtres vers le nord, garnies de volets pour qu’on pût les fermer de temps en temps, afin d’empêcher les fruits de sécher. Ils étoient construits, voûtés et pavés en pierre.

Autour de la villa, il y avoit plusieurs petites constructions, servant à différens usages, soit pour y jouir de la vue de ta campagne, soit pour y prendre les repas, soit pour y étudier loin de tout objet de distraction. Tel étoit l’Ornithon de Varron, dans sa villa près de Casinum. Pline avoit plusieurs édifices semblables, dans sa maison de Laurentum, comme on l’a vu à l’article MAISON DE CAMPAGNE.

Le plus grand des édifices auxquels on donne le nom de villa est celui qui fut la maison de campagne de l’empereur Adrien, et dont on voit encore d’immenses débris près de Tivoli. Nous en avoua donné ailleurs une description abrégée. Voyez ADRIENNE VILLE.

Il nous resteroit, pour compléter les notions que peut comporter le mot villa dans son emploi assez habituel, de donner ici quelques descriptions des modernes édifices de l’Italie en ce genre, si déjà ce sujet n’avoit dû trouver sa plate, au mot MAISON DE CAMPAGNE, et si l’on ne devoit être par trop embarrassé du choix de ceux de ces bâtimens, qui mériteraient de figurer au nombre des modèles de l’architecture.

En bornant le peu de notions qui entrent dans le plan de ce Dictionnaire, aux plus célèbres villa de Rome moderne, noua citerons comme une dis plus modernes et des plus magnifiques la villa Albani, ornée des plus précieux restes de l’antiquité, où Winckelimann puisa une partie des rares connoissances sur lesquelles s’est fondée sa réputation. Le cardinal Alexandre Albani a fait de cette villa, un lieu tout à la sois de délices et de magnificence, qui peut le disputer au plus grand nombre des entreprises, que la puissance et la fortune de beaucoup de princes ont réalisées.

La villa Borghèse on villa Pinciana, égale en richesses d’antiquité à la précédente, avant qu’elle en ait été dépouillée, est moins remarquable par la beauté et le goût du bâtiment, que pur la grandeur, la variété de ses jardins, et des ornemens qu’on y a ajoutés, à la fin du dernier siècle.

La villa Pamphili, construite et ornée par Algardi, est regardée comme la plus considérable de toutes celles qu’on visite, surtout pour la richesse et l’étendue de ses jardins, dont on porte le circuit à prés de deux lieues.

Si l’on vouloit augmenter cet article de la mention de toutes les célèbres villa qui existent dans les environs de Rome, il faudroit faire mention à Tivoli de la célèbre villa d’Est, aujourd’hui à peu près abandonnée, mais qui, malgré son état de délaissement, présente encore dans la situation théâtrale de son palais, dans les beaux restes de ses plantations, et dans le grand parti de son ordonnance, une de ces entreprises qui portent notre esprit à se figure les magnificences de l’antique Rome.

Frascati, aujourd’hui le lieu de délices de Rome moderne, renferme un fort grand nombre de villa qui doivent leur agrément principal, et à la beauté des sites, et à l’abondance des eaux et des cascades qui ornent les jardins.

On ne sauroit terminer cet article sans citer un dus chefs-d’œuvre de l’architecture du seizième siècle en ce genre. On veut parler de la villa Madama, construite par Raphaël et Jules Romain près de Rome entre la pota Angelica et Ponte-Mole. Abandonné, aujourd’hui ce charmant édifice est devenu pour les artistes, comme une supplément à l’élude des ouvrages antiques du même genre, dont te temps et la destruction ont anéanti tous les vestiges.

VILLE, s. f. Nom général qu’un donne à un grand assemblage de maisons, de rues, de places, de quartiers, soit que cet ensemble d’habitations se renferme dans une enceinte de murs ou de remparts, qui s’opposent à son agrandissement, soit qu’il occupe un terrain illimité.

Toute ville étant un assemblage de constructions, œuvres de l’art de bâtir, sons quelque point de vue que l’on considère cet art, et quelqu’étendue qu’on veuille lui donner, on ne sauroit nier que les villesne doivent plus ou moins, non-seulement leur existence matérielle, mais encore leurs avantages, leurs commodités, leurs agrémens, leur beauté, leur renommée, à cette multitude de pratiques, de dispositions qui forment la réunion des travaux de l’architecture. C’est en raison de ce qu’il sera plus ou moins entré d’action ou de coopération de cet art, sous le rapport de goût et de beauté, dans l’ensemble


ou les détails du plan, ou des bâtimens d’une ville, que celle-ci acquerra plus ou moins de célébrité. Il faut reconnoître aussi que la nature des pays, des lieux et des climats, peut être tantôt favorable, tantôt contraire au développement des causes d’où dépendra la beauté d’une ville. Il n’y a personne qui ne sache que, tantôt le manque de matériaux propres aux grandes constructions, tantôt la mauvaise qualité de ces matériaux, privent certaines villes riches et populeuses de la beauté et de la magnificence, que de moindres cités se sont acquises. Les conséquences de cette seule cause sont très-nombreuses, car elles ont une action plus puissante, qu’on ne sauroit le dire, sur la direction du goût, sur l’emploi de la richesse, sur les habitudes politiques et morales, et sur le genre d’ambition de chaque nation, pour l’embellissement des villes. Ce n’est pas non plus ici le lieu d’énumérer toutes les causes morales, qui tendent an développement de l’architecture, en rendant son luxe nécessaire an soutien d’un grand nombre d’institutions. Ce qu’on vient de dire suffit pour faire voir, de combien de principes divers dépend la beauté d’une ville.

Mais un des plus sensibles, est celui qui se confond avec la cause, souvent fortuite, qui a donné naissance à une ville. Car c’est souvent de ce principe originaire, qui, par la différence des situations, influe sur sa prospérité future, que résultera aussi la facilité ou la difficulté pour l’art, d’en rendre les effets et les résultais plus ou moins propices aux beautés de l’architecture.

A l’exception de quelques pays, où l’usage de fonder des villes nouvelles fit adopter (comme on le dira) des pratiques qui les établissoient sur un principe d’ordre et de régularité assez uniforme, nous voyons que, presque partout, les villes, et surtout les plus grandes, durent leur origine, à ce qu’on peut appeler les causes fortuites, (Voyez RUE. ) Quelques maisons, d’abord isolées sur une route, finissent par se trouver rapprochées, si le commerce, ou quelques communications importantes, y conduisent les voyageurs. Ces maisons forment un bourg, et si les mêmes causes continuent d’avoir lieu, le bourg devient une ville, modique d’abord, mais susceptible d’une augmentation indéfinie, pur la réunion progressive qui s’opérera, des bourgs établis à peu de distance d’elle, et qui, par le nom de faubourg qu’on leur donne, nous apprennent da quelle manière cette ville s’est augmentée.

Cette lente et progressive formation de beaucoup de villes, est souvent ce qui rend très-difficile d’y opérer par la suite, les dispositions régulières que l’on aimeroit à y trouver. Il est des lieux propices à ces agrégations de maisons, et aux réunions nombreuses d’habitans, qui forment les grandes villes. Telles sont certaines situation voisines d’une grande rivière, ou sur certains penchans de montagnes, qui mettent à l’abri de certaines intempéries, ou dans le voisinage de quelques anses pratiquées par la nature même, sur les côtes de la mer. De ces divers positions dépendront souvent, par la suite, la beauté des aspects d’une ville, la facilité d’y établir de beaux percés, d’y pratiquer de ces alignement qui en rendent la circulation commode ou agréable. Il est certain que dans les divers états de l’Europe moderne, la plupart des villes ont été le résultat de ces causes spontanées. Ajoutons que le plus grand nombre a pris son accroissement, avec celui de la population, dans ces siècles que nous appelons du moyen âge, temps d’ignorance, où le goût des aria n’avoit aucune influence sur les mœurs, où les lois d’une bonne police étoient ignorées, et où l’exiguïté des fortunes ne permettant de chercher que le nécessaire dans les habitations, on étoit loin de mettre au nombre des jouissances de la vie, l’élégance, le luxe et les richesses de l’architecture.

L’accroissement progressif de la population des divers Etats, et les différences de leur régime intérieur, par rapport à la direction du principe et des effets de cette population toujours croissante, ont dû avoir partout, et produire une action très-variée, soit sur l’extension des villes déjà formées, soit sur la constitution des villes nouvelles. Lorsque, par les mœurs ou les institutions d’un pays, la population des villes ne peut trouver ni obstacle, ni limite dans les droits de cité, ou la classification des citoyens, rien ne peut empêcher que cette soule toujours progressive d’habitans, ne concoure, et pendant fort long-temps, sans ordre ni règle, à augmenter le nombre des habitations, à étendre de plus en plus le terrain sur lequel on les élèvera.

Des principes fort différons dans l’antiquité contribuèrent, et à maintenir dans certaines bornes l’étendue des villes anciennes, et à en fonder de nouvelles. Là où le nombre des citoyens étoit limité par les lois, c’étoit une nécessité que le trop plein de la population, au bout d’un certain temps, fût transféré ailleurs. De là le système de colonisation chez les Grecs, et aussi chez les Romaine. Ainsi tout ce qui, dans les usages modernes, augmenteroit indéfiniment une ville, servoit à la fondation d’autres cités.

On voit dès-lors que toutes ces villes nouvelles, n’étant plus les résultats d’élémens fortuits, mais au contraire de dispositions prescrites et d’opérations calculées, elles purent présenter un système d’ordonnance et de régularité qui, dès l’origine, dut imprimer à leur conformation l’avantage de s’élever, de s’étendre et de s’augmenter sur des plans raisonnés.

Denys d’Halicarnasse observe, que les Anciens mettoient plus d’attention à choisir des situations avantageuses, que d’ambition à prendre de grands terrains pour fonder leurs villes. On ne commençoit pas, même dès le principe, à les environner


de murailles ; on élevoit des tours à une distance réglée, et l’intervalle qui se trouvoit de l’une à l’antre étoit simplement retranché et défendu par des chariots, par des troncs d’arbres, et par de petites guérites, où l’on établissoit des corps-de-gardes. Après les cérémonies pratiquées à la fondation des murailles, on tiroit, dans l’enceinte de la ville, toutes les rues au cordeau. Le milieu du terrain renfermé dans l’enceinte de ville étoit destiné pour la place publique, et toutes les rues y aboutissoient. On marquoit les emplacemens que devoient occuper les édifices publics, comme les temples, les portiques, le théâtre, le stade, le forum, etc.

Avant de tracer définitivement l’enceinte de la ville, on creusoit un fossé circulaire, dans lequel on jetoit les prémices de toutes les choses nécessaires à la vie, et chaque citoyen ajoutoit une poignée de terre provenant du pays d’où il avoit été transplanté. Après cette première cérémonie, on traçoit l’enceinte véritable, avec un soc de cuivre, que l’on ajustoit à une charrue attelée d’un taureau blanc et d’une génisse du même poil. Aux endroits destinés à être occupés par les portes, on suspendoit la charrue, et on la portoit sans continuer le sillon. A mesure qu’on ouvroit le sillon, on y jetoit des fleurs, qu’on recouvroit ensuite de terre. La cérémonie étoit terminée par le sacrifice du taureau et de la génisse.

Tous ces détails nous sont donnés par Varron, Plutarque et Ovide. Nous les avons rapportés comme des témoignages authentiques de l’établissement des villes dans l’antiquité, et comme la preuve que le plus grand nombre de ces villes, étant destinées à décharger les villes anciennes de leur excédant de population, elles purent être disposées et construites d’après des principes fixes et des ordonnances régulières.

Ce que les notions des écrivains nous ont appris sur la manière d’établir les plans et les distributions des villes, nous est encore confirmé aujourd’hui par les récits des voyageurs qui ont visité les ruines d’un grand nombre de villes grecques. Il n’est pas rare de pouvoir encore se retracer leur ensemble, et de retrouver la direction des rues, en prenant pour guides, soit tes débris de leurs portes, soit l’indication de leurs principaux monumens.

Il ne saudroit pas se flatter d’en pouvoir faire autant à l’égard de beaucoup d’autres villes antiques, qui, comme plusieurs de nos grandes villes modernes, subirent, par des causes particulières et la succession des temps, de tels et de si grands accroissemens, qu’aucune espèce d’ordre dans la construction de leurs innombrables bâtimens, ne put en subordonner la disposition à aucun plan. A la tête de œs villes on peut citer Rome, que Cicéron nous apprend avoir été composée de quartiers fort serrés, de rues étroites et irrégulières.

Le même orateur nous a donné une description de la ville de Syracuse, qui, selon lui, étoit la plus belle de tomes les villes grecques. « D’abord (dit-il), sa situation avantageuse, qui en sait une place très-forte, présente de tous côtés, qu’on y arrivé, soit par terre, soit par mer, le coup d’œil le plus magnifique. Ensuite elle a ses ports enfermés entre ses maisons, et sur lesquels on a presqu’entièrement vue de tous les quartiers. Ces ports, qui ont leur entrée de différens côtés, viennent se réunir et se confondre à leurs extrémités opposées. Le canal étroit qui en forme la communication, sépare du reste de la ville la partie qu’on nomme l’Ile, qui s’y rejoint au moyen d’un pont.

« Cette ville est si vaste, qu’on la divise ordinairement en quatre villes. La première est l’île dont je viens de parler, qui, située entre deux ports, dont les eaux l’environnent de toutes parts, s’étend jusqu’à l’embouchure de l’un et de l’autre. C’est là qu’est l’ancien palais d’Hiéron, résidence ordinaire des préteurs. On y voit plusieurs édifices acrés, deux, entr’autres d’une magnificence remarquable ; savoir, le temple de Diane, et celui de Minerve, le plus richement orné de tous. A l’extrémité de l’île est une fontaine d’eau douce nommée Aréthuse. Elle y forme un bassin d’une grandeur incroyable, rempli de poissons, mais qui seroit entièrement couvert des eaux de la mer, s’il n’en étoit séparé par une digue qui l’en garantit. » « La seconde ville se nomme Acradine. Elle a un forum (ou place publique) immense, de superbes portiques, un prytanée très-décoré, une très-vaste salle d’assemblée du sénat, et un fort beau temple de Jupiter Olympien. Le reste, partagé en différentes portions par une rue très-large, qui règne dans toute sa longueur, et par plusieurs autres qui la traversent, est occupé par les maisons des particuliers. La troisième ville a pris le nom de Tyché, d’un ancien temple qu’on y avoit élevé à la Fortune. On y trouve un gymnase très-vaste, et un fort grand nombre d’édifices sacrés. C’est la partie la plus peuplée el la plus fréquentée de toutes. Enfin, la quatrième s’appelle laVille-Neuve, parce qu’elle a été bâtie la dernière. A l’extrémité est un très-grand amphithéâtre. Ailleurs, deux superbes temples, con sacrés, l’un à Cérès, l’autre à Proserpiue, et une très-belle statue colossale d’Apollon Téménite. »

Il paroît que la ville de Rhodes fut une des plus belles villes antiques. Ce fut pendant la guerre du Péloponèse que les Rhodiens se réunirent en une seule cité, et fondèrent aux dépens des trois villes qu’ils avoient occupées jusqu’alors, la ville à laquelle ils donnèrent le nom même de l’île. Ainsi, on peut regarder Rhodes comme une


ville construite à neuf, sur un plan exprès, et dont la beauté fut un effet de l’art.

Strabon nous apprend qu’elle fut l’ouvrage de l’architecte Hippodamus de Milet, celui qui avoit construit pour Athènes les murs du Pirée. Elle avoit, selon cet écrivain, quatre-vingts stades de circuit (plus de trois lieues), et pouvoit contenir un peuple immense. Placée à la pointe d’un promontoire qui s’avance vers l’orient, son terrain étoit en pente, l’architecte y conforma son plan, et perça les rues avec tant d’intelligence, que ce qui auroit pu être un défaut devint une beauté. Rhodes, selon Diodore de Sicile, s’élevant en amphithéâtre, tous les yeux étoient frappés de la vue des vaisseaux, et l’on concevoit une haute idée de sa puissance.

Strabon, qui avoit beaucoup voyagé, et qui connoissoit Rome, Alexandrie, Memphis, et les cités les plus fameuses de l’Asie, ne peut s’empêcher de leur préférer Rhodes. La beauté de ses ports, dit-il, de ses rues, de ses murs, la magnificence de ses monumens, l’élèvent si fort au-dessus des antres villes, qu’il n’en est aucune qu’on puisse lui comparer.

Aristide (in Rhodiaca) l’a décrite avec plus de détail, et le tableau qu’il nous en a laissé, ne peut qu’en donner la plus grande idée. "Dans l’intérieur de Rhodes, selon lui, on ne voyoit point une petite maison à côté d’une grande ; toutes les habitations étoient d’égale hauteur et offroient la même ordonnance d’architecture, de manière que la ville entière ne sembloit former qu’un seul édifice. Des rues sort larges la traversoient dans toute son étendue. Elles étoient percées avec tant d’art, que de quelque côté que l’on portât ses regards, l’intérieur offroit toujours une belle décoration. Les murs, dans la vaste enceinte de la ville étant entrecoupés de tours d’une hauteur et d’une beauté surprenantes, excitoient surtout l’admiration. Leurs sommets élevés servoient de phare aux navigateurs.

« Telle étoit la magnificence de Rhodes, qu’à moins de l’avoir vue, l’imagination ne pouvoit pas en concevoir l’idée. Toutes les parties de cette immense cité, liées entr’elles par les plus belles proportions, composoient un ensemble parfait, dont les murs sembloient être la couronne. C’étoit la seule ville dont on pût dire, qu’elle étoit fortifiée comme une place de guerre, et ornée comme un palais. »

Vitruve nous a donné l’idée d’un fort bel aspect de ville, et d’une disposition aussi heureuse que pittoresque dans ce qu’il rapporte de Mausole, roi de Carie, qui, bien que né à Mylasso, résolut de porter ailleurs la capitale de son royaume. « Il choisit, dit-il, la position d’Halicarnasse, comme présentant une place d’une assiette fort avantageuse, et très-commonde pour le commerce, ayant un fort bon port. Ce lieu étoit circulaire, et s’élevoit en forme de théâtre. Mausole destina le terrain inférieur, et plan, à recevoir le forum (ou la place publique). Au milieu de la pente sur laquelle le reste de la ville étoit construite, il fit pratiquer une grande et large rue. C’est là que fut bâti ce magnifique monument qui fut le tombeau de Mausole, et qui porta son nom, ouvrage placé au nombre des sept merveilles du monde. Au milieu de la citadelle placée tout en liant, il construisit le temple de Mars, célèbre par la statue colossale acrolythe du Dieu, sculptée par Télocharès. Les deux cornes de cette espèce de théâtre formé par la nature, Mausole les destina à recevoir, d’un côté le temple de Vénus, et de l’autre son propre palais. Telle étoit la disposition de ce palais, qu’il avoit vue, du côté droit, sur la place publique, sur le port, et généralement sur tous les remparts rie la ville. A la gauche il regardoit sur un antre port caché par les montagnes, en sorte que nul ne pouvoit voir ce qui s’y faisoit. Le roi seul de son palais pouvoit donner les ordres aux soldats et aux matelots, sans que personne le sût. »

Voilà, ce nous semble, les seules notions descriptives de villes antiques considérées sous le rapport de leur disposition et de leur aspect, que les écrivains nous aient transmises. En vain en chercheroit-on de semblables dans le voyage de la Grèce par Pausanias. Ce voyageur embrassa, dans son ouvrage, trop de parties importantes, et d’un plus grand intérêt, que ne le sont des détails pittoresques ou descriptifs, pour qu’on puisse se plaindre qu’il ait négligé de satisfaire, sur le point qui nous occupe, la curiosité de son lecteur. Cet esprit de description si fort répandu depuis peu, dans la littérature moderne, ne paroît guère avoir été du goût des Anciens. Dans le fait rien de plus inutile au fond, parce que rien n’est plus difficile, pour ne pas dire impossible, que de faire passer dans l’imagination, par le seul secours des paroles, une idée claire d’objets, d’effets, de rapports qui doivent s’adresser aux yeux, ou parler à l’esprit au moyen d’un plan dessiné.

C’est effectivement, au plau de l’ensemble des bâtimens, des places, et des rues d’une ville, qu’il appartient, de faire juger de ses dispositions, et de nous apprendre, si les constructions ont été soumises, dès le principe, à un ordre régulier et symétrique, ou si résultats primitifs de causes fortuites, et de rapports accidentels, l’ordonnance et les distribuions de cette ville se sont combinées au gré d’une multitude de convenances isolées et particulières. Or, comme on l’a déjà fait voir, des raisons qui tinrent aux régimes divers et aux constitutions de beaucoup de pays, ayant produit le besoin de villesnouvelles, pour les colonies que l’excédant de population obligeoit de fonder, il fut naturel que ces villes reçussent, dés leur fondation, l’avantage de se Conformer à un plan déterminé.


Mais on se tromperoit si l’on étendoit l’effet de cette circonstance aux antres villes. Une ville antique, ensevelie il y après de dix-huit siècles, sous les éruptions du Vésuve, a été dans le siècle dernier rendue à la lumière. Je parle de la ville de Pompeia dont les principaux édifices et les habitations particulières, en grande partie ruinés dans ce qui formoit leur élévation, est aujourd’hui intacte et visible, pour tout ce qui constituoit son plan, en sorte qu’il est plus facile de retracer aujourd’hui cette ville, ou du moins ce qui en est découvert jusqu’à ce jour, dans son iconographie, qu’il ne l’eût été, lorsqu’elle étoit entière et habitée.

Un architecte français (M. Bibent) s’est livré pendant plusieurs années, sur les parties découvertes de Pompeia, et malgré toutes sortes de difficultés et d’obstacles, à relever, avec une entière et précieuse exactiude, les plans fidèles des édifices, des maisons, des places et des rues de la ville. Ce qu’il en a publié peut faire au moins le tiers de son enceinte. D’après ce plan, il est aisé de se faire une juste idée de sa disposition élémentaire. Or il est sensible que Pompeia ne fut pas du nombre de ces villes qui furent établies sur un plan uniforme. On n’y voit pas cette distribution de rues, aboutissant régulièrement de chacune des portes, au point central de la place publique, ou de forum. On n’y voit pas que les rues transversales aient coupé les autres à angles droit. On n’y voit pas que les grandes rues aient été toutes alignées et tirées au cordeau. Les monunmens publics même ce paroissent point avoir servi de point de vue, à quelque place importante, à quelqu’avenue correspondante. Ces monumens, au contraire, semblent s’être arrangés, comme l’un après l’autre, dans des espaces souvent biais, et s’être adaptés à toutes les sujétions du local. On ne sauroit dire que les rues offrent de ces contours sinueux qui, dans beaucoup de villes modernes, attestent le manque de direction donnée par l’outorité aux bâtisses successives, que produit le luxe ou l’augmentation de population. Quelques-unes des rues de Pompeia éprouvent des déviations, qui toutefois ont lieu par des lignes droites. Les grandes rues sont alignées. Mais l’ensemble de la ville ne porte aucunement le caractère de régularité, que peut seul offrir un plan fait d’avance.

On peut dire à l’égard des villes modernes, qu’on en compte très-peu qui aient eu, dès leur origine, l’avantage d’un semblable plan, et qui ne soient un produit très-incohérent de principes ou divers, ou contraires. On conçoit que cela dut arriver à des villes très-anciennes, qui se sont perpétuées, en s’étendant et se modifiant sans cesse, de siècle en siècle, au gré des changement que le temps amène dans les usages et dans les formes d’une société. Ainsi peut-on, dans quelques villes, et Paris est de ce nombre, suivie depuis plusieurs siècles, l’histoire de leurs progrès, de leurs changemens, de l’accroissement de leur population et de leur richesse, par les agrandissemens des quartiers, par les extensions de terrain, par les changement de goût survenus dans les constructions publiques et particulières. Plus l’esprit de commerce, si différent de l’esprit de famille, aura fait de progrès dans ces villes, plus les habitations particulières, soumises aux spéculations des entrepreneurs de locations, se feront avec économie pour s’accommoder plus facilement aux changement, que de nouveaux besoins introduiront dans les établissement mercantiles. Cependant l’accroissement de population qu’amène le commerce, exige de la police administrative, que les nouvelles rues acquièrent plus de largeur, que de nouveaux percés multiplient les dégagemens, que les anciennes rues se redressent, et s’élargissent graduellement. Ainsi voit-on la même ville devenir, par de nouvelles additions de quartiers, comme un composé de plusieurs villes, en apparence étrangères les unes aux autres.

Peu de villes modernes offrent dans leur disposition élémentaire, les conditions que l’art de l’architecture imposeroit à celles, qu’il auroit l’avantage de créer. La capitale de la Sicile, Palerme, est peut-être la ville qu’on seroit le plus porté à croire établie dès l’origine sur un plan déterminé Difficilement imagineroit-on une plus grande et plus simple disposition, que celle qui fixa la construction de cette grande ville, sur deux rues immenses, lesquelles se coupant dans leur milieu, forment le point de centre de quatre rues, où viennent aboutir toutes les rues secondaires, qui les traversent en ligne droite. Lorsque de beaux bâtimens, de grandes constructions, sans aucun mélange de bâtisses communes, bordent de semblables rues, ont est tenté de croire, que le hasard n’a point été l’auteur d’un pareil plan, et que succédant à L’antique Panorma, la capitale de la Sicile a pu hériter de quelque disposition antécédente, ou de quelquesunes de ces traditions, qui survivent aux villes elles-mêmes, dans des restes de matériaux ou de ruines, témoins toujours subsistans d’un ordre anciennement établi, et que la force de la routine perpétue à l’insu même de ceux qui le suivent.

Il y a, comme on l’a dit, dans les villes une beauté d’aspect qui tient à leur emplacement, à leur situation, à la nature du terrain sur lequel des causes quelconques ont favorisé leur érection. Rien, en général, ne sauroit plus contribuer à ce genre de beautés que la position en forme d’amphithéâtre. Le plus frappant exemple parmi les créations modernes de ce genre que nous puissions citer, est, sans contredit, la ville de Gênes, où se réunirent toutes les causes qui peuvent faire de l’assemblage des édifices et des habitations d’une population nom-


breuse, une sorte de spectacle dont la richesse et la variété sembleraient être le résultat d’une composition pittoresque idéale, plutôt que le produit du besoin et de la nature des choses. Il n’est pas douteux que dès l’origine, cette ville, construite au fond de son golfe, sur le penchant de la montagne qui le domine, n’ait dû se prêter à toutes les variétés qui produisent d’heureux points de vue. Mais cette simple cause fût restée, comme en beaucoup d’autres positions semblables, stérile pour l’art, si le commerce et le gouvernement de cette ville ne l’eussent peuplée d’une multitude de citoyens opulens, jaloux d’étaler leur fortune dans de nobles et grandes constructions de palais, destinés à honorer leur patrie. Ajoutons qu’à une certaine époque, celle du seizième siècle, qui fut celui de la belle architecture, la ville de Gènes, par un zèle général, appela les plus célèbres architectes, qu’elle chargea des embellissemens qui ont achevé d’ajouter les mérites de l’art aux avantages de la nature. Gênes est la seule ville qui semble nous rappeler la description mentionnée plus haut de l’antique Rhodes. On peut effectivement en dire aussi, qu’on n’y voit pas une petite maison à côté d’une grande, que ses habitations d’une égale hauteur offrent la même ordonnance, etc.

Aristide, comme on l’a vn, dit encore de la ville de Rhodes, qu’elle semble, par l’uniformité décorative de ses constructions, ne former qu’un seul édifice.

On pourroit, je pense, faire de cette particularité une application à la ville de Turin. Cette capitule ayant été dévastée par les divers sièges qu elle avoit soufferts au commencement du dernier siècle, fut rebâtie depuis ce temps, et an peut dire qu’elle est presqu’entièrement neuve. Elle est certainement, entre toutes les villes d’Italie, ce pays le plus riche de l’Europe en belles villes, la ville sinon la plus belle par l’architecture, du moins la plus remarquable par la grandeur de ses dispositions, la symétrie et la régularité de ses bâtimens. On adopta dans sa reconstruction la pratique déjà mise en usage à Bologne, à Padoue et ailleurs, des portiques ouverts aux rez-de-chaussée des maisons, ce qui offre aux gens de pied une circulation commode et abritée, le long de toutes les rues. Cette méthode se trouva fort heureusement soumise, dans un plan entièrement neuf, à un parfaite uniformité. Dans les grandes rues surtout, les portiques ont contribué à donner à l’extérieur des maisons une apparence monumentale, qui semble ne faire de toute une façade de rue qu’un seul grand édifice. Toutes les rues sont alignées et se croisent en angles droits ; elles partagent la ville en cent quarante-sept carrés plus ou moins grands, appelés contracte Nulle ville, à vrai dire, n’a un aspect plus grandiose, par la juste proportion qui règne entre la hauteur des édifices et la grande largeur des rues. Aucune autre, très-certainement, n’auroit en sur elle aucun avantage, si la beauté de l’architecture eût répondu à la magnificence de sa disposition. Mais quoiqu’on ne puisse pas reprocher au style de ses bâtimens les vices de mauvais goût, et ces bizarreries qui avoient précédemment, à cette époque, corrompu les principes de l’art de bâtir, on est toujours forcé de regretter qu’une aussi belle occasion n’ait pas coïncidé, comme à Gênes, avec l’époque du beau siècle des arts.

Quelque mérite, en effet, qu’il faille reconnoître, soit à Turin, soit ailleurs, dans la commodité, la régularité, la disposition symétrique, et autres qualités dont une ville peut vanter les avantages, sous le seul rapport d’une beauté matérielle qu’on ne contestera pas, nous croyons cependant que l’uniformité, lorsqu’elle est portée jusqu’à un certain point dans l’ensemble des constructions d’une ville, perd très-promptement de sa valeur, quant au plaisir des yeux et même de l’esprit. Une ville, comme nous l’avons déjà dit, peut à la rigueur être considérée comme le plus grand de tous les ouvrages de l’art de bâtir, et à cet égard on peut théoriquement en juger les résultats sur une grande échelle, de la même manière qu’on en apprécie les œuvres dans de moindres dimensions. Or, si dans un bâtiment isolé, le goût exige de l’architecte le mélange de l’unité avec la variété, c’est-à-dire que les parties, quoique liées au tout, ne se trouvent point soumises à des rapports de mesure ou de forme tellement identiques que l’œil n’ait à y voir qu’une seule mesure et une seule forme, comment n’en seroit-il pas de même de la bâtisse entière d’une ville ? Il n’y a personne qui n’ait éprouvé dans quelques villes dont on vante cette uniformité qui dégénère en unisson, combien ce premier sentiment d’admiration fait promptement place à l’indifférence et à l’ennui ; or cet effet est celui que produisent toutes les villesqui ont été construites tout à la fois d’après un modèle convenu, et il est impossible de ne pas l’éprouver à Turin.

On peut donc avancer que la beauté d’une ville, envisagée sous le rapport des impressions qu’on reçoit de l’ensemble de sa structure, tient beaucoup moins qu’on ne seroit tenté de le croire, à la symétrie et à l’entière régularité. Disons encore que, comme produit de l’architecture, la plus belle ville, pour l’homme de goût, sera celle qui renfermera les pins belles productions du génie de cet art. Or, les beautés que l’art peut produire comportent les plus nombreuses différences. Le même artiste imaginera de cent façons diverses les façades des palais, des monumens et des maisons ordinaires. Palladio en a fait sans nombre, et ne s’est jamais répété ; et l’on ne sauroit choisir entre ses variétés. Qu’une ville nous présente dans ses nom-


breuses constructions autant de conceptions variées des grands maîtres de l’art, jamais on n’épuisera les sensations diverses que fera naître la comparaison de ces ouvrages. D’un seul coup d’œil, on a tout vu dans une ville comme Turin, puisqu’une maison, une rue, une place, ne sont que la redite exacte d’une autre place, d’une autre rue, d’une autre maison.

Nous croyons que ces considérations doivent trouver une preuve et un témoignage encore plus frappant dans la ville la plus grande de l’Europe, et qui jouit à un degré beaucoup plus étendu, de l’avantage matériel d’une régularité et d’une symétrie parfaite, dans toutes les parties de ses nouvelles dispositions. On veut parler de la ville de Londres, dont le mémorable incendie de 1666 consuma la plus grande partie. Cet accident donna lieu au projet de la rebâtir sur un plan tout-à-fait neuf, et dans lequel tout fut soumis à la plus exacte régularité. L’architecte Wren (voyez ce nom) s’occupa de ce projet, et il le conçut ávec toutes les conditions que peuvent exiger, d’une part, les idées de salubrité, de dégagement et de commodité qu’on pouvoit desirer ; de l’autre, l’esprit de symétrie et d’uniformité auquel il est, on doit l’avouer, fort difficile de ne pas se soumettre, quand il s’agit d’opérer en plan, et en l’absence de toute sujétion. Londres devint donc, par l’effet d’une reconstruction simultanée, sur des lignes ordonnées par avance, le plus grand assemblage qu’on puisse imaginer, de rues également larges, tirées au cordeau ; et d’autres rues qui, dans la même proportion, les coupent à angles droits, de places également alignées, et toutes semblables. Il ne pouvoit pas être question, pour une aussi grande population toute composée de marchands, de construire des maisons et des palais, dont l’architecture auroit orné les façades et varié les ordonnances. Londres ne pouvoit être qu’une ville de boutiques, et les quartiers même destinés aux classes plus élevées, dévoient, par une sorte d’hypocrisie politique, n’offrir aucune apparence de supériorité. Il faut dire encore que le pays est privé de pierres propres à la construction. La nouvelle police de la ville, lors de sa reconstruction, ordonna seulement que les devantures des maisons seroient en briques.

On ne peut sans doute qu’admirer, dans cette immense cité, l’ordre, la propreté, la régularité, la commodité des trottoirs et de tous les établissemens qui contribuent aux agrémens comme aux besoins de la vie. On y est frappé de l’immensité, du nombre des quartiers, des grandes places, qui sont à la fois des objets de salubrité et de magnificence. Il y a enfin dans l’ordre porté au plus haut point, une sorte de beauté qui ne peut que satisfaire la raison, et l’on est loin de prétendre que cette beauté de la raison, ne doive pas se mettre au nombre de celles que les arts, et surtout celui de l’architecture, doivent réunir. Mais il arrive aussi dans ce genre comme dans tous les autres : toute qualité, lorsqu’elle est seule et devient exclusive, cesse bientôt de produite son effet. Or voilà ce que fait éprouver cette immense uniformité de la ville de Londres, où la même rue, la même façade de maisons, le même genre de construction semblent vous placer toujours dans le même lieu, en face de la même bâtisse ; où, à un très-petit nombre de monumens près, l’impression d’aucun art e se fait sentir ; où enfin, un triste et monotone niveau semble s’appesantir sur vous, de tout le poids de cet ennui qui (dit le poëte) naquit un jour de l’uniformité.

Il y a, comme on le voit, fort peu de conseils à donner en cette matière. Les villes, en effet, du moins presque toutes, se font d’elles-mêmes, et malgré quelques exemples de villes modernes construites d’après des plans donnés, il faut encore se garder de croire qu’une bonne distribution de rues et de quartiers, suffise à la beauté de celles qui auront eu l’avantage d’une semblable origine. Une multitude d’autres causes physiques, politiques, morales et accidentelles influent, d’une manière très-diverse, sur leur destinée. En parcourant donc ce que les exemples anciens ou modernes nous apprennent ou nous montrent à ce sujet, nous n’avous eu d’autre intention que de mettre certains faits bien connus, dont chacun peut tirer des conséquences, à la place de règles impossibles à établir, puisqu’elles seroient sans application probable au plus grand nombre des villes. Encore une fois, on peut dire par où et par quoi, et sous quel rapport une ville est belle. Mais une ville n’étant point, dans la réalité, un ouvrage qui suppose, soit un auteur, soit un modèle, soit un principe ou un régulateur constant, il ne sauroit se donner à cet égard une véritable théorie.

Cependant plus d’un architecte a exercé son imagination à créer une sorte de specimen ou de programme de ce qu’on pourroit appeler l’idéal d’une ville, où il s’est plu à rassembler tous les élémens d’où dépendroient les beautés de l’art, le choix des monumens, les commodités locales, et les convenances spéciales d’une bonne police.

Le plus célèbre essai de ce genre, est celui de l’architecte florentin Ammanati. Il composa un ouvrage considérable intitulé la citta ou la Ville, qui renferme les plans et les dessins de tous les grands édifices propres à embellir une cité, en commençant par des projets de portes. Viennent ensuite ceux des palais du prince, de l’hôtel-de-ville, etc. ; ceux des temples, des fontaines, de la bourse, des théâtres, des ponts, des places publiques. Cet ouvrage fut dispersé après lui et entièrement égaré pendant quelque temps. Une partie fut retrouvée, et alloit être débitée dans


une vente, sans être appréciée pour ce qu’elle valoit, et reconnue pour ce qu’elle étoit, lorsque le célèbre Viviani recueillit ces précieux fragmens, en leur restituant le nom de leur auteur. Ils passèrent de ses mains dans celles du sénateur Luigi de Riccio, amateur éclairé, qui les fit relier en deux volumes.

Quelques idées empruntées à certains projets de ce genre, compléteront ce qui nous paroît devoir suffire, dans un ouvrage de théorie, aux notions générales qu’il comporte.

Menant à part des avantages qui peuvent constituer la beauté d’une ville, celui que la nature des lieux peut seule lui donner, et qui consiste dans le site, l’exposition ou la forme des terrains sur lesquels elle sera bâtie, on peut réduire à trois les conditions que le goût exigera, et qui devront remplir tout ce qu’on doit desirer à cet égard. Ces trois points, d’où résulteront la beauté et la magnificence d’uneville, se rapportent donc à ce qui regarde : 1°. ses entrées, 2°. ses rues, 3°. ses édifices.

Rien d’abord ne donne une plus haute idée d’une ville que ce qui constitue ses abords et ses entrées. Si une ville est environnée de murailles, il conviendra que chacune de ses portes aboutisse, soit à une glande place, soit à quelque rue principale. Il seroit difficile de citer sur cet objet une plus belle entrée de ville que celle de Rome moderne par la voie Flaminienne. La porte qu’on appelle del Popolos’ouvre sur une vaste place, dont le centre est orné d’un obélisque égyptien et d’une fontaine. Trois grandes rues, formant la patte d’oie, s’ouvrent à la vue du spectateur. Deux coupoles, avec un péristyle en colonnes, s’adossent à chacune des deux pointes formées par la réunion dis trois rues qui débouchent sur la place. Cette entrée a été, depuis quelques années, rendue, et plus régulière dans son ensemble, et singulièrement améliorée par les travaux de terrasse qu’on y a pratiqués. Voilà une de ces beautés d’entrée de ville, qu’il n’est permis que de faire remarquer, sans qu’on puisse en prescrire l’imitation.

Si toutes les villes n’ont point reçu des causes antécédentes, la possibilité d’un semblable développement, toujours peut-il être facile d’y pratiquer, soit des portes plus ou moins décorées d’architecture, soit des dispositions régulières dans les constructions qui environnent leurs entrées, soit même des espèces de portes en arc de triomphe, comme on en voit à beaucoup de villes antiques murées, et qui offroient deux ouvertures, l’une pour ceux qui entroient, l’autre pour ceux qui sortoient.

Les entrées d’une ville, surtout si elle n’est pas murée, peuvent toujours devenir la place la plus convenable à certains monumens honorifiques. Il seroit convenable encore, que des avenues plantées d’arbres annonçassent la porte d’entrée ; mais surtout qu’une rue bien alignée aboutisse à chaque porte, et donne accès dans l’intérieur de la ville.

Toute ville est un ensemble de rues, que bordent les maisons et les édifices publics. Le percement et la distribution des rues, leur étendue, leur largeur et leur multiplication, sont les objets qui importent le plus à la beauté, à la commodité à la salubrité d’une ville. Sans aucun doute, il est à désirer que les rues soient percées en ligne droite ; mais cette disposition, lorsqu’on a la facilité de le faire, doit être subordonnée à certaines considérations. Vitruve nous apprend qu’on se doit garder de percer les rues d’une ville, de manière qu’elles soient exposées dans toute leur étendue à l’action de certains vents ou malsains ou dangereux, et il recommande que dans le plan qu’on tracera d’une ville, on ait soin de soustraire leur ouverture et leur direction aux influences de certains vents. Il veut qu’on les distribue, autant les grandes que les petites qui les traverseront, en les coupant de façon à éviter l’influence des vents pernicieux, selon chaque climat.

Quoique l’alignement fasse la beauté d’une rue en plan, il faut se garder de croire que la même propriété doive s’appliquer à l’élévation des bâtimens. On préfère de beaucoup, dans une rue, les variétés de hauteur entre les maisons. Mais on ne dissimulera point qu’il est singulièrement avantageux que chaque édifice et chaque maison se terminent par la ligne droite d’un couronnement quelconque. C’est à cela que le plus grand nombre des villes d’Italie doivent la grandeur et la noblesse de leur effet. Les villes qui manquent de cette pratique offrent nécessairement dans la disparité, surtout de leurs élévations, une image de désordre et de confusion qui blesse la vue. La ville de Naples doit à l’usage universel des terrasses qui terminent toutes les bâtisses, un autre désagrément. Le petit mur d’appui qui borde chaque terrasse sur la rue, ne présentant qu’une simple ligne droite, sans aucune avance, sans profil, et sans saillie, donne à chaque maison l’apparence d’un édifice qui n’a point été terminé.

L’étendue et la largeur des rues contribue, plus qu’on ne peut le dire, à la beauté d’une ville. Leur étendue donne à celui qui les parcourt, le plaisir d’une succession de monumens, de points de vue, et d’objets variés ; leur largeur met les bâtimens dans le cas de produire tout leur effet, par la reculée qui s’offre au spectateur. Dans plus d’une ville d’Italie, à Rome même et à Florence, on est souvent dans le cas de regretter que des monumens de la plus belle architecture, ne puissent être admirés d’un point de distance convenable.

On met la multiplicité des rues au nombre des avantages qu’il convient de procurer à une ville, soit pour l’économie du terrain qui se trouve souvent perdu, dans ce qu’on appelle les îles de


maisons, soit pour la facilité des communications et des dégagemens.

Généralement on doit désirer que le plan d’une ville soit disposé, de manière que sa magnificence se subdivise en une infinité de beautés particulières et toujours diverses. Il faudroit, qu’en parcourant tous les quartiers l’un après l’autre, chacun pût offrir dans un même système d’unité, des spectacles diversifiés par les monumens de tout genre qui orneroient ses places, qui offriroient des aspects, soit d’élégance, soit de richesse, en colonnades, en portiques, en péristyles, en masses tantôt simples, graves et solides, tantôt agréables et pittoresques. Londres, dans le grand nombre de ses vastes places (squarre), jouit d’une partie de l’avantage dont on parle. Il est fâcheux que le mérite des élévations ne réponde point à la grandeur des espaces. et que les richesses de l’art n’aient pas pu trouver dans tant et de si beaux emplacemens, l’occasion de leur donner et d’en recevoir la valeur qui leur convient. Mais toutes sortes de causes ont empêché cette grande ville de briller par l’architecture.

L’architecture cependant, dès qu’il s’agit de beauté dans une ville, doit être mise au premier rang des causes et des moyens qui la produisent. Quand on se forme une ju te idée de cet art, et qu’on envisage toute l’étendue des propriétés qu’il embrasse, on voit d’abord qu’étant, avant tout, principe d’ordre, de régularité, de symétrie, d’eurythmie, c’est de lui que, sans le savoir quelquefois, la bonne police et l’administration des villes empruntent leurs dispositions et leurs plus sages réglemens.

Par exemple, c’est l’architecture qui apprend à donner des bornes au trop grand surhaussement des maisons, et le bon goût, si on en écoutoit les conseils, viendroit à l’appui du bon ordre, pour fixer les proportions que la beauté des rues sollicite, aussi-bien que la salubrité L’architecture, si on consultoit plus souvent ses intérêts, s’opposeroit à ce que l’on élevât des bâtimens publics dans des emplacemens trop serrés, et qui, incommodes par leur situation, privent la ville de l’aspect heureux dont sa décoration tireroit parti.

C’est l’architecture qui donne de loin aux villes l’apparence de grandeur et de magnificence qui annonce leur puissance. La beauté des édifices n’existe pas seulement pour leur intérieur ; ces grands monumens que l’art élève au-dessus des autres bâtimens, forment les beaux points de vue qui enchantent les yeux, et sont, tant au-dedans qu’an-dehors, l’objet d’un spectacle toujours nouveau.

On ne sauroit sans doute prétendre que toute construction particulière soit un ouvrage proprement dit d’architecture, quoiqu’il n’y ait tien de simple et d’économique qui ne puisse participer à quelqu’une des beautés de cet art. Mais le moyen d’obtenir plus ou moins cet effet consisteroit, de la part des grands, des riches et des gouvernemens, à n’élever ni palais, ni monumens publics, ni constructions importantes, que selon les grands principes de l’art, et d’après les exemples des grands maîtres. Naturellement, les moyennes et les petites constructions recevroient de ces beaux ouvrages une influence qui épargneroit ces contrastes et ces disparates qu’on voit régner, dans plus d’une ville, entre le goût général des habitations et celui de quelques édifices que le manque d’une communauté de style et de caractère semble réduire au tort qu’ils ont d’être des exceptions.

Quelques villes d’Italie peuvent venir à l’appui de cette observation. Généralement, dans les villes que chacun désigne sans qu’on les nomme, l’architecture eut un empire très-puissant ; elle le dut à l’ambition de toutes les familles riches et puissantes, et au desir qu’eurent les plus grands personnages, de perpétuer leur souvenir et leur nom par de belles et solides habitations. De là ce nombre infini de beaux palais, de masses imposantes, de constructions grandioses et ornées de toutes les richesses de l’architecture ; de là ces belles devantures, où tous les ordres de l’architecture offrent encore aujourd’hui les modèles qu’imitent les artistes, et sur lesquels ils forment leur goût. Mais on a déjà observé que ces palais qui font la beauté de ces villes sont construits de manière à devenir le principal ornement des rues et des places. Au contraire, selon le critique à qui j’emprunte cette remarque, on a vu d’immenses quartiers de Paris se composer presqu’entièrement de riches hôtels, qui n’ont pu contribuer à la beauté des aspects dont on parle, et cela fut dû à l’usage de construire les hôtels au fond des cours ; en sorte que tout leur effet est nul sur les rues que bordent uniquement les portes qui donnent entrée dans les cours. Le critique dont je parle auroit voulu que l’autorité s’opposât à ce genre de disposition. Ce vœu est sans doute celui d’un grand amateur d’architecture ; mais comme il y a sûrement beaucoup d’autres choses préférables dans une ville à la beauté matérielle de ses bâtimens, et qu’une de ces choses doit être la liberté de se loger comme on veut, pourvu qu’on ne nuise point à la liberté d’autrui, je pense qu’il faut se coatenter en ce genre d énoncer ces sortes de considérations, et de n’invoquer à leur appui d’autre autorité que celle du goût.

VINDAS, s. m. Composée de machine Deux tables de bois, et d’treuil non à plomb Nomme fusée, Qu’on tourne Avec les soutiens-gorge, et un entraîneur Qui SERT les fardeaux d’lieu Nations Unies A Autre ONU.

VINTAINES. Voyez Cable.


VIS, s. f. Ce mot appartient proprement à l’art de la serrurerie ou de la menuiserie, quant à la fabrication de l’objet qu’on appelle de ce nom. L’objet, appartient à un très-grand nombre de métiers, de machines qui en font emploi.

La vis est donc une pièce ronde, soit en métal, soit en bois, cannelée en ligne spirale, et qui entre dans un écrou qui est cannelé de la même manière. On observe que le filet des vis en bois est ordinairement angulaire, tandis que celui des vis en métal est le plus souvent carré.

La fabrication et l’emploi des vis, dans les machines et les instrumens mécaniques, comportent beaucoup de variétés, et aussi leur a-t-on donné beaucoup de noms divers, que nous ne rapporterons point en détail ; nous nous bornerons aux dénominations des deux sortes de vis les plus importantes.

Ainsi on appelle vis sans fin une vis dont les pas engrènent dans une roue, et qui est tellement fixée entre deux points, qu’elle tourne sur son axe, sans pouvoir avancer ni reculer comme les vis ordinaires. On l’emploie dans plusieurs sortes de machines. On appelle vis d’Archimède une vis composée d’un canon appliqué autour d’un cylindre ou noyau incliné à l’horizon. Quand elle agit, l’extrémité inférieure du noyau tourne dans une crapaudine, et l’autre dans un collier. On a imaginé d’employer la vis d’Archimède, mue par le vent, au desséchement des marais, à l’arrosement des prairies, à l’épuisement des fondations.

On a donné dans l’architecture le nom de vis à certains objets, à certaines parties de construction, dont la forme et l’exécution semblent être une imitation d’une vis et en reproduire l’idée. C’est par suite de cette analogie de ressemblance, qu’on dit :

VIS DE COLONNE. C’est ainsi qu’on appelle le contour en ligne spirale du fût d’une colonne torse. (Voyez TORSE. ) Ce contour a lieu, soit que le fût même de la colonne se trouve tordu, soit que le fût restant rectiligne on l’orne avec des cannelures, qui, au lieu d’être tracées perpendiculairement, décriront à l’entour les circonvolutions d’une ligne spirale.

VIS D’ESCALIER. On donne ce nom à la configuration d’un escalier construit en rampe spirale. Il y en a ainsi de simples et de doubles. On en fait dans plus d’un système, soit que les marches, soutenues par leur quene dans les murs de cage, portent chacune leur collet, qui forme un cercle vide, soit que les marchés tournent autour d’un noyau aplomb et qui porte de fond. Voyez, sur les diverses sortes d’escalier à vis, le mot ESCALIER.

VISITE, s. f. Se dit de l’examen que des experts font d’un lieu où l’on veut bâtir, ou de quelqu’ouvrage contentieux, pour en faire leur rapport à l’autorité, ou pour procéder à l’estimation d’une bâtisse, s'il y a lieu.

VITRAGE, s. m. Terme général, par lequel on exprime l’ensemble de toutes les parties vitrées d’un local ou d’un bâtiment.

Le vitrage est devenu dans l’architecture moderne un objet important, et dont il n’étoit guère possible que l’architecture antique s’occupât, parce qu’il n’est guère probable qu’elle en ait eu besoin. Ce n’est pas que les Anciens n’aient pratiqué d’abord, par l’emploi des pierres spéculaires, et ensuite par celui du verre, plus d’un moyen de clôture pour les intérieurs, et plus d’une méthode propre à y introduire la lumière. Voyez Fenêtre, Spéculaire.

Cependant beaucoup d’usages nouveaux ont nécessité, chez les Modernes, des pratiques de clôture et d’éclairage qui ne durent point être connues des Anciens. La différence des religions, des climats et des mœurs, devoit influer de plus d’une manière sur certaines institutions, telles, par exemple, que celles des édifices sacrés. On voit tout d’un coup comment le plus grand nombre des temples païens, n’avoit besoin que de la lumière de la porte, et comment une seule ouverture dans le comble des plus grands, pouvoit suffire à des naos dont la dimension intérieure approchoit à peine de celle de nos plus petites églises. On sait en outre que l’intérieur des temples antiques n’étoit ni capable de recevoir, ni destiné à contenir la multitude ; que toutes les cérémonies du culte étant extérieures, le contraire de ces usages dut amener, dans le christianisme, les plus grandes diversités. Or, une des plus importantes et des plus sensibles consiste dans l’immensité des intérieurs d’églises, comparés aux plus grands des plus vastes temples païens. Le mot église signifie assemblée. Il fut donc indispensable de procurer à d’aussi considérables réunions, avec une étendue de local proportionné dans toutes ses dimensions, de grandes et nombreuses ouvertures pour la lumière.

Les églises gothiques offrirent, par lu nature seule de leur construction, et dans la procérité de leurs élévations, des fenêtres immenses et multipliées. L’usage des vitraux coloriés par assemblages, donna encore plus de vogue à ce grand système de vitrage, qui devint, dans le fait, une des principales décorations des intérieurs. Ce système du vitrage tient, en quelque sorte, à la construction des meneaux en pierre qui divisent les vides des arcades supérieures, lesquelles se trouvèrent converties en fenêtres. Il tient au genre d’assemblage des montans et traverses de fer qui reçoivent les compartimens des vitres, et leur donnent une très-grande solidité. C’est à ce système de vitrage qu’on doit ces belles roses qui ornent ordinairement, dans les églises gothiques, les deux parties supérieures des bras, ou de ce qu’on appelle la croisée de l’édifice, assemblage très-agréable de croisillons et de nervures de pierre, dont les intervalles sont remplis de toutes sortes de vitraux diversement coloriés.

Vitrage dit aussi, par une locution générale, pour exprimer, dans un intérieur quelconque, une division de deux pièces, formée par une clôture en verres.

VITRAIL, s. m. On pourroit regarder ce mot comme tout-à-fait synonyme du précédent ; si ce n’est que le premier semble embrasser quelque chose de plus général, soit comme regardant l’art d’employer le verre et les vitres à fermer les ouvertures des édifices, soit comme comprenant dans son ensemble les parties dont il se compose. Or, ces parties sont précisément les compartimens de verre qui, scellés et ajustés dans des cadres quelconques, forment ce qu’on peut appeler des vitraux. Le vitrail effectivement diffère de la vitre, comme un tout diffère de ses parties.

On use plus fréquemment du mot vitrail au pluriel qu’au singulier ; celui-ci paroît être, plutôt technique. Mais on dira d’une église qu’elle a do beaux vitraux, que les vitraux de tel monument sont un ouvrage de tel ou tel siècle.

VITRE, s. f. , de vitrum, qui veut dire verre. On donne ce nom à des carreaux ou plaques de verre, de toutes formes et de dimensions différentes, dont on remplit les espaces plus ou moins grands, que forment les montans ou les traverses des châssis, le plus souvent en bois, qui servent à fermer les ouvertures des fenêtres. La vitre sert ainsi de clôture, et en même temps qu’elle intercepte l’action de l’air extérieur, elle laisse passage à la lumière dans l’intérieur des chambres et des appartemens.

Nous avons eu déjà occasion de faire voir, que l’usage du verre remonte à la plus haute antiquité. Les textes des plus anciens écrivains, et les restes les plus nombreux d’ouvrages les plus antiques en verre, ne sauroient permettre d’en douter. (Voyez Verre.) Il ne paroît pas qu’il en ait été de même des carreaux de verre appliqués aux châssis des fenêtres. Au mot Pierre spéculaire nous avons rendu compte de quelques-unes de causes qui rendirent moins nécessaires, qu’on ne pourroit le croire, chez les Anciens, l’usage des carreaux de vitre. Beaucoup de matières équivalentes en tenoient lieu quant à la transparence ; et à l’égard de la clôture que produit aussi la vitre, chacun sait par combien de sortes d’objets on peut y suppléer, et combien la différence des mœurs et du climat rendoit les intérieurs des maisons, moins susceptibles de certains agrémens et des commodités qu’exigent aujourd’hui, et dans nos pays, la manière de vivre et les usages de la société.

Cependant, il paroît qu’au temps de Sénèque l’usage des carreaux de vitre devint usuel dans les maisons. C’est à peu près vers son époque, et même plus tard, que les villes d’Herculanum et de Pompeia furent ensevelies sous les différentes éruptions du Vésuve. Or, on a trouvé dans les ruines de cette dernière ville, non-seulement des carreaux de vitre, mais même des châssis de métal avec leurs vitres.

Nous voyons, par une multitude de passages et d’autorités historiques, les carreaux de vitre employés dans le moyen âge, et devenir, par le secours de la peinture sur verre, les matériaux usuels de ces grands vitrages, dont les plus anciennes de nos églises virent orner les grandes vertures de leurs fenêtres.

Vitres (peinture sur). A l’article Peinture sur verre (voyez Verre), nous avons fait connoître, dans le travail que nous a communiqué sur cet art M. Brongniart, membre de l’Académie des sciences, et le plus expérimenté de tous nos savans en cette matière, quels sont les divers procédés de ce genre de peinture, ce qu’on devoit penser des préjugés qui règnent à cet égard sur la supériorité des Anciens, et à quel degré de perfection les tentatives modernes ont porté les moyens de renouveler, si on l’encourageoit, cette sorte de peinture décorative.

L’article présent n’aura pour objet que de rechercher les causes qui donnèrent autrefois la vogue à l’emploi de la peinture sur les vitres des fenêtres, les causes qui en ont amené la désuétude, et ce qu’on peut encore se promettre du renouvellement de cet usage.

Et d’abord, nous croyons pouvoir avancer que l’antiquité grecque ou romaine ne connut ou n’employa point ce genre d’ornement dans les édifices Non qu’on veuille nier que les Anciens dont nous parlons, plus habiles qu’on ne le croit d’ordinaire dans le travail du verre, aient méconnu le secret de le colorer. (Pour ne pas alonger inutilement cet article de citations archéologiques, nous renverrons le lecteur à l’article Verre du Dictionnaire d’Antiquités de l’Encyclopédie, où de nombreuses autorités déposent du savoir des Anciens en cette partie.) Il n’y a d’ailleurs personne qui ne sache à quel point le travail des mosaïques employa les émaux, c’est-à-dire des cubes de verre colorié dans la pâte.

Nous avons fait voir par quels moyens habituels les Anciens suppléèrent, dans leurs specularia, aux carreaux de vitre (voyez Fenêtres, Spéculaire), qui, à ce qu’il paroît, si l’on en croit un passage de Sénèque (lettre 90), ne furent guère en usage à Rome que de son temps. Faut-il restreindre à Rome la notion de cet écrivain ? On seroit tenté de le croire, ou de penser au moins qu’il entend parler, non de l’invention des carreaux de vitre, mais de leur application aux fenêtres devenue plus générale, au lieu de la pierre spéculaire, à laquelle les mots perlucente testâ ne semblent pas convenir. Des carreaux de vitre montés sur un châssis métallique, et retrouvés dans la petite ville de Pompeia, ensevelie sous les cendres du Vésuve, l’an 79 de notre ère, semblent devoir prouver que l’usage dont parle Sénèque étoit répandu ailleurs qu’à Rome.

Quelqu’opinion qu’on se forme de l’usage des vitres dans l’antiquité, et tout en reconnoissant que, vu la grande pratique des Anciens dans le travail du verre, aucune raison fondée sur la difficulté d’obtenir de cette matière, des tables ou des carreaux, ne put en tendre l’emploi ni rare ni dispendieux, il sera toutefois permis de douter qu’ils aient essayé d’appliquer à leurs vitraux des verres coloriés, encore moins des verres peints ou ornés de peinture, selon le vrai sens de ce mot.

En distinguant soigneusement, en ce genre, les verres qu’il faut appeler teints, plutôt que peints, c’est-à-dire les verres coloriés à la verrerie, dans la pâte, d’avec les verres peints, c’est-à-dire qui reçoivent des couleurs superposées et que l’action de la chaleur y incorpore, il est assez naturel de penser que vers les derniers siècles, ou ceux du bas-empire, à Constantinople surtout, la grande pratique de la mosaïque en émaux, auroit pu propager le goût de certaines marqueteries en petits morceaux de verre coloriés dans la pâte.

Ce goût s’est encore conservé, dans ce pays jusqu’à notre temps, et contribue aujourd’hui à former les enjolivemens des vitraux dans les intérieurs des maisons. Mais quel qu’ait pu être l’emploi de ce goût d’ornement, dans le bas-empire, il est tout-à-fait invraisemblable que l’art de peindre en grand sur des vitraux, art difficultueux et dispendieux, ait trouvé alors les occasions de se propager, en supposant qu’on l’eût connu.

Il paroît probable que ce sera la construction des églises chrétiennes qui aura fait accueillir ce genre d’ornement. La grandeur des fenêtres et des vitraux que ces églises demandèrent, l’aura d’autant plus naturellement favorisé, que dans cette entière décadence du dessin et des arts d’imitation, beaucoup de procédés techniques et métallurgiques, ne laissoient pas de survivre par les routines des ateliers. Les autorités positives nous manquent pour constater quel put être, jusqu’aux siècles qui virent élever dans le moyen âge les églises gothiques, l’état des procédés propres à faire des vitraux en verre de couleur.

Mais vers le douzième siècle, furent commencées d’être construites, en pierre, dans toute l’Europe chrétienne, ces nombreuses et vastes églises, qui, selon toutes les apparences, remplacèrent d’anciennes constructions en bois. A cette époque, toute idée d’art et de peinture avoit disparu, excepté dans cet sortes de travaux de manufacture, que les corporations ouvrières de ce temps, pratiquoient et perpétuoient. La peinture sur vitres fut de ce nombre. Elle continua d’être appliquée, soit en ornemens, dans les compartimens des grandes rosaces, et dans les encadremens ; soit en compositions de figures, dans les panneaux des grandes fenêtres, qui furent ainsi converties, si l’on peut dire, en tableaux.

Ces tableaux, dont quelques belles substances colorantes faisoient le charme, et dont le soleil ou la clarté du jour faisoient l’effet, étoient composés d’une multitude de petites pièces de verre, les unes coloriées dans la verrerie ; les autres revêtues de couleurs superposées, et réunies comme un travail de marqueterie, par de petites bandes de plomb, ou affermies par de petites tringles de fer. Mais la hauteur où étaient ces vitraux, et la distance d’où on les voyoit, rendoient peu sensibles ces sortes de ligamens, qui, en interrompant la continuité des parties, seroient un grave inconvénient vus, de près, et surtout dans des ouvrages soumis aux convenances d’une véritable imitation. Il n’étoit d’ailleurs question, pour le goût de ces temps, et, en raison des connoissances d’art répandues alors, que de plaire aux yeux, par un mélange brillant et varie de toutes sortes de configurations coloriées.

Or, on ne sauroit nier que ce spectacle de vitraux coloriés, n’ait été, dans les églises gothiques, un de leurs principaux mérites ; et n’ait contribué, par un effet mystérieux, à produire des impressions conformes aux sentiment religieux. Ce genre de décoration, né avec le système de la bâtisse gothique, devoit, dans chaque pays, subsister autant que le goût auquel il avoir été approprié.

La renaissance des arts de l’antiquité, c’està-dire du goût de la véritable imitation, devoit, en ramenant l’architecture et la peinture, aux principes de l’ordre, et de la vérité naturelle, discréditer l’emploi d’un genre et d’un procédé de peinture, plus soumis à la pratique routinière des manufactures, qu’au talent et au génie de l’artiste. La peinture renaissante en Italie, s’empara de nouveau de la décoration des églises. Aussi voyons-nous dès le quinzième siècle, disparoître la peinture sur vitres, malgré les améliorations qu’elle avait elle-même éprouvées.

La France suivit, mais plus tard, et plus lentement, le mouvement imprimé en Italie, à tous les arts d’imitation. Le goût gothique beaucoup plus répandu par l’architecture, et surtout par celle des églises, n’y fut réellement déraciné que dans le dix-septième siècle. Déjà la peinture était arrivée à un très-haut point, mais plus d’une circonstance l’avoit empêchée de prendre son essor, dans la décoration des églises. Aussi voyons-nous encore dans ce siècle, des vitraux d’église et de cloître, perpétuer l’ancienne pratique, toutefois avec un meilleur goût de composition, de dessin et de couleur. Il devoit cependant arriver, et il arriva, qu’en France au dix-septième siècle, comme en Italie au quinze et seizième, la véritable peinture employée selon le génie qui lui convient, et appliquée à ses plus nobles emplois, dut faire tomber dans l’oubli la peinture sur vitres ; et l’on voit que cette sorte d’art, liée au goût de la construction, gothique disparut avec elle.

Dans la vérité, le succès qu’elle avoit eu en l’absence de la véritable peinture, dut discontinuer, lorsque celle-ci lui opposa, et la science du dessin, et la grandeur des compositions, et la vérité du coloris, et la facilité du transport, et les variétés des tons, ses procédés et l’économie de son exécution. Il est en effet dans la destinée de la peinture sur vitres, de ne pouvoir être employée qu’en fenêtres, et de ne pouvoir recevoir son effet que de la transparence de la matière ; ce qui fait qu’elle ne peut s’accommoder que d’une seule position, lorsque toute espèce de local est propre à recevoir les autres sortes de peinture. Son très-grave inconvénient est encore, de ne pouvoir exister que sur la matière la plus fragile, de ne pouvoir se pratiquer que sur des assemblages dé carreaux de verre, plus ou moins multipliés, ce qui offre à la composition et à l’ensemble des figures, plus d’un genre de difficultés et de désagrémens.

D’ailleurs ce genre de magnificence, noble mais triste, dont on décoroit les églises, offroit de plus grands inconvéniens dans les palais des princes. Il produisoit à leur intérieur une sorte d’obscurité, surtout quand le sujet qu’on peignait étoit riche et composé. La difficulté d’ouvrir les châssis des fenêtres, et la crainte de casser les vitraux, empêchoient de renouveler l’air, et l’interception des rayons de la lumière ajoutoit a l’insalubrité. Cette réunion d’inconvéniens fit décheoir la peinture sur vitres avec tant de rapidité, que le célèbre Palissy fut obligé d’y renoncer. Il tourna son talent du côté de la poterie, et se réduisit, pour vivre, à peindre sur la faïence.

Voilà les vraies considérations qui tendent à expliquer la désuétude de ce genre d’art, désuétude qu’on ne sauroit attribuer, comme on a pu le voir (voyez Verre (Peinture sur)), à l’ignorance des procédés, qui n’ont jamais manqué de se reproduire de temps à autre, dans des essais que le goût régnant et celui de l’architecture ont nécessairement manqué d’encourager.

Ce besoin de nouveauté qui tourmente les sociétés modernes, et qu’on ne trouve guère le moyen de satisfaire qu’en ressuscitant de l’ancien, a tenté depuis un certain nombre d’année, en Angleterre surtout, de faire rétrograder le goût de bâtir jusqu’au gothique, et on a vu des églises nouvelles bâties à neuf dans ce système. Faudroit-il attribuer à cette bizarrerie en construction, l’idée de renouveler aussi le genre de peinture qui accompagna jadis les monumens des siècles d’ignorante ? Il y a déjà près de quarante années que l’art des vitraux peints s’est reproduit chez les Anglais, dans des ouvrages qui sont l’illusion des tableaux en figures. On en donnoit pour raison, que les images de tout genre ne pouvant point trouver place dans les églises protestantes, on avoit regardé les vitraux peints comme un moyen d’éluder en faveur des arts du dessin la défense religieuse. Depuis celle époque, l’art de peindre sur vitres, et de transformer de nouveau les fenêtres en tableaux, paroît avoir occupé plus d’un artiste.

On a vu à l’article Verre (Peinture sur), que des artistes anglais avoient été appelés à Paris pour y exécuter de ces sortes de tableaux, et il a été prouvé dans ce même article, que le prétendu secret des Anciens en ce genre n’en étoit pas un ; qu’il n’avoit pas cessé d’être connu, et qu’avant les travaux des artistes anglais, d’assez nombreux ouvrages faits à Paris témoignoient que ce n’étoit point l’art qui avoit manqué à cet emploi, mais bien l’emploi des ouvrages qui avoit manqué à l’art.

Maintenant, les seules questions à résoudre seroient de savoir : 1°. si un procédé aussi dispendieux peut être renouvelé avec avantage, tant que le besoin n’en favorisera point l’exploitation ; 2°. si ce besoin peut se reproduire naturellement dans nos édifices et dans leur décoration ; 3°. s’il importe réellement de faire renaître ou d’encourager l’exigence d’un semblable besoin.

Quant à la première question, on ne peut se dissimuler que vainement toute invention, toute industrie, toute fabrication se trouveront importées, excitées, cultivées dans des temps et des pays où manqueroient les principes qui peuvent les faire prospérer. Chaque plante, chaque production de la nature veut un sol et un ciel propice, dont les soins de la culture la plus assidue, ne remplaceront ou ne compenseront jamais l’absence. Réciproquement, le défaut de culture ne se trouvera pas toujours corrigé par les causes naturelles. Il en est de même des productions des arts. Leur succès dépend d’abord, entre beaucoup de causes naturelles, de celle qu’on doit appeler le besoin. Dès qu’un art n’a point ses racines dans le fond de quelque emploi nécessaire et commandé par quelque usage public ; dès qu’il ne se lie ni à certains besoins, ni à un certain nombre de pratiques agréables qui sont partie des mœurs et des plaisirs de la société, cet art pourra bien devenir un objet de luxe ou de curiosité ; mais si ce luxe est dispendieux, s’il ne trouve d’aliment que dans la munificence d’une protection particulière, sa destinée sera de passer promptement et de disparoître. Or, lorsqu’un applique ces considérations à des ouvrages qui sont déjà par eux-mêmes, dans chaque pays, les objets de la plus grande dépense, je veux dire les ouvrages de l’architecture, en grand surtout, tels que temples, palais, monumens publics, on ne sauroit présumer qu’un genre de peinture aussi dispendieux, et toutefois nécessairement inférieur à tous ceux qui entrent aujourd’hui dans la décoration, puisse devenir une sorte de besoin, comme autrefois, lorsqu’il étoit le seul luxe de décoration intérieure des églises.

Ceci nous conduit à la seconde question. Est-il probable que le goût du public en vienne naturellement à regretter la pratique de ce procédé de peinture et de ses applications, au point de lui rendre, dans l’opinion, l’importance qu’elle accorde à ces arts, dont on s’est suit un besoin ? Nous répondrons que rien n’est moins probable. La fausse idée qu’on s’étoit faite du prétendu secret de cette peinture, et de l’ignorance de notre temps à cet égard, a pu éveiller cette espèce d’amour-propre, qui souffriroit d’une infériorité trop réelle, dans un art si intimement lié à la science de la chimie et aux procédés métallurgiques. Mais dès qu’il est reconnu que l’on n’ignore rien, et même qu’on peut défier la science du passé sur tous les points d’exécution en ce genre, il n’est plus permis de croire que la peinture sur vitres puisse devenir même un besoin d’amour-propre. Ne seroit-il pas permis encore de présumer, que très-naturellement l’esprit du temps actuel, que les circonstances qui ont si singulièrement diminué les ressources des établissemens religieux, et détourné dés intérêts matériels du culte les affections protectrices de ce genre de peinture, s’opposeroient à son rétablissement, loin d’en seconder les entreprises ?

Mais importe-t-il réellement de prendre les moyens, quels qu’ils puissent être, de faire revivre l’art de faire des tableaux sur verre, en encourageant, par des exemples, tout ce qui pourroit reproduire le besoin ? La réponse à cette troisième question ne sauroit être difficile.

On a déjà vu que la peinture sur vitres en figures avoit dû la vogue qu’elle obtint, dans le moyen âge, à la tradition des procédés techniques de la mosaïque et des opérations métallurgiques conservées par les corporations, lorsque tous les arts du dessin se trouvèrent enveloppés dans une ignorance générale, et qu’à défaut de toute autre peinture, l’architecture gothique avoit protégé singulièrement l’art de transformer en tableaux les vitraux de ses grandes et nombreuses fenêtres dans les églises. Si l’on examine ensuite les entreprises de cet art, à ses diverses époques, on voit qu’à celle où il jeta le plus d’éclat, dans les compositions et les figures de ces sortes de tableaux, ce qu’un y admira, et ce qu’on y admire encore le plus, se réduit uniquement à la beauté des substances colorantes. Pour ce qui fait le fond de l’art de peindre, il y est entièrement livré à la routine la plus ignorante, et effectivement cette manière de composer de grandes scènes, par une réunion de petits morceaux de verre coloriés, assemblés avec des plombs, ne pouvoit que présenter les plus grands obstacles au succès de compositions, vues d’ailleurs de trop loin, pour qu’on pût y chercher autre chose que le plaisir des yeux. Que si on examine les travaux de cet art, à sa dernière époque, c’est-à-dire depuis la renaissance des beaux-arts, et de la peinture en particulier, on avouera qu’il s’est fait des ouvrages sort recommandables par le bon goût de la composition, du dessin et de la vérité. Mais ce furent surtout de petits vitraux placés sous l’œil, dans les cloîtres, et d’autres locaux d’une petite dimension.

Cependant ce genre de peinture en petit, difficultueux et dispendieux de sa nature, devoit bientôt disparoître, ainsi qu’on l’a vu, dès que la vraie peinture, avec ses nombreuses et immenses ressources, avec ses procédés plus ou moins expéditifs, selon les genres, fut rentrée dans son domaine et eut reconquis son légitime empire. Pouvoit-il en arriver autrement, et la peinture sur vitres, par la seule raison qu’elle n’a d’emploi que sur le verre, ne devoit-elle pas être bientôt abandonnée ?

Quelle raison y auroit-il donc aujourd’hui de faire renaître l’emploi d’une peinture qui ne reposeroit que sur un besoin factice, qu’aucune utilité ne motiveroit, et qui hors des vitraux, que leur position éloigneroit de la vue et des accidens d’une destination usuelle, resteroit toujours au-dessous des autres productions du pinceau ?

Quelque perfection que ce genre puisse atteindre en grand, par l’exécution d’un peintre habile, on peut affirmer que jamais il ne lui sera donné d arriver à tous les degrés de hardiesse, de liberté, de correction, de charme et d’harmonie des autres genres. Que faire ensuite des produits d’un art dont la fragilité permet à peine le déplacement, qui ne sauroit trouver place dans les collections de tableaux, qui n’est propre qu’à faire des châssis, que le moindre accident peut détruire et que rien ne peut réparer ?

Seroit-ce d’ailleurs à une époque où le nombre des peintres surpasse à un degré aussi prodigieux le nombre des emplois à faire de leurs talens, qu’on iroit porter de grandes dépenses à un genre de peinture nécessairement inférieur et naturellement stérile ?

La peinture sur verre ou sur vitres, ne peut plus être qu’un objet de curiosité, propre uniquement à prouver que si l’on n’en sait que peu ou point, c’est qu’on n’en veut pas davantage ou qu’on n’en veut pas du tout.

Faudroit-il cependant exclure ce procédé curieux et intéressant des entreprises de l’architecture ? Nous croyons que le bon esprit, dans la culture et dans l’emploi des arts, ne doit rien rejeter ; qu’il peut, au contraire, et doit accueillir et admettre tout ; mais que ce bon esprit consiste à placer chaque chose en son lieu, dans la mesure qui lui convient, et avec le discernement des convenances qui lui appartiennent.

Ainsi, la grandeur des vitraux de nos églises en forme une partie assez considérable, pour que le goût doive admettre volontiers un genre d’ornemens qui arrête agréablement les yeux, sans prétendre à être une décoration trop importante, qui, sans intercepter le jour et la lumière que réclament les intérieurs, en tempère jusqu’à un certain point l’excès ; qui pouvant se composer de petits compartimens, rende leur exécution peu dispendieuse, leurs ligament moins sensibles, et leur réparation facile et de peu de dépense.

Or, le système de peinture qui seroit propre à remplir ces conditions, nous paroît devoir être celui qu’on appelle du nom général d’ornemens dans l’architecture. Il consiste en rinceaux, en enroulemens, en compositions de feuillages, de fleurs, de festons, de symboles variés, de tous les objets enfin que l’architecture dispose dans ses profils ou dans toutes les parties courantes, et qui se répètent, comme entrelas, postes, oves, perles, patères, etc.

Rien donc n’empêcheroit de faire servir la peinture sur verre à reproduire, dans de telles séries d’ornemens, les vives couleurs des objets naturels, qui deviendroient naturellement les encadremens des grands vitraux. Rien n’empêcheroit que, selon l’espace donné, les angles et le centre d’un vitrail, répétant certaines distributions des voûtes et des plafonds de l’’architecture, reproduisissent les compositions ingénieuses, les compartimens variés, et les diversités d’effet de l’arabesque.

La peinture sur vitres, comme cette dénomination l’indique d’une manière plus spéciale, ne pouvant réellement produire son effet pour les yeux, et par conséquent acquérir l’existence qui lui est propre, qu’au moyen de la transparence, exigeant dès-lors une situation qui mette son fond dans le cas de servir de vitre, on ne dissimulera point qu’il peut y avoir quelques emplois intéressans à faire, quoiqu’en petit, de cette sorte de procédé. Quand on dit en petit, c’est par comparaison aux vitraux des grandes églises. Comme cette peinture peut être pratiquée, soit sur de fort grands carreaux ou sur ce qu’on appelle des glaces, plus d’un ouvrage exécuté depuis peu de temps, sur de semblables tables de verre, nous montre que l’on peut y admettre des images de grandeur naturelle.

Pour en donner quelques exemples, un oratoire, une petite chapelle mystérieuse, recevroient avec beaucoup de convenance quelque belle tête de Vierge, quelque figure de sainteté, sur un vitrage dont la peinture même intercepteroit la lucidité : ce qui conviendroit au caractère du local.

Nous ne croirions pas non plus qu’il fût déplacé d’admettre ce genre de luxe dans quelques cabinets ou appartemens de palais, et d’en décorer les petits vitraux par quelques scènes agréables de certains portraits historiques ou d’objets allégoriques, partout enfin où lus fenêtres ne seroient pas exposées aux accidens que produisent un service habituel el la fréquentation d un public nombreux.

Il seroit vrai de dire que, restreinte à ce petit nombre d’emplois, la peinture sur vitres deviendrait un travail de luxe et de curiosité, qui ne pourroit que gagner une valeur nouvelle des secours et de l'influence de la véritable peinture, sans pouvoir lui porter préjudice, soit en usurpant les sommes que lui doivent procurer les grandes entreprises, soit en prétendant se substituer à elle, comme la chose arriva aux siècles qui virent élever les églises gothiques.



VITRUVE (Pollion). Les auteurs qui ont écrit la vie de cet architecte célèbre, n’ont pu le faire qu’en rassemblant diverses notions qu’il nous a fournies lui-même dans son Traité d’Architecture. On ne trouve en effet aucunes mentions de lui chez les anciens écrivains, si ce n’est dans Pline qui le cite parmi les auteurs, où il a puisé, et dans Fronton, qui le nomme, comme étant réputé l’inventeur du module quinaire pour les aquéducs.

On ne sauroit rien affirmer sur le lieu de sa naissance. Quoiqu’il ait été employé dans les bâtimens de l’empire, et bien qu’il paroisse constant qu’il a écrit son Traité d’Architecture à Rome, on ne trouve dans tout le contenu de l’ouvrage rien qui prouve que son auteur ait été romain. Le marquis Maffei, plein de zèle pour la ville de Vérone sa patrie, qu’il a illustrée de plus d’une manière, s’est efforcé de la faire passer, pour avoir été aussi celle de Vitruve. Mais l’arc antique de cette ville, sur lequel on voit écrit le nom de Vitruvius Cerdo, prouve bien, si l’on veut, qu’un architecte de ce nom fut chargé à Vérone de construire ce monument, mais ne prouve pas du tout que cet architecte y fût né. Quant à l’analogie forcée qu’on a prétendu trouver entre le surnom de Cerdo et celui de Pellio, qu’on a substitué tout exprès à celui de Pollio, le tout a été suffisamment réfuté par Philander et Barbaro.

De ce que Vitruve, dans un endroit de ion ouvrage, a cité la ville de Plaisance, avec les villes d’Athènes, d’Alexandrie et de Rome, quelques critiques ont cru pouvoir inférer de là, que la première de ces villes lui avoit donné le jour. Mais la supposition est tout à-fait gratuite. Ce qu’on pourroit admettre comme probable à cet égard, c’est qu’il auroit pu y être employé à construire des horloge, à l’occasion desquels, il fait mention de Plaisance, ville de guerre alors, où il auroît pu encore concourir au travail de ses fortifications.

L’opinion la plus probable sur le lieu de la naissance de Vitruve est en faveur de Formies, ville de la Campanie (aujourd’hui Mola di Gaeta.) C’est ce qu’a fait présumer, avec le plus de vraisemblance, le marquis Poleni, et c’est ce qui semble le plus naturel à conjecturer, d’après les nombreuses inscriptions antiques découverte à diverses époques dans les ruines de Formies, où il est question de la famille Vitruvia. Or toutes ces inscriptions sépulcrales, font mention de divers personnages de cette famille, morts dans le pays, et ne s’appliquent à aucun édifice construit par quelqu’un de ce nom.

Quant à l’âge où vécut l’architecte Vitruve, il n’y a aucun doute, que ce fut sous le règne d’Auguste, et même au commencement de ce règne. On ne sauroit adopter l’opinion de ceux qui ont prétendu fixer son époque, au règne de Titus. Il suffit de remarquer que dans son ouvrage, il n’a fait aucune mention des grands et magnifiques monumens dont Rome ne fut embellie que depuis Auguste. Ainsi il ne parle que d’un seul théâtre en pierre, d’où l’on est en droit de conclure, qu’il vécut précisément alors que Rome n’en comptoit qu’un seul de cette sorte, savoir celui de Pompée. Or il le désigne d’une manière très-expresse, en parlant des portiques appelés Pompeiani, qui étoient vraisemblement placés derrière ce théâtre. Ajoutons que dans la dédicace de son ouvrage, il fait clairement entendre qu’Auguste est l’empereur auquel il adresse ses dix livres.

Il a encore été observé de quelle manière différente, il cite soit Accius et Ennius, soit Lucrèce, Cicéron et Varron, c’est-à-dire les deux premiers, comme déjà morts depuis quelque temps, les trois autres comme ayant été connus de lui. Or nous savons qu’Ennius naquit 239 ans avant l’ère chrétienne, Accius 171 ans, Varron 116 ans, Cicéron 107 ans, et Lucrèce 54 ans avant cette ère. Aussi voyons-nous que les éditeurs de Vitruve, à compter des premiers qui ont mis au jour son Traité d’Architecture, se sont tous unanimement accordés à l’intituler M. Vitruvii Pollionis de architectura lib. X. ad Cæsarem Augustum.

Cela posé, Vitruve écrivit son ouvrage dans un âge avancé, et il le présenta à l’empereur, quelque temps après que celui ci eut pris le surnom d’Auguste, ce qui eut lieu l’an 27 avant notre ère. Nous voyons, en effet, dans la description que fait Vitruve de sa basilique de Fano, qu’il est déjà question d’un temple élevé à Auguste.

Vitruve ne fut certainement pas, ce qu’on appelle vulgairement, un homme de fortune. Il dut être né de parens aisés ; car il est évident, qu’il reçut d’eux une excellente éducation, el qu’il avoit fait de très-bonnes études. C’est ce qu’il nous apprend lui-même, dans la préface de son sixième livre. Nous lisons dans celle du troisième, d’autres renseignemens sur sa personne, d’où l’on est en droit de conclure, qu’il étoit d’une petite taille, et qu’il mourut dans un âge sort avancé. Mihi staturam non tribuit natura, faciem deformavit œtas, valetudo detraxit vires.

Qu’il ait réuni comme cela se pratiquoit dans l’antiquité, comme cela eut lieu aussi dans les temps modernes, les connoissances appliquables à tous les genres d’architecture, surtout aux constructions militaires, comme aux édifices civils, c’est ce qui ressort des documens mêmes de son Traité, c’est ce que confirment tous les faits qu’il renferme. Ainsi nous voyons par la description qu’il en fait, que le monument de la basilique de Fano fut son ouvrage ; et dans la préface de son livre premier, il nous apprend que, de concert avec M. Aurelius, Publius Numidins, et Cneius Cornélius, il fut employé à la construction des machines de guerre.

Vitruve s’est plaint en plus d’un endroit de son ouvrage, de ce qu’on avoit peu rendu justice à son mérite. Mais s’est-il trouvé beaucoup de personnes, en quelque carrière que ce soit, qui n’aient cru devoir s’élever contre les arrêts, soit de la fortune, soit de la justice des contemporains ? Si par les brigues de ses rivaux, il ne fut donné à Vitruve d’élever aucun autre monument que celui de la basilique de Fano, nous voyons toutefois, qu’il étoit arrivé à un degré d’estime et de considération, qui lui valut de l’empereur Auguste, une pension viagère, pour le récompenser soit de ses services, soit de la dédicace de son ouvrage.

On doit reconnoître qu’il fut on homme fort instruit, et il faut encore lui faire un mérite de la modestie avec laquelle il avoue (liv. I. ch. ) qu’on ne doit le juger, ni comme philosophe, ni comme rhétoricien, ni comme grammairien, mais qu’on doit simplement se contenter de voir en lu. , un architecte versé, pour l’usage de son art, dans ces diverses sciences. Sed ut architectus his litteris imbutus.

Comme écrivain, Vitruve peut être soumis à deux critiques différentes, celle des mots, et celle de la manière de les employer, ce qu’on peut appeler le style.

Quant au premier article, il est juste de reconnoître qu’une multitude d’obscurités, qu’on lui reproche, a dû provenir du genre même de la matière, qui comporte un grand nombre de termes techniques, qu’on ne retrouve chez aucun autre auteur, et dont l’explication reste ainsi environnée d’obscurités. Il faut ajouter que Vitruve se. trouva encore dans la nécessité d’emprunter au grec beaucoup de termes, qui, vu le manque d’écrivains latins sur l’architecture, ne s’étoient


pas naturalisés à Rome, et très-probablement ne parvinrent jamais à l’être.

Pour ce qui regarde la manière d’écrire ou le style, bien qu’on mette Vitruve dans le petit nombre des écrivains latins de ce siècle, qu’on a nommé le siècle d’or, il se peut qu’il doive faire autorité sur tout ce qui tend à constater l’état de la langue sous Auguste ; mais on y chercheroit vainement ce qui constitue le génie d’une langue élaborée par l’art et par le goût. Si nous en jugeons d’après la comparaison des écrivains modernes, qui nous out laissé des traités d’architecture, nous serons fondés à croire qu’il n’a été surpassé par aucun, dans ce qui fait l’objet principal de ces sortes d’ouvrages, c’est-à-dire l’ensemble et les détails du plan, la justesse des observations et des préceptes. Mais nous conviendrons encore, qu’on ne sauroit exiger de l’architecte antique, plus que des modernes, aucune de ces qualités qui forment l’élégance de la diction, et mêlent au discours de ces ornemens que repousse le genre didactique. C’est la clarté qui fait le mérite de ce genre, et peut-être est-ce là celui qu’on pourroit quelquefois contester à Vitruve, si, après dix-huit siècles, il étoit permis de porter des jugemens absolus sur les auteurs qui ont écrit dans une langue aujourd’hui morte, et dont l’esprit nous est devenu en grande partie étranger.

Comme c’est dans certaines particularités, et par quelques détails relatifs à la personne, que Vitruve nous a fourni les seuls renseignemens dont son histoire peut se composer, c’est aussi de tout ce qu’il n’a pas dit, et de son silence sur plus d’un point important, qu’on peut tirer quelques conjectures propres à faire apprécier et mesurer, soit la nature, soit l’étendue de ses connoissances historiques en architecture. Ainsi il est bien prouvé par presque toutes les pages de son Traite, qu’il s’étoît procuré des notions sur les grands monumens de l’architecture des Grecs. Toutefois, ces notions, il lui fut facile de se les approprier, par les dessins des ouvrages qui étoient répandus partout, et au moyen des écrits des grands architectes antérieurs à lui. Effectivement, nous tenons de lui-même la notice de tous ceux, ou qui avoient publié des descriptions de monumens, ou qui avoient composé des traités sur leur art. Mais il n’y a dans tous ses dix livres aucun passage d’où l’on puisse inférer qu’il ait vu lui-même ces monumens, ou qu’il soit sorti de l’Italie, et peut-être de l’Italie supérieure.

Ce qui confirmeroit cette présomption, c’est qu’en aucun endroit de son ouvrage, ni même à l’article où il traite de l’ordre dorique, il ne donne à connoître qu’il ait eu en vue le mode dorique de tous les temples grecs, mode essentiellement différent de celui dont il prescrit les règles, soit pour la proportion, soit pour les formes, soit pour les détails du chapiteau, de la frise, etc. Or, on sait aujourd’hui que si Vitruve eût voyagé dans l’Italie méridionale, il y auroit vu sans doute beaucoup de monumens du style dorique grec, monumens aujourd’hui connus de tous les architectes, dans les nombreuses ruines qui en existent encore. Il paroît certain que s’il en eût en connoissance, autrement peut-être que par des description, il n’auroit pas manqué de faire remarquer ce mode dorique, comme un antécédent de celui qui étoit en usage de son temps, lui qui n’a pas omi de faire mention de l’ ancien mode toscan dans la construction des temples. Il est vrai qu’il avoit pu en connoître les traditions dans l’Italie septentrionale, où il nous apprend lui-même qu’il avoit séjourné, et qu’il avoit été employé. D’ailleurs, Rome avoit encore, de son temps, conservé dans plus d’un édifice sacré, la méthode et les pratiques de la construction toscane.

Il paroît donc que Vitruve se sera borné sur cet article, comme sur tous les autres, à établir ses règles d’architecture d’après l’état de cet art, tel qu’il se comportoit à Rome de son temps, d’après les modifications que ses proportions et un style y avoit subies, d’après les modèles et les exemples qu’il avoit sous les yeux ; qu’il travailla enfin pour ses contemporains, et en se conformant aux doctrines ou aux pratiques en crédit et en usage alors.

Le seul ouvrage sur lequel on pourroit se former une idée approximative du mérite de Vitruve, non plus comme théoricien, mais comme architecte de pratique, seroit l’édifice de la basilique de Fano, qu’il construisit en entier d’après ses propres dessins, et dont il s’est plu à nous donner une description assez détaillée, si le dessin qui l’accompagnoit dans son ouvrage eût pu nous parvenir. Malheureusement en ce genre, comme eu beaucoup d’autres, les paroles d’une description la plus détaillée, ne sauroient équivaloir au trait le plus abrégé, tant il est difficile de faire comprendre par l’esprit, ce qui de sa nature est destiné à s’adresser avant tout aux yeux.

La description que Vitruve nous a laissée de ce monument, donne tontefois à connoître qu’il avoir tenté d’introduire dans sa composition une nouveauté, dont il n’est pas impossible de se figuier l’effet et d’apprécier la valeur ou l’abus. Ainsi l’on sait, et l’on apprend de Vitruve luimême, et d’ailleurs des restes d’antiquité le confirment, que toute basilique, dans son intérieur, devoit m composer de trous nefs, celle du milieu plus large que les deux autres, qu’ainsi deux rangs du colonnes en occupoieot ta longueur. On sait qu’au-dessus de chacun de ces deux rangs de colonnes, s’élevoit un étage de colonnes plus petites, formant une galerie tout à l’entour. Vitruve jugea à propos de n’établir dans sa basilique qu’un seul ordre de colonnes au lieu de deux. Ces colonnes, selon les mesures qu’il en donne, avoient cinquante pieds de hauteur ; mais


pour satisfaire à la donnée indispensable de l’étage en travées formant galeries, il dut accoler à ses colonnes, dans la partie regardant les basculés, des pilastres de vingt pieds de haut, larges de deux pieds et demi et d’un demi-pied d’épaisseur. Sans doute de semblables pilastres correspondans étoient adossés aux murs latéraux des bas-côtés, et supportoient les planchers des galeries dont on a parlé. Vitruve fait encore observer qu’il a couvert son intérieur en voûte : ce qui donne à entendre que l’usage auroit été de plafonner les basiliques ; chose d’autant plus probable, que la coutume étoit d’y établir en bois de charpente toutes les architraves. Nous laissons chacun juge du bon effet de l’innovation de notre architecte, qui toutefois s’en applaudit, soit pour la beauté de l’aspect, qui essectivement dut gagner en grandeur dans la nef du milieu, soit en considération de l’économie qui paroîtroit lui avoir inspiré cette disposition.

Quoique le Traité de Vitruve soit fort loin de pouvoir nous dédommager de la perte des nombreux traités et autres ouvrages composés par les architectes grecs sur leur art, on ne sauroit contesler qu’il soit d’une très-grande utilité à l’artiste moderne, surtout à celui qui par des études généralisées s’est appris à voir, au-delà des exemples et des documens postérieurs, les autorités qui leur servirent de régulateur, et à remonter de certains points traditionnels, de certains modèles plus ou moins modifiés, aux monumens originaux et aux doctrines classiques des temps antérieurs, où les arts avoient atteint leur perfection.

En général, il existe deux excès également à éviter par ceux qui pratiquent les arts, et surtout l’architecture. Les uns, frappés du vide immense que le temps et la destruction ont opéré dans les modèles, les traditions ou les préceptes de l’antiquité, se persuadent trop facilement que le peu d’ouvrages qui nous est parvenu des Anciens, ne doit point faire règle, que dès-lors leur autorité est plus ou moins arbitraire. Les autres, par une rigueur tout-à-fait opposée, tirent des conséquences trop absolues d’ouvrages que le hasard seul a épargnés, et ne se permettent pas de supposer que les Anciens aient jamais fait autre chose, ni d’une autre manière, que ce que leur démontrent les foibles restes qui ont échappé à la ruine presque universelle de leurs monumens. Ainsi, pour donner de ceci un exemple, si Vitruve ne nous eût pas dit qu’il avoit élevé sur les colonnes de sa basilique une couverture en berceau, ou en voûte, beaucoup nieroient que la chose se fût pratiquée, et ils regarderoient la couverture en plafond sur colonnes comme la seule qu’on pût se permettre. Cependant, pourquoi ne concevroit-on pas d’une voûte sur colonnes d’une nef basilique, à une pareille pratique sur les colonnes d’une nes de temple, comme les propres paroles de Strabon nous le donnent à entendre de la nef du temple de Jupiter Olympien ?

Ce qui est fort à regretter, c’est que les dessins dont Vitruve avoit accompagné les dix livres de son Traité, soient perdus. Ou ne sauroit dire combien de difficultés et d’obscurités auroient été levées et éclaircies à l’aide de ce langage, qui dit par un seul trait, et avec la plus grande clarté, ce que toutes les explications et toutes les tournures de phrases ne sauroient faire comprendre.

Nous avons déjà vu qu’on avoit tenté d’attribuer à Vitruve l’arc de Vérone, où on lit son nom, et que cette opinion avoit été complètement réfutée. Cet architecte ayant vécu sous le règne d’Auguste, quelques critiques ont imaginé de lui attribuer l’érection de l’arc de triomphe de Rimini, élevé l’an 727 de Rome, sous le septième consulat d’Auguste. (Voyez RIMINI.) Fabretti, et ensuite Temanza, n’ont pas eu d’autre raison en faveur de leur conjecture, que le synchronisme de l’existence d’Auguste et de Vitruve, comme si à cette époque il n’y eût pas eu dans l’empire romain d’autre architecte que Vitruve. On a d’ailleurs trouvé, dans l’ouvrage même de cet architecte, une assez forte preuve qu’il n’avoit point été l’auteur de ce monument. En effet, il désapprouve, comme une sorte de pléonasme architectural, l’emploi des denticules placés sous les modillons, le denticule paroissant, dans le système d’imitation emprunté à la construction des couvertures eu bois, avoir la même origine que le modillon. Or, ce double emploi se rencontre à l’aie de Rimini, et l’on doit croire qu’il appartient à un architecte théoricien, plus qu’à tout autre, d’être dans la pratique fidèle aux règles de sa théorie.

S’il est vrai qu’un auteur se peint ordinairement dans ses écrits, Vitruve nous donne partout de lui l’idée d’un homme fort modeste, éloigné de toute brigue, d’une probité sévère, et ce qui paroît devoir encore le confirmer, c’est qu’il ne parvint que dans un âge fort avancé, à recueillir quelques fruits de ses nombreux travaux.

VIVE-Arete. Voyez VIF.

VIVIER, sub. m. Pièce d’eau vive, selon ce qu’indiqueroit la formation du mot, où l’on entretient et où l’on nourrit des poissons.

L’établissement des viviers dans les maisons de campagne, fut un des principaux luxes des riches Romains. Ils ne se contentoient pas d’avoir des étangs pour y conserver plusieurs sortes de poissons d’eau douce, ils en creusoient encore sur le bord de la mer, dont ils dérivoient l’eau pour y nourrir des poissons de mer. Plusieurs des maisons de campagne des environs de Rome ou de Baies, devinrent célèbres par le revenu des viviers où le propriétaire nourrissoit des poissons rares. Quelques-uns de ces poissons, tels que la murène, donnérent leur nom à ceux qui en commerçoient,


et firent aussi leur fortune. Hortensius avoit des viviers dont l’établissement lui avoit coûté des sommes immenses, et dont l’entretien n’étoit pas moins dispendieux. Lucius Lucullus ne fut pas moins célèbre par ses dépenses en ce genre. Dans. sa campagne’ près de Naples, il fit percer des montagnes pour dériver l’eau de la mer et la conduire à ses viviers. Dans une autre de ses villa, près de Baies, il somma son architecte de ne point épargner sa fortune, pour creuser des canaux souterrains entre la mer et ses étangs.

Ces étangs avoient aussi pour objet de procurer aux maîtres de ces campagnes le plaisir de la pêche. Parmi les peintures d’Herculanum, il y en a plusieurs qui représentent de ces sortes de scènes. Pline le jeune a fait la description de ses campagnes situées sur le bord d’un lac. Dans l’une de ces maisons il avoit l’agrément de pouvoir pêcher lui-même de sa chambre.

Nos grands, dit Cicéron, se croient les plus heureux des hommes lorsque, dans leurs viviers, ils possèdent un mulet ou une barbue de mer, qui vient prendre la nourriture de leurs mains ; et Pline nous assure que, dans les viviers de César, il y avoit plusieurs poissons qui approchoient lorsqu’on les appeloit. Les étangs ou viviers creusés dans le roc passoient pour être les meilleurs. Au défaut de roc on battoit bien la terre sur les bords. Dans le fond, ou le sol, on creusoit différentes cavités ; quelques-unes étoient taillées carrément, c’est là que se reposoient les poissons à écailles ; d’autres contournées en spirale étoient destinées aux murènes. On donnoit communément à l’eau neuf pieds de profondeur au-dessous de la surface de la mer. Divers canaux étoient pratiqués. les uns pour amener les eaux, les autres pour leur décharge ; ces derniers avoient des grillages pour empêcher les poissons de sortir avec l’eau. Pour que les poissons ne trouvassent aucune différence entre ces eaux renfermées, et celles des fleuves ou delà mer, ou ménageoit pour leur retraite, des blocs de rochers que l’on couvroit d’algues et de piautes aquatiques.

VOIE, subst. fém. du mot latin via, chemin, route, etc.

Au mot CHEMIN (voyez cet article), nous avons rendu compte, avec assez de détails, de la partie qui entre naturellement dans les travaux de l’art e bâtir, et qui regarde la construction, l’établissement et l’exécution des grands chemins, soit chez les Anciens, soit chez les nations modernes, et nous avons renvoyé à l’article VOIE, ce qui regarde les connoissances historiques et archéologiques que ce mot comporte. Nous réduirens toutefois aux notions les plus essentielles, ce que le lecteur peut exiger de nous sur cet objet.

L’histoire nous a transmis trop peu de détails exacts sur les chemins et les voies publiques des plus anciens peuples, pour qu’il soit possible de savoir quelle nation aura, la première, apporté un soin particulier à l’établissement des communications entre les diverses contrées. Dès que plusieurs Etats eurent établis, entr’eux, des rapports plus particulier, dès qu’ils se furent occupés des intérêts du commerce, ils durent songer à douner aux routes les dispositions les plus propres à faciliter les voyages et les relations commerciales, On prétend que, de très-bonne heure, les Perses eurent d’excellentes chaussées. Selon Diodore de Sicile, Sémiramis en établit dans toutes les régions de son empire ; pour y parvenir, elle fit abaisser des collines et des montagnes, remplir les lieux bas et les vallons, construire des digues et des levées. Justin assure que Xerxés employa aussi de grandes sommes à la construction des voies publiques. Isidore, à la sin de son XV. livre, dit que les Chartaginois ont les premiers pavé leurs chemins.

Les auteurs anciens ne nous donnent point de détails qui puissent nous faire penser que les Grecs se soient fort occupés de la construction et de la bonne disposition de leurs voies publiques, Quoiqa’Hérodote dise que le soin de ces voies étoit, à Lacédémone, confié aux rois, il est permis de croire, que le plus grand nombre des petits étals dont la Grèce se composoit, mirent à l’établissement de leurs chemins, moins d’importance qu’à beaucoup d’autres objets. La chose s’expliqueroit, jusqu’à un certain point, par la position maritime de tout le pays qui, dans le fait, est une presqu’ile. On sait que c’est surtout l’avantage du commerce et de la circulation des marchandises qui porte à construire, à multiplier et à perfectionner les voies publiques. Or tout naturellement en Grèce le grand nombre des communications dut avoir lieu par mer, Un passage de Strabon semble confirmer ce qu’on avance sur l’infériorité des Grecs dans le travail des chemins. Les Grecs, dit-il, ont négligé trois choses, pour lesquelles les Romains n’ont épargné ni frais, ni travail : savoir, la construction des cloaques, celle des aquéducs et celle des voies publiques.

Ou voit assez quelles raisons particulières portèrent les Romains aux grands travaux qu’exigèrent leurs chemins. Ce ne fut point l’esprit du commerce, mais le génie de la guerre et des conquêtes, qui multiplia et perfectionna, chez eux, ces moyens de transporter facilement leurs légi ns dans toutes les parties de leur empire. C’est véritablement à eux qu’est due la gloire d’avoir porté au plus haut point de perfection la construction des voies publiques. Les restes de leurs grands chemins attirent encore aujourd’hui l’attention, et excitent l’admiration des peuples modernes, Voyez CHEMIN.

Nous ne trouvons aucun indice qui puisse donner à penser que, sous les rois, les rues de la ville de Rome, ou les routes en dehors de ses murs, aient été pavées. On ne peut, à cet égard,


ni nier, ni affirmer rien. Ce qu’on sait, c’est que ce fut cent quatre-vingt-huit ans après l’expulsion des rois, que fut entreprise une des pins belles voies pavées que les Romains aient établies. On veut parler de la voie Appienne, commencée l’an 442 de Rome, par le censeur Appius Claudius, qui la conduisit depuis Rome jusqu’à Capoue. Dans la suite, lorsque Rome eut étendu sa domination dans l’Italie méridionale, lavoie Appienne fut prolongée jusqu’à Brindes, ville qui, selon Strabon, étoit à ‘580 milles de Rome. Plus d’une voie semblable s’embranchoit à la voie Appienne.

L’an 512 de Rome, Aurelius Cotta établit une voix publique, qui, d’après son nom, fut appelée via Aurelia. Une seconde voie du mème nom fut ensuite appelée voie Emilienne, parce qu’elle fut terminée par AEmilius Scaurus.

L’an de Rome 533, fut établie la voie Flaminienue. Les opinions sont partagées sur le nom de celui à qui l’on doit son établissement. Les uns l’attribuent à Flaminius, général romain, qui fut battu par Anuibal auprès du lac de Trasimène ; d’autres au consul Flaminius, fils du général. Elle se prolongeoit jusqu’à Rimini, l’ancien Ariminium, Lepidus, le collègue de Flaminius dans le consulat, prolongea cette voie jusqu’à Bologne, et de là à Aquilia. Cette partie reçut le nom de via AEmilia Lepidi. Plusieurs autres s’embranchoient à celle-ci ; mais ces détails alongereint inutilement le plan auquel nous devons réduire cet article.

Les quatre voies Appia, Aurelia, Flaminia et AEmilia, dont on vient de faire mention, ont été les plus anciennes voies romaines. Etablies du temps de la république, elles furent prolongées dans les âges suivans, soit directement, soit au moyen de voies latérales, qui venoient y aboutir. A mesure que l’empire de Rome s’agrandit, les routes durent se multiplier. Beaucoup de censeurs, et d’autres magistrats cherchèrent à se concilier, par de pareils travaux, la saveur de leurs concitoyens.

L’an de Rome 580, les censeurs Flaccus et Albinus firent, selon Tite-Live, paver les rues de Rome, et couvrir de sable les chemins en dehors de la ville. Ils firent en même temps revêtir les deux côtés de grandes pierres. Caius Gracchus obtint surtout les bonnes graces du peuple, par le soin qu’il prit d’entretenir les voies publiques aux environs de Rome ; il les rendit non-seulement plus commodes et plus solides, mais, aussi plus belles.

Voici en peu de mots, quelques détails sur les autres voies publiques lus plus connues.

La via Ostiensis, une des plus anciennes communications de Rome, aveu les villes ou les contrées de l’Italie, alloit de la porta Ostiensis à la ville d’Ostie. Elle étoit des deux côtés, bordée en grande partie de maisons de campagne La via valeria alloit jusqu’à Hadria. Lavia Latina appelée aussi Ausonia, se prolongeoit de la porte Latine de Rome jusqu’à Casinum où elle aboutissait à la voie Appienne. La via Salaria étoit appelée ainsi, parce que c’étoit sur cette route, que les Sabins transportoient à Rome leur sel marin. Elle commencoit à la porta Collina, et se réunissoit à la via Nomentana, qui s’étendoit de la porta Viminalis, à Nomentium. La via Prœnestina n’alloit que jusqu’à Praeneste, la via Labicana alloit à Labicum, la via Albana jusqu’à Alba Longa, la Tusculana à Tusculum ; la via Laurentina, située entre la via Ostiensis et la via Andeatina, se prolongeait jusqu’à Laurentum, et la via Collatina jusqu’à Collatium.

Les voies qui se dirigeoient vers les provinces, passoient par l’Italie supérieure, que les Romains appeloient Gallia cisalpina. C’est par les Alpes que passoient les routes qui conduisoient dans les différentes parties de la Gaule transalpine, dans la Gaule proprement dite, et de là plus loin en Espagne et en Germanie. Les routes au contraire qui conduisoient en Illyrie, passoient au pied des Alpes, et le long des bords de la mer Adriatique. De I’Illyrie elles se prolongeoient ensuite dans la l’annonie, la Maesie, la Seythie, la Thrace, jusqu’ à Bysance et dans les autres contrées de l’Europe.

Auguste fut le premier qui mit le zèle et l’importance nécessaire, à ce qu’il y eût, au moyen de grandes routes, des communications plus suivies et plus rapides entre les proinces de l’empire, et la ville de Rome. Selon Suétone, il ordonna en même temps, que, sur ces routes, il y eût, à des distances peu considérables l’une de l’autre, des messagers, et par la suite des couriers, pour transmettre rapidement les nouvelles, afin qu’on fût promptement instruit à Rome, de ce qui se passoit dans les provinces. Ce fut surtout dans l’Espagne et dans les Gaules que surent formés ces établissemens.

Dans la construction de leurs voies, les Romains curent particulièrement soin de les dresser autant qu’il étoit possible, et d’éviter toute espèce de sinuosités. Lorsque cela étoit nécessaire, ils combloient les endroits bas, ils construisoient des ponts, ils perçoient des rochers et des montagnes. Quand la direction d’un chemin étoit déterminée, on en fixoit la largeur en traçant un sillon de chacun de ses côtés. On enlevoit ensuite le terrain meuble entre les deux sillons, jusqu’à ce qu’on sût parvenu au terrain ferme. Cette excavation étoit aussitôt remplie par des matériaux solides, jusqu’à la hauteur qu’on vouloit donner à la chaussée. Voyez CHEMIN.

Tel étoit le procédé employé pour la construction des chemins dans les plaines ; mais dans une vallée, lorsqu’un chemin devoit réunir deux collines, on l’élevoit jusqu’à leur hauteur. Si la contrée étoit marécageuse, on donnoit à la voie une très-grande élévation, pour la garantir des inondations C’est ainsi que Trajan fit continuer la voie


Appienne à travers les marais Pontins, dans une étendue de plusieurs milles.

Lorsque la voie publique étoit sur la pente d’une montagne, auprès d’une vallée profonde, on détachoit de la montagne, autant qu’il en falloit, pour donner au chemin la largeur nécessaire, et lorsque la pente étoit très-rapide, on élevoit, depuis le pied de la montagne jusqu’au niveau du chemin, un mur solide, pour soutenir la voie militaire, et pour empêcher l’écroulement.

Quelquefois on perçoit des montagnes. C’est ce que Vespasien pratiqua dans les Apennins, où il fit continner une route à travers la montagne, dans une étendue de plus de mille pieds.

Selon Bergier (d’où sont extraits la plupart de ces détails), les voies romaines avoient ordinairement soixante pieds de largeur. La surface de chaque voie étoit partagée, dans sa largeur, en trois parties. Celle du milieu étoit un peu plus élevée, elle étoit pavée et bombée, afin de faciliter l’écoulement des eaux. Elle avoit vingt pieds de largeur. Chacune des deux autres parties collatérales étoit couverte de gravier, et avoit aussi vingt pieds de largeur. Toutes les voies étoient cependant loin d’avoir cette dimension. Rien effectivement n’étoit plus variable, jusque dans une même voie. Ainsi la voie Appienne offroit d’assez notables différences. Quelques voies n’avoient dans leur partie du milieu, ou leur partie pavée, qu’une largeur de quatorze pieds espace suffisant à deux voitures de front.

Pour indiquer au voyageur les distances qu’il avoit déjà parcourues, et celles qui lui restoient encore à fournir, on plaçoit sur les routes des colonnes milliaires, dont les chiffres marquoient le nombre de milles à partir de Rome. Voyez MILLIAIRI, COLONNE.

C’est à la guerre, à ses besoins, aux transports des armées, aux convois militaires, et à la promptitude des communications, que les Romains destinèrent les grandes entreprises des routes. Et l’on ne sauroit douter que dans un temps, où les communications de ce genre n’existoient point, au même degré, chez les autres nations, Rome n’ait dû, soit par la continuité. soit par la promptitude de ses mouvement, les succès qui lui procurèrent l’empire du monde ancien. Ce qu’un a vu depuis, et ce qu’on voit encore chez d’autres peuples pour le commerce, Rome le fit pour la. guerre, et voilà pourquoi ce fut aux voies militaires qu’elle porta la plus grande dépense.

Ces voies, outre qu’elles furent les plus considérables et les plus solides, devinrent aussi, tout naturellement, en Italie surtout, un des principaux embellissemens du pays. On comprend que les commodités que ces grandes routes devoient procurer aux endroits qu’elles traversoient, durent amener sur leurs bords, et dans les environs, beaucoup de riches citoyens de Rome, qui y établirent leurs habitations. Aussi se représente-t-on, d’après les notions de écrivains, les voisinages des grands chemins, comme bordés des plus beaux édifices, de maisons de plaisance. La via Ostiensis étoit bordée des deux côtés, d’une suite presque non interrompue de semblables constructions.

De tous ces ornemens des grands chemins, que le temps u’a pas entièrement anéantis, aux environs de Rome, les plus nombreux devoient être les monumens funéraires, On pourroit le présumer par la comparaison qu’on fait aujourd’hui, des ruines de ces édifices, avec les autres ruines, si l’on ne devoit mettre le respect des tombeaux, au nombre des causes qui ont dû protéger leur durée. Toujours est-il certain que les tombeaux, dans les usages de l’antiquité, tout en rappelant des idées nécessairement sérieuses, étoient fort loin de produire dans l’ame des sentimens pénibles, et de mettre sous les yeux des images propres à attrister les sens, L’architecture d’ailleurs étoit presque seule chargée de l’érection des tombeaux, et cet art, à l’exception de certaines formes consacrées, considérant ces monumens, comme étant les habitations des morts, ne put guère faire autrement, que d’employer à leur décoration, les mêmes détails sélémentaires, et les pratiques usuelles des autres édifices. Or on voit encore aujourd’hui par les restes assez nombreux de tombeaux, qui existent sur les bords des anciennes voies, que, sous le rapport de l’art, et des points de vue qu’ils offroient au voyageur, ils durent en être un ornement très-particulier.

VOIE. Ce mot a une autre signification, dans les usages de la vie, et les pratiques du bâtiment. On l’applique à une certaine mesure d’objets usuels et de consommation, qu’on débite par voies locution formée sans doute ou abrégée, si elle n’est une transposition d’idée du mot voyage on voiture.

C’est ainsi que dans la bâtisse on appelle voie de pierre, une charretée d’un ou de plusieurs quartiers de pierre, qui doit être d’un certain nombre donné de pieds cubes. On appelle de même voie de plâtre, une quantité quelconque de sacs de plàtre, contenant chacun deux boisseaux et demi.

VOIER, s. m. C’est un nom donné fort anciennement à un officier chargé de veiller dans les villes, à la bonne confection des rues, et à ce que la voie publique soit, conformément aux régtemens de police, sûre, commode, et d’un accès facile.

Il y avoit autrefois un grand-Voier. C’étoit le titre d’une grande charge possédée par une personne de haute considération. Elle étoit réunie à celle de grand trésorier de France, M. le duc de Sully sous Louis XIII a été le dernier grand-voier. Depuis ce temps et d’après les changemens que la grande extension de Paris a apportés dans cette


partie de la police municipale, le titre de voier se donne à diverses personnes particulièrement livrées aux travaux de la construction et de l’architecture, et qui exercent les fonctions de la voierie, sous la surveillance des autorités municipales, supérieures. On les appelle commissaires voiers.

VOIERIE, s. f. On appelle ainsi une branche de l’administration municipale qui a pour objet, l’établissement, l’entretien et l’amélioration des chemins, rues, quais, places et antres voies publiques dans les villes, ainsi que la surveillance de tout ce qui peut intéresser, en ce genre, la sûreté et la salubrité.

A Paris cette branche d’administration est divisée en grande voierie et en petite voierie.

La première, qui est dans les attributions du préfet du département comprend tout ce qui. regarde le percement, l’alignement, l’élargissement ou le redressement des rues, des impasses, des quais, des places, les hauteurs des maisons, la surveillance administrative des constructions particulières qui s’exécutent dans la ville et ses faubourgs, et l’observance de tous les réglemens qui se rapportent à l’art de bâtir.

La seconde est dans les attributions du préfet de police. Elle a pour objets principaux, de surveiller les constructions qui peuvent menacer ruine, de tenir la main à la police des saillies et étalages, de tous les accessoires, comme auvens, enseignes appliqués ou attachés à l’extérieur des maisons dans les rues, places, impasses, quais, etc. Elle a une inspection spéciale sur les fosses d’aisance et leurs réparations, enfin surtout ce qui dans ces constructions intéresse la sûreté et la salubrité publique.

Le mot voierie a encore dans le langage ordinaire une autre acception, mais due à la même étymologie. Nous trouvons que le mot se disoit autrefois pour grand chemin. Dans quelques pays on appelle encore voierie une route plantée d’arbres. C’étoit donc sur les grandes routes que I ou portoit et que l’on porte encore, en plus d’un pays, les corps morts des animaux. De là cette locution jeter à la voierie.

On appelle encore de même, aujourd’hui, certains emplacemens voisins des grandes routes, hors des villes, où l’on transporte les immondices qui proviennent du nettoiement des rues et des places, ou des vidanges des fosses.

VOILE, s. m. Ce mot est la traduction littérale du mot latin velum ; mais dans l’usage du français, il ne comporte ni toutes les acceptions, ni précisément les mêmes qu’en latin.

Ainsi on appeloit vela ou velaria ces grandes tentures que nous appellerions bannes, et que l’on élevoiat au-dessus des théâtres ou des amphithéâtres, amphithéâtres, pour mettre les spectateurs à l’abri des ardeurs du soleil.

On appeloit encore vela ce que nous appelons, soit des rideaux devant les fenêtres, soit des tentures de porte, ou des portières, dans les chambres et les appartemens.

On a conservé la dénomination de voiles, à ces étoffes que l’on tenoit suspendues devant la statue des dieux, ou qui interceptoient la vue des sanctuaires.

Quant aux vela ou velaria, qui séparoient jadis, comme la chose a encore lieu aujourd’hui, la scène du reste du théâtre, on n’a point traduit ces mots par voile, mais bien par In noms. soit de toile, soit dorideau. Voyez RIDEAU.

VOLCANIQUE (PIERRE). On donne cette épithète à plusieurs espèces de matériaux, qui, dans plus d’un pays, servent à la construction des édifices, et sont des produits de volcans.

Ce n’est point à ce Dictionnaire qu’il appartient, ni d’énumérer les différentes espéces de ces produits, ni d’entrer dans les causes de leur formation. Contentous-nous de dire que parmi les matériaux propres à la construction, que fournissent les éruptions des volcans, on eu distingue de trois sortes, que les Anciens et les Modernes ont mises en œuvre.

La pierre volcanique, dure, cassante et compacte, dont on a fait jadis uu fréquent emploi, est celle que donuent tes laves, mises en fusion pur les volcans, et qui forment comme des nappes coulantes d’une largeur plus ou moins grande, et dont l’étendue en longueur, comme à l’Etna, couvre souvent plusieurs lieues de terrain. Cette lave refroidie se débile en blocs de pierre trèsconsidérables. Les Romains s’en servirent avec beaucoup d’avantage pour le pavage de leurs grandes routes, et I’’employèrent à la manière de l’opus incertum, c’est-à-dire assemblée par joints irréguliers. On l’emploie encore anjourd’hui au même usage. Les euvirons de Rome, comme chacun le sait, sont remplis de volcans éteints, dont les laves sont devenues des espèces de carrières de pierres volcaniques, et l’on en use diversement selon les genres de constructions.

Au nombre de ces pierres volcaniques, on compte celle que l’on appelle pépérino a Rome, et piperno à Naples. (voyez TUF. ) Cette sorte de pierre a plus on moins de dureté. A Rome on l’employa dans les premiers siècles presqu’exclusivement à toutes les constructions. Celle de Naples semble être généralement moins dure, cependant on en fait les dalles de pierre dont toute la ville est pavée.

Une troisième espèce de matières volcaniques, propre à la construction, est celle des pierres ponces (pumici) ou scories, que les volcans lancent dans leurs éruptions. Il s’en trouve aux environs de Rome dans les volcans éteints, et le

Vésuve ainsi que l’Etna en produisent une immense quantité. Il y a de ces scories qui, comme des sortes d’éponges, sont remplies de trous, et qui en ont, si l’on peut dire, la légèreté, en même temps qu’elles ont la dureté du fer. Ces matériaux sont extrêmement utiles pour faire des voûtes. Le mortier entrant dans tous les trous dont ils sont percés, forme une liaison qui donne à la voûte la propriété de n’avoir pas de joints, et d’être comme d’un seul morceau.

On trouve en France, dans les volcans éteints du Vivarais, de l’Auvergne, etc. , des matériaux semblables à ceux dont on vient de parler. On en exploite depuis quelques années pour faire différens ouvrages, entr’autres des dalles, qui servent de pavement, et qui ont par leur dureté une grande supériorité sur toutes les autres pierres des environs de Paris.

VOLÉE, s. f. Ce est le nom Qu’on Donne à l’action de l’Drogues illicites de front de hommes, Qui Battent terrain non, par exemple, Une allée de jardin sur sa length, et Tous à la foie. AINSI sur Qu’une dit allée was battue à deux, à trois, quatre, etc. , volées, ce est-à-dire Autant de foie Dans Toute fils Étendue.

VOLET, s. m. On appelle de ce nom un assemblage de menuiserie monté sur châssis, qui sert de fermeture à la baie d’une fenêtre.

Avant que l’usage des vitraux fût devenu commun et aussi répandu qu’il l’est aujourd’hui, chez le plus grand nombre des nations de l’Europe, dans les temps surtout, cl dans les pays où les habitudes de la vie étoient beaucoup moins casanières, les clôtures de fenêtres dans les maisons durent consister, comme les portes, en châssis de bois, ou ce qu’on appelle aujourd’hui des volets. La sûreté des intérieurs dut en commander la pratique, et il fut nécessaire aussi d’y ajouter, comme cela se fait encore dans plus d’un cas, des serrures, des verroux et autres moyens de sécurité.

Effectivement, les fenêtres au rez-de chaussée des maisons, et même aux étages inférieurs, offrent des moyens trop faciles de pénétrer dans les intérieurs des habitations ; et les vitraux dont on fait aujourd’hui leurs défenses, mais uniquement contre les intempéries des saisons, exigent également d’être défendus contre les dangers de ces intempéries mêmes, et contre les agressions du dehors.

De là l’usage général des volets placés, soit au-dehors, soit dans l’intérieur des habitations. A l’extérieur, on en pratique les deux hattans de manière à ce qu’ils puissent s’adosser aux murs des trumeaux, où on les fixe par plus d’un procédé fort simple. Dans les intérieurs, on les sait de la même hauteur et de la même largeur que les châssis en vitrage.

Les volets pour l’intérieur des appartemens se sont de deux manières, et on leur donne aussi deux noms divers, les uns s’appellent volets brisés, les autres volets de parement. Les premiers se plient sur l’écoinçon ou se doublent sur l’embrasure. Les seconds, qui sont d’assemblage, ont des moulures devant et derrière.

VOLET D’ORGUE. Est l’assemblagc de plusieurs châssis, partie droits et partie cintrés, garnis de légers panneaux de volice, ou de forte toile imprimée des deux côtes, qui servent à couvrir les tuyaux d’un buffet d’orgue.

VOLET. On donne encore ce nom à un lieu qui n’a qu’un petit jour fermé d’un petit ais ou d’une jalousie, et dont on fait un pigeonnier.

VOLICE, s. f. Est la latte Dont sur soi SERT versez les couvertures en ardoise. Elle a la same length et La Même Épaisseur Que la latte Qu’on Emploie Dans les couvertures en tuiles, Mais Elle Est DEUX FOIS en plus grande. Voyez Volige.

VOLIÈRE, s. f. Grande cage ou local quelconque, clos et grillé, où l’on entretient des oiseaux, le plus souvent pour l’agrément, et quelquefois aussi, comme le firent particulièrement les anciens Romains, pour les besoins ou le luxe de la table.

Nous allons rapporter ce que Varron nous apprend à ce sujet dans le 3c. livre de son ouvrage intitulé de Re rustica.

« Nos ancêtres, dit-il, ne connoissoient d’autre volaille que des poulets et des pigeons, et ils n’avoient point de volières. Les poules et les poulets se promenoient dans la basse-cour, où on les engraissoit. Quant aux pigeons, on les enfermoit dans les greniers ou les étages les plus élevés de la villa. Aujourd’hui on se sert des volières, auxquelles on donne le nom grec ornithon, et qui souvent sont plus grandes et plus spacieuses que des maisons de campagne. C’est là qu’on élève et qu’on nourrit des grives et d’autres oiseaux. »

Dans le chapitre suivant, le même Varron nous apprend qu’il y avoit deux sortes de volières ; l’une contenoit les oiseaux destinés à la table, il l’appelle la volière utile ; l’autre étoit la volière d’agrément : elle ne contenoit que des oiseaux chanteurs. La première sorte de ces volières étoit distribuée de la manière suivante : on lui donnoit la forme d’un carré long, et assez d’étendue pour qu’elle pût renfermer plusieurs milliers de grives, de cailles, de merles, d’ortolans, etc. , qu’on y engraissoit. On donnoit peu d’élévation à la porte, qu on pratiquoit de manière à être facilement ouverte et fermée, en la poussant latéralement. On n’y disposoit qu’un petit nombre de petites


fenêtres, pour ôter aux oiseaux captifs la vue de la plaine ou des oiseaux libres du dehors ; ce qui, en leur inspirant le desir de jouir de leur liberté, auroit pu les empêcher de s’engraisser. On se contentoit de donner à cet endroit assez de clarté pour laisser apercevoir aux oiseaux leur nourriture. Les murs étoient revêtus d’un enduit trèslisse, pour fermer tout accès, dans l’intérieur, aux souris et autres animaux nuisibles. Tout à l’entour des murs on fixoit des pieux ou bâtons eu saillie on dévoient percher les oiseaux. D’autres perches s’appliquoient aux murs en manière d’arcsboutans, qui en recevoient d’autres transversales de distance en distance, ce qui produisoit une sorte d’amphithéâtre. A côté de cette volière, il y en avoit une autre plus petite, dont les fenêtres et la porte étoient plus grandes, et qui communiquoit avec la première, on l’appeloit seclusorium. En face, il s’en trouvoit une autre encore plus petite, dans laquelle le gardien renfermoit les oiseaux morts, afin de pouvoir rendre compte au maître du nombre complet des oiseaux soumis à, sa garde.

Les volières d’agrément étoient de jolis pavillons, au milieu desquels il y avoit ordinairement une enceinte en filets, qui renfermoit les différentes espèces d’oiseaux chanteurs, Laenius Strabo passoit pour avoir été l’inventeur de ces volières, et surtout du pavillon dont on vient de parler, qu’il construisit dans une de ses campagnes prés de Brundusium. Lucullus suivit son exemple, et fit établir dans son tusculanum une pareille volière mais avec plus de grandeur et d’étendue. Enfin, Varron avoit encore enchéri sur l’un et sur l’autre. Près de la ville de Casinum, il avoit fait construire, dans sa campagne, la belle et grande voliére dont il nous a laissé la description.

Plus d’un critique, et plusieurs dessinateurs se sont exercés à reproduire l’ornithon de Varron. M. Stieglitz est un des derniers commentateurs qui te sont occupés de cet objet. On en trouve les détails dans le 3e. volume de son Archéologie de l’architecture des Grecs et des Romains, et il y a joint une gravure. Quant aux restitutions par le dessin, nous croyons que la plus ancienne doit être celle qu’on trouve dans le recueil de Giacomo Lauro, publié en 1612, et augmenté depuis dans une nouvelle édition. Le premier parut sous le titre de antiquœ Urbis splendor, etc. A la planche 126 est gravé l’ornithon de Varron, d’aPrès un dessin de Pirro Ligorio, comme l’annonce explication qu’on lit au bas.

On sait que cet habile architecte s’occupa beaucoup de ce qu’on peut appe er l’archéologie de l’architecture, et on lui doit la justice qu’il s’étoit réellement rendu propre le goût des Anciens dans les masses des édifices et dans les détails de leurs ordonnances. C’est à ce goût qu’il dut cet air de famille, si l’on peut dire, qui règne entre ses compositions et les restes d’antiquités qu’il se plut à faire revivre. Cependant on doit dire qu’à cette époque l’esprit de critique n’avoit point encore pénetré dans les études des archéologues, de quelque genre qu’ils fussent. Le cercle même de l’antiquité étoint restreint à Rome. Les architectes, dans les copies qu’ils saisoient des monumens, étoient loin de s’asitreindre à l’exactitude de mesures qu’on y a portée depuis. A plus sorte raison, mettoit-on beaucoup de liberté dans les restitntions d’édifices qu’on hasardoit quelquefois, d’après les descriptions des écrivains.

C’est ce qu’on peut remarquer dans celle que Pirro Ligorio a faite du célèbre ornithon que Varron avoit construit, et qu’il s’est attaché à décrire avec le plus grand détail. C’étoit véritablement un ouvrage d’architecture. La description ossre des mesures de longueur, de largeur, qui peuvent servir à en établir le plan avec des dimensions certaines. Le plan, restitué sur la description bien entendue, présenteroit un ensemble fort varié, de bâtimens ornés de colonnes, entremêlés de quelques plantations et de diverses sortes d’ordonnances. Le dessin de Pirro Ligorio fait bien reconnoître quelques-uns des élémens de cet ensemble, mais il est rédigé d’idée, et arbitrairement composé sans échelle et sans plan.

Nous avons cru toutesois devoir profiter de cet article, bien que l’objet désigné par son titre n’entre plus aujourd’hui dans l’ordre des grands ouvrages auxquels l’architecte est nécessaire, pour faire connître une des plus curieuses entreprises, à la sois de luxe et d’économie rurale des Romains, et exciter quelque article ou écrivain, versé dans l’archéologie de l’architecture, à traduire plus fidèlement en dessin la description de Varron.

VOLIGE, s. f. Nous avons trouvé le mot volice dans quelques lexiques, c’est pourquoi nous l’avons inséré dans notre nomenclature. (Voyez plus haut. ) Aujourd’hui on n’emploie ce mot qu’avec l’orthographe que le présent article lui donne, et le plus souvent au pluriel.

On donne ce nom à de petites planches ordinairement de bois blanc on de sapin, servant particulièrement pour des encaissemens et pour tous les travaux qui concernent le métier de layetier.

On a vu à la vie de Philibert Delorme (voyez DELORME), qu’il employa de véritables voliges dans le système de charpente dont il fut l’inventeur On ne sauroit donner un autre nom aux planches minces et légères qu’il imagina d’assembler, et que d’après I’exemple et la théorie qu’il en a donnés, on continue encore d’employer pour former des assemblages de couvertures, qui réunissent dans ce procédé l’économie à la légèreté. (Voyez en la description à l’article cité.)


VOLTERRA. Ville antique de l’Etrurie, qu’on appela jadis Volaterra,

Volterra, une des villes étrusques où il s’est conservé le plus de monumens, et où l’on a découvert le plus d’ouvrages de l’art des anciens Toscans, fut bâtie sur le sommet sinueux d’une haute montagne escarpée, entre le fleuve Cecina et l’Eva, et qui commande tout le pays des environs jusqu’à la mer de Toscane. Elle avoit à peu près quatre milles de circonférence, comme le démontrent les restes de ses antiques murailles, et le plan qu’en a donné M. Micali, dans son ouvrage intitulé l’Italia avanti il dominio dé Romani.

C’est sur cette carie que nous allons donner l’énumération abrégée de tous les monumens, dont il reste encore des vestiges plus ou moins considérables.

On peut suivre sur ce plan l’entière circonvallation des murs antiques, en grande partie ruinés, mais dont les débris permettent de suivre lour trace. Ils se composoient de blocs en pierre de taille, régulièrement appareillés à joints rectangles. Deux portes de la ville antique subsistent encore. Celle qu’on appelle aujourd’hui porta dell’Arco est réellement formée d’une grande et belle arcade, ayant en profondeur toute l’épaisseur des murs. Sa construction, toute en fort gros blocs de pierre taillés et appareillés en ligne droite, osfre deux cintres voûtés en claveaux, qui donnent, l’un du côté de la ville, l’autre du côté de la campagne, et qui retombent sur des piédroits ayant un couronnement profilé, à la manière des antes dans les temples d’ordre dorique grec. L’ouverture cintrée de l’arc du côté de la campagne, est accompagnée de trois têtes sculptées en saillie, approchant de la ronde bosse. Deux de ces têtes surmontent les deux piédroits ; la troisième sert d’agraffe au voussoir qui fait la clef de la voûte. Ces têtes sont tout-à-fait frustes ; mais, par un hasard tout particulier, on les retrouve beaucoup mieux conservées sur un bas relief découvert à Volterra, où le sculpteur avoit représenté une action du siège de la ville, et sans aucun doute un assaut donné à l’une de ses portes. On y voit un guerrier précipité, avec l’échelle qui devoit servir à l’escalade. Or, la porte d’où il tombe, est précisément celle des trois têtes dont on a parlé. Ces têtes, quoique bien conservées, n’ont aucun symbole qui puisse les expliquer. Elles étoient sans doute celles de quelques divinités adorées à Volterra. De quel temps date cette architecture ? c’est ce que rien ne nous apprend. Aussi est-il difficile d’établir là-dessus quelques conjectures probables, relativement à l’art de l’antique Etrurie.

M. Micali, dans le plan qu’il a tracé de l’ancienne et de la moderne Volterra, nous fait connoître, entre on fort grand nombre de vestiges d’antiquités, des restes de thermes, ainsi que l’aqueduc qui y conduisoit les eaux, une fontaine d’eau minérale et d’anciens conduits qui y aboutissoient ; des constructions d’un amphithéâtre avec ses dépendances, différentes sortes d’hypogées et de sépultures publiques appelées aujourd’hui sepulcreti une superbe piscine, l’embouchure d’un égout, et beaucoup d’autres fragmens d’édifices ruinés, témoins de l’antique magnificence de cette ville.

VOLTERRA (FRANCESCO DI), fut un des architectes de la sin du seizième siècle, qui marchèrent à la suite, mais en restant assez loin, de tous ceux qui sirent la gloire de ce grand siècle. Son style n’a point de caractère, il tient le milieu entre la grandeur, la pureté, la correction, la simplicité, la noblesse de ses prédécesseurs, et les désauts contraires, qui envahirent, par degrés, le domaine de l’architecture, jusqu’à l’excès où Boromini devoit trouver leur terme.

On ne sait pas à l’école de quel maître s’étoit sormé François de volterre. L’architecture toutefois ne fut pas son premier art ; il s’etoit d’abord exercé dans la sculpture en bois, genre qui ne pouvoit le conduire, ni à la fortune, ni à la célébrité, II en quitta bientôt l’exercice, pour celui de l’architecture. Peut-être s’y livra-t-il assez tard, ou mourut-il trop tôt, pour avoir pu, ou élever beaucoup d’édifices, ou porter à sin ceux qu’il avoit commencés. Le peu qu’on en cite, sous son nom, ne furent point, pour la plupart, achevés par lui. Du moins cela paroît certain des deux plus connus.

Le premier fut L’église de Saint-Jacques-des-In- curables à Rome Quelques sujétions d’alignement de terrain, paroissent avoir gêné l’architecte dans sa disposition et dans l’accord en plan de son intérieur d’église et de son portail, qui, comme le plan le démontre, se trouve établi sur une ligne biaise. Cet inconvénient, il est vrai, n’est pas sensible dans l’élévation.

Le plan de l’église est un ovale, dont le grand diamètre passe par la porte d’entrée et par l’autel. II résulte de là, que l’entrée dans cet intérieur elliptique, a lieu, per le petit côté du cercle ovale, ce qui paroît moins naturel. Chacune des extrémités de ce petit côté, c’est-à-dire celle de la porte, et celle de l’autel, offre une grande arcade, et l’autel principal est dans un petit prolongement en demi-cercle. Le point, milieu du petit diamètre de l’ovale, est occupé par deux arcades semblables, mais un peu moins larges, et entre chacune des quatre dont on vient de parler, est pratiquée une arcade inférieure, et en hauteur, et en largeur : de sorte qu’en exceptant la grande arcade d’entrée delà porte, tout cet intérieur se compose de sept chapelles en rensoncement, sous les sept autres arcades. On ne sauroit nier que ce plan n’ait été adroitement combiné pour l’espace dont l’architecte pouvoit disposer.

La décoration de cet intérieur est assez sage, et si elle n’offre que peu de licences, elle n’offre


aussi aucune de ces beautés qui tiennent à la simplicité des masses, à la pureté du caractère, à la sévérité du style. Les pilastres sont d’ordre corinthien composé, et par un contraste dont on ne sauroit entendre la raison, l’entablement est des moins ornés. Cette rotonde est couverte par une coupole, dont la voûte se trouve peu agréablement découpée, par des lunettes qui se terminent en ares aigus, dans lesquels sont inscrites en forme circulaire par le haut, d’assez longues fenêtres, Rien de moins heureux quo tout cet ajustement, qu’on ne sauroit à ce qu’il paroît imputer à François de Volterre, puisque l’édifice fut terminé par Charles Moderne qui passe pour avoir aussi achevé la façade ou le portail. On ne peut gère en dire autre chose, sinon que dans ce genre insignifiant de frontispices en placage, et à plusieurs ordres, on en citeroit peu qui eussent moins de défauts.

Nous trouvons qu’un autre grand édifice de François de Volterre, eut ta même destinée, c’est-à-dire, de n’avoir pu être terminé par lui et de l’avoir été par Charles Moderne. On veut parler du palais Lancellotti à Rome, un des plus grands de cette ville. Sa masse extrêmement régulière, si on en excepte la porte d’entrée de sa principale façade, qui n’en occupe pas le point milieu, se compose d’un étage à rez-de-chaussée, sous lequel on a pratiqué les ouvertures d’un étage souterrain, ensuite d’un premier étage, audessus duquel s’élève un petit étage attique, ou en mezzanino. Ces étages sont séparés par de simples bandeaux sans ornemens. Les chambranles des fenêtres sont d’un style fort simple, et l’entablement ne l’est pus moins. La porte d’entrée osfre quelques caprices de décoration, qui se ressentent du goût du dix-septième siècle. Elle a aussi l’inconvénient de ne pas occuper le milieu de la façade.

On attribue à François de Volterre la construction de la nef de l’église della Scala, où l’on trouve a louer un parti grandiose ; le dessin de la façade de l’église de Monte-Serrato, doat il n’exécuta que le premier ordre, qui est corinthien, avec des ressauts inutiles et de petites niches sans proportion, au jugement de Milizia ; et l’église de Santa Chiara qui, selon ce critique, est dans le même goût.

VOLUTE, s. f., en latin volutà.

Le mot latin formé du verbe volvere, désigne et définit la volute, comme étant nn enroulement, une spirale, ou toute configuration qui décrit plusieurs circuits. La nature a sans doute fourni aux divers travaux des arts, d’assez nombreux modèles de cette configuration, dans une trés-grande quantité de plantes dont Les tiges produisent de ces petites ramifications qui se développent on forme de spirales. L’esprit de l’ornement, a toujours été de chercher dans les productions naturelles, des applications aux détails des disférentes parties d’ouvrages, qu’aucune règle ne sauroit assujettir à des types nécessaires. Les objets naturels dont nous parlons, semblent être eux-mêmes des caprices de la nature, et ce qu’on appelle en architecture, de l’ornement est aussi, ce qui en est la partie qu’on peut appeler capricieuse.

Le système d’enroulement et de volute, a trouvé le moyen de se naturaliser, dans un assez grand nombre d’objets, devenus comme parties constituantes de l’architecture. Telles sont les modilons et les consoles, qui, comme on le sait, se composent de deux volutes, ou enroulemens inégaux, qu’on met diversement en œuvre, selon que l’enroulement le plus fort est eu haut, ou en bas. Il est une multitude d’autres emplois des volutes soit comme supports, soit comme anses des vases des trépieds des autels, etc.

Mais l’emploi de la volute le plus important, est celui qu’on lui a donné dans les chapiteaux des ordres corinthien et ionique. C’est surtout à l’égard de ce dernier, que la volute joue le principal rôle, puisque son chapiteau consiste essentiellement dans ses volutes, dans leur ajustement, leur circonvolution, leurs détails accessoires. Certainement on n’ira point croire avec Vitruve que les volutes du chapiteau ionique, représentent la coisfure des femmes, et les boucles de leurs cheveux. Ce n’est pas là le seul cas où nous ayons eu à combattre cet architecte, dans l’abus qu’il a fait de quelques idées métaphoriques, et de quelques allusions que le génie grec a pu saire des procédés de la nature aux pratiques de l’architecture, Ainsi a-t-on cru trouver dans les proportions disférentes des corps de l’homme et de la femme, une sorte d’analogie avec les ordres des colonnes, selon que l’un aura le caractère de la force, et l’autre celui de l’élégante. Mais ce n’est là qu’un rapprochement d’idée, et non de réalité. Il en est de même de l’application des mots capita, chapiteaux, aux couronnemens des colonnes, couronnement qui forment dans le fait leurs têtes. Mais nul rapprochement d’imitation à tirer de là ; encore moins d’une tête de femme, avec la décoration du chapiteau ionique. Non qu’on veuille nier, qu’à prendre cette transposition d’idée, dans sa plus grande généralité, le goût ait pu inspirer aux Grecs, de donner à l’ordre qui tient le milieu entre la force et la richesse, le caractère d’élégance dont la tête de la semme parée de sa chevelure fait naître le motif.

Du reste rien de commun entre celle cossure, et les détails décoratifs du chapiteau ionique. D’où les Grecs auront-ils donc tiré les élémens de sa composition et de son ajustement ? Rien je pense ne seroit plus vain que cette recherche. Dès qu’on n’y voit aucun emprunt fait aux productions naturelles, ni aucune analogie entre des


balustres ou des volutes elles parties constitutives de la charpente, il ne reste à chercher son origine que dans le goût de l’ornement, et cette sorte d’instinct, qui n’a d’autre principe et d’autre but t que le plaisir des yeux.

Dans la vérité et lorsqu’on pénètre jusqu’au fond des choses, on en doit dire autant du chapiteau corinthien. Quoique ce chapiteau soit composé tantôt de fenilles d’acanthe, tantôt de seuilles de laurier, imisées sans doute d’après des productions naturelles, qui pourroit dire que ce ne soit pas une invention purement décorative et appartenant au génie de l’ornement ? Car nous ne supposerons pas avec quelques rêveurs en ces matières que cela soit imité des branches d’arbres. Il n’y a personne qui ne sache aujourd’hui que le type des chapiteaux à seuillages est d’invention égyptienne ; et les Egyptiens, qui ne crurent jamais que leurs colonnes aient eu des arbres pour modèles, crurent encore moins que les feuilles de lotos dont ils ornèrent leurs chapiteaux auroient été la conséquence d’une imitation à laquelle rien n’auroit pu les porter. Les Egyptiens et les Grecs après eux ne crurent faire rien autre chose que de l’ornement.

Le chapiteau corinthien n’est donc comme le chapiteau ionique, qu’une pure et simple composition décorative pour le plaisir des yeux. Et ce qui le prouveroit encore si cela avoit besoin de preuves, c’est qu’aux caulicoles de leurs acanthes et à la disposition de leurs feuilles, ils ajoutèrent d’assez nombreuses volutes.

Effectivement les volutes du chapiteau corinthien, qui sont au-dessus des caulicoles, sont au nombre de seize, huit angulaires, et huit autres plus petites, appelées hélices. Quelle qu’ait pu être l’origine du chapiteau en forme de vase, selon les uns, ou de pannier selon d’autres, entouré de feuillages d’acanthe, d’olivier ou de laurier, il est évident, que les volutes qui sont partie de tout cet ajustement, n’y ont pu être introduites par aucun autre principe, que par celui du goût et n’ont été limitation d'aucune chose naturelle.

Il en fut de même du chapiteau ionique dont les volutes forment et le caractère et le principal ornement. Aussi les architectes se sont-ils souvent exercés sur la meilleure forme à lui donner, et sur la méthode d’en traçer les contours. Nous allons rapporter ici celle que Perrault adopte dans son Traité de l’ordonnance des cinq espèces de colonnes.

« Pour tracer le contour de la volute, il faut commencer par l’astragale du haut de la colonne, qui doit avoir deux douzièmes d’épaisseur, et s’étendre à droite et à gauche, autant que le diamètre du bas de la colonne. Cet astragale étant marqué sur la sace où l’on veut tracer la volute, il faut tirer une ligne à niveau, par le milieu de l’astragale, et la faire passer par delà le bout de cet astragale, puis faire descendre à plomb du haut du tailloir sur cette ligne, une autre ligne qui passe par le centre du cercle, dont la moitié décrit l’extrémité de l’astragale. Ce cercle, qui a deux douzièmes de diamètre, est appelé l’œil de la volute par Vitruve. C’est dans ce cercle que doivent être placés les douze points, qui servent de centre aux quatre quartiers de chacune des trois révolutions, dont la volute est composée. Pour avoir ces douze points, on trace dans l’œil un carré dont les diagonales sont l’une dans la ligne horizontale, et l’autre dans la ligne à plomb, et s’entrecoupent au centre de l’œil. Du milieu des côtés de ce carré, on tire deux lignes, qui séparent le carré en quatre, et chaque ligne étant partagée en six parties égales. elles donnent les douze points dont il s’agit. Pour tracer la volute, on met le pied immobile du compas, sur le premier point, qui est dans le milieu du côté intérieur et supérieur du carré, et l’autre pied du compas à l’endroit où la ligne à plomb, coupe la ligne du bas du tailloir, et l’on trace un quart de cercle en dehors, et en bas, jusqu’à la ligue du niveau. De cet endroit avant placé le pied immobile au second point, qui est dans le milieu du côté supérieur et extérieur du carré de l’œil, on trace le second quart du cercle tournant en dessous jusqu’à la ligne à plomb, et de là ayant placé le pied immobile au troisième point qui est dans le milieu du côté inférieur et extérieur du carré de l’œil, ou trace le troisème quart de cercle, tournant en haut et en dedans, jusqu’à la ligne du niveau. De là ayant placé le pied immobile au quatrième point, qui est dans le milieu du côté inférieur et extérieur du carré de l’œil, on trace le quatrième quart de cercle tournant en en haut et en dehors jusqu’à la ligne à plomb. De là ayant placé le pied immobile au cinquième point, qui est au-des-sous du premier en allant vers le centre, on trace le cinquième quart de cercle, et tout de même le sixième du sixième point qui est au-dessous du second et le septième du septième point qui est au-dessous du troisième ; et ainsi allant de point en point par le même ordre on trace les douze quartiers, qui font la circonvolution spirale de la volute. »

L’emploi des volutes dans le chapiteau ionique est devenu, pour l’ordre de ce nom, d’un usage tellement ancien et tellement habituel, leur forme et leur ajustement ingénieux et varié, se sont trouvés si bien d’accord avec le caractère moyen entre la simplicité du dorique, et la richesse du corinthien, qu’on n’a jamais cherché à donner à cet ordre d’autre couronnement. Cependant il ne faudroit pas croire, qu’il y eût pour tracer les contours de ses volutes, aucune règle invariable. Non-seulement les procédés, sur ce point peuvent


être divers, mais nous voyons plus d’une variété importante chez les Anciens, soit dans la position des volutes, soit dans leurs contours et les révolutions auxquelles on les soumet : les modernes n’ont pas laissé de même d’y introduire de nouvelles diversités. De là les dissérens noms qu’on donne aux volutes

Ainsi on dit :

VOLUTE A L’ENVERS. C’est une volute qui, au sortir de la tigette, se contourne en dedans Il y a des exemples de cette disposition peu agréable, dans quelques édifices du dix-septième siècle à Rome, tels que la Sapience et Saint-Jean-de-Latran.

VOLUTE ANGULAIRE. Volute qui est pareille dans les quatre faces du chapiteau. Telle est celle qu’on voit à la colonne ionique du temple de la Concorde à Rome.

VOLUTE ARRASEE. On appelle ainsi une volute dont le listel, dans ses trois contours, est sur une même ligne, comme sont les volutes de l’ionique antique, ou comme est celle de Vignole.

VOLUTE A TIGE DROITE. Volute dont la tige parallèle au tailloir, sort de derrière la fleur de l’abaque, comme a certains chapiteaux composites de la grande salle des thermes de Dioclétien.

VOLUTE DE CONSOLE. On donne ce nom aux deux enroulemens dont se composent généralement les consoles de décoration. De ces deux volutes, l’une est plus forte que l’autre, et selon les emplois qu’on fait de la console, tantôt c’est la supérieure qui est la plus forte, tantôt c’est l’insérieure.

VOLUTE DE MODILLON Cette volute, destinée à soutenir la corniche, ou du moins à paroître lui servir de support, est du même genre que la précédente, et son gros enroulement est toujours à la partie supérieure.

VOLUTE DE PARTERRE. Toute volute (comme son nom l’indique) étant un enroulement, on appelle dans la langue du jardinage, une volute, toute figure en enroulement dans la forme d’un S, qu’on trace, soit avec du buis, soit avec du gazon.

VOLUTE ÉVIDÉE. On appelle ainsi la volute qui a le canal d’une circonvolution, détaché du listel d’une autre circonvolution, par un espace vide à jour. De toutes les manières de pratiquer les volutes, celle-ci est celle qui a le plus de légèreté.

VOLUTE FLEURONNÉE Volute dont le canal est enrichi d’un rinceau d’ornement. On en trouve de semblables aux chapiteaux composites des arcs antiques à Rome.

VOLUTE NAISSANTE Volute qui semble, dans le chapiteau corinthien, sortir du vase par derrière l’ove et qui monte dans l’abaque. On la voit ainsi pratiquée aux plus beaux chapiteaux du genre de ceux qu’on nomme composites.

VOLUTE OVALE. Ainsi appelle-t-on une volute qui a ses circonvolutions plus hautes que larges. On les voit pratiquées de cette sorte, dans certains édifices modernes, à des chapiteaux d’angle ioniques ou composites. Elles sont ainsi aux chapiteaux du temple de la Fortune virile à Rome, et au théâtre de Marcellus.

VOLUTE RENTRANTE. On nomme ainsi celle dont les circonvolutions rentrent en dedans. De ce genre sont les volutes des colonnes ioniques exécutées sur les dessins de Michel-Ange, au Capitole, à Rome.

VOLUTE SAILLANTE. On exprime par cette dénomination la forme d’une volute dont les enroulemens se jettent en dehors. De semblables volutes sont exécutées au portail de Saint-Gervais, à Paris.

VOMITORIA. On appeloit ainsi, dans les amphithéâtres, des portes ou plutôt des ouvertures pratiquées en plus ou moins grand nombre, selon celui des prœcinctiones ou palliers, qui circuloient tout à l’entour et aboutissoient aux cunei, c’est-à-dire aux sections formant des escaliers pour monter ou descendre d’une rangée de gradins à une autre.

Les vomitoires aboutissoient à des escaliers construits sous l’amphithéâtre, et c’est-par là que les spectateurs arrivoient aux palliers et aux sections, d’où ils se distribuoient à volonté sur tous les gradins. Ainsi, personne n’arrivoit à l’amphithéàtre par dedans, c’étoit pur toutes ces issues ainsi pratiquées en étages sous les gradins mêmes, que la multitude pénétroit, et c’étoit par elles que la foule s’évacuoit.

Les vomitoires étoient des espèces de bouches qui sembloient engloutir ou vomir la foule, et de là le nom qu’on leur donna. Macrobe le dit textuellement, sat. 6. 4 Undè et nunc vomitaria in spectaculis dicimus, indè homines glomeratim ingredientes, in sedilia se fundunt.

VOTIF, adj. m. Se dit de tout objet donné ou sait en vertu d’un vœu, c’est-à-dire d’une promesse à la Divinité, de lui témoigner une reconnoissance publique pour un bienfait obtenu.

On ne sauroit nombrer tous les objets d’art, auxquels on donna le nom de votif, et qu’on appela par suite du principe qui les produisit,


des ex voto. Ce sentiment religieux s’étendit aux plus petits comme aux plus grands ouvrages. Nous ne citerons pas dans l’antiquité les monumens de tout genre qui lui durent leur exécution, et parmi lesquels il faudroit comprendre un grand nombre de temples. La puissance de ce principe religieux n’a guère été moindre dans le christianisme et jusqu’à nos temps modernes. Ainsi un des principaux édifices de Paris, le grand édifice et la belle coupole du Val-de-Grace, furent le résultat d’un vœu fait par Anne d’Autriche, si elle obtenoit du ciel la naissance d’un fils ; et ce fils fut Louis XIV.

Il est donc vrai que nous possédons encore un grand nombre d’édifices et de temples votifs, et qu’ainsi l’épithète de votif peut se donner à beaucoup d’autres objets, que ceux auxquels on asfecte la dénomination synonyme d’ex voto.

Nous dirons cependant, pour borner aux usages de l’antiquité grecque ou romaine, les notions que comporte le plus souvent le mot votif, qu on le donna par excellence à un certain nombre d’objets ou de sujets usuels.

Rien, par exemple, ne fut plus commun chez les peuples anciens, que ce qu’on appela des tableaux votifs, que l’on plaçoit dans les temples du dieu auquel on s’étoit adressé dans le péril, et au secours duquel ou croyoit avoir dû son salut. Les temples osfroient aussi comme ornemens des boucliers votifs. C’étoient quelquefois les boucliers mêmes enlevés aux vaincus. De semblables boucliers ornoient l’entablement du temple de Jupiter à Olympie. Il se faisoit aussi du ces boucliers à l’instar des boucliers usuels, mais d’une matière plus riche et décorés de tout le luxe de la sculpture sur métaux. C’est ainsi qu’on explique certains de ces ouvrages qui ont échappé à la destruction, et qui n’ayant jamais pu être d’aucun usage pour la guerre, ne peuvent être interprétés que de cette manière.

VOUSSOIR, s. m. On appelle ainsi les pierres qui forment la courbure d’une voûte ou le ceintre d’une arcade. Chaqie voussoir a six côtés quand il est taillé. Le côté qui est creux et qui doit servir à former le cintre de la voûte se nomme douelle intérieure du voussoir, et quelquefois intrados. Le côté qui lui est opposé et qui fait le dessus de la voûte est appelé douelle extérieure ou extrados. Les côtés qui sont cachés dans le corps du mur, se nomment lits de la pièrre, et on donne le nom de tête de la pierre aux autres faces qui sont les bouts des voussoirs.

Il y a des voussoirs qui sont à tête égale, c’est-à-dire de même hauteur, et d’autres à tète inégale, comme les carreaux et les boutisses pour faire liaison. On trace les uns et les autres par panneaux et équarrissement.

On construit de voussoirs les dessus des portes et des fenêtres qui ont du creux, et qui sont courbés, et ont les fait de claveaux quand ils sont droits et en plafond.

Les voussoirs tous semblables servent à former les voûtes extradossées.

VOUSSOIR A BRANCHES. Voussoir qui tant fourchu, sait liaison avec le pendentif d’une voûte d’arête.

VOUSSOIR A CROSSETTES. Voussoir qui retourne par en haut pour faire liaison avec une assise de niveau.

Voussure, s. f. Ce est le nom Qu’on Donne à Toute portion de voûte Moindre Que Le demicercle. Tels Sont par exemple les arcs Qui soutiennent les rampes de certains escaliers.

Lorsqu’une voussure is Entre Deux arcs de differentes formes, sur l’Appelle arrière-voussure. Voyez les ONM Qu’on Lui Donne SELON SES formes, au motARRIÈRE-voussure.

VOUTE, s. f. Ce mot vient de l’italien volta, formé lui-même du verbe voltare, qui en italien est te même que le latin volutare, et exprime de même l’idée de tourner, contourner. Ainsi volta signifie dans sa notion élémentaire, un objet circulaire, sait an tour, fait en rond. Et telle est, sous le rapport purement matériel de la forme extérieure, et apparente, la définition de la voûte.

Sous le rapport de son emploi dans les édifices, la voûte peut se définir, une couverture tenant lieu de plancher ou de plafond, et composée le plus souvent de parties, qui, dans leur position suspendue, se soutiennent les unes les autres.

Nous avons simplifié et généralisé le plus possible cette définition. Presque toutes celles qui jusqu’à présent en ont été données, tendent à faire considérer exclusivement la voûte, comme un ouvrage de maçonnerie composé de voussoirs on de claveaux, soit en arc, soit en plates-bandes. Cependant des voûtes peuvent être saites avec d’autres matériaux. On peut en saire par assemblages de bois, par armatures métalliques. Il y a aussi des exemples de ce qu’on pourroit appeler des voûtes monolithes, c’est-à-dire consistant en une seule grande pierre creusée, et façonnée en sorme de calotte.

Cependant L’art proprement dit de la construction ne reconnoît habituellement comme voûte, c’est-à-dire comme ouvrage soumis à la science du trait, de la stéréotomie, et aux principes de la géométrie, que celle qui est formée par un assemblage, soit de pierres taillées, ou autres matériaux de même genre, lesquels n’ont d’autre lien, que leur coupe, et la courbe qui en assujettit la position, ou qui, réunis dans une même courbure, et an moyen d’une liaison de mortier,


parviennent à devenir un tout compact, et ne faissant en quelque sorte, qu’un seul corps.

Quant aux ouvrages en cintre, formés soit par d’autres matériaux, soit avec d’autres procédés d’assemblage, nous verrons qu’ils ont pu et peuvent exister, avant et indépendamment de l’art tel qu’on vient de le définir. Ils ont pu servir même de prototypes aux voûtes en pierre, et ils peuvent, bien que bornés à un petit nombre d’élémens, imiter encore aujourd’hui leurs données principales, et les remplacer dans un petit nombre de circonstances.

L’objet de cet article pouvant être la matière d’un très-grand ouvrage, tant il osfre de notions diverses, nous avons essayé d’en resserrer l’étendue en deux parties, l’une de théorie historique, l’autre de théorie pratique.

PREMIÈRE PARTIE.

NOTIONS HISTORIQUES SUR L’EMPLOI DE L’ART DES VOUTES.

On a beaucoup disserté sur l’origine de l’art des voûtes, sur les pays et les temps auxquels on en doit l’invention, sur les peuples qui l’ont mis en œuvre, et sur ceux qui l’ont ignoré.

Il manque, et il manquera toujours à la certitude des recherches sur cet objet, une base certaine soit dans les notions de l’histoire, soit dans les faits positifs, c’est-à-dire les monumens mêmes des peuples de l’antiquité. Les notions historiques sont peut-être, surtout pour un semblable point de critique, à peu près aussi incomplètes, que celles des monumens. Le défaut ordinaire des hommes qui s’adonnent à ces recherches, est de conclure, de l’absence de citations, ou de la privation d’exemples, l’ignorance de la chose en question. Il faut donc être fort réservé sur les jugemens qu’on porte en ces matières.

Sans doute plus d’un critique se sera beaucoup trop avancé, dons l’interprétation des grands ouvrages et des fameux jardins de Sémiramis, en se servant des mots arcades et voûtes, pour exprimer les constructions qui réunissoient les murs servant de supports aux terrasses. Il est très-constant, d’après les textes des écrivains anciens, que ces murs qui n’avoient d’autre distance entr’eux, que celle de dix pieds, étoient facilement et très-solidement réunis par de grandes pierres qui, avec leur portée sur les murs, avoient seize pieds de long et quatre de large. Or telle est la notion qu’en donne Diodore de Sicile ; et le mot Syringges, dont il se sert, ne peut indiquer autre chose, que des conduits étroits, des galeries souterraines creusées dans la masse. Quinte-Curce à la vérité, en parlant de ces jardins, les donne comme élevés sur des piliers (pilœ) ; mais sur ces piliers, il décrit uniquement des plates-formes, faites avec de grandes pierres carrées, qui servoient de support à la terre. Ainsi et les murs selon Diodore, et les piliers selon Strabon et Quinte-Curce, au lieu de porter des voûtes ne supportoient que des plates -bandes en pierres.

De là on a conclu que chez les Chaldéens, au temps de Sémiramis, on ne connoissoit pas l’art de faire des voûtes. Conclusion, comme l’on voit, beaucoup trop absolue, puisqu’elle ne repose que sur un exemple négatif.

Nous en dirons autant de la Perse, d’après les restes des monumens de Tchelminar ou Persépolis. Quel qu’ait été l’emploi de ces grandes galeries, dont un assez bon nombre de piliers ou de colonnes sont encore debout, on ne sauroit supposer que des couvertures en voûte y aient pu être imposées. Ces singulières colonnes ne paroissent point avoir eu d’autre objet que de soutenir des poutres, qui, en se croisant, formoient les compartimens des plafonds, servant de couverture à des espèces de péristyles élevés, pour qu’on eût l’avantage de communiquer à couvert d’un édifice à un autre. La manière dont quelques-unes de ces colonnes sont terminées par des euroulemens et des têtes d’animaux, qui laissent entr’eux des supports et des espaces, pour placer des poutres, pourroit servir d’appui à cette conjecture. Cette disposition est indiquée par les tombeaux de Naxi Rustan, selon Chardin et Corneille Le Brun. On y voit la représentation des poutres placées entre les tâtes de bœus et de cheval cornu, qui tiennent lieu de chapiteaux aux colonnes. On trouve encore aujourd’hui à Ispahan, et en plusieurs endroits de la Perse, des bâtimens de ce genre destinés à prendre le frais. Ils ont des plafonds à compartimens, faits avec beaucoup d’art, et soutenus par des colonnes fort déliées en bois peints, ainsi que les plafonds.

D’un aussi petit nombre de notions, il semble qu’on ne peut inférer rien autre chose, sinon qu’on ne trouve point de vestige de voûte dans l’unique fragment d’édifice de Persépolis, ce qui est fort loin d’entraîner la conséquence que les Perses n’ont pas fait de voûtes.

Il n’existe certainement aucune région de l’antiquité qui ait conservé autant de monumens des âges passés que l’Egypte, et où l’on rencontre autant d’édifices, soit entiers, soit avec des portions si bien conservées, qu’elles ne laissent aucun doute sur la manière de suppléer ce qui manque. Or, voici ce que nous écrivions vingt ans avant que l’expédition d’Egypte eût, en quelque sorte, transporté chez nous toute l’architecture égyptienne. (Voyez de l’état de l’architecture égyptienne, etc. )

« Ce qu’on peut dire, c’est qu’il résulte de toutes les relations des voyageurs, deux points, dont l’un, qui est de fait, paroît certain ; l’autre, qui n’est que de conjecture, est aujourd’hui fort probable. »

« A l’égard du fait, on peut affirmer, non que


les Egyptiens n’ont pas fait de voûtes, mais qu’on n’en rencontre point dans ce qui reste de leurs constructions, et qu’on n’y découvre ancunes formes, aucunes parties de bâtiment, dont les pierres soient taillées en claveaux ou voussoirs, de manière à se soutenir en l’air l’une par l’antre. Il est bien vraisemblable que s’il existoit des voûtes dans les ruines de l’Egypte, les voyageurs n’auroient pas manqué d’en faire mention. Or, les uns n’en parlent point, les autres citent des ouvrages en ce genre, qui appartiennent aux Romains, et enfin le plus instruit d’entr’eux (Pococke) asfirme qu il n’y en a point vu. »

« A l’égard du second point, celui de conjecture, nous pensons qu’on peut présumer, avec beaucoup de raison, que les Egyptiens n’en firent pas, ou que du moins, d après le système de leur architecture, et plus encore d’après leurs procédés de construction, ils ne durent point faire de véritables voûtes. »

« Ce seroit en effet une grande méprise, que d’alléguer en faveur de l’art des voûtes en Egypte, ce qui, au contraire, en prouveroit l’ignorance, comme, par exemple, les galeries de la grande pyramide. Les unes sont couvertes, ce qu on appelle en dos d’âne, par la réunion de deux dalles de pierre inclinées, et formant dans leur rencontre un angle aigu. Les autres n’offrent une apparence de voûte que parce que les pierres sont placées en encorbellement les unes sur les autres. »

« Tout au plus donc, pourroit-on dire, d’après ces exemples, que les constructeurs de la grande pyramide auroient eu la velléité de faire des voûtes. Esfectivement, ces couvertures à pierres en saillie les unes sur les autres, annoncent qu’ils auroient eu besoin d’en faire. Pococke pense que cela auroit dû les conduire à cette invention, parce qu’il n’eût été question que de donner à ces pierres la figure d’un segment de cercle, et de tailler coniquement la pierre supérieure en l’emboîtant, au lieu de la poser à plat par dessus les autres. Mais Pococke ne fait là que définir l’opération géométrique de la coupe des pierres dans l’art des voûtes ; et cette opération, en apparence si voisine de la pratique routinière de l’Egypte, laquelle sans doute devoit y conduire, en est cependant séparée de toute la distance, qui sépare en tout genre les essais au les premiers pas, du but auquel ils tendent. »

Ce n’est pas toutefois, qu’il faille nécessairement à l’esprit ou à l’industrie de l’homme, autant de siècles qu’on le pense pour atteindre certains points de perfection. Quand on accorderoit que l’Egypte (nous parlons de l’antique Egypte et non de celle des Grecs et des Romains) auroit continué pendant des siècles à construire ses monumens en pierre, sans y faire des voûtes, il faudroit encore se garder d’attribuer l’absence de cette pratique, soit à l’impuissance de ses artistes, soit à la difficulté de l’invention. Le père de toutes les inventions, en tout genre, a été, et sera toujours le besoin. Naturellement l’esprit de l’homme attend ses ordres ou ses inspirations ; car ce seroit presqu’aller contre la nature, que d’inventer de l’inutile. Si donc, nous trouvons dans quelques constructions vraiment égyptiennes, que l’art de bâtir qui y présida soit reste" en fait de voûtes, à ce qu’on peut en appeler l’ébauche et l’essai, il est bien démontré que cet essai suffisoit, et au-delà, à l’effet qu’on en vouloit tirer. On est même tenté de croire, que les pierres en dos d’âne ou en encorbellement, étant ce qu’il y avoit de plus simple, et de plus économique, étoient ce qu’il y avoit aussi de mieux approprié à l’emploi qu’on leur donnoit.

Or ce que l’intérieur de la construction de la grande pyramide et de ses conduits nous donne à entendre, c’est que dans ce genre de masses, comme dans tous les autres édifices égyptiens qui nous sont connus, tout s’étoit trouvé soumis à des formes si simples, et à des pratiques tellement ordonnées, et tellement en rapport en entr’elles, que la forme et la pratiques des voûtes, y auroient été complètement inutiles. Voyez EGYPTIENNE (ARCHITECTURE).

Si donc on regarde l’invention des voûtes, et la taille des pierres qui doit les produire, comme quelque chose de disficile, nous dirons que les hommes ne faisant point de choses difficiles, sans y être poussés par le besoin, et les Egyptiens, dans le système universel de leur art de bâtir, et d’âpres la nature et l’étendue de leurs matériaux, n’ayant pas dû éprouver le besoin des voûtes, ils peuvent être très-raisonnablement considérés, du moins jusqu’à une certaine époque, comme ayant ignoré l’art de voûter. Nous donnerons encore plus bas, en traitant du principe originaire de la voûte, quelques raisons propres à expliquer l’absente de voûtes, dans l’ancienne Egypte. Nous ajoutons toujours le mot ancienne ; car il paroit que dans les siècles postérieurs, les arts de la Grèce et de Rome, ayant pénétré dans ce pays, non-seulement il s’y fît des voûtes grecques et romaines, c’est-à-dire dans le système et le style de l’architecture gréco-romaine, mais que selon ce que nous ont appris quelques recherches récentes, il y existe des constructions cintrées, et que les hiéroglyphes qui les recouvrent, font reconnoître comme ouvrage égyptien. Toutefois il convient de faire observer, que les caractères hiéroglyphiques ayant continué d’avoir cours, sous la dénomination romaine, on ne sauroit conclure de cette indication, que ces parties de construction aient appartenu à l’art antique égyptien proprement dit.

A, supposer, si l’on veut, l’absence de voûtes en Egypte, il faudroit encore convenir, qu’elle


auroit eu pour cause la puissance de l’habitude d’une part, et de l’autre des institutions religieuses, qui ne permettoient à l’art, ni changement, ni aucune innovation dans tout ce qui tenoit aux choses du culte. Or il paroît assez vraisemblable, que tous les monumens respectés par le temps, en Ègypte, furent des temples. Si toutes les autres constructions ont péri, peut-on se permettre de décider qu’il n’y pas eu de voûtes ?

Tel est pourtant l’abus dans lequel le plus grand nombre des critiques est tombé, sur bien des points par rapport à la Grèce même. Si deux ou trois monumens voûtés n’avoient échappé, dans ce pays, à la destruction, on mettoit encore en doute que les Grecs aient connu l’art de saire des voûtes.

Cependant ce qui prouveroit que ce procédé de construction, n’est pas une de ces inventions dues, soit aux efforts toujours rares du génie de l’homme, soit à une longue succession d’essais et de tentatives, résultat toujours lent de l’expérience des siècles, c’est que, ce qu’on connnoît de plus considérable en fait de voûtes parmi les ruines de la Grèce, semble et est réputé appartenir aux premiers âges de l’art en ce pays.

Ainsi avons - nous fait voir an mot THOLOS (voyez cet article), qui en grec signifie ce que nous appelons du mot général coupole, que l’art de faire, non-seulement des arcs ou des cintres, au lieu de plates-bandes, mais des couvertures d’intérieurs en voûte, fut pratiqué dans la plus haute antiquité. Nous avons cité pour exemple, l’édifice décrit par Pausanias, comme construit en marbre, à Orchomène, et que cet écrivain donne pour un monument, aussi beau qu’il y en ait dans le reste du monde. Cet édifice, dit-il, étoit le trésor de Minyas. Les voyageurs modernes ont cru le reconnoître dans une rotonde en coupole, dont on voit encore aujourd’hui les restes au lieu dont parle Pausanias, Les dessins qu’on en connoît, donnent bien l’idée d’une grande rotonde voûtée, mais dont l’étendue toutefois ne répondroit pas à ce que l’éloge du voyageur grec semble devoir faire concevoir. Mais comme immédiatement après il parle du tombeau de ce même Minyas, quelques critiques pensent, qu’il seroit plus naturel de voir ce tombeau dans le monument qui subsiste. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’on y trouve un témoignage irrécusable de l’antiquité des voûtes sphériques et circulaire, construites en pierres, chez les Grecs. Du même genre, est ce qu’on appelle le tombeau d’Atrée a Mycènes. Il a quarante-cinq pieds de diamètre, et autant de hauteur. Il est construit tout en pierres, et il se termine en pointe. On peut consulter sur ce monument l’ouvrage de M. Gell.

Sans parler de plusieurs petits édifices, tels que la Tour-des-Vents, ou le monument de Lysistrate existant encore aujourd’hui à Athènes, et dont le sommet se terminoit en voûte, il y avoit dans cette ville, auprès du sénat des cinq cents (dit Pausanias), un édifice que l’on appeloit le Tholos, où les prytanes avoient coutume de sacrifier. Or ce mot tholos, étoit synonyme du mot tholia, qui signifioit chapeau, bonnet, et ce que nous exprimons aussi aujourd’hui, en architecture, par le mot calotte.

Nous ignorons d’après le passage de Pausanias, de quelle matière étoit construit ce tholos. Etoit-il en pierres, en briques, sa voûte étoit-elle en construction ou en bois de charpente ? Il est certain que les Grecs employèrent le bois à faire de semblables voûtes. On en trouve la preuve, dans la notion que nous donne le même Pausanias, du monument de Philippe, autrement dit le Philippeum. C’étoit en effet un bâtiment circulaire, dont le corps construit en briques, étoit entouré de colonnes. Un assemblage de charpente formoit sa voûte, composée de solives qui, à leur extrémité se trouvoient liées entr’elles, par un pivot de bronze.

Rien de plus précieux que cette notice, dans laquelle nous aurons occasion de puiser une des conjectures les plus vraisemblables, sur la théoriepratique de l’origine des voûtes.

Nous en aurons assez dit sur la partie historique de cet art en Grèce, où l’on doit avouer toutefois, que le nombre des autorités et des monumens est infiniment moindre qu’à Rome. Outre mille raisons inutiles à détailler, on doit dire que l’immense pluralité des édifices ruinés de la Grèce, est de temples, dont le système de construction ne pouvoit guère admettre que des couvertures en charpente, qui cependant ont pu, comme on l’a montré ailleurs, être consormées en cintre, et osfrir la configuration d’une voûte.

Quant aux arcades, le même abus de raisonnement, qui a fait nier l’emploi des voûtes dans beaucoup de pays, parce que leurs ruines n’en montroient point de vestiges, avoit aussi porté les critiques à croire que les Grecs n’avoient point fait de portiques cintrés, puisqu’on n’en citoit aucun reste, dans les débris de leurs villes. Comment pouvoit-on cependant imaginer, que les Grecs, qui construisirent un si grand nombre de théâtres, modèles do ceux des Romains, y auroient négligé cet alentour de portiques cintrés, et d’arcades, qui en étoient l’accompagnement nécessaire ? Depuis qu’on a reconnu les restes du théâtre de Bacchus à Athènes, il n’est plus possible d’avoir un doute à cet égard.

On sait assez quelle liaison régna, dès les plus anciens temps, entre la Grèce et l’Etrurie, et quelle communauté d’arts, d’usages, d’institutions, de langage même, avoit uni ces deux contrées dans les mêmes pratiques, dâns le même goût, à une époque qui précéda la fondation de Rome. Tout prouve que, dès cette époque, les Toscans


ou Etrusques, étoient habiles dans la construction. Par ce mot on n’entend pus seulement l’art dé tailler les pierres, de les façonner en blocs irréguliers, ou de les équarrir en masses parallèles, ce dont on trouve encore aujourd’hui des preuves dans des restes de murs de villes, qu’on croit être l’ouvrage de ces temps reculés ; mais l’art de voûter, de tailler les pierres en claveaux, en voussoirs, doit remonter à ces mêmes siècles, si l’on s’en rapporte à toutes les vraisemblances. Nous avons fait voir au milieu des restes d’une des plus antiques villes étrusques (voyez VOLTERRE) un porte de ville parfaitement conservée, dans l’alignement de ses antiques murailles, et de la même épaisseur. Elle présente du côté de la ville, comme du côté de la campagne, une ouverture cintrée formant deux grandes arcades, coustruites de pierres taillées en claveaux, et d’un appareil aussi régulier qu’il soit possible. L’antiquité de cette porte, attestée par celle des murs ruinés de la ville, s’est trouvée constatée encore, par un bas-relief de travail étrusque, où la même porte, reconnoissable aux trois têtes existantes encore sur le monument, ne permet pas de douter de son antériorité sur l’art trèsantique de la sculpture qui le copia.

Mais l’habileté des constructeurs étrusques, à partir des temps les plus anciens, et leur savoir dans la pratique des voûtes, sinon sphériques, au moins cylindriques, trouve un témoignage, si l’on peut dire, éternel, dans une de ces entreprises qui semblèrent avoir prédit la grandeur de Rome. On veut parler de ces voûtes bâties par les Etrusques, pour former le grand égout, qui, depuis tant de siècles, sert encore aujourd’hui au même usage. La Cloaca maxima, par son immobile construction, ne cesse pas de faire l’admiration de tous les architectes. Elle est bâtie de grandes pierres de taille, et couverte d’une triple voûte sa largeur intérieure est de quatorze pieds. En plusieurs endroits, elle osfre trois divisions, dont deux sont pour les banquettes, qui règnent le long des murs, et la troisième, ou celle du milieu, est pour l’égout.

Si Rome eut de si bonne heure pour maîtres, dans la pratique des voûtes, d’aussi habiles constructeurs, il ne faut plus s’étonner qu’un si grand nombre de ses monumens ou encore intègres, ou en partie ruinés, nous présentent des voûtes de tout genre et de toute dimension.

Nous dirons donc en peu de mots, tant ces faits sont connus, qu’on voit encore à Rome et conservée dans leur premier état, des portes cintrées, des voûtes en plein cintre, et à claveaux, formant des arcs de triomphe bâtis en marbre. Les aquéducs construits, les uns en pierres de taille, les autres eu briques ou en maçonnerie de blocage soit à Rome, soit dans tous les pays soumis à la domination romaine, se composèrent tous d’une suite innombrable d’arcades, quelquefois les unes au-dessus des autres, où toute la perfection de la coupe des pierres, dans l’art de voûter, atteste une habileté et une puissance de moyens de construction, qui n’ont point été surpassées.

D’après les observations faites plus haut, sur la réserve qu’on doit mettre à décider, qu’une pratique fut inconnue des Anciens, par cela qu’il ne s’en trouve point d’exemple, dans les restes de leurs monumens, nous nous garderons bien de dire que les Romains ne firent pas de voûtes sphériques en pierre, parce qu’on auroît quelque peine à en citer quelqu’exempte important. S’il en étoit ainsi, ce qu’on ne sauroit affirmer, nous en trouverions peut-être la raison, dans la préférence qu’ils auroient très-justement donnée à la construction en blocage. C’est de cette sorte, que sont construites les grandes voûtes sphériques, ou coupoles, qui, pour le plus grand nombre, auront dû à ce procédé de bâtir, leur plus ou moins grande intégrité. Les constructeurs y réunissoient la légèreté des matériaux, et la plus grande ténacité d’un mortier qui par la force d’adhésion, parvenait à faire un corps indissoluble, d’un assemblage de parties nombreuses. C’est ce que démontre aujourd’hui un assez grand nombre de voûtes, ou arcades en blocage et briques, dont une moitié a été détruite, lorsque Vautre moitié, réduite en porte à faux depuis tres-long-temps, ne cesse pas d’être inébranlable.

Du grand emploi que les Romains firent, et durent faire de la construction de blocage en voûtes, on doit tirer la conséquence, qu’avec un moyen de voûter, si commode, si sûr, si facile à accommoder ans formes et aux espaces de tout genre, leurs constructeurs eurent fort peu besoin de la science géométrique, dont les modernes ont applique les théories a la coupe des pierres, pour former une multitude de voûtes savantes, dont nous donnerons les noms à la sin de cet article. C’est la nécessité de voûter en pierres, de suspendre des masses solides et pesantes, et de trouver dans le trait de leur coupe, selon les diversités de courbure, et leur soutien et leur liaison, qui a fait de cet art une science.

Si l’on ne peut se permettre de nier que quelques grands temples quadrilatères aient eu leur intérieur couronné par une voûte, on doit regarder comme certain, que de beaucoup, le plus grand nombre, ainsi que leur construction extérieure le prouve, ne put supporter que des plafonds de charpente ou des couvertures cintrées en bois ; et il ne paroît pas que dans le genre de temples dont on parle, Rome en ait eu d’aussi considérables que ceux de certaines villes de la Grèce ou de l’Asie-Mineure. Aussi ne croit-on pas que les grandes voûtes, qu’on a long-temps désignées comme ayant été celles du temple de la Paix, aient réellement appartenu à un édifice sacré. Ce qu’on connoît de plus grand, en fait de


voûtes romaines, bancs en blocages, comme celle du Panthéon, on couvrit des monumens circulaires, ou fit partie des thermes ; ce fut, ainsi qu’on peut s’en convaincre, dans les immenses édifices de ce nom, que l’art des voûtes eut l’occasion et le besoin de se développer en grand. Il n’y a point en, et il n’y a pas de plus vastes intérieurs que ceux des salles des thermes. Or, nous apprenons, par la grande salle des thermes de Dioclétien, convertie en église, que les Romains employoient aux couvertures de ces grands espaces, les voûtes d’arête, dont la propriété, comme celle des voûtes gothiques, est de diminuer la pesanteur et de diviser la poussée.

Ce fut selon ce dernier système, qui se perpétua dans les pratiques de la construction, après entier oubli de l’architecture gréco-romaine, que le moyen âge vit élever, avec beaucoup de légèreté et d’économie, ces voûtes dont les églises gothiques sont couvertes, et qui surprennent beaucoup plus qu’elles ne méritent l’admiration dont elles jouissent.

En effet la voûte d’arête n’est point, comme on l’a dit, une pratique, on si l’on veut une invention, qui appartient aux constructeurs de ces siècles. Ce qu’il y a même de particulier dans l’opinion généralement répandue à cet égard, c’est qu’on s’imagine que les bâtisseurs de ces églises ne connoissoient pas les voûtes en plein cintre. Cependant cette opinion n’est due qu’à l’illusion que font aux yeux les angles résultant du croisement des deux nervures en pierre, qui forment, dans la réalité, deux arcs en cercle plus ou moins surhaussé ou surbaissé. Point de doute que les prétendus gothiques ont employé tes arcs aigus au-dessus de leurs piliers, et nous verrons que cette forme tient à l’enfance de l’art des voûtes. Mais que l’on considère les couvertures en voûte de l’intérieur de leurs ness, et des bas-côtés de ces nefs, il n’y a plus rien d’aigu que les compartimens formés par les grands arcs en plein cintre, dont on a déjà parle, et qui composent comme la charpente de ces couvertures.

La voûte d’arête gothique (comme l’a fait vois M. Rondelet dans son Traité de l’Art de bâtir, tome II, pages 165 et 250) ne se compose que d’une combinaison d’arcs droits à cintre, ou circulaires, moindres de 90 degrés, qui se réunissent pour former disserens compartimens. Les intervalles de ces arcs sont remplis par de très-petites pierres maçonnées en mortier ou en plâtre. La mesure de ces petites pierres est telle, qu’elles peuvent se prêter, sans avoir aucun besoin d’une taille expresse, à la courbure légère de ces compartimens. On a même remarqué dans quelques églises, comme à celle de Notre-Dame à Paris, que ce remplissage en petites pierres sans coupes, appelées pendans, n’etoit quelquefois qu’en plâtre pigeonne.

Le savoir des prétendus gothiques, en fait de voûtes, ne comporte donc rien de nouveau. Il n’y a que la hauteur et la proximité de ces couvertures qui frappe, comme tout ce qui est élevé et grand. Je ne dis pas hardi, car la hardiesse n’est un mérite, en architecture, que quand elle s’unit à la solidité. Or, les voûtes des églises gothiques pêchent contre la solidité d’une manière trop évidente, pour qu’on puisse la mettre en doute, puisqu’il est clair à tous les yeux, que sans les arcs-boutans qui leurs servent d’étaies, elles ne pourroient point subsister.

Quoi qu’il en puisse être de cette critique, on voit que l’art des arcs et des voûtes en plein cintre, continua d’être pratiqué dans tous les siècles du moyen âge.

A la renaissance des arts, vers le quinzième siècle, le christianisme donna une impulsion nouvelle à l’architecture. Déjà la nature toute différente du culte, a voit porté toutes les églises à une grandeur de dimension, que le paganisme n’avoit pu connoître, parce qu’il n’en avoit jamais eu besoin. Le style gothique, peu rénandu en Italie, ou singulièrement modifié par l’effet des traditions toujours vivantes du style gréco-romain, ne pat opposer que de légers obstacles au renouvellement du bon goût. L’érection de nouvelles églises, dans un grand nombre de villes, donna lien de revenir au système des voûtes, qui s’étoit conservé dans tes ruines de Rome, et surtout dans les restes de ses thermes.

Mais une forme caractéristique, celle de croix donnée aux plans des églises chrétiennes, forme inspirée dès l’origine (comme on a pu le voir à l’article BASILIQUE) par la nature même des grands édifices qui furent mis à la disposition des chrétiens, devint bientôt l’occasion de propager et de porter au plus haut point la hardiesse de la voûte sphérique. Le dernier exemple antique avoit été la coupole de Sainte-Sophie, à Constantinople. Le point de réunion des quatre nefs de la basilique chrétienne, devenoit d’un ajustement difficile, sans l’accord d’une partie de construction circulaire. Sainte-Marie-des-Fleurs donna à Florence, sous la direction du génie de Bruneleschi, le premier exemple en grand d’une voûte sphérique, dont le diamètre est de 130 pieds, au centre de quatre nefs. La construction de ce monument est une des époques mémorables dans l’histoire de l’art des voûtes. Jusque là, même chez les Anciens, aucune voûte n’avoit été ainsi élevée en l’air, avec des matériaux solides, et à une aussi prodigieuse hauteur (255 pieds. )

Cependant l’architecte de cette voûte sphérique elliptique, l’avoit élevée sur les massifs construits avant lui, par Arnolpho di Lapo, de manière qu’elle portoit véritablement ce qu’on appelle de fond. Il paroît toutefois, par l’histoire de ce monument (voyez BRUNELESCHI), qu’il réguoit alors une assez grande ignorance, non sur la pratique générale de voûter (les cintres, quoi-


qu’un peu aigus, des arcades de l’église le prouvent), mais sur les moyens de porter à une grande hauteur une voûte sphérique, sans des ressources de support extraordinaires. La solution de ce problème occupa alors tous les esprits, et fit la gloire de Bruneleschi.

Le siècle suivant devoit réaliser, dans la coupole de Saint-Pierre, une plus grande entreprise encore, et avec plus de hardiesse et de difficulté. Il fut question de faire porter une masse plus considérable, non pas de fond, et reposant sur des soutiens verticaux, mais, si l’on peut dire, en l’air, c’est-à-dire ayant ses points d’appui sur les voûtes en berceau des quatre nefs de l’église. Bramante en avoit eu l’idée, Michel-Auge la réalisa. Voilà le point le plus élevé où soit arrivé l’art des voûtes, et il n’est guère probable qu’il soit donné, non-seulement de le surpasser, mais même d’y atteindre.

Ce n’est certainement pas le manque de science qui l’a empêché ; mais de semblables entreprises dépendent de circonstances et de causes, qui sont de nature à ne pouvoir, peut-être jamais, se renouveler.

Cependant la coupole de Saint-Pierre est devenue, pendant l’espace de deux siècles, le point d’imitation de toutes les églises construites en Europe, et il n’y a aucune grande ville qui ne puisse en montrer, dans quelque dimension que ce soit, une redite plus ou moins frappante. N’ayant point ici pour objet de faire l’histoire des coupoles, mais seulement de faire parcourir rapidement au lecteur celle de l’art des voûtes, dans la succession de ses vicissitudes, de ses variations et de ses progrès, nous nous bornerons à dire que cet art, sous le rapport de théorie et de pratique, a dû obtenir, dans ces derniers temps, son plus grand développement, par le perfectionnement que la coupe des pierres a reçu des études mathématiques, et des applications de la géométrie. De là cette facilité de diversifier toutes les formes de voûtes, de les faire en quelque sorte se ployer à toutes les situations voulues par des emplacemens irréguliers. Nous donnerons à la fin de cet article la nomenclature de toutes ces espèces de voûtes.

NOTIONS CONJECTURALES SUR L’ORIGINE DE L’ART DES VOUTES.

Lorsqu’on cherche à déterminer quel a pu être le principe originaire de l’art des voûtes, chex le plus grand nombre des nations, une première question que le critique doit se faire, est celle de savoir si, en cherchant son origine, dans les premiers procédés d’une industrie naissante, et dans les exemples connus des premiers temps, l’art de voûter résulta nécessairement d’unseul procédé, ou sila diversité de matériaux employés à former les premières habitations, ne dut pas donner plus d’un modèle à cet art.

Il doit être entendu d’abord, que l’art de voûter dut naître d’un besoin uniforme, celui de couvrir par une réunion de matériaux, des espaces dont l’étendue excédoit la portée, en largeur, d’un seule pierre, ou qui exigeoient une solidité supérieure à celle des buis de charpente.

Or ceci nous conduit tout d’abord à reconnoître que les premières batisses ayant dû employer, ou le bois ou la pierre, la voûte a pu trouver, dans l’un et l’autre de ces emplois, une double origine.

Lorsque nous parlons des premières bâtisses, nous devons nous hâter de sortir de l’état plus ou moins brute ou sauvage de la naissance des sociétés. Si l’on voulait s’y arrêter un moment, ce seroit pour faire remarquer, qu’à cette époque de toute société encore dans l’enfance, l’homme ne dut pas connoître l’emploi de la taille des pierres, pour former ses grossiers abris. Il n’y a sans doute sur cela que des vraisemblances pour les temps passés ; mais elles se trouvent changées en faits certains, et en vérités constantes, pour les temps modernes, par les observations nombreuses de tous les voyageurs, de tous les missionnaires, surtout, qui ont été dans le cas de voir par eux-mêmes, en tant de contrées diverses, une multitude de peuplades encore dans la première enfance de la civilisation. Or tous s’accordent à nous montrer leurs premières demeures, comme consistant en terre, en branchages d’arbres, et autres matériaux aussi frêles.

C’est presque toujours dans les forêts, et aux dépens de ces forêts, qu’on voit ces peuplades établir leurs demeures. A mesure que les premiers procédés, et les premiers instrumens des arts s’introduisent et se répandent parmi elles, ces demeures s’agrandissent et se perfectionnent. Les arbres sont abattus, et deviennent les premiers supports des habitations. Les procédés de la charpente, encouragés par cet usage, encouragent bientôt eux-mêmes les entreprises de l’art de bâtir.

Ces notions n’auroient presque pas besoin de l’autorité des voyageurs et des historiens, tant elles reposent, avec clarté, sur la nécessite et sur la nature des choses.

On peut donc affirmer que le travail du bois, ou l’art de la charpente, aura constitué presque par tout le monde, à une certaine époque des sociétés naissantes, les premiers ouvrages de l’art de bâtir, sauf a modifier cet art différemment, par la suite, selon divers concours de conditions et de circonstances. En effet, le travail du bois peut se prêter à beaucoup de combinaisons élémentaires, qui postérieurement auront produit des variétés de système dans quelques architectures.

Il n’en est effectivement aucune qui, parvenue à son entier développement, ne porte pas lisiblement écrite, dans son ensemble, la preuve de la pre-


mière conformation de ses constructions, et de l’usage comme du genre d’emploi, que les premiers bâtisseurs firent du bois et de ses assemblages, En généralisant cette théorie, nous avons cru devoir excepter quelques architectures connues, de cette règle de critique, et particulièrement l’architecture égyptienne. (Voy, son article. ) Il nous a paru d’abord qu’on devoit y remarquer un accord très-particulier, entre le système de son art de bâtir, tout en plates-bandes de pierres, n’offrant aucune des variétés de légèreté ou de saillie, qu’inspire naturellement l’emploi du bois, et la nature d’un pays qui manque partout de forêts et de bois de construction. Or nous verrons que si l’Egypte paroît n’avoir pas connu les voûtes, c’est que son art de bâtir s’étoit modelé de toute antiquité sur la taille des pierres. Nous verrons ensuite par quelques ouvrages de cette nation, ouvrages qui, comme on l’a déjà dit, dans l’article précédent, semblent offrir une ébauche de voûte, que l’art de voûter auroit pu résulter aussi, soit dans ce pays, soit peul-être ailleurs, d’un certain arrangement de pierres qui devoit conduire à des constructions cintrées.

Par une raison toute contraire, dans l’architecture grecque, produit évident du système de la charpente, ou de la construction en bois, nous voyons l’art des voûtes pratiqué dès la plus haute antiquité.

C’est donc là, que nous croyons devoir reconnoître l’origine ou le principe le plus naturel, le plus incontestable de l’art des voûtes, celui du moins qui doit avoir eu l’antériorité sur l’autre.

Lorsque l’art des la charpente fut devenu le créateur de toutes les constructions, à une époque supposée déjà sort avancée chez les Grecs dans la civilisation, il ne saut pas douter que le procédé du travail des bois de charpente, n’ait été (comme nous le voyons encore) propre à réaliser un fort grand nombre de bâtimens réguliers, commodes et solides, et à se prêter à toutes sortes de configurations diverses.

De même que la construction quadrilatère ou parallélogramme en bois, avec des toitures à deux pentes, avec porche en avant, et supports isolés, précéda, comme l’histoire en fait foi, les même genres de construction où la pierre remplaça sou modèle, de même aussi l’art de la charpente dut avoir la priorité dans les constructions circulaires et sphériques. Ce qu’un art sait, dans les premiers temps, faute de moyens plus grands, plus solides, que le laps des années et le perfectionnement d’une société ne peuvent point ne pas amener, cet art continue encore de le faire, comme moyen économique, en rapport avec certains besoin, et pour certaines classes de la société. C’est ainsi, pour en donner un exemple, qu’aux temps de la plus grande richesse d’un pays, on voit et on a vu en plus d’un cas, et dans plus d’un lieu, employer le chaume à couvrir de pauvres maisons, après qu’il a cessé d’être la couverture du palais de Romulus.

Lorsqu’on parcourt en plus d’un pays (et qui ne l’a pas remarqué en quelques régions de l’Italie ?) les bâtimens rustiques de certains habitans des campagnes, on ne sauroit voir sans beaucoup d’intérêt, de grandes constructions circulaires s’élevant en pointe, à une sort grande hauteur, sur un diamètre de 50 à 60 pieds, formées de poutres inclinées, jusqu’au sommet ouvert par un grand œil qui éclaire cet intérieur. Eh bien ! voilà que s’est perpétué jusqu’à nos jours le modèle primitif de la voûte sphérique et conique du tombeau d’Atrée, à Mycènes, et de celui de Mynias, à Orchomène, dont nous avons précédemment parlé.

Or quel homme de bons sens oseroit dire, que ces huttes rustiques sont des imitations de nos coupoles, au lieu de croire que les usages des premiers temps de la Grèce avoient donné dans les constructions circulaires de la charpente l’idée et le modèle du tholos ? Certes il seroit contre toute loi de l’instinct en fait de construction, d’imaginer que les tholos avoient été construits par assises de pierres de taille, en forme de voûte conique, avant que l’usage d’une semblable forme, accréditée par la charpente, eût inspiré à l’architecture, l’idée et le besoin de la réaliser, dans une matière plus durable. Ainsi veut la nature que l’on aille du facile au difficile, du simple au composé de l’économique au dispendieux.

Tout nous dit donc que la voûte en pierre eut, chez les Grecs, son origine, et trouva sou principe dans la construction en bois, ou la charpente, comme toute autre espèce de contruction, et y fut redevable de son système étémentaire, de ses formes principales, et des détails d’ornement ou de ses profils, au type originaire qu’on appelle la cabane, c’est-à-dire, l’assemblage du bois dans les premiers édifices. Disons encore que cet emploi du bois ne cessa jamais d’être usuel en Grèce. C’est ainsi que chez les Modernes, malgré le perfectionnement et de l’art et de la science de voûter en pierre, on ne cesse pas pour cela d’employer, dans plus d’un cas, le bois à former les plus grandes couvertures cintrées ou sphériques des dômes. Je dois en effet citer encore ici le Philippeum d’Olympie. (Voyez ce mot. ) Construit par Philippe roi de Macédoine, par conséquent dans la plus belle période des arts, il formoit une rotonde entourée de colonnes, dont la périphérie étoit en briques, et de ce corps du bâtiment s’élevoit une coupole composée de poutres taillées pour faire le cintre, et aboutissant toutes à une clef de bronze, qui lioit leur assemblage.

Nous n’aurions que trop d’exemples à citer de l’emploi du bois ou de la charpente, pour les couvertures des temples, qui, vu le système de leur plan, ne paroissent avoir été que rarement voûtés en pierres ou en maçonnerie solide. Mais


on ne peut se refuser à croire, que plus d’une de ces couvertures fut cintrée, et construite, par l’art de la charpente, en voûte. Il n’y a lieu au reste d’insister sur ce point, que pour montrer, dans la réciprocité de ces exemples, l’accord constant qui dut régner entre le modèle et son imitation.

Comment se refuser encore à croire que dans un pays, où toute construction dut commencer par le bois, on ne débuta point par faire les portiques ou les arcades, de la manière que l’on voit aujourd’hui les charpentiers s’y prendre pour faire des cintres, c’est-à-dire par deux morceaux de bois inclinés en partant des piliers faisant piédroits, et allant en angle se joindra au sommier, de telle sorte, qu’il ne reste plus qu’un segment de cercle à y ajouter dans le haut, pour en faire une arcade plein cintre.

Est-il nécessai de prouver, par exemple, que nulle part on n’a dû commencer par faire des ponts en pierre, et que partout ils ont remplacé les ponts en bois ? Si chez les Grecs et chez, les Romains, on fit d’abord en charpente les théâtres, il est bien probable que ces édifices économiques, mais aussi moins durables, surent composés, peut-être avec moins d’étendue, mais cependant sur le même plan, et dans les sormes, que l’on transporta à des constructions plus durables. La chose est encore plus certaine, et mieux prouvée des temples construits dans les premiers siècles de la Grèce, et cet usage avoit été commun aux anciens Etrusques, dont les Romains transportèrent chez eux la pratique conservée jusqu’au temps de Vitruve, qui, dans sa description du temple toscan, nous le fait voir comme un assemblage de pièces de bois.

La nature des choses et les faits démontrent, que partout où il y eut des bois de construction, on dut bâtir en charpente, avant de le faire en maçonnerie et en pierres de taille. Ainsi le bois dut devenir le premier générateur d’un grand nombre de dispositions, le principe élémentaire de beaucoup de sormes, qui passèrent ensuite dans la construction en pierres, où elles reçurent, par de nouvelles modifications, la perfection qu’elles pouvaient atteindre ; et l’art de voûter fut nécessairement un de ces complémens de l’art de bâtir.

Ce que tous les documens historiques on théoriques, et les faits même nous apprennent, à cet égard, de l’architecture antique, nous le savons, et nous le voyons arriver de même dans le moyen âge, pour la construction des églises gothiques, Toutes celles qui existent nous apprennent qu’elles ne datent guère que du onzième et du douzième siècle. On parle de leurs commencemens, car pour la plupart elles surent l’ouvrage de plusieurs siècles. Or il est peu de constructions, en pierres, où le système et les pratiques de la charpente soient plus clairement prononcés, que dans les voûtes des nefs de ces églises. Rien n’explique mieux ce système, en apparence hardi et compliqué, que le principe de transposition des combles de charpente, en combles à voûte d’arête.

La seule construction en pierre, n’auroit jamais pu inspirer, ni ces hardiesses, ni ces croisemens de nervures, ni ces élancemens de supports, ni ces porte à faux de cul-de-lampe suspendus, qui ne peuvent être autre chose, que la représentation des poinçons dans les assemblages de la charpente. Quand l’histoire et les saits ne nous l’attesteroient pas, les monumens eux-mêmes nous disent, par toute l’économie de leur disposition intérieure, par celle des arcs-boutans extérieurs, qu’ils ont remplacé des églises précédemment formées de charpente, surtout dans les sommités de leurs élévations, et qui avoient besoin d’être étayées en dehors, par des bâtis en contre-sorts. Qui ne sait en effet, que telles étoient les églises gothiques, avant leur reconstruction en pierre ? Qui ne sait que, par exemple, l’église de Saint-Germain-des-Prés à Paris fut brûlée une sois par les Normands, et qu’ayant été rebâtie en bois, les Normands la détruisirent une seconde fois, et en emportèrent les bois. Il existe encore à Honfleur une église gothique entièrement construite en bois. Or, de tout cela on peut conclure que les voûtes gothiques et tout l’appareil de leurs constructions, ne surent qu’une imitation des assemblages de charpente.

De tous ces faits il est donc permis de conclure, que le vrai principe originaire de la construction des voûtes en pierre, se trouve toujours et partout, dans les constructions en bois, qui seules étoient douées de la propriété de couvrir de grands espaces vides, de porter avec économie, à une hauteur indéfinie, les couvertures des bâtimens, et de s’adapter à toutes leurs formes, à toutes leurs dimensions.

La chose acquiert une probabilité plus grande encore, par l’exemple de l’Egypte, où, comme on l’a dit, on ne sauroit citer ni une partie de bâtiment circulaire, ni un intérieur couvert dont l’espace excède la dimension des dalles de pierre, qui y forment le seul moyen de couverture.

Si en effet l’Egypte eût pu arriver à la pratique des voûtes, elle l’auroit dû a ce double procédé de la bâtisse eu pierre, où nous ne nions pas qu’on puisse trouver un essai, et une sorte d’ébauche de l’art des voûtes. Nous voulons parler des pierres posées en dos d’âne, ou taillées de manière à former encorbellement. Or, comme nous l’avons déjà dit, il n’est d’aucune importance pour cette théorie, jusqu’à un certain point mêlée de faits et de conjectures, qu’on ait, ou qu’on n’ait point d’autorités certaines, sur l’existence de véritables voûtes en Egypte. Il nous suffit que le système, et tous les procédés de son architecture, nous démontrent d’une part, qu’on n’y reconnoît aucune trace d’un emploi primitif du bois ; de l’autre,


que tout son ensemble et toute ses parties, reposent sur le seul procédé de la taille et de l’emploi de la pierre.

Nous n’avons pas prétendu exclure entièrement le travail des pierres en architecture, de la propriété qu’il auroit pu avoir, d’enseigner par ses essais, et de propager l’art des voûtes, il n’y a rien d’exclusif en ce genre de notions, soit qu’on interroge la nature des choses, soit qu’on consulte un certain ordre de faits ou d’autorités. Ainsi quoiqu’il nous ait paru, qu’en Grèce, la construction en bois ait dû immanquablement conduire à faire des voûtes en pierre, comme ayant été la construction primitive et la plus ordinaire, il est impossible d’affirmer, et il seroit déraisonnable de prétendre, que dans ces siècles reculés, on n’ait jamais employé la pierre dans les édifices.

Or il se rencontre aux plus anciens monumens construits en pierre, dans la Grèce comme dans l’Egypte, certaines dispositions de matériaux, qui, ayant eu pour objet de suppléer à l’art des voûtes, purent aussi contribuer à y conduire les les constructeurs. On veut parler de quelques constructions en pierres polygones, d’un assez grand volume, disposées de manière à pouvoir remplacer la longueur d’un seul bloc, pour servir de linteau à une ouverture de porte. Nous avons parlé aussi, des pierres inclinées dans les couduits de la grande pyramide, en Egypte. Qui pourroit dire, que ce qui devoit faire sentir le besoin de tailler les pierres en claveaux, n’en auroit pas suggéré l’idée, et amené la pratique, bien que nul témoignage n’en dépose, dans les ruines effectivement assez rares, de ces anciens temps ?

Il nous paroît inutile d’insister davantage sur des opinions plus ou moins conjecturales à cet égard. Nous avons déjà vu, que ceux qui réunirent des pierres dans un cercle horizontal pour faire, par exemple, un puits, auroient bien pu aussi, sans un grand effort de génie, faire de ce cercle horizontal, un cercle placé verticalement, c’est-à-dire une arcade ou une porte cintrée.

Ce n’est donc point dans ce procédé sort simple et si peu étendu, qu’il faut placer l’art et la science de voûtes. Quoique ce cintre en soit l’élément, et si l’on veut le premier pas, et que cet essai soit dû au travail de la pierre, on doit considérer, qu’il y a deux points de vue assez distans l’un de l’autre, dans la théorie que ce sujet comporte ; l’un qui peut se borner au sait matériel d’un procédé mécanique, l’autre qui embrasse et comprend ce qu’on peut appeler le génie de la construction, dans l’art de voûter. Il est sensible, que c’est dans les grandes entreprises des voûtes sphériques, dans les couvertures de salles immenses, et d’intérieurs prodigieusement exhaussés, qu’il faut faire consister ce qu’il y a de vraiment remarquable dans l’art de voûter. Or, c’est ce génie, ce goût, ce genre hardi de structure qui nous semblent n’avoir pu être inspirés, que par des travaux antécédens et multipliés ; et il est indubitable que le travail du bois, ou ce qu’on appelle la charpente, ayant nécessairement précéde, en grandes constructions, le travail de la pierre et de la maçonnerie, c’est aux rudimens de cette pratique usuelle et sacile de bâtir, que l’art de voûter en pierre de grands intérieurs, a dû ses premières inspirations, ses exemples, ses documens, et ses encouragemens.

Encore voyons-nous, aujourd’hui que la science et l’art des voûtes en pierre sont arrivés à leur plus haut degré, le travail du bois suppléer par ses procédés économiques et faciles, au travail de la pierre dans une multitude de couvertures cintrées. Ainsi sont voûtées un grand nombre de salles et de galeries dans les palais. Ainsi de nos jours, comme par le passé, plus d’une nes d’église s’est trouvée couverte en cintres de bois, et nous offre avec légèreté, goût, et économie, le même effet qu’une voûte, en pierre, ou en maçonnerie, laquelle exige de grands et dispendieux points d’appui. Ajoutons que les réparations des voûtes en bois, sont d’une exécution beaucoup plus commode et plus expéditive. Voyez VOUTER.

SECONDE PARTIE.

Les notions de cette seconde partie sont extraites du Traité de l’Art de bâtir par M. Rondelet.

DE LA CONSTRUCTION DES VOUTES.

Par le mot voûte, on entend, selon ce qui a été dit plus haut, une construction composée de plusieurs pierres de taille, mœllons, briques, ou autres manières saçonnées, disposées ou réunies de maniera à se supporter, et se maintenir en l’air pour couvrir un espace vide.

Ainsi les couvertures formées de grandes pierres, qui portent sur des murs, ou points d’appui opposés, telles que celles des édifices égyptiens, ne sont pas, et ne peuvent pas s’appeler des voûtes, par cela qu’elles consistent en plates-bandes d’une seule pièce. Par conséquent elles n’exigent aucun art pour se soutenir sur le vide qu’elles surmontent. Il suffit à ce genre de construction, d’employer des pierres d’une assez grande dimension, et qui aient assez de consistance, pour n’être pas susceptibles de se rompre dans leur étendue.

On peut couvrir avec des pierres d’une grandeur moindre que l’espace compris entre des murs ou des piédroits, en leur donnant une disposition particulière. Ainsi deux pierres qu’on inclinera en sens contraire, de manière à se toucher dans le sommet de l’angle qu’elles formeront, se soutiendront mutuellement sans appui dans le milieu de l’espace qu’elles couvrent, si la résistance des piédroits ou des murs sur lesquels elles s’appuient


est assez forte pour les empêcher de s’écarter par en bas.

L’expérience prouve dans ce cas, comme dans tous les autres, que moins l’angle est élevé par rapport à sa base, plus l’effort sera grand, à pesanteur égale ; en sorte qu’il seroit le plus grand possible, pour deux pierres horizontales qui ne feroient que se toucher au milieu du vide qu’elles convrent.

Il faut cependant observer que cet effort peut être diminué par la grandeur de la partie de ces pierres qui porteroit sur les murs ou les piédroits, ou par la charge qu’on peut faire peser sur cette partie. Il est en esset évident, que si la partie portée de ces pierres étoit égale à la partie en saillie, chacune se soutiendroit en équilibre sur son piédroit, sans le secours d’aucun autre effort. Le même effet peut arriver quoique la partie portée, soit beaucoup moindre que la partie en saillie, mais pourvu que cette partie portée, soit surchargée d’un poids ajouté, qui la rende égale à l’effort de la partie en saillie.

Si au lieu de deux pierres posées horizontalement sur les piédroits, et rapprochées jusqu’à ce qu’elles se touchent, par une de leurs extrémités, pour couvrir un espace vide plus considérable, on en suppose plusieurs, on pourra le saire, en les plaçant en saillie les unes sur les autres, ou ce qu’on appelle en encorbellement, de manière que la partie portée soit plus étendue, que la partie en saillie. Que ce procédé ait pu conduire à celui de la voûte, on ne sauroit le nier, en supprimant ce qu’on appelle le redans, ou les ressauts de chaque pierre l’une sur l’autre, pour faire des surfaces plates ou courbes. Mais cette suppression réduira chaque assise de pierre à des angles aigus sort contraires à la solidité. Ce genre de construction, qu’on a vu tenir aux premières opérations de l’art, ne pourroit convenir qu’à des intérieurs d’une modique étendue.

En suivant tous les procédés qui, soit en pratique, soit dans une théorie purement spéculative, peuvent être regardés comme les essais de l’art de construire les voûtes, on doit considérer une autre manière de poser des pierres au-dessus d’un vide, non plus horizontalement et à plat, mais en trois morceaux dent deux inclinés, et réunis dans leur extrémité supérieure, par une traverse de la même longueur, de facon à former des angles égaux. On aperçoit en effet, qu’en combinant le poids de cette traverse, au point qu’elle puisse contre-balancer l’action des pierres qui s’y appuient, et qui ont besoin d’être soutenues par un effort contraire, il doit résulter de là, que les trois pierres se soutiendront mutuellement.

Cette forme, qui a été employée dans des constructions antiques, ne présentant ni cette uniformité ni cette régularité, qui contribuent plus qu’on ne le pense, à la solidité, l’esprit de la construction dut aller plus loin. On chercha bientôt à effacer les angles des faces de ces polygones par une ligne courbe. Sans doute celle dont on dut faire d’abord usage, fut la ligne circulaire, comme étant la plus simple et par conséquent la plus facile à tracer. Très-certainement on savoit déjà non-seulement en faire le tracé, mais encore l’application pratique, à beaucoup de parties courbes, et d’ouvrages nécessairement circulaires, comme des puits, des tours, etc. , dont l’usage aura très-probablement précédé la construction des voûtes.

Il ne s’agissoit pour former ce qu’on appelle une voûte que de placer verticalement, dans une construction cintrée, destinée a s’élever en l’air, les pierres que l’on posoit horizontalement, dans les assises également horizontales des tours on des puits. Mais ce transport de façon et d’emploi, qui paroît aujourd’hui si facile en imagination, ne le fut peut-être pas autant alors. On voit effectivement que, dans le dernier cas, les pierres sont soutenues sur leurs lits, dans toute leur étendue, tandis que dans une voûte, dont le cintre est un demi-cercle, il n’y a que les deux premières pierres, celles d’en bas, qui paroissent réellement poser, lorsque toutes les autres ne se peuvent soutenir que par leurs joints, c’est-à-dire par la forme de coin qu’on leur donne. Ces joints, qui sont plus ou moins obliques, doivent former avec la surface courbe de la voûte, des angles égaux et droits, afin de procurer à chaque pierre une résistance égale, et de plus une espèce de renvoi régulier des efforts d’une pierre à l’autre, depuis celle qui forme la clef, jusqu’à celle qui pose sur les piédroits.

On a vu dans la première partie de cet article, que les plus anciennes voûtes, non qui aient été faites jadis, mais qui existent aujourd’hui, sont les portes étrusques de Volterra, et les couvertures cintrées de la Cloaca maxima, à Rome, construite sous le règne du premier Tarquin, 580 ans avant l’ère vulgaire. Son embouchure, du côté du Tibre, est d’environ quatorze pieds en largeur. Elle est couverte par une triple voûte, composée de trois rangs de voussoirs concentriques, dont les joints sont en liaison les uns sur les autres. C’est à cette disposition qu’on doit attribuer la durée et la grande solidité de ces constructions, qui ont excité l’admiration de tous les siècles.

Après avoir donné une idée de la formation des voûtes, nous allons indiquer celles qui sont le plus en usage.

On distingue ordinairement les voûtes par leurs faces apparentes, et d’après cette distinction, elles peuvent se réduire à deux espèces, celles qui consistent en surfaces planes, et celles qui sont en surfaces courbes. On peut comprendre toutes les voûtes possibles sous les deux dénomination de voûtes plates, et voûtes cintrées, ou dont la surface intérieure est courbe.


DES VOUTES PLATES.

Le principe général de l’art de l’appareil, et de la coupe des pierres, exige que dans les murs, comme dans les voûtes, les joints des pierres qui se touchent, sassent des angles égaux, ou des angles droits, avec les surfaces apparentes qu’elles sorment. Comme dans les voûtes plates, il n’y a que des joints perpendiculaires à leur surface, qui puissent former avec elle des angles égaux ; il en résulte, que toutes les voûtes plates horizontales, devroient avoir leurs joints d’à-plomb. Mais cette disposition ne pouvant pas servir à soutenir des pierres, qui ne doivent avoir d’autre appui que leurs joints, on a été obligé de les incliner, en les tirant d’un même point, afin de donner aux pierres la sorme du coin, pour qu’elles puissent se soutenir.

Comme cet appareil a le désavantage de former des angles inégaux avec la surface inférieure, il en résulte que ces pierres, auxquelles on donne le nom de claveaux, n’ont pas une résistance égale ; que leurs efforts ne se correspondent pas, et qu’elles poussent toutes à faux les unes des autres, comme on peut s’en convaincre, si on tire des perpendiculaires de l’extrémité de leurs joints. On verra qu’une pareille voûte ne pourroit pas se soutenir, quelle que fût l’épaisseur des piédroits, si le frottement causé par la rudesse et l’inégalité des surfaces, ne les empêchoit pas d’agir librement, et si le mortier et les fers qu’on emploie à leur construction cessoient de les entretenir ensemble, avec une force supérieure à ces efforts. On pourroit s’assurer de cet effet, si l’on vouloit saire un modèle d’une semblable platebande en marbre poli.

Pour bien sentir le défaut de l’appareil dont on vient de parler, il faut tracer du centre, où tendent les joints des claveaux, un arc tangent à la ligne du dessous de la voûte plate, et prolonger les joints jusqu’à la rencentre de l’arc. Il sera facile de voir, par cette opération, qu’une voûte plate peut être considérée comme un arc, dont on a supprimé les parties inférieures ; mais cette suppression de parties aussi essentielles, ne peut produire qu’une construction foible et défectueuse.

Lorsqu’on veut construire des voûtes plates pour des architraves, des plates-bandes ou des linteaux de grandes portes, il est nécessaire, pour éviter ce défaut, de ne prolonger la coupe des claveaux, que jusqu’à une certaine distance, et de saire le surplus par des lignes à plomb.

Plusieurs architectes ont employé un moyen qui produit le même effet, et qui est devenu même un objet de décoration, comme on peut le voir dans une certaine porte de Vignole, appareillée d’une manière qui réunit la beauté à la solidité. Ce moyen n’est autre, que celui des claveaux à crossettes, dont les compartimens augmentant jusqu’à celui qui fait la clef, forment en bossages, un dessin qui n’est pas sans agrément ; mais ce genre d’appareil ne peut guère être employé que pour des portes, ou des vides pratiqués dans l’épaisseur des murs.

Il est un moyen, qu’on doit appeler artificiel, d’employer l’appareil en claveaux pour les plates-bandes et les architraves, c’est celui des tirans de fer.

Ainsi les plates-bandes de la colonnade du Louvre, sont composées sur la face, d’un double rang de claveaux, placés les uns au-dessus des autres en liaison, et sont entretenues par deux chaînes ou tirans de ser, arrêtés à des ancres qui forment le prolongement de l’axe des colonnes. Les claveaux sont accrochés les uns aux autres par des goujons en forme de Z qui les empêchent de glisser. Tous ces fers forment une espèce d’armature qui contient les plates-bandes, de manière à ce qu’elles ne peuvent agir d’aucune façon, à cause du tirant intermédiaire qui empêche la plate-bande supérieure de s’écarter. On ne peut guère employer ce procédé avec succès, que pour des architraves et des plates-bandes auxquelles on peut donner une épaisseur égale an quart, ou au moins an cinquième de leur portée. Il est possible encore d’en user, pour former des plafonds de peu d’étendue, renfermés entre des architraves.

Un moyen à peu près semblable a été mis en œuvre, dans les architraves du second ordre du portail de Saint-Sulpice. A cette construction, pour empêcher les claveaux de la plate-bande inférieure de glisser, on a percé dans ceux de droite et de gauche, jusqu’à la clef, des trous dans lesquels on a fait entrer des barres de fer, grosses de deux pouces, soutenues dans leur longueur, de deux claveaux en deux claveaux, par des étriers de fer accrochés au tirant horizontal qui va de l’axe d’une colonne à l’axe d’une autre. La clef se trouve soutenue par un bout de barre à talon, qui se raccorde avec les deux autres. Au-dessus de cette première plate-bande, il s’en trouve une seconde un peu plus haute, et comprenant la hauteur de la frise. Elle est rensermée entre deux chaînes de fer, dont une placée au-dessus de l’extrados, est arrêtée aux axes des colonnes. Pour donner à cette chaîne une consistance capable de contenir les efforts des deux plates-bandes, on a formé un arc au-dessus, avec une sorte barre de fer courbée, dont les bouts sont arrêtés par deux talons pratiqués aux deux extrémités du tirant horizontal, et pour lui donner encore plus de fermeté, on a maçonné le vide du segment avec de bonnes briques posées en mortier. A cette espèce d’armature sont accrochés quatre étriers, pour soutenir la chaîne qui porte les étriers de la première plate-bande. Cette armature soutient de plus une partie du poids des constructions supérieures, dont les pierres ne sont pas en coupe.


On a suivi, pour la construction des plates-bandes des deux colonnades de la place Louis XV, à peu de chose près, les moyens pratiqués pour celles du portail de Saint-Sulpice, excepté qu’on a supprimé l’armature qui est au-dessus de la plate-bande supérieure. On a percé, de même, dans les claveaux de la plate-bande inférieure, des trous, pour y faire entrer des barres de ser horizontales, qui traversent les claveaux de droite et de gauche jusqu’à la clef. Ces barres sont aussi soutenues par des étriers qui s’agrasent à la chaîne générale placée sur l’extrados. Cette chaîne se trouve soulagée de ce poids, par d’autres étriers, qui s’accrochent à des barres placées sur l’extrados de la plate-bande supérieure. Celle-ci, par cette disposition, est chargée de l’effort des deux plates-bandes, et des parties supérieures qui ne sont pas en coupe, mais cramponnées au-dessus. Il est bon d’observer, à ce sujet, que ce moyen ne peut pas empêcher les joints de ces assises de s’écarter par le bas, et de peser sur la plate-bande. Lorsqu’on vent empêcher cet effet, il faut au contraire cramponner ces pierres en dessous, parce qu’alors leurs joints ne pouvant pas s’ouvrir, elles se soutiennent dans un parfait niveau. On doit encore remarquer que ces deux plates-bandes réunies, forment un énorme coin chargé d’une masse considérable, susceptible d’agir avec bien plus de force que dans les plates-bandes précédentes. Disons aussi que l’appareil des plates-bandes de la colonnade du Louvre, dont les joints ne sont pas dans la même direction, est préférable à celui de ces plates-bandes qui forment des claveaux ou coins continus, et agissent dès-lors avec beaucoup plus de force.

Voici maintenant les moyens employés pour les plates-bandes de l’église de Sainte-Geneviève.

Ces plates-bandes ont de portée 16 pieds 3 pouces, 21 pieds 1 pouce d’un axe de colonne à l’autre ; leur largeur est de 4 pieds 10 pouces, leur hauteur de 3 pieds 4 pouces 6 lignes. Elles sont divisées en 13 claveaux, formant trois évidemens. Les sommiers de ces plates-bandes ont leurs joints inclinés de 60 degrés. Les claveaux sont maintenus par deux rangées de T en fer, portant d’un bout un talon, et de l’autre un œil. Les talons sont scellés dans les joints pour servir de goujons, et les œils, qui passent au-dessus de l’extrados, sont enfilés par des barres, qui se réunissent pour former chaîne. Outre ces barres et ces T, il y a dans le milieu de la largeur, une autre chaîne composée de forts tirans arrêtés aux axes des colonnes.

Au lieu d’une double plate-bande, comme dans les monumens dont on vient de parler, on a construit au-dessus de chacune de ces plates-bandes, un arc, qui leur sert en même temps de soutien et de décharge ; il est érigé sur les mêmes sommiers que les plates-bandes. On a placé de chaque côté de cet arc, des ancres, auxquels sont attachés des étriers qui supportent les sept claveaux du milieu, réunis par un fort boulon qui les traverse. Il résulte de cet arrangement, qu’en taisant abstraction des chaînes, et autres moyens employés pour résister à la poussée des arcs et des plates-bandes, que ces essorts se détruisent mutuellement. Car il est évident, que la plate-bande ne peut agir, qu’en tendant à rapprocher les premiers voussoirs de l’arc auquel elle est suspendue ; tandis que d’un antre côté cet arc, charge d’une partie du poids de la plate-bande, ne peut céder à cet essort sans soulever la plate-bande à laquelle sont accrochés les étriers, qui empêchent les premiers voussoirs du s’écarter.

Tels sont les procédés imaginés par les constructeurs modernes, pour parvenir a former au lieu d’architraves, en une seule pierre d’un colonne à l’autre, des plates-bandes, dans les colonades ou péristyles qui exigent des colonnes isolées.

Les Anciens ou trouvèrent dans la nature de leurs matériaux, de quoi tailler des pierres de la longueur des entre-colonnemens, ou ils réduisirent les dimensions de leurs colonnades et de leurs péristyles isolés, au gré des mesures qu’exigent les entre-colonnemens, pour qu’une seule pierre de l’architrave, pût s’étendre de l’axe d’une colonne à l’axe d’une autre.

Cependant nous voyons qu’ils usèrent quelquefois de voûtes plates ou de plates-bandes composées de claveaux en petit nombre et dans des espaces vides d’une modique étendue. Pour empêcher l’effet des pierres ainsi disposées, ils ont imaginé de pratiquer dans les joints des voussoirs et des claveaux, des espèces de tonons et d’entailles. On trouve de ce procédé, plus d’un exemple, comme au théâtre de Marcellus, à Rome, dans les joints des plates-bandes qui sontiennent les retombées des voûtes des corridors, au second rang des portiques qui régnoient autour du théâtre. II existe de semblables joints de voussoirs, dans plusieurs arcades antiques, surtout au Colisée Au lieu de bossages réservés en taillant la pierre, on y a quelque sois incrusté des cubes en pierre, de trois ou quatre pouces.

Philibert Delorme indiqua ce moyen pour la construction des architraves, mais il pose les cubes en losange. Un tel moyen peut se pratiquer dans la coupe même du voussoir en manière de crossettes quand la pierre est serme, et que la plate-bande doit se composer tout au plus de quatre ou cinq pièces.

Quelques constructeurs modernes ont fait usage de balles de plomb d’environ deux pouces de gros, pour placer en manière de lien ou de tenons, dans les joints de leurs plates-bandes. D’autres y ont employé des cailloux ronds, qui, lorsqu’ils sont entaillés et scellés avec soin, sont par leur dureté même préférables aux balles de plomb.

Dans les pays où la pierre a une grande consistance, on fait, ainsi qu’on l’a déjà dit, les joints


des plates-bandes à crossettes. Ce moyen équivalent à une coupe, a de plus l’avantage de faire éviter la forme de coin. C’est celui qui convient le mieux pour les voûtes intérieures, qui ne peuvent pas avoir beaucoup d’épaisseur. On doit éviter toutesois, de donner trop de longueur aux crossettes ; il leur sussit d’avoir deux ou trois pouces.

DE LA MANIÈRE DE DISPOSER LES RANGS DE CLAVEAUX OU DE VOUSSOIRS.

La régularité de l’appareil, et la solidité exigent, que les voûtes plates, ainsi que celles dont la surface est courbe, soient composées de rangs de claveaux, ou de rangs de voussoirs disposés selon la direction des saces des piédroits ou des murs qui les soutiennent. Ainsi une voûte plate, que nous supposons soutenue par deux murs parallèles, doit être composée de rangs de claveaux qui suivent la même direction. Il en seroit de même, si c’étoit deux piliers.

S’il s’agit d’une semblable voûte sur ou plan carré, et soutenue par quatre murs qui la renserment, les rangs de claveaux sormeront des carrés concentriques, ceux des angles seront communs à deux côtés, la clef sera carrée, portant coupe des quatre côtés.

Dans une voûte plate sur un plan circulaire, les rangs circulaires des claveaux, seront disposés de manière à ce que les claveaux soient posés en liaison les uns en avant des autres, et le tout sera fermé par une clef ou bouchon, circulaire et conique.

A l’égard d’une voûte plate, soutenue par quatre piliers isolés, les rangs des claveaux seront parallèles aux faces intérieures, et se rencontreront à angle droit sur les diagonales, où se trouveront des claveaux communs à deux côtés, avec une cief évidée aux quatre angles, pour recevoir les derniers claveaux des diagonales. Toutefois uns telle disposition ne peut avoir lieu que pour de trés-petites largeurs ; autant doit-on en dire de de la même voûte entre deux murs parallèles, à cause de la grande poussée qu’elles occasionneroient. Celle de ces voûtes qui pousse le moins, est la voûte en plan circulaire.

Relativement aux voûtes sur plan polygone quelconque, il est évident que plus ce plan aura de côtés, plus la voûte approchera de là propriété du plan circulaire. Ainsi une voûte carrée, bandée sur les quatre murs qui la renferment, a plus de solidité qu’une voûte entre deux murs parallèles. Une voûte hexagone en a plus qu’une carrée, et ainsi de suite.

Quoique les voûtes plates présentent toujours une même surface, elles peuvent Les beaucoup varier par la forme de leur plan. Elles peuvent être régulières, irrégulières, biaises et rampantes ; mais quelle que soit leur forme, la manière de les appareiller, et de tracer les pierres qui les composent, n’a guère plus de difficulté que celle qui a lieu pour les murs et pour les constructions ordinaires, parce qu’on peut en représenter toutes les parties sur le plan ou l’épure, selon leur forme et grandeur, sans aucun raccourci.

Pour les pierres, il faudra d’abord tailler les deux faces parallèles qui doivent former l’extrados et l’intrados de la voûte, avec un des côtés d’équerre. Ensuite on tracera, d’après l’épure, leur plus grande largeur et les lignes qui indiquent ce qu’il faut en retrancher, pour former les coupes.

DE LA POSE DES PIERRES DE TAILLE QUI FORMENT LES VOUTES.

Les anciens constructeurs grecs et romains, posoient les pierres dans tous leurs ouvrages, snas mortier ni cales, et cela à l’égard des voûtes, comme à l’égard de toutes les autres parties.

Parmi les Modernes, la plupart des constructeurs posent les pierres des voûtes, comme celles des murs ou piédroits, c’est-à-dire qu’après avoir ajusté et mis en place, avec des cales plus ou moins grosses, les pierres selon les défauts qu’elles ont, ils en remplissent les joints avec du mortier cu du plâtre clair.

Nous remarquerons que, s’il s’agit des joints des claveaux ou des voussoirs, qui sont pour le plus grand nombre inclinés, ce procédé a moins d’inconvéniens que pour les assises des murs ou des constructions horizontales, où le lit des pierres est de niveau. C’est qu’il est plus facile dans le premier cas, de bien remplir les joints des pierres que dans le second. Il faut en effet prendre toutes les précautions possibles, pour empêcher les effets de la diminution qu’éprouve le mortier, par l’évaporation de l’humide surabondant qu’il contient, d’où il doit résulter que la couche de mortier ayant perdu de son épaiseur, l’esfort de la pression se porte sur les cales.

Pour obvier à ces inconvéniens, il faut, après avoir bien abreuvé les joints des voûtes, pour que le mortier coule mieux et puisse aller partout, filasser les joints eu-dessous, et commencer à remplir avec du coulis clair, que l’on rend plus épais à mesure que le vide des joints s’emplit ; on finit par du mortier ferme, qui absorbe en partie l’eau de celui qui est trop clair. On peut même faire écouler la surabondance de liquide, en faisant quelques trous ou saignées dans les joints garnis de filasse, à mesure qu’on fait entrer du nouveau mortier par le haut, qui de proche en proche remplace le coulis.

ll y a des poseurs qui mêlent un peu de plâtre au mortier clair, afin de compenser en partie la diminution du mortier par le renfle-


ment du plâtre ; mais ce moyen est illusoire, parce que le plâtre noyé ne renfle pas, & ne fait que diminuer la qualité du mortier.

DES VOUTES DONT LA SURFACE INTÉRIEURE EST COURBE.

Les surface des voûtes plates sont toutes semblables, mais celles des voûtes courbes peuvent varier à l’infini, en raison de leur cintre, et de la manière dont il est censé se mouvoir pour former leur surface : car ce cintre peut se mouvoir selon la disférence des lignes, ou tourner sur son axe. Ainsi une demi-circonférence de cercle, qui se meut entre deux lignes parallèles, produit une surface courbe dans le sens de la largeur, et droite dans celui de la longueur. Cette surface, qui représente celle d’une voûte cylindrique ou en berceau. Si cette demi-cir-conférence, au lieu de se mouvoir entre deux lignes droites, se mouvoit entre deux courbes équidistantes, ou autour de son axe, il en résulteroit dans les deux cas une surface courbe sur tous les sens.

Il est évident qu’à la place d’une demi-circon-sérence de cercle, ou peut prendre une courbe quelconque qui puisse se raccorder avec des piédroits à plomb, telle que celle d’une ellipse ou d’une imitation d’ellipse.

Cette courbe peut former une voûte surhaussée ou surbaissée, c’est-à-dire dont la hauteur de cintre soit plus grande, ou plus petite que la moitie de sa largeur. La voûte formée par une demi-circonférence de cercle, comparée à ces deux, est appelée plein cintre.

Lorsque les piédroits qui doivent soutenir les voûtes ne sont pas d’a-plomb, ou quand il n’y a pas d’inconvénient à ce que le cintre de la voûte fasse un angle avec les piédroids, on peut y employer, outre le cercle et l’ellipse, une infinite d’autres courbes, telles que la parabole, l’hyperbole, la chaînette, etc. Mais quelle que soit la courbe que l’on adopte, il faut toujours que les joints des pierres soient perpendiculaires à la courbure du cintre. C’est dans les voûtes à surface courbe que les pierres se nomment voussoirs.

La direction de ces voûtes peut être perpendiculaire on oblique à l’égard des murs ou piédroits ; elles peuvent avoir leur naissance de niveau ou inclineés, ce qui dans les voûtes simples produit beaucoup de variétés. De plus, elles peuvent être irrégulières, incomplètes, ou composées de différentes parties, combinées d’une infinitè de manières, susceptibles de plus ou moins de difficultés. Il seroit impossible de rapporter toutes ces variétés ; aussi n’entreronnous pas ici dans tous ces dètails, qui dépendent véritablement des démonstrations géométriques, et nous renvoyons à l’ouvrage du Traité de l’Art de bâtir (par M. Roudelet), où l’on trouvera les figures qui expliquent aux yeux ce que le discours seul ne pent faire que d’une manière incomplète et toujours obscure.

DE L’ÉPAISSEUR A DONNER AUX VOUTES, ET DE LA DISPOSITION DES RANGS DE VOUSSOIRS.

Il y a six choses essentielles à considérer dans les voûtes, relativement à leur construction : 1°. leurs surface intérieure ; 2°. leur cintre ; 3°. leurs coupes ; 4°. leur épaisseur ; 5°. la forme de leurs extrados ; 6°. la disposition des rangs de voussoirs.

On a parlé des trios premiers objets, il reste à parler des trios derniers.

De l’épaisseur des voûtes.

Les voûtes en pierre de taille, considérées indépendamment du mortier, ou d’autres moyens qu’on peut employer pour lier les voussoirs dont elles sont formées, ont besoin pour se soutenir d’nne certaine épaisseur, qui doit être proportionnée à leur diamèter, à la forme de leur cintre, et aux efforts qu’elles peuvent avoir à soutenir. Ainsi, une arche de pont doit avoir,


à diamètre égal, plus d’épaisseur qu’une voûte destinée à soutenir le so ! des différens étages d’un édifice Cette dernière doit être plus forte qu’une voûte qui n’a rien à supporter, et telles sont les voûtes des églises. Ainsi, parmi ces dernières, celles qui sont à couvert sons des toits de charpente n’ont pas besoin d’autant d’épaisseur, que celles qui doivent tenir lieu de toiture.

Si l’on consulte les constructions antiques et modernes, on trouve que pour des arches de ponts de dix à douze toises de largeur, la moindre épaisseur est plus de la quinzième partie du diamètre en pierre moyennement dure.

Dans quelques ponts modernes, dont le diamètre est de vingt toises, l’épaisseur au milieu de la clef n’est que d’une toise. Si d’autre part on considère qu’une arche de pont de quatre toises de diamètre ne sauroit avoir moins de deux pieds d’épaisseur à la clef, c’est-à-dire moins de la douzième partie du diamètre, on peut, en prenant ces deux termes, former une progression qui indique les diversités d’épaisseur à la clef de ces voûtes, de demi-toise en demi-toise de diamètre. C’est ce qu’a fait M. Rondelet (voyez Traité de l’Art de bâtir, tom. II, pag. 154) dans une table indiquant la moindre épaisseur des voûtes, circulaires ou elliptiques prise au milieu de la clef, et que nous rapportons ici.

TABLEAU de la moindre épaisseur des voûtes circulaires ou elliptiques, prises
au milieu de la clef

ARCHES VOUTES VOUTES ARCHES VOUTES VOUTES de pont. moyennes. légères. de pont. moyennes. légères. mètres. mètres. mètres. pieds. pie. pou. lig. pie. pou. lig. pie. pouc. lig. 1 0, 44 0, 22 0, 11 3 1 1 6 0 6 9 0 3 4½ 2 0, 48 0, 24 0, 12 6 1 3 0 0 7 6 0 3 8 3 0, 52 0, 26 0, 13 9 1 4 6 0 8 3 0 4 1½ 4 0, 56 0, 28 0, 14 12 1 6 0 0 9 0 0 4 6 5 0, 60 0, 30 0, 15 15 1 7 6 0 9 9 0 4 10½ 6 0, 64 0, 32 0, 16 18 1 9 0 0 10 6 0 5 3 7 0, 68 0, 34 0, 17 21 1 10 6 0 11 3 0 5 7½ 8 0, 72 0, 36 0, 18 24 2 0 0 1 0 0 0 6 0 9 0, 76 0, 38 0, 19 27 2 1 6 1 0 9 0 6 4½ 10 0, 80 0, 40 0, 20 30 2 3 0 1 1 6 0 6 9 11 0, 84 0, 42 0, 21 33 2 4 6 1 2 3 0 7 1½ 12 0, 88 0, 44 0, 22 36 2 6 0 1 3 0 0 7 6 13 0, 92 0, 46 0, 23 39 2 7 6 1 3 9 0 7 10½ 14 0, 96 0, 48 0, 24 42 2 9 0 1 4 6 0 8 3 15 1, 00 0, 50 0, 25 45 2 10 6 1 5 3 0 8 7½ 16 1, 04 0, 52 0, 26 48 3 0 0 1 6 0 0 9 0 17 1, 08 0, 54 0, 27 51 3 1 6 1 6 9 0 9 4½ 18 1, 12 0, 56 0, 28 54 3 3 0 1 7 6 0 9 9 19 1, 16 0, 58 0, 29 57 3 4 6 1 8 3 0 10 1½ 20 1, 20 0, 60 0, 30 60 3 6 0 1 9 6 0 10 6 21 1, 24 0, 62 0, 31 63 3 7 6 1 9 9 0 10 10½ 22 1, 28 0, 64 0, 32 66 3 9 0 1 10 6 0 11 3 23 1, 32 0, 66 0, 33 69 3 10 6 1 11 3 0 11 7½ 24 1, 36 0, 68 0, 34 72 4 0 0 2 0 0 1 0 0 25 1, 40 0, 70 0, 35 75 4 1 6 2 0 9 1 0 4½ 26 1, 44 0, 72 0, 36 78 4 3 0 2 1 6 1 0 9 27 1, 48 0, 74 0, 37 81 4 4 6 2 2 3 1 1 1½ 28 1, 52 0, 76 0, 38 84 4 6 0 2 3 0 1 1 6 29 1, 56 0, 78 0, 39 87 4 7 6 2 3 9 1 1 10½ 30 1, 60 0, 80 0, 40 90 4 9 0 2 4 6 1 2 3 31 1, 64 0, 82 0, 41 93 4 10 6 2 5 3 1 2 7½ 32 1, 68 0, 84 0, 42 96 5 0 0 2 6 0 1 3 0 33 1, 72 0, 86 0, 43 99 5 1 6 2 6 9 1 3 4½ 34 1, 76 0, 88 0, 44 102 5 3 0 2 7 6 1 3 9 35 1, 80 0, 90 0, 45 105 5 4 6 2 8 3 1 4 1½ 36 1, 84 0, 92 0, 46 108 5 6 0 2 9 0 1 4 6 37 1, 88 0, 94 0, 47 111 5 7 6 2 9 9 1 4 10½ 38 1, 92 0, 96 0, 48 114 5 9 0 2 10 6 1 5 3 39 1, 96 0, 98 0, 49 117 5 10 6 2 11 3 1 5 7½ 40 2, 00 1, 00 0, 50 120 6 0 0 3 0 0 1 6 0

On suppose dans cette table que les pierres sont d’une dureté moyenne, et que les épaisseurs vont en augmentant depuis la clef, jusqu’a l’endroit où la voûte se détache des piédroits, de manière que son épaisseur est double en cet endroit.

L’expérience et les principes mathématiques, prouvent qu’une voûte en plein cintre, d’égale épaisseur dans toute son étendue, composée de quatre voussoirs désunis, ne peut pas se soutenir, quelle que son la résistance des piédroits, si son épaisseur est moindre de la dix-septième partie de son diamètre ; cependant elle se soutient avec une moindre épaisseur, lorsque la voûte n’est extradossée également que dans les deux tiers de son étendue, le surplus étant compris dans les piédroits.

Lorsque l’épaisseur d’une voûte va en augmentant, l’épaisseur au droit de la clef peut être cinq fois moindre, c’est-à-dire qu’elle peut n’avoir que la quatre-vingtième partie du diamètre.

La grande voûte de l’intérieur du portail de l’église de Sainte-Geneviève, qui a 58 pieds de diamètre, n’a que 8 pouces d’épaisseur au milieu de la clef, c’est-à-dire la quatre-vingt-dixième partie du diamètre ; mais elle a le double à l’endroit où elle se détache du nu intérieur des piédroits.

DE LA FORME D’EXTRADOS DES VOUTES.

Les Anciens, qui n’ont exécuté en pierre de taille que des voûtes en plein cintre, les faisoient presque toujours d’égale épaisseur, c’est-à-dire comprise entre deux circonférences de cercle. Les constructeurs français ont donné le nom d’extrados à la surface supérieure indiquée par la demi-circonférence du cercle, et ils ont appelé intrados la surface inférieure.

Ainsi, ils disent qu’une voûte est extradossée lorsque le dessus présente une surface uniforme. Si cette surface est parallèle à celle de l’intrados, en sorte que la voûte ait partout une même épaisseur, on dit qu’elle eft extradossée également, et qu’elle l’est inégalement, si ces surfaces ne sont pas parallèles.

Plusieurs géomètres qui se sont occupés de la manière dont les voussoirs agissent pour se soutenir mutuellement, ont démontré qu’en supposant que rien ne s’oppose à leur action, il faudroit pour qu’unevoûte se soutienne, que les poids des voussoirs fussent entr’eux, comme la différence des tangentes des angles formés par leurs joints. Cette condition fournit un moyen facile de procurer auxvoûtes la plus grande solidité.

Il faut remarquer, qu’en continuant les piédroits jusqu’à la hanteur, où l’épaisseur de la voûte se dégage de l’aplomb du nu intérieur, les parties inférieures peuvent être considérées, comme faisant partie des piédroits, et les pierres qui les composent, n’ont besoin de porter de coupe, que depuis l’aplomb du nu intérieur. Ainsi il ne reste à déterminer que l’épaisseur, ou plutôt la forme de l’extrados de la partie de la voûte comprise entre les deux précédentes.

L’auteur à qui nous empruntons un abrégé de cette théorie, tom. II, pag. 157 et suivantes, fait voir :

1°. Que les voûtes surbaissées et celles qui sont en plein cintre, sont les plus propres à être extradossées de niveau, pour former le sol des différens étages des édifices.

2°. Que dans les voûtes extradossées de cette


manière, les vonssoirs inférieurs étant plus renforcés que par la courbe d’extrados donnée par la différence des tangentes, elles sont capables de soutenir une certaine charge, et de former des arches de pont.

3°. Que les voûtes gothiques sont les plus convenables pour former les toits à double pente.

4°. Qu’on pourroit, en certaines circonstances, employer avec avantage les voûtes paraboliques, lorsqu’il s’agit de soutenir de grands fardeaux.

DE LA DIRECTION DES RANGS DE VOUSSOIRS.

On a déjà parlé de la disposition des rangs de claveaux qui forment les voûtes plates. Tout ce qu’on a dit à ce sujet, convient aux rangs de voussoirs des voûtes dont la surface est courbe. On peut même ajouter, que ces dispositions sont indispensables dans ces dernières, parce qu’elles sont déterminées par la direction du cintre.

Les différentes espèces de voûtes à surfaces courbes, peuvent se réduire à trois principales, qui sont les voûtes cylindriques on en berceau, les voûtes coniques, et les voûtes sphériques, sphéroïdes ou conoïdes.

La surface des deux premières espèces de voûtes, peut être supposée formée par des lignes droites allant d’une courbe à une autre, ou d’un point à une courbe.

Mais la troisième ne peut être formée que par des courbes de même genre posées les unes sur les autres, et diminuant dans un rapport déterminé par d’autres courbes qui se croisent à l’axe, ou bien par une courbe quelconque qui, en se mouvant autour de son axe, formeroit une surface composée d’autant de cercles que la courbe auroit de points.

Dans les voûtes en berceau supportées par deux murs opposés, les rangs de voussoirs doivent toujours être parallèles à l’axe, quelles que soient la courbure du cintre et la situation de la voûte,. Ainsi les berceaux obliques ou inclinés doivent avoir leurs rangs de voussoirs situés de même.

Dans les voûtes coniques, les rangs doivent se diriger à la pointe du cône, soit qu’elles fassent partie d’un cône entier, ou d’un cône tronqué. On observe, dans le premier cas, pour éviter la trop grande maigreur des voussoirs, de former la pointe ou trompillon par une seule pierre.

Lorsqu’une voûte conique a une grandeur propre à rendre les voussoirs trop minces, il est à propos de partager sa longueur en plusieurs parties ; de sorte que si la grande circonférence est divisée en huit voussoirs, et que la longueur de la voûte soit partagée en quatre parties depuis le devant, jusqu’à l’angle de la naissance, la seconde partie pourra être divisée en cinq voussoirs, la troisième en trois, et la quatrième formant le trompillon, d’une seule pierre.

Nous observerons à l’occasion des voûtes coniques dont l’effet n’est jamais agréable, qu’il ne faut en faire usage, que lorsqu’on y est contraint par des dispositions qui ne sauroient être changées. On doit surtout éviter autant qu’il est possible, d’augmenter cet effet par des irrégularités, qui nuisent autant à la beauté de la forme qu’à la solidité.

Il y a une remarque importante à faire dans l’architecture, et dans la construction, c’est que tout ce qui choque l’œil par la forme ou la disposition, est presque toujours contraire à la solidité.

DES VOUTES SPHÉRIQUES, SPHÉROÏDES ET CONOÏDES.

On a déjà donné dans le paragraphe précédent la définition de la troisième espèce de voûtes, qui seront le sujet de celui-ci. Or il en résulte que ces voûtes doivent être composées de rangs horizontaux formant des couronnes concentriques, posées les unes au-dessus des autres. Les rangs de voussoirs formant en plan, des carrés inscrits, et ceux qui composés de triangles équilatéraux, de pentagones ou d’hexagones, se trouvent dans quelques-uns des écrivains sur la coupe des pierres, présentent plus de difficulté que de solidité, surtout pour les voussoirs dont on fait les angles de ces polygones, à cause de leur position sur les arêtes et les angles extrêmement aigus qui en résultent. D’ailleurs cette disposition ne produit pas une liaison aussi solide que les voussoirs disposés par rangs horizontaux.

Ce qu’on a dit des voûtes sphériques ou sphéroïdes entières, doit s’appliquer aux parties des mêmes voûtes inscrites dans des carrés, ou dans des polygones quelconques.

Quant aux voûtes composées, formées de la réunion de plusieurs parties de voûtes simples, il faut que les rangs de voussoirs soient disposés dans chacune, comme ils le seroient dans les voûtes dont ils proviennent. Ainsi dans les voûtes d’arête et celles d’are de cloître, composées de parties de voûtes cylindriques, dont les arcs se croisent au centre, les rangs de voussoirs doivent être parallèles à ces axes.

Il faut remarquer que les voûtes d’arête, et d’arc de cloître, sont composées de parties triangulaires, que ces parties dans les voûtes d’arête, n’ont pour appuis que les angles, tandis que dans les voûtesen arc de cloître, ces parties sont soutenues sur leur côté, qui porte sur un mur dans toute sa longueur : d’où il suit que ces dernières sont plus solides, et ont beaucoup moins de poussée que les voûtesd’arête.

Lorsque le plan d’une voûte d’arête est un polygone de plus de quatre côtés, les angles que les rangs de voussoirs forment à leur rencontre, deviennent plus aigus, en raison du nombre de côtés de ce polygone. Ainsi dans une voûte dont le plan est un hexagone régulier, les angles des


rangs de voussoirs, ne sont que de 60 degrés, tandis que dans une voûte du même genre, mais tétragone, les angles sont droits on de 90 degrés.

Les coupes qui se rencontrent au droit de ces angles, rendent les arêtes des joints encore plus aiguës. D’où il résulte, que les voûtes d’arête en polygone, ont d’autant moins de solidité que le nombre des côtés est plus grand.

Les architectes gothiques qui n’employoient que des voûtes d’arête, évitoient la difficulté, dans les parties à pans ou circulaires, appelées ronds points, et même dans les travées ordinaires, en plaçant des arcs ogives saillans et profilés, qui s’appareilloient comme des arcs simples ; le surplus formant lunette ou pendentif, n’étoit qu’un remplissage en petites pierres, sans coupes, appelées pendans.

Dans les voûtes en arc de cloître, les angles rentrans formés par la rencontre des faces, au lieu de diminuer, deviennent d’autant plus grands, que le polygone a plus de côtés. Ainsi l’angle pour l’hexagone qui est de 60 degrés dans les voûtes d’arête, est de 120 degrés dans les voûtes en arc de cloître, ce qui rend ces dernières d’autant plus solides, qu’elles ont plus de côtés. D’où l’on peut affirmer, qu’à cintres et à diamètres égaux, les voûtes sphériques, qui peuvent être considérées comme des voûtes d’arc de cloître d’un nombre infini de côtés, sont les plus solides, et celles qui poussent le moins.

Par rapport aux voûtes coniques, il est bon d’observer, que les plus solides, sont celles qui sont pratiquées dans un angle rentrant. Celles qui doivent soutenir en l’air un angle saillant, peuvent être considérées comme des voûtestronquées, qui ne se soutiennent en partie que par la consistance de la pierre, à cause de la suppression des parties destinées à contre-butter les parties supérieures, et des angles aigus qui résultent de ces suppressions.

Voici les principaux noms qu’on donne aux différentes espèces de voûtes, suivant la place qu’elles occupent et suivant leur forme.

VOUTE MAÎTRESSE. Se dit généralement des principales voûtes d’un édifice.

VOUTE PETITE. Se dit de celles qui ne couvrent qu’une petite partie, comme une porte, un passage, une rampe.

VOUTE DOUBLE. Est celle qui est construite au-dessus d’une autre, pour raccorder la décoration intérieure d’une coupole (par exemple) avec sa décoration extérieure, ou pour toute autre raison. Telles sont les voûtes du dôme de Saint-Pierre à Rome, des Invalides ou de Saint-Geneviève à Paris.

VOUTE CYLINDRIQUE ou ANNULAIRE. Est celle dont la douelle a le contour de la surface d’un cylindre ou d’un anneau, ou est en demi-cercle, et que les ouvriers appellent voûte en berceau ou berceau droit, ou voûte en plein cintre.

VOUTE CONIQUE. Est celle dont la douelle a la forme de la surface d’un cône, et que les ouvriers appellent voûte en canonnière et trompe.

VOUTE HÉLICLOÏDE ou EN VIS. Voûte qui est cylindrique ou annulaire, mais dont l’axe s’élève en tournant autour d’un noyau.

VOUTES MIXTES ou IRRÉGULIÉRES. Sont celles qui tiennent des espèces précédentes, auxquelles il faut toujours les rapporter, et que les ouvriers appellent voûte biaise, voûte en limaçon, voûte rampante, de cloître, d’arête, etc.

VOUTE SPHÉRIQUE. Est une voûte qui est circulaire par son plan et son profil, que les ouvriers appellent cul-de-four, calotte, dôme.

VOUTE BIAISE. Celle dont les murs ne sont pas d’équerre avec la face.

VOUTE EN LIMAÇON. Se dit de toute voûte sphérique ou elliptique, surbaissée ou surmontée, dont les assises ne sont pas posées de niveau, mais en spirale.

VOUTE RAMPANTE. Est celle qui est inclinée à l’horizon. Telles sont les voûtes qui suivent la pente d’un escalier.

VOUTE EN ARC DE CERCLE. Est une voûte formée par quatre portions de cercle, dont les angles sont rentrans. On l’appelle aussi voûte d’angle.

VOUTE D’ARÊTE. Est celle qui est formée par la rencontre de deux berceaux qui se croisent.

VOUTE EN CUL-DE-FOUR, ou CALOTTE. Est celle dont le plan et le profil sont circulaires.

VOUTE EN BONNET DE PRÊTRE. Est celle qui est circulaire par son plan, mais dont le profil est tronqué au sommet.

VOUTE EN PLEIN CINTRE. Est celle dont la courbure est toujours en demi-cercle, ou une portion de cercle.

VOUTE SURBAISSÉE ou ELLIPTIQUE, ou EN ANSE DE PANIER. Est celle dont la courbure est une portion d’ellipse.

VOUTE SURMONTÉE. Est celle qui a plus de hauteur que le demi-cercle.


VOUTE D’OGIVE. Est celle qui est formée d’arcs de cercle, qui se coupent. Elle se compose de différentes nervures, qu’on nomme formeret, arc-doubleau, croisée d’ogive, lierne, tierceron, pendentif. On l’appelle aussi gothique, en tiers-point à la moderne.

VOUTE A COMPARTIMENS. Est celle dont la douelle est enrichie de panneaux de sculpture, séparée par des plates-bandes, ou de peintures et dorures.

VOUTE EN TAS DE CHARGE. Est une voûte sphérique, dont on met les joints de lit partie en coupe, du côté de la douelle, et partie de niveau du côté de l’extrados.

VOUTER, v. act. Nous avons vu que l’étymologie de voûte, étoit le verbe italien voltare ou le verbe latin volutare, qui l’un et l’autre expriment l’idée de contourné, de cintré ; que par conséquent le motvoûte signifioit élémentairement, une couverture circulaire ou cintrée. Voûter doit donc signifier l’art de faire des couvertures dans cette forme.

De toutes les manières d’exécuter de semblables couvertures, il nous a paru que d’après la seule nature des choses, celle de les faire en bois, a dû être la première, et a dû servir de type aux voûtes en pierres, briques, et autres matériaux propres à la construction.

Mais l’art de voûter par assemblage de pierres ou de maçonnerie en forme de cintre, une fois usité, n’a pas dû empêcher qu’on ne fît en toutes sortes d’occasions, des couvertures cintrées en bois, ou en d’autres matières.

Les mots voûte et voûter, n’emportent donc pas la signification exclusive, d’une couverture cintrée en pierre.

Comme la voûte en pierres a succédé à la voûte en bois, de même, la couverture plate ou en plafond de bois, a été imitée par des assemblages en pierres, formant plafond ; et l’on dit contrairement, il est vrai, à l’étymologie grammaticale, une voûte plate.

Ainsi l’art de voûter, consiste à faire avec des pierres taillées en voussoirs, ou avec des matières diverses réunies par plus d’un procédé, des couvertures plus ou moins circulaires, selon les différences des courbes, dont on a donné les détails au mot VOUTE. (Voyez ce mot. ) Et il consiste à faire des couvertures plus ou moins planes, imitant plus ou moins les plafonds de bois de charpente, et par conséquent, à faire aussi en bois des couvertures courbes.

Puisque le mot de voûte peut s’appliquer dans le langage ordinaire, même des artistes, à des couvertures cintrées et planes, l’art de voûter, ou les productions de cet art, comprendront tous les moyens que divers genre de constructions emploient, selon la diversité des matériaux, pour couvrir les espaces vides des bâtimens. Or les moyens de voûter consisteront dans l’emploi des pierres de taille, de la maçonnerie, de la charpente avec tous les procédés d’assemblage du bois, soit en grandes parties, soit en petits morceaux ou voliges ; ils consisteront dans l’emploi des matériaux et des barres de fer naturel ou fondu, ou de tout autre métal.

On ne sauroit dire de combien de manières, l’architecte peut disposer, pour voûter les intérieurs de ses édifices. Outre celles dont on a parlé à l’article VOUTE, et qui, dispendieuses de leur nature, n’appartiennent guère qu’aux grandes constructions, ou a vu au mot POTERIE, que depuis quelques années on avoit imaginé, pour faire des voûtes plates, sans pesanteur et sans poussée, d’employer des pots de terre assemblés par le mortier, lesquels, offrant beaucoup plus de vide que de plein, remplacent avec quelques avantages la brique, et comme elle, mettent cette construction à l’abri des incendies. Beaucoup de voûtes plates des galeries du Palais-Royal, à Paris, sont faites de cette manière, et quelques-unes n’ont, depuis près de quarante ans, donné aucun symptôme de désunion. Cesvoûtes en plafonds reçoivent, avec autant de facilité que d’économie, l’ornement des caissons, en stuc ou en plâtre, dont on veut les décorer.

L’architecte emploie de plus d’une façon le bois pour voûter. Nos édifices sont remplis de grandes constructions cintrées ou sphériques, en bois de charpente. Telles sont les courbes des voûtes externes du plus grand nombre de nos coupoles, qui ont pour objet, soit de porter leur masse au-dehors à une plus grande élévation, que ne le comporte la courbe de la voûte sphérique intérieure, soit de mieux proportionner leur forme, et de la mettre dans un plus juste accord avec l’ensemble qu’elle doit couronner, soit, en servant de support à la lanterne qui en est l’amortissement ordinaire, de soulager de cette surcharge les voûtes intérieures.

Il est peu de grandes salles, dans les palais du Louvre, des Tuileries, ou autres, et particulièrement aux appartemens des étages supérieurs, dont les couvertures, et ce qu’on appelle les plafonds, en dépit de l’impropriété du mot, ne soient des constructions cintrées en bois, qui ont l’avantage de ne produire ni poussée, ni écartement, et d’être plus légères à la fois, et moins dispendieuses ; ajoutons que leur réparation est plus facile. Cependant elles n’offrent ni contre les efforts du temps, ni contre les accidens du feu, la même sûreté ni d’égales garanties.

On ne peut pas se dispenser, de faire ici mention d’une autre manière de voûter plus économique encore et plus légère, et qui consiste à faire des couvertures cintrées, ou des voûtes de toute espèce en bois ; le bois employé non plus en grandes pièces de charpente, mais simplement


en voliges. On veut parler du procédé de charpente inventé par Philibert Delorme, et dont nous avons décrit ailleurs (voyez DELORME) la méthode et les procédés. Entre les différens exemples qu’on peut citer, de l’application de ce procédé à l’art de voûter, nous croyons devoir faire mention de la grande voûtesphérique qui fut exécutée en voliges, sur la Halle aux Blés de Paris, en l’année 1782.

Cette coupole, d’un diamètre presqu’égal à celui du Panthéon de Rome, produisoit le plus grand effet, et paroissoit d’une légèreté prodigieuse. L’œil parcouroit une voûte immense, qui, dans un développement de 188 pieds, s’élevoit à plus de 100 pieds au-dessus du sol. Il paroissoit difficile de concevoir, comment elle pouvoit se soutenir ainsi découpée, et ayant tout au plus un pied d’épaisseur. Vingt-cinq rayons lumineux ou côtes, y introduisoient une belle lumière. Cette voûte sphérique vingt ans après sa construction, fut consumée en quelques heures, par la négligence d’un plombier occupé à l’entretien des tôles de métal qui la couvroient.

Ceci nous conduit à faire considérer un autre procédé ou système de faire les voûtes, de quelqu’étendue qu’elles soient, par des assemblages de métaux.

On sait que les Anciens pratiquèrent celle méthode dans de grandes constructions ; et la vaste salle des Thermes de Caracalla, appelée cella Solearis, avoit été voûtée ou plafonnée par des assemblages métalliques.

Après l’incendie qui consuma la couverture en voliges de la Halle aux Blés, on en revint au projet présenté plusieurs années auparavant, et l’on adopta le système d’une voûte métallique.

La Halle aux Blés de Paris est le premier, et jusqu’à présent le seul monument, qui ait été voûté et couvert uniquement en fer et en cuivre. Pour ce nouveau genre de construction, qu’on pourroit employer ailleurs avec avantage, on a préféré le fer coulé, qui est moins sujet que le fer forgé, à se dilater ou à se condenser suivant les variations de l’atmosphère. Ces différences ont été calculées par l’architecte M. Belanger, et l’assemblage de toutes les parties qui composent sa coupole, doit fixer l’attention des constructeurs, parce que tout y est tellement étudié et prévu, que les différens métaux qui composent cet ensemble, peuvent suivre les impulsions atmosphériques, sans éprouver de résistance, et sans compromettre ainsi la solidité de l’édifice.

Comme cette voûte est, sous bien des rapports, un ouvrage fort curieux, nous pensons qu’on ne lira pas sans intérêt quelques détails sur sa construction. Elle est composée de cinquante et une courbes, s’élevant dans un plan vertical, depuis la corniche jusqu’à la grande fenêtre circulaire, ouverte au sommet de la couverture. Ces courbes sont entretenues dans toute la circonférence, par quinze autres courbes, dont le plan est dirigé vers le centre de la voûte. Il résulte de ce système, dont le type est bien certainement celui de Philibert Delorme, il résulte, disons-nous, un ensemble desept cent soixante et cinq caissons diminuant progressivement, et produisant un effet assez agréable. Toutes les pièces de cet assemblage, au nombre de 1071, sont en fonte de fer. Elles ont été réunies avec des clavettes et des boulons, à écrous en fer forgé. Cette sorte de charpente en fer est couverte en cuivre laminé et étamé. On y a employé 3549 feuilles. La dépense totale de cette coupole s’est élevée à 70, 000 francs.

Long-temps avant cet ouvrage, le fer avoit été employé en Angeterre, à défaut de pierres, pour faire des arches de pont voûtées, et cet art a reçu dans ce pays, toute l’extension dont il paroît susceptible. Voyez l’article PONT.

Nous avons rendu compte de toutes les pratiques et de toutes les matières, dont l’architecture peut user, pour donner, selon les temps, les lieux et les sommes dont elle peut disposer, aux intérieurs des édifices, une élévation qui contribue singulièrement à leur effet, et aux impressions de grandeur attachées à l’aspect produit par l’art de voûter. Il est sensible que la voûte a partout, sur le plafond, l’avantage d’agrandir l’espace d’un local donné. Le plafond d’ailleurs n’a guère lieu, que par l’emploi du bois taillé en solives ; or la portée de ce genre de matière est assez bornée, et l’on ne sauroit lui donner une certaine étendue, que par des assemblages de charpente, qui promettroient difficilement une grande solidité.

On croit assez généralement, que les temples des Anciens étoient plafonnés en bois, et la chose devient probable quand on voit les incendies assez nombreux qui causèrent leur destruction. Mais, comme on a eu plus d’une occasion de le dire, les temples du christianisme sont subordonnés à des convenances tout à fait opposées aux convenances du culte païen, c’est-à-dire, que leurs intérieurs recevant la multitude des fidèles, doivent avoir de tout autres dimensions que celles du naos antique. L’étendue de celui-ci, dans les plus vastes temples païens, formeroit à peine celle de nos petites églises. Quatre-vingt-dix pieds sont la mesure en longueur de l’intérieur du temple de Minerve à Athènes, dont la masse extérieure comprenoit toutefois deux cent vingt pieds de long. La largeur intérieure du naos étoit de cinquante-sept pieds. Deux rangs de colonnes divisoient cette largeur en trois nefs. Celle du milieu n’ayant de large que trente-trois pieds, rien ne fut plus facile que d’établir un plafond composé de solives d’une assez modique portée. Ce qu’on dit ici du temple de Minerve à Athènes, on doit le dire du temple de Jupiter à Olympie qui eut des dimensions absolument semblables. Il y en eut sans doute d’une plus grande


étendue, surtout dans l’Asie mineure ; mais la partie intérieure, ou le naos proprement dit, subordonné presque toujours au même plan, ne dut jamais offrir de sérieuses difficultés, aux couvertures en plafonds de charpente.

Nous avons eu encore l’occasion de faire pressentir ailleurs, que rien n’empêche d’imaginer la nef du milieu des temples périptères, dont il est ici question, couverte en voûte de charpente, et nous avons montré, que le passage même de la description, par Strabon, du temple d’Olympie, donne à penser que sa couverture fut cintrée.

Du reste, que l’art de voûter en bois de grands intérieurs ait été usuel dans l’antiquité, c’est ce que nous apprenons de Vitruve, par la description qu’il nous donne, lib. 6, cap. 5, des grandes salles appelées les unes égyptiennes, les autres corinthiennes. La salle égyptienne, selon son récit, avoit deux ordres de colonnes l’un sur l’autre, et ces colonnes supportoient un plafond orné de caissons. Au contraire la salle corinthienne n’avoit qu’un rang de colonnes en hauteur, audessus duquel s’élevoit une couverture cintrée, ou une voûte, curva lacunaria ad circinum delumbata. Le même Vitruve nous apprend qu’il avoit couvert sa basilique de Fano, par une voûte (altœ testitudinis) formant un aspect agréable. Or toute celle construction, moins les colonnes et les murs, étoit en bois de charpente. (Vit. tib. 5, c. 1. )

Vitruve, comme l’on voit, a fait remarquer le parti qu’il avoit pris d’une couverture cintrée (ce qui paroît n’avoir pas eu lieu généralement dans les basiliques), comme produisant un agréable effet, prœstat speciem venustam.

Oui, il fant en convenir, la voûte est une beauté incontestable en architecture. Ce n’est pas seulement à l’idée de dépense, ou de difficulté vaincue, que l’intérieur d’un grand local voûté doit le plaisir que sa vue nous procure ; ce plaisir tient au sentiment, et tout ensemble à l’instinct. L’imagination seule suffit pour établir le parallèle des sensations, que nous font éprouver une couverture en plafond, et une couverture en voûte. La première semble peser sur le spectateur, la seconde élève son esprit et sa pensée. C’est presqu’une impression physique. Qui ne l’a pas éprouvé à la vue de la coupole du Panthéon de Rome ? Qui n’a point été saisi d’une sensation inconnue ailleurs, sous les voûtes immenses de la basilique de Saint-Pierre, et d’autres églises où l’ouvrage de l’homme, en quelque sorte rival de celui du créateur, semble porter toutes nos idées vers le ciel ? Qu’on suppose, et à la même hauteur, une couverture plane, la moitié de cet effet se trouveroit détruit. Il y a dans la ligne courbe quelque chose qui participe de cet indéfini qui plaît à notre ame.

Ce n’est pas qu’on veuille contester ici les convenances que la nature même des choses a établies, dans l’architecture, entre certains élémens de sa construction, et le système des deux sortes de couvertures. Sans doute on conviendra que l’emploi des colonnes isol’es s’accommode moins, même au gré de la vue, d’une couverture cintrée. La voûte effectivement donne toujours l’idée d’une masse pesante qui dès-lors nous choque, lorsqu’elle repose sur de fiêles supports. Il est certain de plus, que le principe de la solidité s’y oppose, surtout en grand, et surtout en pierres de taille.

Il ne sauroit être question ici de fixer des données précises, sur les préférences que l’architecte selon les édifices, selon leur étendue, selon les variétés de construction et celles des matériaux, doit accorder à la pratique de voûter, sur la méthode de plafonner. Les considérations de goût qu’on vient de mettre en avant doivent nécessairement être subordonnées à une multitude de circonstances, qui ne sauroient entrer dans les élémens d’aucune théorie.

L’architecte, en tant que décorateur, doit quelquefois donner la préférence à l’art de voûter sur le procédé du plafond. Ce n’est pas que celui-ci ne présente dans les caissons qui en sont une conséquence, en quelque sorte nécessaire, un parti d’ornement qui lire de la nature même de son origine un effet riche, et cette sorte de beauté qui naît de la raison satisfaite. Cependant, s’il s’agit de décoration, l’on ne sauroit nier que la peinture, qui se plaît à devenir l’auxiliaire de l’architecture, et qui lui communique tant de charmes, ne trouve dans les espaces plus ou moins étendus de la voûte, des champs beaucoup plus propices a ses ressources, et plus heureux pour l’œil, que ne peuvent l’être ceux du plafond.

Sans prétendre parler ici de ces immenses compositions de coupoles, où la peinture, en forçant peut-être ses moyens, a souvent empiété sur le domaine de l’architecture, on ne sauroit nier que l’emploi des voûtes dans les palais, et jusque dans les petites distributions des maisons en Italie, n’ait produit les plus agréables parties de décoration. C’est là que, soit dans les restes de l’antiquité, soit dans une multitude de constructions du seizième siècle, on voit que le genre de l’arabesque, les stucs et les compartimens les plus ingénieux, exercèrent le goût et le talent des plus habiles artistes, à des sujets décoratifs, qu’on ne sauroit attendre ni exiger de la méthode des plafonds. Il est vrai que ce charmant art de décorer les intérieurs dépend d’une manière de voûter et d’un genre de construction en blocage ou maçonnerie facile, économique et propre à recevoir des enduits propices à la peinture : ce que l’on ne peut guère obtenir de l’art de voûter en pierres de taille. Ainsi, chaque chose en ce genre, se trouve soumise à des conditions locales et trop


variables, pour qu’on puisse y asseoir aucun préce pte formel ou exclusif.

VUE, s. f. Sous son acception ordinaire dans l’art de bâtir les maisons, ce mot signifie une ouverture par laquelle on reçoit le jour.

Ainsi l’on dit d’une maison qu’elle n’a pas vue sur une rue, sur la campagne. Un logement n’a de vue que sur une cour, c’est-à-dire que cette maison ou ce logement ont ou n’ont pas des ouvertures ou des fenêtres par où l’on voit la rue ou la campagne, etc.

Le mot vue est donc synonyme de baie, terme usité pour exprimer l’ouverture d’une porte ou d’une fenêtre.

On dit :

VUE ou JOUR DE COUTUME. C’est dans un mur non mitoyen, une fenêtre dont l’appui doit être à neuf pieds d’enseuillement du rez-de-chaussée, pris au-dedans de l’héritage de celui qui en a besoin, et à sept pieds pour les autres étages, ou même à cinq, selon l’exhaussement des planchers. Ces sortes de vues sont encore appelées vues hautes, et dans le droit vues mortes.

Les vues d’appui sont les plus ordinaires ; elles ont trois pieds d’enseuillement el au-dessus.

Les vues reçoivent, selon la coutume, beaucoup de noms divers. Voici les principaux :

VUE A TEMPS. Vue dont on jouit par titre et pour un temps limité.

VUE DE CÔTÉ. Vue qui est prise dans un mur de face, et qui est distante de deux pieds du milieu d’un mur mitoyen en retour, jusqu’au tableau de la croisée. On la nomme plutôt baie que vue.

VUE DE PROSPECT. Vue libre dont on jouit par titre, ou par autorité seigneuriale, jusqu’à une certaine distance et largeur, devant laquelle personne ne peut bâtir ni même planter aucun arbre.

VUE DÉROBÉE. Petite fenêtre pratiquée au-des-sus D’une plinthe ou d’une corniche, ou au milieu de quelque ornement, pour éclairer en abatjour des entresols ou de petites pièces, et que l’on pratique ainsi pour ne point rompre la décoration d’une façade. De là l’épithète de dérobée qu’on donne à ces sortes de vues. C’est que ces petites ouvertures, tout-à-fait étrangères à l’ordonnance, occupent un espace qu’on peut dire dérobé, ou pris aux dépens de quelques parties du bâtiment qui ne leur avoient pas été destinées.

VUE DE TERRE. Espèce de soupirail au rez-de-chaussée d’une cour, ou même d’un lieu couvert, qui sert à éclairer quelque pièce d’un étage souterrain, par le moyen d’une pierre percée, d’une grille ou d’un treillis de fer. Il y a des villes, surtout en Flandre, où toutes les maisons ont de ces sortes d’étages souterrains, qui n’ont pas d’autres vues que des vues de terre.

VUE DROITE. Vue qui est directement opposée à l’héritage, maison ou place d’un voisin, et qui ne peut être à hauteur d’appui, s’il n’y a six pieds de distance depuis le milieu du mur mitoyen, jusqu’à la même vue ; mais si elle est sur une ruelle qui n’ait que trois ou quatre pieds de large, il n’y a aucune sujétion, parce que c’est un passage public.

VUE ENFILÉE. On donne ce nom à une fenêtre directement opposée à celle d’un voisin, qui est à même hauteur d’appui.

VUE FAÎTIÉRE. Nom général qu’on donne à un très-petit jour, comme une lucarne, un œil de bœuf, pris vers le faite d’un comble, ou la pointe d’un pignon.

VUE DE SERVITUDE. Vue qu’on est obligé de souffrir, en vertu d’un titre de sujétion qui en donne la jouissance au voisin.

VUE DE SOUFFRANCE. Vue dont on a la jouissance par tolérance ou consentement d’un voisin, sans titre.

VUE. Ce mot s’emploie différemment et s’applique à plus d’un objet dans le langage des arts du dessin.

Comme dans le bâtiment on a donné (voyez l’article précédent) à l’ouverture des maisons appelée fenêtre, par laquelle on reçoit le jour, et l’on voit les objets du dehors, le nom de vue, on le donne réciproquement aux objets que l’œil embrassera par cette ouverture. Ainsi l’on dira que de telle fenêtre d’un bâtiment on a une belle vue, ou une vue désagréable.

Le mot vue devient, en ce sens, synonyme d’aspect. La peinture de paysage est particulièrement celle qui s’est emparée de cette dénomination. On appelle donc vue le portrait d’un site qu’on a fait d’après nature, et on distingue par ce mot l’image fidèle d’un site exactement copié, d’avec celle dans laquelle l’artiste n’ayant en vue aucun lieu particulier, est lui-même l’auteur des combinaisons de lignes, de lointains, d’objets empruntés sans doute à la nature, mais qui, rassemblés par son imagination et modifiés par son goût, n’exigent ainsi réellement nulle part.

Vue Signifie donc souvent, en terme d’art, la représentation, par le dessin ou la couleur, non-seulement des scènes de la nature, mais d’une multitude d’ouvrages qui sont du domaine de l’architecture. L’architecte emploie ce terme, soit qu’il représente en dessin l’ensemble ou les parties de monumens qui existent, soit qu’il veuille


donner une idée claire et précise de son invention, el soumettre à l’esprit, par l’organe des yeux, ses projets ou ses compositions.

Trois sortes de vues sont nécessaires pour en compléter l’image.

Il y a la vue de l’édifice en plan. On suppose que toute l’élévation des masses est supprimée, et qu’il ne reste sur le terrain que la trace de ces masses, c’est-à-dire des murs, des piliers, des colonnes.

Il y a la vue qu’on appelle géométrale, dans laquelle on figure toutes les proportions des masses et des parties, sans avoir aucun égard aux diminutions que les objets représentés devroient subir, pour se conformer à la manière dont l’œil les voit d’un point donné.

Il y a la vue qu’on appelle perspective. C’est celle dans laquelle le dessin, accompagné si l’on veut d’ombres et de clairs, dégradés ou renforcés selon la proximité ou l’éloignement des objets entr’eux, fait voir les masses d’un bâtiment, de manière que les parties paroissent fuyantes par proportion, depuis la ligne de terre jusqu’à la ligne horizontale.

Vue est le nom qu’on donne à un dessin, à une estampe, à un tableau qui représente un bâtiment, un lieu, un site, une ville, etc. , tous objets qu’il faut, dans la nature, considérer de loin pour en embrasser l’ensemble. Ainsi dit-on les vues de Rome, pour signifier les divers aspects ou points de vue que la peinture ou le dessin en ont représentés.

On appelle point de vue l’étendue d’un lieu qui borne la vue et où la vue peut se porter. On dit d’une maison qu’elle a de beaux points de vue.

On donne le même nom à l’endroit précis où l’on doit se placer, non-seulement pour voir les objets, mais pour les bien voir, c’est-à-dire sous leur aspect le plus complet, le plus intéressant et le plus favorable à leur effet. Tout objet, tout ouvrage est particulièrement destiné a produire un effet principal, d’un certain endroit, d’une certaine distance en rapport avec ses dimensions. Ce qui est vrai de tous les ouvrages, l’est encore plus des œuvres de l’architecture, qui ont d’innombrables points de vue. Mais il en est un qu’indique sa proportion et auquel le spectateur doit se placer pour en bien juger. Voyez POINT DE VUE.

Vue s’entend aussi de la manière dont chaque spectateur peut considérer un objet. Dans ce sens on dit une vue de côté, une vue de haut en bas, une vue de bas en haut, une vue d’angle. On dit d’un objet, d’un bâtiment, qu’il est représenté à vue d’oiseau. Toutes ces locutions expriment les différences de position du spectateur, par rapport à l’objet que son œil embrasse.

VUIDANGE, s. f. On exprime par ce mot le transport des décombres et des ordures qu’on enlève d’un lieu, d’un récipient quelconque que l’on vuide des objets qui le remplissoient on l’encombroient. On applique ainsi le mot qui exprime cette action au transport de plusieurs sortes de matières, et l’on dit :

VUIDANGE D’EAU. C’est l’étanche que l’on fait des eaux d’an batardeau, par le moyen de moulins, de chapelets, de vis d’Archimède et autres machines dont on use pour le mettre à sec afin de pouvoir y établir les fondations.

VUIDANGE DE FORÊT. C’est l’enlèvement des bois abattus dans une forêt, enlèvement qui doit être incessamment fait par les marchands à qui la coupe a été adjugée.

VUIDANGE DE TERRE. C’est le transport des terres fouillées, qui se marchande par toises cubes, et dont le prix se règle selon la qualité des terres et la distance qu’il y a de la fouille au lieu où elles doivent être portées.

VUIDANGE DE FOSSE D’AISANCE. C’est l’enlèvement des matières fécales d’une fosse d’aisance.

VUIDE, s. m. Ce mot s’emploie substantivement pour désigner une ouverture ou une baie dans un mur.

Ainsi on dit les vuides d’un mur de face ne sont pas égaux aux pleins, pour dire que les baies sont ou moindres en nombre, ou plus larges que ne le sont les trumeaux ou les massifs.

On dit espacer tant plein que vuide, ce qui signifie, par exemple, peupler un plancher de solives, en sorte que les entrevous soient de même largeur que les solives.

On dit aussi que les trumeaux sont espacés tant plein que vuide, lorsque dans une façade de bâtiment, ils ont la même largeur que les fenêtres.

On dit pousser ou tirer au vuide. Cette locution signifie qu’un parement de mur, une façade de maison déversent et sortent de la ligne d’aplomb.

VUIDES, s. m. pl. C’est l’expression la plus simple et la plus littérale, pour exprimer certaines cavités que l’architecte laisse à dessein dans des massifs de construction et de maçonnerie.

Ces vuides on les pratique pour deux raisons, l’une de légèreté, l’autre d’économie.

Par exemple, il y a telle masse de bâtisse, comme seroit l’attique d’un grand arc de triomphe, ou d’une porte colossale, qui doit présenter une grande superficie de construction à l’extérieur. Mais non-seulement il n’importe pas à la solidité de l’édifice que tout cet espace soit plein, il lui importe au contraire qu’on allégisse la charge de la voûte et des piédroits. On pratique alors une ou plusieurs chambres ou cavités, dans


cet attique, et c’est là une économie tout à la fois de surcharge de matière et de travail.

Les Anciens dans leurs grandes constructions de maçonnerie ont ordinairement mis en œuvre ces pratiques d’économie de plus d’une manière. C’est ainsi que le mur circulaire du Panthéon s’est trouvé allégé dans sa circonférence par plusieurs vuides, qui n’ont en rien diminué la force des points d’appui de la voûte.

On sait qu’ils employèrent avec plus de détail dans la maçonnerie de leurs grandes constructions un antre moyen d’y ménager des vuides. Je veux parler de ces grands pots de terre vuides qu’ils mêloient et lioient par le mortier avec les mœllons et les pierrailles, ainsi qu’on le voit au cirque de Caracala. Par cet expédient ils allégissoient singulièrement les massifs, sans rien ôter à leur superficie. Chacun de ces pots avoit la propriété de produire une espèce de petite voûte dans le noyau même de la construction.

Dans les constructions en pierre de taille, les Modernes pratiquent aussi des vuides pour l’allégement des masses ; mais ils ont ordinairement recours à l’art des voûtes selon toutes les sortes de courbes par raison de solidité.

VUIDES ET PLEINS. A l’article PLEIN (voyez ce mot), on a déjà fait connoître sous quelques points de vue de la critique du goût en architecture, ce qu’on appelle accord entre les vuides et les pleins. Ces deux mots expriment effectivement ce qui, par le fait, constitue, dans un sens à la vérité matériel, tous les édifices. Excepté les constructions des murailles, des clôtures, des fortifications, qui n’admettent points de vuides, tous les autres travaux de l’art de bâtir, sont des assemblages de parties pleines et de parties vuides.

Or il est certain, et les sens tout seuls nous le démontrent, que plus il y aura de parties de constructions missives, c’est-à-dire de pleins, dans un édifice, plus il y aura de moyens de solidité, et le contraire sera dès-lors réciproquement vrai.

Il faut cependant entendre cette assertion, et le fait qu’on vient de poser, avec les conditions et les restrictions que ce fait comporte.

Il doit d’abord être bien entendu, que la chose n’est vraie, que sous la condition, que les règles ordinaires de la solidité seront observées dans la bâtisse de l’édifice. Sinon des parties de construction massives, ou de grands pleins, sans fondation, ou qui pêcheroient par des matériaux ou des fondemens vicieux, auroient certainement moins de durée, que des pleins trop légers, et disproportionnés à leurs vuides, mais qui reposeroient sur d’inébranlables substructions.

On doit ensuite restreindre les applications du principe de solidité dont on a parlé, aux constructions continues, aux devantures de maisons, de palais, aux murs des monumens qui ont à supporter des charges ou à vaincre des résistances. Le même principe ce paroîtra point applicable, dans le détail surtout, à plus d’une sorte de voûte, à des portiques, à des arcades, et même à plus d’un entre-colonnement.

Par exemple, s’il s’agit des arches d’un pont, le simple bon sens prescrira en beaucoup de cas, de donner aux vuides de sa construction la plus grande extension possible, aux dépens de la masse de sespleins. Le pont étant destiné à donner le plus d’espace qu’il est possible, au passage des eaux, exige dès-lors, qu’en augmentant l’ouverture des vuides, on restreigne en proportion la masse des pleins. Levuide, en ce cas, et dans plusieurs autres semblables, doit l’emporter sur le plein.

L’architecture antique, jusque dans l’emploi des colonnes, semble témoigner en faveur de la théorie qui est le sujet de cet article. Je veux parler de l’espacement qu’ils donnèrent à leurs entre-colonnemens, en proportion du caractère plus ou moins grave de chacun de leurs ordres. Ainsi l’on sait, que le plus ancien dorique dans quelques monumens de cet ordre, a ses entre-colonnemens tellement serrés, qu’ils n’ont, mesurés en bas, que la largeur du diamètre des colonnes, ce qui, par le fait, rend le vuide à peu près égal au plein. Il est vrai de dire que la mesure des entre-colonnemens chez les Grecs, fut plus qu’on ne pense subordonnée à la mesure des plates-bandes d’une seule pierre, qu’ils employoient dans les architraves.

Cette raison cependant ne fut pas la seule qui, chez les Anciens, influa sur les rapports des vuides et des pleins, dans les ordonnances des colonnes. Vitruve, en détaillant les variétés d’entre-colonnemens, selon la diversité des ordres et de leurs proportions, fait assez sentir, que de ces rapports divers entre les pleins et les vuides, résulte pour l’œil et pour l’esprit, une différence de caractère, et par conséquent d’effet et d’impression, très-sensible. On peut donner en exemple le pycnostyle, dans lequel l’aspérité des colonnes donne une plus grande autorité aux colonnades, et l’araeostyle, où d’autres dispositions d’entre-colonnemens trop larges, donnent à tout l’ensemble un aspect diffus et lourd.

En considérant l’emploi des vuides et des pleins, en architecture, sons le rapport de sentiment et de goût, et abstraction faite des raisons de solidité, qui cependant ne laissent pas d’y confondre aussi leur impression, on peut, ce nous semble, considérer l’effet de l’emploi dont nous parlons, comme correspondant en quelque sorte, à l’emploi que fait du forte, adagio, presto, et du piano, andante, allegro, le compositeur dans l’art des sons. Evidemment des mélanges de formes, soit en contrastes plus ou moins sensibles, soit par successions plus ou moins rapides, produisent par l’entremise des yeux, sur notre esprit, un effet


assez semblable à la succession des accens graves ou aigus, des sons lents ou vifs, des modulations sévères ou légères, qui, en frappant diversement l’organe de l’oreille, font passer notre ame, par un mouvement instinctif, dans des positions plus ou moins pénibles ou agréables.

Rien ne peut empêcher qu’un péristyle de colonnes massives, séparées entr’elles par des entre-colonnemens serrés, ne comporte et ne produise l’idée de sévérité, de gravité, et une sorte d’impression sérieuse. Rien ne peut empêcher au contraire que l’aspect d’un péristyle dont les colonnes sont élégamment fuselées et d’une proportion élancée avec des entre-colonnemens spacieux, ne tende à porter machinalement notre esprit vers l’idée correspondante aux sensations que nous recevrions d’une musique molle et diffuse.

Tous les arts sont appelés à produire les mêmes genres d’impressions sur nos sens, et par eux sur notre ame. Ces impressions sont réellement de même nature, leur genre est le même, c’est leur espèce qui est différente, ainsi que le mode de leur action. Or cette différence provient uniquement, soit des instrumens qu’ils emploient, soit des organes divers auxquels ils s’adressent, soit des parties de notre ame avec lesquelles ces organes sont plus particulièrement en rapport. Mais toutes ces impressions aboutissent à un centre commun, et c’est là qu’il faut aller chercher la raison de la communauté qui unit tous les arts, tant ceux dont les moyens dépendent spécialement de l’organe moral, que ceux qui ont pour intermédiaire l’organe physique.

Il y a ainsi des rapports sensibles, entre les effets des arts les plus indépendans de la matière, et entre les effets de ceux qui en emploient la réalité. Comment en seroit-il autrement, puisque les choses même les plus matérielles produisent sur notre ame des effets semblables à ceux qui résultent des pures conceptions de l’esprit ? Que l’on vous fasse entrer dans un vaste local tout tendu de noir, et peu éclairé, vous éprouverez une impression involontaire de tristesse, de mélancolie, et tout-à-fait semblable à celle que vous recevriex d’une musique, dont les accens plaintifs, les sons prolongés, les mêmes mesures toujours répétées sans changement de ton, vous accableroient de leur monotonie.

Mais n’en est-il pas de même des effets que nous font éprouver dans l’art d’écrire, un style clair, vif, serré, ou une manière de s’exprimer lente, diffuse, obscure ? Le débit même ou la déclamation, selon l’accent ou la prononciation de l’orateur, ne nous affectent-ils pas au point d’exciter et de soutenir notre attention, on d’appeler l’indifférence et l’ennui ? Le ton seul de la voix de celui qui parle, a la propriété, ou de tenir notre esprit éveillé, ou de nous endormir.

Tout art pouvant ainsi agir sur nos sens et sur notre esprit par des moyens divers, comme on le voit, en les considérant dans leurs agens mécaniques ou extérieurs, l’architecture doit donc, par le concours de ses formes, par l’emploi diversement modifié de la matière qu’elle met en œuvre, exciter en nous des impressions flatteuses ou non, des sensations pénibles ou agréables.

Or l’emploi des vuides et des pleins est, entre tous les moyens que nous avons appelés mécaniques ou extérieurs, un de ceux dont l’action est tout à la fois la plus certaine et la plus facile à démontrer. Ainsi un grand mur, formé de bossages fort saillans et sans presqu’aucune ouverture, fait à lui seul et compose la façade de la prison de Newgate à Londres, et toutes les idées pénibles que le mot de prison réveille en nous, paroissent écrites sur cette façade, tout le monde en est frappé ; s’il y avoit dans son élévation des fenêtres et des ouvertures nombreuses, l’effet dont on a parlé n’existeroit plus.

L’effet qui résulte si diversement de l’emploi des vuides et des pleins dans les édifices, s’explique si l’on veut par celui de monotonie ou de diversité. L’un et l’autre effet doit s’attacher au caractère différent de chaque édifice, et la monotonie y est un mérite quand l’édifice la commande. Tel est l’effet de pyramide pour un monument sépulcral. Mais nous ne considérons ici cet effet que sous le rapport matériel et sur son action sur le sens extérieur. Pourquoi, indépendamment de toute autre considération morale, la pyramide vous affecte-t-elle du sentiment de la monotonie ? On convien-


dra que cela est dû en partie à sa forme entièrement symétrique et privée de toute espèce de détails. Mais, n’en doutons pas, le manque absolu de tout vuide complète l’impression. Supposez-y des ouvertures, cette impression disparoîdra.

C’est ce même sentiment de diversité spécialement lié à la multiplicité des vuides dans toute espèce d’édifice, qui nous fait trouver du plaisir à l’emploi que l’architecture en fait, tant à l’extérieur que dans l’intérieur des monumens dont le caractère est d’accord avec cet emploi. De là le plaisir que nous procure la disposition de colonnes nombreuses. L’instinct de l’organe de la vue se trouve satisfait dans une semblable disposition qui excite notre curiosité. Les applications de cette théorie seroient nombreuses ; mais nous croyons en avoir assez dit à l’esprit, qui ne veut pas non plus qu’on lui dise tout, et qui aime à comprendre au-delà de ce qu’on lui présente, comme l’œil se se plaît à vouloir voir au-delà de ce qu’on lui montre.

On pousseroit an reste les conséquences de cette théorie beaucoup trop loin, si l’on prétendoit que l’architecte doive toujours subordonner ses conceptions aux résultats que nous avons indiqués. Beaucoup d’autres besoins réclament son attention, et il y auroit quelque puérilité, soit à régler les compositions, soit à mesurer l’estime qu’on doit en faire, sur ce seul point de vue. Nous n’avons prétendu qu’expliquer entre beaucoup d’autres causes des impressions produites par l’architecture, celle qui, dans bien des cas, résulte d’un emploi intelligent des vuides et des pleins